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Législateurs, avant de vous offrir les considérations générales qui résultent de ce traité, je dois mettre sous vos yeux l'examen de ses dispositions principales.

» La première est relative aux prisonniers des deux états. Il a été décidé l'article 2 que par les dépenses d'entretien et de nourriture des prisonniers de chaque nation seraient payées par leurs gouvernemens respectifs.

» C'est à la paix de 1763 que cette règle a été établie pour la première fois. L'Angleterre avait pris pendant le cours de la guerre environ vingt-un mille matelots français; elle exigea l'article 3 du traité que leurs dépenses seraient payées par la France. La même disposition fut renouvelée à la paix de 1783.

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» Les discussions qui s'étaient élevées sur cet objet à l'époque des préliminaires se sont reproduites dans la négociation du traité définitif. « Les puissances contractantes, disaient les préliminaires, se réservent de décider cette question par le » traité définitif, conformément au droit des gens et aux prin»cipes consacrés par l'usage. » Le droit des gens et les principes consacrés par l'usage étaient sans doute suffisamment établis par cette longue suite de traités uniformes d'après lesquels, y est-il dit, « les prisonniers sont rendus sans rançon ni répétition quelconque »; et ce droit et cet usage ne pouvaient être altérés par les seuls traités de 1763 et de 1783, qu'on pe doit regarder que comme des exceptions. Le gouvernement français, après avoir refusé de reconnaître cette disposition comme principe, l'a adoptée comme moyen plus prompt de conciliation et de paix ; mais il a fait admettre par compensation « qu'on porterait en compte non seulement les dépenses » faites par les prisonniers des nations respectives, mais aussi par les troupes étrangères qui, avant d'être prises, étaient » à la solde et à la disposition de l'une des parties contrac

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>> tantes. »

» La justice de cette compensation a été hautement reconnue par l'un des ministres britanniques dans la séance de la chambre des communes du 4 novembre dernier. Il a déclaré que, puisque ces troupes étaient non seulement à la solde, mais » à la disposition de l'Angleterre, il était raisonnable de les » traiter comme prisonniers de guerre anglais.

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» Déjà le gouvernement anglais s'est empressé de rendre à leur patrie ces braves Français qui dans les rigueurs d'une longue captivité, aggravées encore sans mesure par des passions politiques qui leur étaient étrangères, ne cessaient de faire des vœux pour la prospérité de la France, et lui offraient chaque jour, dans les chants consacrés à la victoire nationale,

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leur enthousiasme pour sa gloire, et l'oubli de tous les maux qu'ils souffraient pour elle.

>> Toutes les possessions et colonies de la République fran→ çaise et de ses alliés, qui ont été conquises par l'Angleterre dans le cours de la guerre actuelle, leur sont restituées, à l'exception de l'île de la Trinité, qui est cédée par l'Espagne à l'Angleterre, et les établissemens de l'île de Ceylan, qui lui sont cédés par la république Batave. Le cap de Bonne-Esperance reste à la république Batave en toute souveraineté comme avant la guerre.

» Ainsi la France recouvre la Martinique, Sainte-Lucie et Tabago, améliorées, et surtout préservées des calamités de la guerre et de la dévastation des troubles intérieurs ; elle recouvre ses établissemens d'Afrique et de l'Inde, prêts à recevoir toutes les impulsions d'une industrie plus libre, plus active et plus forte. Bientôt le commerce, reprenant son essor, protégé par une législation éclairée, par un gouvernement juste et ferme, par la gloire du nom français, rentrera dans ses anciennes routes, et en cherchera de nouvelles.

» Nos pêcheries sur les côtes de Terre-Neuve, etc., « sont remises, par l'article 15, sur le même pied où elles étaient » avant la

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guerre.

» On sait que le traité de paix du 3 septembre 1783 termina toutes les contestations qui existaient depuis le traité d'Utrecht, en réglant de nouvelles limites, et que la déclaration explica tive du même jour donna à la pêche française plus de facilités et de sûreté. Il résulta de ce nouvel ordre de choses une très grande amélioration on voit en effet, par les tableaux comparatifs de 1773 et de 1788, que dans l'espace de ces quinze années les valeurs d'exportation s'élevèrent de six millions à douze millions et demi. L'honneur du pavillon français fut rétabl par ce traité; la pêche fut protégée par les bâtimens de guerre jusqu'en 1793; nos pêcheries, sur un territoire borné, occupaient autant de bras que toutes les pêcheries anglaises.

» Le traité d'Amiens nous replace dans la même situation où nous étions avant la guerre. Bientôt une grande activité régnera dans les ports de l'Océan destinés à ces expéditions; et déjà les capitaux, reprenant leur ancienne direction, vont ranimer et étendre cette branche précieuse du commerce et de la marine de la France.

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L'Angleterre restitue à la république Batave ses îles à épiceries, ses établissemens de l'Inde et ses colonies de Surinam, Demerari, Berbice, Essequibo, que les capitaux et l'industrie des Anglais ont portées au plus haut degré de prospérité. Des états authentiques publiés récemment prouvent qu'en 1801 les

exportations de quelques denrées ont été les unes vingt fois, les autres quarante fois plus considérables qu'en 1799. Ainsi l'occupation temporaire de ces colonies par l'Angleterre aura donné à la république Batave un accroissement de richesses dans cette partie du monde.

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L'Angleterre n'a certainement faire valoir comme un sacrifice la restitution du Cap; il a été prouvé, par des calculs qui paraissent mériter toute confiance, que le commerce du Cap depuis que l'Angleterre le possède, c'est à dire depuis 1795, n'est entré dans son commerce général que pour la sixcentième partie.

On sait d'ailleurs daus quelles dépenses excessives cet établissement a jusqu'ici entraîné le gouvernement anglais. Ce n'est que sous l'administration économe et attentive des Hollandais que le Cap peut être une possession utile, et payer les frais de son régime civil et militaire.

» Le changement que la révolution batave a produit dans le système politique et administratif de la République, en faisant cesser la domination des intérêts exclusifs, et introduisant plus de liberté dans l'organisation commerciale du Cap, va donner à cette colonie un degré de prospérité qu'elle n'avait jamais eu.

» Tout ce que l'Angleterre pouvait désirer, c'est le droit qui lui est accordé, ainsi qu'aux autres puissances contrac→ tantes, d'y faire relâcher leurs bâtimens de toute espèce » et d'y acheter les approvisionnemens nécessaires, comme auparavant, sans payer d'autres droits que ceux auxquels » la République batave assujettit les bâtimens de sa nation. » » Les établissemens de l'île de Ceylan sont pour l'Angle terre une acquisition très utile, considérés sous le rapport de

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l'intérêt politique ; elle y trouve des moyens de défense pour ses domaines de l'Inde, des ports vastes et sûrs pour ses flottes, des retraites pour ses armées; mais, sous le rapport de l'intérêt commercial, Ceylan n'a rien ajouté jusqu'ici à la richesse de ses possesseurs. Les longues et sanglantes guerres que la compagnie hollandaise a, eues à soutenir pendant un siècle avec les habitans de l'île et les vices de son régime intérieur y avaient arrêté tout progrès d'amélioration : il est reconnu qu'avant la guerre le revenu territorial, les douanes et les autres petites branches de commerce ne suffisaient pas pour payer les frais de son administration et de sa défense.

» Par l'article 4 le roi d'Espagne cède à l'Angleterre l'île de la Trinité, qu'elle occupe depuis 1797. Le gouvernement es pagnol avait déjà commencé la prospérité de cette colonie en ouvrant ses ports à tous les vaisseaux, en y appelant les capitaux et l'industrie de toutes les nations. Placée entre le nord

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et le sud de l'Amérique, cette île sera pour l'Angleterre un nouveau théâtre de combinaisons commerciales. Mais l'Espagne trouvera sans doute dans les améliorations qu'elle a déjà faites à son système colonial, et dans celles dont il est encore susceptible, le moyen d'affaiblir une activité qui lui serait nuisible.

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» La République, vous a dit le gouvernement dans son » message du 16 de ce mois, devait à ses engagemens et à » la fidélité de l'Espagne de faire tous ses efforts pour lui » conserver l'intégrité de son territoire : ce devoir elle l'a rempli dans tout le cours des négociations avec toute l'énergie que lui permettaient les circonstances. Le roi d'Espagne a reconnu la loyauté de ses alliés, et sa générosité a fait à la paix le sacrifice qu'ils s'étaient efforcés de lui épargner: il acquiert par là de nouveaux droits à la re» connaissance de l'Europe. Déjà le retour du commerce con» sole ses états des calamités de la guerre, et bientôt un esprit vivifiant portera dans ses vastes possessions une nou» velle activité et une nouvelle industrie. »

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L'article 7 détermine de nouvelles limites entre la Guyane française et la Guyane portugaise. La limite de l'intérieur reste au même point où l'avait fixée le traité de Madrid du 7 vendémiaire dernier. Celle du côté de la mer est établie à la rivière d'Arawari, et se trouve ainsi reculée d'environ un degré vers le nord. Mais le véritable objet qu'on devait se proposer est rempli, puisqu'on a enfin terminé des difficultés qui existaient depuis un siècle entre les deux états, en réglant des limites que le traité d'Utrecht avait mal indiquées, et qu'on a fait cesser de vains motifs d'inquiétude et de crainte.

» La rectification des frontières de l'Espagne et du Portugal, en Europe, reste fixée conformément à l'article 3 du traité de Badajoz, par lequel le district d'Olivenza a été cédé à l'Espagne.

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» L'article 10 a pour objet la nouvelle organisation de l'île de Malte. La création d'une langue maltaise, et le droit accordé aux habitans d'occuper la moitié des emplois civils, auront une grande influence sur l'amélioration du régime intérieur; les abus qu'on reprochait à l'ancienne administration pourront être plus facilement corrigés. Les Maltais, trouvant dans un gouvernement plus national la protection et l'exercice des droits dont ils se plaignaient d'être privés, n'iront plus, pour se soustraire à l'autorité établie, s'attacher au service des autres puissances, ou acheter les patentes d'un évêque ou d'un inquisiteur: on ne les verra plus faire naître leurs enfans sur une terre voisine pour leur donner, par le titre d'une naissance

étrangère, le droit de concourir au gouvernement de leur pays.

» D'après les articles préliminaires, l'île de Malte devait être évacuée par les troupes anglaises, et rendue à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem; on avait stipulé en outre que, pour assurer l'indépendance absolue de cette île, soit envers la France, soit envers l'Angleterre, elle serait mise sous la garantie et la protection d'une puissance tierce qui serait désignée par le traité définitif.

» On a trouvé sans doute trop de difficultés dans ce choix : on a dû craindre que l'indépendance d'un état faible placée sous la garantie d'un état puissant ne ressemblât trop à une dépendance réelle, et qu'une telle disposition ne fit naître les dangers mêmes qu'on voulait prévenir; on a dû voir que le seul moyen d'établir cette indépendance était d'appeler à la protection et à la garantie de ce nouvel ordre de choses toutes les puissances dont les intérêts opposés ne pouvaient être conciliés qu'en les réunissant dans un intérêt commun..

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L'indépendance de Malte et sa neutralité sont une mesure utile à toutes les puissances maritimes. Sa situation dans la Méditerranée, sa proximité des côtes d'Afrique, de celles d'Italie, de France et d'Espagne, auraient fait pour chacune d'elles, de la possession exclusive de cette île, un objet continuel de jalousie et d'inquiétude; aucune n'eût trouvé dans cette nouvelle acquisition des avantages suffisans pour dédommager des frais de défense et d'administration qu'elle aurait exigés. Quant à l'Angleterre en particulier, qui occupait cette île depuis deux ans, il est bien reconnu que. Malte ne peut offrir à son industrie aucun nouveau moyen de développement l'Angleterre n'a jamais eu dans le Levant qu'un commerce très borné; ses importations n'étaient pas de plus de sept millions de notre monnaie dans le même temps où celles de la France étaient de plus de trente-cinq. Pendant tout le cours de la guerre les exportations des manufactures anglaises n'ont pas excédé deux millions sept cent mille livres par année.

» L'intérêt commun des puissances maritimes est que les ports de Malte soient ouverts à leur commerce et à leur navigation, et que chacune d'elles puisse trouver dans un hospice général des moyens égaux de secours et de sûreté : cet avantage leur est assuré par lé traité.

» Une seule puissance est exceptée de ces dispositions; ce sont les états barbaresques. L'entrée des ports de Malte leur est interdite «< jusqu'à ce que, dit le § 9, par le moyen d'un ar»rangement que procureront les parties contractantes, le sys» tème d'hostilités qui subsiste entre les états barbaresques,

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