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aux premiers élémens de l'art agricole et de l'économie rurale.

» 2o. Que dans nos écoles spéciales les professeurs d'histoire naturelle, de botanique, de physique, de chimie, soient tenus d'en faire l'application à l'agriculture; qu'ils décrivent les substances animales, minérales et végétales du sol français avant de s'occuper de celles qu'on trouve dans des contrées lointaines.

» 3. Enfin je désire que dans les maisons consacrées à l'instruction des ministres des différens cultes il y ait des cours de botanique, de physique et d'économie rurale.

>> On ne contestera pas leur caractère, on les croira toujours les ministres d'un dieu de miséricorde et de paix quand ils s'occuperont à répandre sur la terre ses bienfaits et ses largesses.

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On croit toujours à la mission de celui qui nous rend heureux.

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Citoyens tribuns, les observations que je viens de vous soumettre n'attaquent ni le principe ni les conséquences du projet de loi qui vous est présenté; elles ne tendent qu'à lui donner un plus grand degré d'utilité, et si vous les adoptez elles porteront la consolation et l'espérance dans nos champs; leurs habitans verront avec reconnaissance que le Tribunat regarde comme l'un de ses devoirs les plus sacrés de rappeler sans cesse leur intérêt au gouvernement, qui bientôt, n'en doutons pas, ne nous laissera même plus de vœux à former pour la prospérité de nos villes et de nos campagnes. Le passé, le présent sont pour nous de sûrs garans de l'avenir; le même génie tutélaire veille sur nous; mais l'époque actuelle est celle qu'il faut saisir; c'est un de ces momens heureux qu'on ne rencontre pas deux fois dans la vie des peuples, et surtout des empires.

»Nous expions encore les erreurs commises sous Louis XIV, et qui ont été si funestes à nos ateliers, à nos manufactures ; nous expions les erreurs que nous avons commises nous-mêmes dans notre système colonial : ne nous exposons pas à de nouveaux regrets en fondant un système d'instruction publique incomplet, et qui ne s'appuierait pas sur les bases larges et solides que la nature elle-même a données à la prospérité et à la grandeur du peuple français.

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» Nota. Plusieurs orateurs ont combattu les vues que je propose par des idées différentes : on eût pu en présenter mille autres; la carrière est sans bornes. Personne n'a répondu aux faits, à l'exemple de l'Europe entière et de la France elle-même. Laissons là les systèmes; écoutons enfin l'expérience :

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un seul fait détruit les plus belles théories, et tous les systèmes réunis ne détruiront pas un seul fait.

>>

OPINION de Duchesne, contre l'ensemble du projet de loi; prononcée au Tribunat. - Séance du 7 floréal

an 10.

Citoyens tribuns, je n'aurai point à vous entretenir de la théorie neuve et profonde développée par le rapporteur de la section de l'intérieur sur l'éducation publique, comparée aux institutions politiques, et sur l'influence que celles-ci ont toujours eue dans cette branche si importante de la législation des peuples libres.

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» Je m'empresse de reconnaître avec lui « que la vaste éten» due des états modernes, leurs relations commerciales et les » arts d'une civilisation plus avancée, ont rendu désormais impossibles (parmi nous) le retour des anciennes institu» tions de la Grèce,» relatives à l'éducation des jeunes citoyens ; et il me paraît plus curieux qu'utile de rechercher jusqu'à quel point ces institutions célèbres pourraient être conservées dans un pays où le gouvernement est fondé sur le système représentatif et sur la séparation des pouvoirs.

Mais cette forme de gouvernement que nous avons eu le bonheur de conquérir, et que nous désirons tous de conserver, s'alliant éminemment avec l'amour de la patrie, et étant d'ailleurs fondée sur l'égalité des droits, qui est la base du système représentatif, il s'agit de décider dans cet état de choses si l'instruction publique ne doit pas être un bienfait commun à tous les citoyens, et d'examiner ensuite si le projet de loi qu'on nous propose a atteint ce but dans toute la latitude que la nature même du bienfait doit comporter.

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Quand je me borne à parler d'instruction publique, j'entends, ainsi que le rapporteur, que nous n'avons point, que nous n'aurons jamais à nous occuper d'aucun plan d'éducation publique; parce qu'à cet égard l'expérience des temps modernes suffit pour repousser de vaines hypothèses, incompatibles avec nos habitudes sociales.

» Le même rapporteur a fort bien prouvé, et je me plais à emprunter ses expressions, qu'un grand peuple peut être libre et conserver son indépendance, sans se montrer « ivre de gloire comme les Athéniens, insatiable d'austérités comme les Spartiates, dévoré de l'ambition des conquêtes » comme les Romains. »

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Mais ce peuple cesserait bientôt d'être heureux et libre s'il retombait dans les ténèbres de l'ignorance : il faut qu'il soit instruit tout à la fois de ses droits et de ses devoirs; il faut

XVIII.

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que,

du sein même des dernières classes de la société, puissent jaillir des talens et des vertus que le défaut d'instruction laisserait enfouis, au grand détriment de la patrie; et c'est sous ce rapport que les premiers élémens de l'instruction publique deviennent un besoin pour tous les individus.

» Une vérité si sensible ne pouvait point échapper aux umières de la section chargée de l'examen du projet de loi; aussi l'a-t-elle développée par l'organe de son rapporteur, en nous disant qu'il ne faut qu'éclairer les hommes pour les >> attacher à leurs devoirs légitimes, à leurs intérêts véritables, » à tous les élémens du bonheur général et particulier; qu'en » un mot, c'est des lumières communes et de leur diffusion » dans les diverses classes de la société que dépendent la » liberté, l'indépendance, le repos et la prospérité des na» tions. >>

>>

J'ajouterai à ces observations que la nation française étant tout à la fois agricole, industrieuse et commerçante, et le génie de ses habitans les portant avec ardeur vers ces trois grandes sources de la prospérité générale, la culture, le commerce et les arts, il est de la politique du législateur de seconder de tout son pouvoir ces heureuses dispositions; or il ne peut le faire qu'à l'aide d'un premier degré d'instruction qui, sagement dirigée, doit nécessairement étendre le vaste domaine de l'industrie.

J'en appelle à cet égard à l'expérience de tous ceux qui ont été en situation de comparer le génie actif et entreprenant des habitans des montagnes à celui des habitans des plaines

circonvoisines.

» Les premiers, instruits de bonne heure dans la lecture, l'écriture et les premiers élémens du calcul, parce que la rigueur du climat ne leur permet aucune autre occupation dans la saison d'hiver, fournissent chaque année à l'Europe entière de nombreuses colonies qui portent partout leur utile et laborieuse industrie; des fortunes souvent rapides, et d'étonnans succès dans les arts, en sont souvent la récompense : tandis que les habitans des plaines, dépourvus des mêmes moyens de s'instruire dans leur jeunesse, languissent de race en race sur la glèbe qui les a vu naître.

» Donnez à tous la même instruction dans les écoles primaires; que la nation l'ordonne, l'encourage, et les protége; et vous obtiendrez bientôt les mêmes résultats. L'influence heureuse des lumières dissipera partout les erreurs et les honteux préjugés de l'ignorance; l'Etat y gagnera insensiblement un prodigieux accroissement de sujets propres à tous les arts industriels; car il est des connaissances dont il suffit de développer les premiers germes, en laissant au génie naturel de

l'homme ou à son intérêt particulier le soin de les perfec

tionner.

>> Une observation plus importante encore vient naturellement à la suite de ces réflexions générales.

» La révolution française ne s'est pas opérée en faveur seulement de certaines classes de la société; elle a eu pour but l'avantage commun d'une masse d'hommes absolument égaux quant à leurs droits civils et politiques. Tous ont concouru à précieuse conquête de la liberté; tous sont intéressés à la maintenir le retour d'aucun privilége ne doit en flétrir le triomphe, et le plus dangereux privilége serait celui qui priverait la majeure partie du peuple français des avantages inappréciables de l'instruction publique dans son premier degré, pour reporter toute la munificence nationale sur des écoles particulières, inaccessibles au plus grand nombre des citoyens.

:

» Ici ce n'est point de l'intérêt du trésor public que nous avons à nous occuper, mais bien plutôt du sort de la génération actuelle et des générations futures chez un peuple uon moins jaloux de sa véritable gloire que de sa liberté.

» Doit-on et peut-on laisser dans un état d'abandon les écoles primaires, lorsqu'on déploie tant de magnificence pour doter et soutenir des lycées et des écoles spéciales, dont l'utilité, sous le rapport du progrès des sciences et des arts, n'est pas moins incontestable? Cette immense population qui fait la force des états, mais qui ne saurait tout entière trouver place dans les écoles des degrés supérieurs, ne sera-t-elle pas en droit de reprocher au législateur son indifférence pour elle, quand elle verra qu'elle n'est comptée pour rien dans tous les sacrifices qu'exige l'instruction publique, et que ses propres instituteurs restent sans salaire ni récompense

» On ne peut se dissimuler, tribuns, que ces plaintes seraient à beaucoup d'égards fondées. Il reste donc à examiner si les dispositions du projet ne sont pas de nature à y donner lieu, et ce qu'il y aurait à faire pour les prévenir.

» La loi proposée organise trois degrés d'instruction; 1° dans les écoles primaires, qui seront établies par les communes; 2° dans les écoles secondaires, qui seront établies par des communes ou tenues par des maîtres particuliers; 3° dans les lycées et les écoles spéciales, qui seront seules et en grande partie entretenues aux frais du trésor public.

» C'est cette dernière disposition que j'attaque essentiellement, parce que j'ai déjà fait sentir qu'une dépense aussi véritablement nationale que l'est celle de l'instruction publique devait se reverser avec égalité sur toutes les classes de citoyens; parce que s'il est nécessaire d'étendre, dans un état tel que

la

France république, le domaine des arts et des sciences, afin qu'ils puissent y fleurir au plus haut degré, il l'est encore plus de pourvoir aux besoins immédiats de la classe nombreuse des artisans et des cultivateurs, et que cette dernière destination de fonds publics n'est pas moins sacrée ni moins impérieusement exigée que l'autre.

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Cependant on vous propose d'abandonner entièrement le premier degré de l'instruction publique à la seule vigilance des conseils généraux des communes, sous la surveillance des sous-préfets; on ne lui applique d'autres fonds que la rétribution fournie par les parens; et ce sera sur ces mêmes fonds que seront pris les frais de l'instruction gratuite qu'on espère de procurer à un cinquième des enfans dans chaque com

mune.

» A-t-on pu sérieusement se flatter de remonter les ressorts de l'instruction publique dans les campagnes avec de si faibles moyens!

» D'abord le projet n'établit rien de coactif; il laisse tout à la faculté des conseils généraux. Or si ces conseils négligent non de remplir un devoir imposé, mais d'exercer la simple faculté qu'on leur laisse, comment les sous-préfets pourront-ils les y contraindre? Même embarras si les communes peu populeuses refnsent de se réunir soit pour nommer un instituteur, soit pour lui assigner un logement; enfin, si les parens refusent de payer la rétribution qu'on attend de leur part, et s'ils préferent de se réunir entre eux pour salarier un instituteur de feur propre choix, quelle sera la ressource pour fournir l'instruction gratuite au cinquième des enfans admissibles dans les écoles primaires?

» Ainsi tout est illusion dans cette partie du nouveau système son succès ne repose d'un côté que sur le zèle constant des conseils généraux des communes; de l'autre que sur la bonne volonté et sur la générosité des parens qui jouiront d'une certaine aisance.

>>

» Peut-on bien se flatter d'organiser partout l'instruction publique et de la rendre uniforme avec de tels élémens? L'expérience de tout ce qui s'est passé jusqu'à présent dans les campagnes n'annonce--il pas au contraire que l'insouciance des administrateurs des communes, leurs petites rivalités entr'elles, le défaut de fonds spécialement affectés à l'instruction, et l'indigence ou l'avarice des parens, continueront, comme par le passé, d'opposer une barrière insurmontable à l'enseignement public?

» Je considérerai donc les écoles primaires comme des établissemens abandonnés au hasard de quelques dispositions

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