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d'un de ses anciens curés, M. le chanoine Dupire. Malgré cela, ses ressources lui permettent à peine de couvrir les dépenses ordinaires du culte.

Au mois de juillet 1842, le gouvernement belge reconnut la nécessité d'ériger en succursale la chapelle du faubourg de Lille et y affecta un traitement de succursaliste. M. Dupire, curé de Sainte-Marguerite, appelé à donner son avis sur cette question, déclara que le démembrement de sa paroisse n'était point nécessaire, ni même possible. Il envoya sa réponse le 3 août 1843. Il dit dans sa lettre : « Il faudroit acheter un terrain convenable, y bâtir une église, la meubler entièrement, pourvoir aux frais du culte, à la subsistance du curé, du chantre, il faudroit un presbytère, or la chapelle n'a qu'un revenu annuel de vingt-cinq francs à la charge des hospices qui doivent continuer et continuent à exonérer les offices religieux dont elle pourroit être grevée. »

Il ajoute ensuite : « Quant aux habitants qui sont au nombre de sept à huit cents (le rapport communal porte 717) on ne peut rien en espérer, attendu que les deux tiers. sont pauvres, et l'autre tiers, composé de faubourgtiers, boutiquiers, cabaretiers, n'est pas riche. De plus, ils déclarent hautement qu'ils ne contribueroient en rien, qu'ils veulent rester unis à la Mère église, qui elle-même est pauvre, et ne pourvoit qu'avec bien de la peine à son strict nécessaire. La fabrique qui n'a que quelques revenus insignifiants ne pourroit couvrir ses frais, malgré la grande économie qu'on y apporte, sans un subside annuel qu'elle reçoit de l'administration communale. »>

M. le chanoine Respilleux, curé-doyen de Notre-Dame, en vertu d'une commission spéciale, fit, de son côté, une enquête pour informer de l'utilité de l'érection en succursale de cette partie de la paroisse de Sainte-Marguerite.

Mgr Labis, évêque de Tournay, attendit plusieurs années avant de prendre une décision. Enfin après s'être entouré de tous les renseignements nécessaires, il crut« que la

partie extra muros de la paroisse de Sainte-Marguerite présentait, par sa situation, de grandes difficultés pour l'administration ecclésiastique, et que les habitants du faubourg de Lille seraient beaucoup mieux secourus en leurs nécessités spirituelles si leur chapelle était érigée en église succursale et gouvernée par un pasteur résidant. » Par son ordonnance du 26 octobre 1850, il érigea cette chapelle en succursale sous le titre de Saint-Lazare, et déclara que son territoire comprendrait toute la partie extra muros de la paroisse de Sainte-Marguerite.

L'église, la cure furent bâties, et la paroisse, qui compte maintenant environ mille habitants, est florissante, grâce au dévouement de son curé, M. Charles De la Roche.

En 1861, M. le curé Dupire donna sa démission, et fut remplacé par M. Dernaucourt, ancien professeur de poésie et de rhétorique au collège de Soignies et au petit Séminaire de Bonne-Espérance. Ce prêtre éminent avait conquis autrefois par ses talents et sa bonté les sympathies de tous ses élèves. Il gagna bientôt l'estime et l'amour de ses paroissiens par son zèle apostolique et son inépuisable charité. Il s'appliqua surtout à instruire ses ouailles et s'adonna sans relâche à la prédication. Sa santé délicate ne put résister longtemps à ces fatigues. En 1866, quelques jours après la solennité de la première communion, il fut subitement atteint d'une maladie cruelle qui l'emporta au bout de quelques heures. Sa mort plongea dans la consternation ses paroissiens; tous voulurent posséder son portrait, et à l'heure présente, ceux qui l'ont connu prononcent encore son nom avec la plus grande vénération.

Après M. Dernaucourt furent curés, M. Decamps, aujourd'hui président de l'hospice des Anciens-Prêtres; M. Stordeur, transféré en 1874, à Gouy-le-Piéton; M. Leclercq, Néri, nommé en 1880, à Saint-Nicolas-en-Bertaimont, à Mons, et M. Stimart, qui gouverne encore la paroisse.

L'église de Sainte-Marguerite continua d'être l'objet de la sollicitude de ses curés. La fabrique ne négligea rien pour

la maintenir en bon état. Bien que fort pauvre, à l'aide des ressources recueillies par ses soins, elle ordonna à l'intérieur d'importants travaux qui la rendirent très convenable. Elle fit plus. En 1875, elle pria M. Bruyenne, architecte, de dresser les plans et devis des travaux à effectuer pour la restaurer d'une manière plus complète. Ces plans et devis furent communiqués à l'administration communale, chargée en vertu du décret du 30 décembre 1809, des grosses réparations, et la fabrique s'engagea à prendre part dans les dépenses pour une soinme de 1500 francs. Aucune suite ne fut donnée à ces démarches. Sur ces entrefaites, à cause du mauvais état de la toiture, les voûtes à l'intérieur, les murailles de l'église et le clocher se détériorèrent.

Dans sa séance du 7 janvier 1880, le conseil communal s'occupa de l'église de Sainte-Marguerite. Il fut d'avis qu'il y avait lieu de la supprimer et de procéder à une nouvelle délimitation des paroisses de Tournay. Il adressa copie de sa délibération au gouverneur.

Par dépêches du 22 et du 31 janvier, M. le gouverneur communiqua les documents relatifs à l'entretien et à la conservation de l'église à Mgr l'administrateur apostolique, lui demandant ce qu'il pensait du projet de suppression mis en avant par le conseil communal.

Le 12 février, Mgr répondit qu'il regrettait de ne pouvoir se rallier à cet avis. « L'église de Sainte-Marguerite, dit le vénérable prélat, est placée au centre d'une population assez considérable et elle est, eu égard à sa destination, une des églises les plus heureusement situées de cette ville, à tel point que, si elle n'existait pas, il y aurait lieu de la créer. On a reconnu cette nécessité lors de la restauration du culte au commencement de ce siècle, et voilà pourquoi, en remplacement de l'église de Saint-Nicaise, supprimée pendant la tourmente révolutionnaire, on a affecté au culte paroissial la dite église qui avait appartenu à une ancienne corporation religieuse.

» La population qu'elle dessert depuis plus d'un demi-siècle et qui compte 2500 âmes environ, est une population presqu'entièrement ouvrière. Elle a, plus que toute autre, besoin d'avoir pour ainsi dire son église à sa portée. Elle est trop distante des autres églises les plus voisines, qui d'ailleurs ne sont pas assez vastes pour la contenir.

» Cette population serait donc parfaitement fondée à se plaindre si l'on venait à supprimer son église. Qui ne le sait d'ailleurs; il est bien plus aisé de créer de nouvelles paroisses que de supprimer des anciennes. Si au commencement de ce siècle, les Evêques ont, de concert avec le gouvernement, procédé à une nouvelle délimitation des paroisses de leurs diocèses, ils agissaient en vertu des pouvoirs extraordinaires que le Souverain Pontife leur avait conférés. Je ne pourrais consentir à la suppression de l'église de SainteMarguerite, qu'après m'y être fait autoriser par le Pape et je cherche en vain les motifs canoniques que je pourrais alléguer pour obtenir une semblable autorisation. »

Mgr l'administrateur ajoute qu'il faut tenir compte des sacrifices que les paroissiens se sont imposés pour conserver leur église, et réclame en terminant les bons offices du gouverneur pour amener l'administration communale à suppléer, conformément aux dispositions sur la matière, à l'insuffisance des ressources fabriciennes.

Toutes les pièces concernant cette affaire furent envoyées au Ministre de la Justice, M. Bara, de Tournay. Celui-ci après avoir pris communication du dossier, écrivit au gouverneur qu'il considérait la coexistence de la succursale de Sainte-Marguerite et celle de Saint-Quentin comme inutile, et qu'à son avis il n'y aurait pas d'inconvénient à les remplacer par une paroisse unique qui aurait pour circonscription le territoire des paroisses supprimées et dont le siége serait établi dans l'église de Saint-Quentin.

Le 29 mai, le gouverneur informa le conseil communal de la décision du Ministre, et le conseil à son tour, par lettre du 30 juin, en donna notification aux conseils de fabrique

de Sainte-Marguerite et de Saint-Quentin, en les priant de délibérer sur cette proposition.

Les fabriciens de Saint-Quentin répondirent qu'ils ne pouvaient consentir à l'union projetée des deux paroisses. Réunis en séance extraordinaire, le 26 juillet, ceux de Sainte-Marguerite furent unanimement d'avis qu'il n'y avait pas lieu de supprimer leur église, mais de la restaurer dans les parties qui ont besoin de réparations urgentes et de solliciter à cette fin les subsides nécessaires. Ils s'engagèrent en outre à intervenir dans la dépense pour une somme de 1500 à 2000 francs qui ne serait pas mise à charge du budget de la fabrique (1). Ils envoyèrent le 9 août une triple copie de leur délibération au conseil communal.

Celui-ci vota le 27 novembre la suppression de l'église de Sainte-Marguerite. Cette mesure produisit dans la popu-. lation et notamment dans la classe ouvrière une impression pénible. Huit jours plus tard les fabriciens écrivirent à M. le Ministre de la Justice pour l'informer de ce fait. Ils déclarèrent de nouveau que leur église est d'une utilité incontestable; que d'autre part l'église de Saint-Quentin est manifestement insuffisante pour desservir les habitants des deux paroisses. Ils énumèrent ensuite les travaux urgents que l'on doit faire à leur église. Puis ils ajoutent : « Selon l'avis d'un homme de l'art, la dépense pour la restauration complète pourrait être portée de 20 à 25000 francs, et nous nous engageons sans grever le budget de la fabrique à intervenir pour une somme de 9000 francs. Cette somme nécessaire pour la restauration de la toiture et de la corniche serait fournie par les paroissiens et par des personnes généreuses. Ils terminent en exprimant l'espoir que M. le Ministre, en considération de ces motifs et de l'effort généreux des fidèles de Sainte-Marguerite, voudra bien mettre

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(1) Furent présents à cette séance: MM. Romain Mahieu, président; Julien Favart, Louis Bracaval, A.-J. Delafosse, Auguste Dumortier et Stimart, curé.

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