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l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem et les puissances pos» sédant des langues, ou concourant à leur exécution, ait » cessé. »

>> On ne pouvait en effet, dans l'état actuel d'hostilités, établir que l'ordre de Malte, qui reçoit de ces puissances une partie de ses revenus, offrirait dans ses ports à leurs ennemis un asile sûr, où ils pourraient attendre les bâtimens de commerce à leur sortie des ports de la Sicile, de l'Adriatique, du Levant.

» Mais cette union des quatre grandes puissances maritimes pour la liberté et la sûreté des mers, cette stipulation solennelle en faveur de la justice et de la civilisation, distinguent par un caractère bien honorable le système de politique qui a dirigé la négociation d'Amiens. Ce n'est point en effet pour leur propre intérêt qu'elles forment ce noble concours; leurs traités particuliers avec les puissances barbaresques donnent à leur commerce et à leur navigation une garantie suffisante: c'est pour des intérêts étrangers, que leurs anciens principes de politique, que les maximes hautement avouées de leurs écrivains et de leurs hommes d'état leur ont jusqu'ici dénoncés comme des intérêts ennemis, et que l'humanité peut justement leur reprocher d'avoir longtemps combattus par des inoyens trop peu dignes d'elles.

Puisse ce généreux projet, si digne d'un siècle qui donne tant d'espérances pour le triomphe des idées libérales, ramener enfin la culture, l'industrie, tous les bienfaits de la société civile sur ces côtes, si célèbres autrefois par leurs arts, leurs richesses, leur commerce, et où depuis tant de siècles une population immense végète dans l'ignorance, l'oppression et le pillage!

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L'article 20 consacre une disposition que réclamaient depuis longtemps la morale publique et l'intérêt général de la société : il autorise chacune des puissances contractantes à demander le renvoi devant les tribunaux de son territoire de toutes les personnes qui, après y avoir commis des crimes de meurtre, de falsification, de banqueroute frauduleuse, se seraient réfugiées sur le territoire de l'autre puissance. Mais cette traduction en justice ne pourra avoir lieu, est-il dit dans l'article, « que lors>> que l'évidence du crime sera si bien constatée que les lois du » lieu où l'on découvrira la personne ainsi accusée auraient au>> torisé sa détention et sa traduction devant la justice, au cas » que le crime y eût été commis. »

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Cet article fait cesser le scandale de ces asiles politiques qui offraient, dans le droit de juridiction territoriale, une invitation permanente aux délits étrangers; qui ouvraient aux

plus grands coupables de tous les empires une retraite sûre, où ils pouvaient braver les lois de leurs pays, et recueillir le fruit de tous leurs attentats. Il établit enfin le principe qu'il est des crimes qui par leur nature sont des actes d'hostilité contre le genre humain. Mais, en ôtant aux coupables cette grande espérance d'impunité, il laisse à l'innocence persécutée ou méconnue tous les secours que lui doit la bonté, tout l'appui que lui doit la justice; il lui laisse le droit de respirer en paix dans l'asile qu'elle a choisi. Il concilie ainsi le maintien de l'ordre public avec la protection de la liberté individuelle, les devoirs envers la société générale avec l'indépendance de l'Etat, la punition du crime avec le respect dû à la vertu mal

heureuse.

» Tels sont, législateurs, les principales dispositions du traité que vous avez offert à l'examen du Tribunat; vous y remarquerez, comme lui, l'esprit d'équité qui a présidé à la discussion de tous les droits, au balancement de toutes les prétentions, de toutes les espérances. C'est en effet dans ces compensations réciproques, dans ces combinaisons de pouvoir, de territoire et d'influence, faites avec justice et modération, que se trouve la véritable garantie de toute paix, parce que c'est là que se trouve l'intérêt qu'ont les puissances contractantes de 'en point interrompre le cours.

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L'expérience ne l'a que trop appris, ce n'est point l'acte de la pacification qui constitue la paix des peuples; un traité de paix n'est trop souvent qu'un appel au temps et à la for

tune.

» Qu'attendre en effet, pour le repos des empires, de ces stipulations immodérées qui satisfont un moment l'orgueil d'une nation aux dépens de son véritable intérêt, et ne savent que placer les peuples entre la jalousie qu'excite la puissance et le mépris qu'inspire la faiblesse ? Elles laissent le présent sans stabilité, et l'avenir sams garantie.

» Heureusement pour la tranquillité de l'Europe, cette paix est utile à chacune des puissances contractantes. Dans la situation forcée où les tenait depuis dix ans l'exagération continue de tous leurs moyens, la paix était devenue pour elles le premier, le plus impérieux des besoins; toutes avaient un égal intérêt de terminer une guerre destructive de leur agriculture, de leur industrie, de leur commerce. Il n'est aucune d'elles pour qui l'avantage qu'elle aurait désiré acquérir, ou qu'elle aurait voulu conserver, eût pu balancer les malheurs d'hostilités nouvelles.

» Partout en effet les plus éclatans, les plus solennels témoignages de la joie publique ont donné à cette paix, si long.

temps désirée, la sanction de la conscience nationale; partout la voix des peuples a déclaré que les gouvernemens pacificateurs avaient bien mérité de la patrie et de l'humanité.

» Le traité d'Amiens laisse la France et l'Angleterre dans la possession des avantages qui convenaient plus particulièrement à l'une et à l'autre par rapport à sa situation politique; elles ne peuvent ni se nuire par la nature de leurs acquisitions, ni se troubler dans l'emploi des moyens qui y sont analogues. La France a agrandi son empire continental. Forcée de vaincre pour n'être pas soumise à la domination du vainqueur, d'occuper le territoire de ses ennemis subir le parne pas pour tage du sien, elle en a conservé une partie comme compensation des calamités de la guerre.

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>> Et cet accroissement même, pour nous servir ici des pres expressions de l'un des ministres de sa majesté britannique,« cet accroissement n'est pas aussi grand qu'il pourrait » le paraître si on le compare à l'accroissement des autres puissances principales du continent, »>

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Mais la France a, comme l'Angleterre, de grands maux à réparer : elle a besoin de rétablir sur son territoire les principes de prospérité que la guerre extérieure et les troubles civils ont détruits ou affaiblis; elle a besoin de créer de nouvelles sources de richesses, proportionnées à l'accroissement de son empire et de son existence politique; elle a besoin qu'une législation éclairée, qu'une administration vigilante étendent partout leur commune influence, pour faciliter à l'industrie nationale tous ses moyens d'action, pour écarter les obstacles qui pourraient en contrarier les mouvemens.

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Et cependant, au moment même où toutes les pensées, tous les intérêts se dirigent vers le développement de sa force intérieure, des hommes dont les conseils violens ont si longtemps égaré les chefs des nations menacent l'Europe de l'ambition de la France, et appellent de nouvelles calamités pour le monde !

»

Non, l'Europe n'a point à craindre que la France, enivrée du souvenir de ses triomphes et du sentiment de sa grandeur, aille rouvrir la carrière des combats pour y chercher un prix si peu digne de sa véritable gloire. Lorsqu'elle vit son indépendance attaquée, son territoire menacé et près d'être envahi, elle s'arma, pour le maintien de ses droits, de toute la puissance que lui offraient la dignité nationale outragée et la liberté en péril à sa voix la partie la plus généreuse, la plus active, la plus énergique du peuple français courut se précipiter sur tous les champs de bataille pour y triompher ou périr. Elle triompha, et l'indépendance de l'Europe fut sauvée avec

l'indépendance de la France. La terre a retenti de ces miracles de la valeur, de la constance, du dévouement à la patrie, et l'histoire les redira aux dernières générations pour l'exemple et l'honneur de la nature humaine. Aujourd'hui le noble objet de tant d'efforts est rempli : la France a fait assez pour sa sûreté, pour sa gloire; elle sait que la force réelle d'un état est dans sa force reproductive, dans l'augmentation du travail dans l'accroissement et la circulation des capitaux, dans la liberté du commerce et de l'industrie, dans un système défensif bien organisé, dans les lois civiles qui protégent les personnes et les propriétés, dans les lois politiques qui sont la garantie des bonnes lois civiles et de leur impartiale exécution.

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«Bien des années, vous disait le gouvernement il y a peu » de jours, bien des années s'écouleront désormais sans vic»toires, sans triomphes, sans ces négociations éclatantes qui » font la destinée des états; mais d'autres succès doivent mar» quer l'existence des nations, et surtout l'existence de la République. Partout l'industrie s'éveille; partout le com» merce et les arts tendent à s'unir pour effacer les malheurs » de la guerre ; des travaux de tous les genres appellent la pensée du gouvernement. Le gouvernement remplira cette > nouvelle tâche avec succès aussi longtemps qu'il sera investi » de l'opinion du peuple français. Les années qui vont s'écou»ler seront moins célèbres; mais le bonheur de la France » s'accroîtra des chances de gloire qu'elle aura dédaignées.

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>> C'est dans cette direction invariable de toutes les pensées et de tous les efforts individuels, de tous les actes de la législation et du gouvernement vers l'amélioration de l'Etat, que se trouvent ainsi heureusement réunies et la garantie de la prospérité de la France et celle de la paix de l'Europe.

>>

L'Angleterre, pendant le cours de la guerre qui vient de finir, a acquis dans l'Inde un royaume riche et puissant, qui, réuni à son ancien territoire, forme le tiers du continent indien : la paix d'Amiens lui assure la possession des établissemens hollandais de Ceylan et de l'île de la Trinité. Ainsi un théâtre plus grand s'est ouvert aux entreprises de son industrie; bientôt de nouvelles combinaisons vont lier ensemble d'une manière plus intime toutes les parties de la puissance commerciale et de la puissance politique de la Grande-Bretagne.

» Tandis qu'elle enverra ses vaisseaux rouvrir ses anciens marchés, chercher partout des marchés nouveaux, la France, riche d'elle-même, ranimera, multipliera sur son vaste et fertile territoire tous les élémens de sa prospérité; elle rétabliřa ses routes, en construira de nouvelles, creusera des canaux, agrandira sa navigation et sa marine, étendra son commerce

par son agriculture, excitera l'action de toutes les industries, donnera plus de stabilité à ses institutions civiles et politiques et assurera sur leurs véritables bases la richesse, la puissance et la liberté de la nation.

» Ainsi la France et l'Angleterre, placées chacune dans une situation différente, et développant dans cette situation tous les moyens d'activité qui lui sont propres, marcheront ensemble vers un but commun, leur bonheur inutuel et le maintien de la paix du monde.

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» Éclairées enfin par une trop longue et trop funeste expérience, elles sauront que ce n'est plus ni la jalousie mercantile qu'elles doivent choisir pour conseil, ni les préventions nationales qu'elles doivent prendre pour règle de leurs rapports de commerce et de politique; elles sauront que leur véritable intérêt est dans l'accroissement réciproque de leur agriculture, de leur commerce et de leur industrie, pour que tous leurs moyens d'échange deviennent plus noinbreux, que tous les produits du territoire et de l'art acquièrent une plus grande valeur dans un marché plus étendu, plus rapproché, et dont les retours sont plus prompts; pour que des modèles nouveaux de perfection dans l'immense domaine des arts, des lettres et des sciences, soient constamment offerts à leur commune activité; enfin pour que la richesse de l'une devienne le gage permanent de la richesse de l'autre. Elles sauront que cette politique libérale est aujourd'hui le résultat nécessaire de la forces des choses, du progrès des lumières, de l'état des sociétés; et elles diront, avec cet illustre pair d'Angleterre dont la mort prématurée a été une calamité publique : donnons un autre but à la rivalité nationale; faisons fleurir ensemble, au sein de la paix, l'agriculture, les manufactures et le commerce.

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Que ce dernier vœu d'une âme généreuse, d'un véritable ami de son pays, devienne enfin le vœu des deux nations! Que l'émulation des bonnes lois, de la liberté, de tous les efforts de la raison humaine pour le perfectionnement de la société vienne enfin remplacer, dans le siècle qui commence, cette sanglante rivalité qui pendant huit siècles, et pendant quarante années du siècle dernier, a désolé les deux empires pour de vaines prétentions de territoire, de trône et de commerce exclusif! Oui, c'est à ce noble concours de toutes les lumières, de tous les arts, de toutes les vertus des deux nations, que sont maintenant attachées leurs nouvelles destinées et toutes les espérances du genre humain.

» Le Tribunat a voté à l'unanimité l'adoption du projet de loi.

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