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PROPOSITION faite par Chabot (de l'Allier), tribun. = Même séance. (Après la lecture du message des consuls.)

Citoyens tribuns, chez tous les peuples on décerna des honneurs publics et des récompenses nationales aux hommes qui par des actions éclatantes avaient honoré leur pays, ou l'avaient sauvé de grands périls.

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Quel homme eut jamais plus que le général Bonaparte

des droits à la reconnaissance nationale!

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Quel homme, soit à la tête des armées, soit à la tête du gouvernement, honora davantage sa patrie, et lui rendit des services plus signalés!

» Sa valeur et son génie ont sauvé le peuple français des excès de l'anarchie, des fureurs de la guerre; et ce peuple est trop grand, trop magnanime, pour laisser sans une grande récompense tant de gloire et tant de bienfaits.

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Soyons, tribuns, soyons ses organes. C'est à nous surtout qu'il appartient de prendre l'initiative lorsqu'il s'agit d'exprimer, dans une circonstance si mémorable, les sentimens et la volonté du peuple.

" Je propose que le Tribunat prenne l'arrêté dont la teneur suit:

ARRÊTÉ. (Pris sur le champ, et à l'unanimité.)

» Le Tribunat émet le vœu qu'il soit donné au général Bonaparte, premier consul de la République, un gage éclatant de la reconnaissance nationale.

» Le Tribunat arrête que ce vœu sera adressé par des messagers d'état au Sénat conservateur, au Corps législatif et au gouvernement.

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DISCOURS prononcé par Siméon, orateur de la députation (1) chargée de porter aux consuls les félicitations du Tribunat sur la ratification du traité de paix. - Du 17 floréal an 10.

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Citoyens consuls, jamais les félicitations du Tribunat n'avaient été déterminées par des événemens aussi mémorables. Ce n'est plus une moisson brillante, mais sanglante et amère de lauriers; ce sont les fruits d'une guerre glorieuse, adoucis et mûris par la paix. A côté du magnifique tableau que les ora

(1) Nommée le 16, sur la proposition de Siméon; elle était composée de quinze membres, dont quatorze désignés par le sort.

teurs du gouvernement nous présentèrent hier de la situation où elle met l'Europe, nous pouvons placer celui de l'intérieur de la République, si embelli par la comparaison du passé, si riche des améliorations du présent, si heureux des espérances et des gages de l'avenir!

» Une nouvelle carrière s'ouvre devant le peuple français : le même génie et la même habileté y guideront ses chefs; les mêmes efforts les y seconderont; le même attachement les y suivra.

» Elles méritèrent bien de la patrie ces armées qui l'ont sauvée, défendue, agrandie; celui qui les conduisit tant de fois à la victoire a les mêmes droits sur la reconnaissanceġnationale. Ces droits sont écrits partout; je les lis sur les drapeaux de ces braves soldats, si fiers de la gloire de leur général; ils sont gravés sur les sommets des Alpes comme dans les plaines d'Italie.

» La victoire seule ne les a pas tracés ; d'autres monumens les attestent.

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Qui a pacifié la Vendée, fait cesser les dernières proscriptions, rendu la paix aux consciences, la liberté aux cultes, aux familles des membres chéris et malheureux ?

Je me hâte ; je crains de paraître louer quand il ne s'agit que d'être juste, et de marquer en peu de mots un sentiment profond, que l'ingratitude seule aurait pu étouffer. Nous attendons que le premier corps de la nation se rende l'interprète de ce sentiment général dont il n'est permis au Tribunat que de désirer et de voter l'expression. Quelle qu'elle soit, citoyen premier consul, elle ajoutera à vos honneurs les témoignages, si précieux pour une grande âme, de la reconnaissance publique; vous appartiendrez au peuple français par ce lien de plus, bien autrement puissant que celui du pouvoir et des dignités; il attachera plus que jamais votre bonheur au bonheur de la nation, et votre gloire à sa liberté. »

RÉPONSE du premier consul.

<< Le gouvernement est vivement touché des sentimens que vous manifestez au nom du Tribunat.

>> Cette justice que vous rendez à ses opérations est le prix le plus doux de ses efforts; il y reconnaît le résultat de ces communications plus intimes qui vous mettent en état de mieux apprécier la pureté de ses vues et de ses pensées.

»Pour moi, je reçois avec la plus sensible reconnaissance le vœu émis par le Tribunat.

»Je ne désire d'autre gloire que celle d'avoir rempli tout entière la tâche qui m'est imposée ; je n'ambitionne d'autre ré

compense que l'affection de mes concitoyens : heureux s'ils sont bien convaincus que les maux qu'ils pourraient éprouver seront toujours pour moi les maux les plus sensibles! que la vie ne m'est chère que par les services que je puis rendre à la patrie! que la mort même n'aura point d'amertume pour moi si mes derniers regards peuvent voir le bonheur de la République aussi assuré que sa gloire ! »

SÉNATUS-CONSULTE. Du 18 floréal an 10. (Adressé le 20 au Corps législatif et au Tribunat.)

« Le Sénat, réuni au nombre de membres prescrit par l'article 90 de l'Acte constitutionnel;

» Vu le message des consuls de la République, transmis par trois orateurs du gouvernement, et relatif à la paix de la France avec l'Angleterre ;

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Après avoir entendu sa commission spéciale, chargée, par son arrêté du 16 de ce mois, de lui présenter ses vues sur le témoignage de reconnaissance nationale que le Sénat est d'avis de donner au premier consul de la République ;

que

» Considérant dans les circonstances où se trouvent la République il est du devoir du Sénat conservateur d'employer tous les moyens que la Constitution a mis en son pouvoir pour donner au gouvernement la stabilité qui seule multiplie les ressources, inspire la confiance au dehors, établit le crédit au dedans, rassure les alliés, décourage les ennemis secrets, écarte les fléaux de la guerre, permet de jouir des fruits de la paix, et laisse à la sagesse le temps d'exécuter tout ce qu'elle peut concevoir pour le bonheur d'un peuple libre;

» Considérant de plus que le magistrat suprême qui, après avoir conduit tant de fois les légions républicaines à la victoire, délivré l'Italie, triomphé en Europe, en Afrique, en Asie, et rempli le monde de sa renommée, a préservé la France des horreurs de l'anarchie qui la menaçait, brisé la faux révolutionnaire, dissipé les factions, éteint les discordes civiles et les troubles religieux, ajouté aux bienfaits de la liberté ceux de l'ordre et de la sécurité, hâté les progrès des lumières, consolé l'humanité, et pacifié le continent et les mers, a les plus grands droits à la reconnaissance de ses concitoyens, ainsi qu'à l'admiration de la postérité;

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Que le vœu du Tribunat, parvenu au Sénat dans la séance de ce jour, peut dans cette circonstance être considéré comme celui de la nation française;

Que le Sénat ne peut pas exprimer plus solennellement au premier consul la reconnaissance de la nation qu'en lui

donnant une preuve éclatante de la confiance qu'il a inspirée

au peuple français ;

» Considérant enfin

que le second et le troisième consul ont dignement secondé les glorieux travaux du premier consul de la République :

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D'après tous ces motifs, et les suffrages ayant été recueillis au scrutin secret,

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Le Sénat décrète ce qui suit :

» Art. 1er. Le Sénat conservateur, au nom du peuple français, témoigne sa reconnaissance aux consuls de la République.

» 2. Le Sénat conservateur réélit le citoyen Napoléon Bonaparte premier consul de la République française pour les dix années qui suivront immédiatement les dix ans pour lesquels il a été nommé par l'article 39 de la Constitution.

» 3. Le présent sénatus-consulte sera transmis par un message au Corps législatif, au Tribunat et aux consuls de la République.

»Signé TRONCHET, président; CHASSET, SERRURIER, Secrétaires.»

MESSAGE adressé au Corps législatif et au Tribunat par les (second et troisième) consuls. Du 21 floréal

an 10.

« Les consuls de la République vous transmettent la réponse du premier consul à la délibération du Sénat conservateur en date du 18 de ce mois, et l'arrêté qu'ils ont pris en conséquence de la résolution du premier consul.

» Le second consul, signé CAMBACÉRÈS. »

" Du 19 floréal an 10 de la République » une et indivisible.

» BONAPARTE, premier consul de la République, au Sénat conservateur.

» Sénateurs, la preuve honorable d'estime consignée dans » votre délibération du 18 sera toujours gravée dans mon

» cœur.

» Le suffrage du peuple m'a investi de la suprême magis» trature: je ne me croirais pas assuré de sa confiance si l'acte qui m'y retiendrait n'était encore sanctionné par son suffrage.

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Dans les trois années qui viennent de s'écouler, la fortune a souri à la République; mais la fortune est inconstante, » et combien d'hommes qu'elle avait comblés de ses faveurs » ont vécu trop de quelques années!

XVIII.

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» L'intérêt de ma gloire et celui de mon bonheur semble>> raient avoir marqué le terme de ma vie publique au moment » où la paix du monde est proclamée.

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» Mais la gloire et le bonheur du citoyen doivent se taire quand l'intérêt de l'Etat et la bienveillance publique l'appellent.

»Vous jugez que je dois au peuple un nouveau sacrifice je » le ferai si le vœu du peuple me commande ce que votre suffrage autorise.

>>

>> Le premier consul, signé BONAPARTE. »

« Du 20 floréal an 10 de la République

» une et indivisible.

» Les consuls de la République, sur les rapports des ministres;

» Le Conseil d'état entendu;

» Vu l'acte du Sénat conservateur du 18 de ce mois ;

» Le message du premier consul au Sénat conservateur en date du lendemain 19;

>> Considérant que la résolution du premier consul est un hommage éclatant rendu à la souveraineté du peuple; que le peuple, consulté sur ses plus chers intérêts, ne doit connaître d'autres limites que ses intérêts mêmes;

» Arrêtent ce qui suit :

» Art. 1er. Le peuple français sera consulté sur cette question: Napoléon Bonaparte sera-t-il consul à vie?

» 2. Il sera ouvert dans chaque commune un registre où les citoyens seront invités à consigner leur vœu sur cette question.

» 3. Ces registres seront ouverts aux secrétariats de toutes les administrations, aux greffes de tous les tribunaux, chez tous les maires et tous les notaires.

» 4. Le délai pour voter dans chaque département sera de trois semaines, à compter du jour où cet arrêté sera parvenu à la préfecture, et de sept jours à compter de celui où l'expédition sera parvenue à chaque commune.

» 5. Les ministres sont chargés de l'exécution du présent arrêté, lequel sera inséré au Bulletin des lois.

» Le second consul, signé Cambacérès. »

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