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membre comme citoyen sur la question proposée au peuple français par l'arrêté des consuls de la République du 20 de ce mois; que l'ouverture d'un registre d'inscription dans l'enceinte du Corps législatif a pour objet de faciliter la prompte émission de ce vou, et qu'il suffisait que le résultat en fût transmis au gouvernement par la commission administrative. »>

Le Corps législatif passe à l'ordre du jour sur l'amendement proposé par Ségur, et adopte l'arrêté présenté par Vaublanc.

DISCOURS prononcé par Chabot ( de l'Allier ), orateur de la députation de quinze membres chargée de présenter au gouvernement les votes individuels des membres du Tribunat sur le consulat à vie. Le 24 floréal an 10.

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Citoyens consuls, nous venons déposer dans les mains du gouvernement les votes individuels des membres du Tribunat sur cette question soumise à la décision du peuple ; Napoléon Bonaparte sera-t-il consul à vie?

Voter sur cette grande question, c'était pour le Tribunat voter sur l'exécution même du vœu qu'il avait solennellement émis à sa séance du 16 floréal, et il était convenable sans doute qu'ayant pris l'initiative de la mesure, il fût aussi le premier à l'exécuter.

» Mais bientôt le peuple tout entier manifestera sa volonté suprême. Et comment ne s'empresserait-il pas d'attacher à ses destinées, par le lien le plus durable, l'homine dont la valeur et le génie ont déjà fait tant de prodiges! qui, toujours vainqueur à la tête des armées, fut toujours grand et magnanime à la tête du gouvernement; qui sauva la liberté publique, termina la guerre la plus sanglante par la paix la plus honorable, rétablit la morale et la religion, ramena l'ordre et la sécurité, et qui veut encore ajouter à tant de bienfaits celui de consacrer sa vie entière au bonheur de ses concitoyens !

» C'est donc sur ses intérêts les plus chers que le peuple français est appelé à émettre son vœu ; et c'est aussi sous les rapports politiques de la plus haute importance qu'il doit considérer la proposition qui lui est faite de nommer à vie le chef de sa magistrature suprême.

» Il verra que cette mesure a surtout pour objet d'assurer le repos dont il a si grand besoin, de donner au gouvernement la stabilité qui fait sa force, de calmer les inquiétudes et les craintes sur les événemens futurs, d'éloigner pour jamais les prétentions et les espérances de tous les partis; de fixer en un inot l'avenir, et de terminer pour toujours la révolution.

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» Tels sont les grands motifs qui ont déterminé le Tribunat dans les résolutions qu'il a prises, et sans doute la nation tout entière les sanctionnera bientôt par ses suffrages.

Une autre considération importante s'offre encore aux amis de la liberté.

Trop souvent pendant le cours de la révolution on n'avait invoqué la souveraineté du peuple que pour faire en son nom les actes les plus contraires à ses droits.

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Aujourd'hui le premier magistrat de la nation demande lui-même qu'elle soit consultée sur la durée de ses fonctions. Et la nation est convoquée pour exprimer son vou.

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Que cet hommage éclatant rendu à la souveraineté du peuple soit solennellement proclamé!

» Mais qu'avait-on besoin de cette garantie nouvelle ?

» Bonaparte a des idées trop grandes et trop généreuses pour s'écarter jamais des principes libéraux qui ont fait la révolution et fondé la République.

» Il aime trop la véritable gloire pour flétrir jamais par des abus de pouvoir la gloire immense qu'il s'est acquise. » En acceptant l'honneur d'être le magistrat suprême des Français, il contracte de grandes obligations, et il les remplira

>>

toutes.

>> La nation qui l'appelle à la gouverner est libre et généreuse; il respectera, il affermira sa liberté, et ne fera rien qui ne soit digne d'elle.

>> Investi de sa confiance entière, il n'usera du pouvoir qu'elle lui délégue que pour la rendre heureuse et florissante.

» Il distinguera ses véritables amis, qui lui diront la vérité, d'avec les flatteurs, qui chercheront à le tromper.

» Il s'entourera des hommes de bien, qui, ayant fait la révolution, sont intéressés à la soutenir.

» Il sentira qu'il est de son intérêt comme de sa gloire de conserver aux autorités chargées de concourir avec lui à la formation des lois de l'Etat la dignité, la force et l'indépendance que doivent avoir les législateurs d'un grand peuple.

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Bonaparte enfin sera toujours lui-même; il voudra que sa mémoire arrive glorieuse et sans reproche jusqu'à la postérité la plus reculée ; et ce ne sera jamais de Bonaparte qu'on pourra dire qu'il a vécu trop de quelques années! »

RÉPONSE du premier consul.

« Ce témoignage de l'affection du Tribunat est précieux au gouvernement.

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L'union de tous les corps de l'Etat est pour la nation une garantie de stabilité et de bonheur.

» La marche du gouvernement sera constamment dirigée dans l'intérêt du peuple, d'où dérivent tous les pouvoirs, et pour qui seul travaillent tous les gens de bien. »

DISCOURS prononcé par Viennot-Vaublanc, orateur-de la députation (de cent deux membres) chargée de porter au gouvernement le vœu du Corps législatif sur le consulat à vie. Le 24 floréal an 10.

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Citoyens consuls, le Corps législatif, après avoir félicité le gouvernement sur la paix générale, devait, d'après la nature de ses fonctions, attendre que le Sénat conservateur et le Tribunat prissent l'initiative de la reconnaissance nationale.

» En recevant le vœu prononcé par le Tribunat nous avons regretté que les bornes constitutionnelles de nos fonctions ne nous permissent pas de nous unir à une démarche qui n'était que l'expression du vœu de tous les Français.

» L'arrêté que le gouvernement nous a transmis consacre l'hommage que le premier consul a rendu à la souveraineté nationale. Le Corps législatif a vu dans cet appel fait à une nation libre le seul moyen digne d'elle de proclamer une noble récompense des plus nobles travaux ; il a cru qu'il devait annoncer son opinion par une démarche solennelle. Il partage la reconnaissance exprimée par les actes du Sénat et du Tribunat, et rend hommage, comme le gouvernement, au principe de la souveraineté nationale: c'est à elle à prononcer, c'est à elle à marquer les premières années d'une magistrature si glorieuse par une résolution utile aux intérêts de la République, rassurante pour le repos de l'Europe, autant qu'honorable pour le magistrat illustre qui en est l'objet,

» Citoyen premier consul,

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Lorsque le génie de la France vous confia ses destinées vous nous promîtes la paix. Cette promesse solennelle retentit dans tous les cœurs; et aux difficultés de ce grand ouvrage une confiance inébranlable opposait la promesse du premier magistrat: elle est accomplie aujourd'hui; la France n'a plus d'enpemis.

» Nous attendons de vous maintenant le plus haut degré de gloire et de prospérité auquel un peuple puisse parvenir par la liberté politique, civile et religieuse; par l'agriculture, le commerce, les arts de l'industrie et du génie. Vos principes et vos talens en sont un gage assuré; et, aux obstacles que présentera la nature des choses, la confiance nationale opposera la magnanimité de vos desseins et la constance de vos travaux.

» Ainsi toujours, entre le peuple et vous, subsistera le lien inaltérable d'une auguste et mutuelle confiance, qui lui garan tit vos efforts pour son bonheur, et vous assure des siens pour

vos succès.

» Bientôt, par une résolution nationale, sera satisfaite la reconnaissance publique, et le gouvernement affermi; bientôt seront récompensés les travaux d'une magistrature couverte par vous d'un éclat digne de la grandeur du peuple qui l'a instituée. »

RÉPONSE du premier consul,

«Les sentimens que vous venez d'exprimer, et cette députation solennelle, sont pour le gouvernement un gage précieux de l'estime du Corps législatif.

J'ai été appelé à la magistrature suprême dans des circonstances telles que le peuple n'a pu peser dans le calme de la

réflexion le mérite de son choix.

. Alors la République était déchirée par la guerre civile ; l'ennemi menaçait les frontières; il n'y avait plus ni sécurité ni gouvernement. Dans une telle crise ce choix a pu ne paraître que le produit indélibéré de ses alarmes.

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Aujourd'hui la paix est rétablie avec toutes les puissances de l'Europe; les citoyens n'offrent plus que l'image d'une famille réunie, et l'expérience qu'ils ont faite de leur gouvernement les a éclairés sur la valeur de leur premier choix. Qu'ils manifestent leur volonté dans toute sa franchise et dans toute son indépendance; elle sera obéie : quelle que soit ma destinée, consul ou citoyen, je n'existerai que pour la grandeur et la félicité de la France. »

DISCOURS sur le traité de paix d'Amiens, prononcé par Gallois, orateur du Tribunat, devant le Corps législatif. - Séance du 30 floréal an 10.

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Législateurs, le traité conclu à Amiens, et que vous avez transmis au Tribunat, rétablit l'union entre deux peuples dont la guerre ou la paix produit depuis un siècle la guerre ou la paix du inonde; il est le dernier acte de la pacification générale.

Cette guerre désastreuse, qui pendant dix années avait bouleversé l'Europe, si terrible par l'énergie de sa cause, par toutes les passions qu'elle avait soulevées, par tous les moyens d'action et de résistance qu'elle avait inspirés, par les revers comme par les succès des principes contraires qui en dirigeaient les mouvemens, est enfin terminée par une paix que peuvent

également avouer l'honneur et l'intérêt des nations, par une paix digne des triomphes qui l'ont préparée et de tous les sentimens généreux qui l'ont invoquée et accomplie.

Comment un peuple qui voulait être libre et indépendant put-il trouver au rang de ses ennemis un peuple qui devait à son indépendance et à sa liberté toute sa puissance, son bonheur et sa gloire? Législateurs, laissons sur l'origine et toutes les circonstances de cette guerre le voile dont l'humanité vient eufin de les couvrir; ce n'est pas au jour de la réconciliation qu'il faut rappeler les souvenirs de la discorde.

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Trop longtemps les assemblées nationales des deux peuples ont retenti des sermens de la haine et des cris d'extermination; trop longtemps des vœux impies contre l'humanité ont été accueillis, honorés comme les vives expressions de l'amour de la patrie on voulait exalter les âmes; on ne faisait qu'enflammer les imaginations, et, sans donner à la guerre des moyens plus décisifs, on rendait le retour à la paix plus difficile.

>> Dans le cours de cette longue et cruelle division, quelques paroles de paix se firent entendre; mais la défiance, la crainte, d'anciens et profonds ressentimens étaient restés au fond des cœurs, et l'humanité perdit l'espérance de voir finir tant de maux. Il fallait, pour que la paix fût véritablement rétablie, que les hommes dont les passions avaient allumé la guerre, ou dont l'aveugle obstination l'avait tant prolongée, eussent perdu leur funeste influence dans les conseils des états; il fallait qu'en France un gouvernement, appelé par tous les vœux et tous les intérêts, fort de la confiance de la nation et de l'ascendant de la gloire, pût offrir à l'Europe, dans la paix intérieure rétablie par ses soins, un gage de stabilité pour la paix étrangère.

» Alors l'Europe vit un terme aux calamités dont elle était accablée; tous les obstacles qui s'opposaient à la paix furent enfin écartés; tous les motifs, toutes les circonstances qui pouvaient en diminuer les difficultés se trouvèrent réunis ; et tandis que le roi de la Grande-Bretagne présentait à la France, pour la sincère et prompte conciliation de leurs intérêts, l'honorable caractère d'un des plus illustres citoyens de l'empire britannique, le premier magistrat de la nation confiait l'expression du vou public et de ses sentimens à la noble franchise, à la libéralité d'esprit et aux affections personnelles du négociateur qui l'avait secondé avec tant de succès dans les premiers actes de la pacification générale : ce choix fut pour ainsi dire la proclamation de la paix. Trois mois, en effet, s'étaient à peine écoulés, et la paix était rendue au monde.

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