reprend à peine le mouvement et la vie; lorsque l'intempérie des saisons nous livrait à une sorte de pénurie de subsistances, le peuple Français, appréciant les efforts du gouvernement, jugeant de ce que vous feriez par ce que vous aviez déjà fait, a juré de maintenir votre administration tant qu'il plaira au ciel de prolonger des jours si précieux à l'Etat. » Eh! quelles mains pouvaient plus dignement soutenir cet immense édifice, que celles qui l'ont commencé, et qui viennent de l'asseoir sur les plus solides fondemens! » Ainsi donc, général premier consul, tandis que la République entière se pressait autour de ses magistrats pour vous décerner les témoignages de sa gratitude, vous prépariez les développemens organiques de sa Constitution, vous méditiez en silence de nouveaux bienfaits, comme si vous eussiez voulu avertir les hommes qu'il est des dettes au niveau desquelles leur reconnaissance ne saurait atteindre, des dettes que leur amour seul peut acquitter. » Premier consul, la France a acquis au prix de ses malheurs une utile expérience: elle s'est convaincue que des spéculations savantes ne complettent point dans quelques jours la législation d'un grand peuple; que la théorie la plus attentive laisse toujours dans le corps politique quelques incohérences que la prévoyance humaine ne peut éviter. Si les parties de ce corps sont inflexibles, si leurs rapports sont immuables, la disproportion en apparence la plus légère menace l'ouvrage entier d'une prochaine destruction. » Votre prudence a su nous garantir de cet écueil : vous avez beaucoup fait pour la liberté; vous n'avez pas fait moins pour. la tranquillité publique, et vous vous êtes réservé la faculté de pourvoir encore au soutien de l'une et de l'autre, suivant que l'expérience en montrera la nécessité. » Ce n'était point assez d'assurer le bonheur présent; il fallait aussi préparer le repos de l'avenir, en assurant sans secousse la transmission du pouvoir, et par cette sage prévoyance mettre la France à l'abri de ces convulsions périodiques qui épuisent graduellement un état, qui le livrent à l'influence toujours croissante des nations étrangères, et dont le terme, aussi honteux qu'inévitable, est un démembrement par lequel s'anéantit son existence politique. >> Il vous appartenait de résoudre ce grand problème en respectant l'égalité, premier droit et premier bien des Français. Sans ouvrir des portes à la licence, vous avez conservé au peuple le droit de manifester sa volonté ; sans donner des armés à la tyrannie, vous avez ménagé au gouvernement des ressources pour réprimer les écarts de l'intrigue et de l'ambition populaire. Vous avez donné à la représentation nationale un caractère plus parfait en rattachant plus immédiatement le Corps législatif au peuple, dont sa destination le rend l'organe. Enfin vous avez donné une nouvelle existence à un Sénat qui, aboutissant d'un côté au peuple, représenté dans les colléges électoraux, se trouve de l'autre en contact avec les chefs du gouvernement; et par ce moyen vous avez établi un véritable intermédiaire entre le pouvoir et la souveraineté. L'allégresse de tous les amis de la chose publique est un garant de vos succès; les frémissemens mêmes de ses ennemis en offrent un gage non moins certain. » Premier consul, le Corps législatif, rempli d'admiration pour de si nobles travaux, s'enorgueillit d'être auprès de vous l'interprète des sentimens de la nation. » Elle vous a confié pour toute la durée de votre vie le soin de sa destinée; elle conserve auprès de vous deux magistrats de votre choix, qui, par la sagesse de leur caractère et leur haute expérience, ont contribué à alléger le poids de vos travaux. Elle n'a plus qu'un vœu à former. » Puissiez-vous pendant de longues années jouir de son bonheur, qui sera votre ouvrage, comme son amour est déjà votre récompense; et lorsqu'enfin, plein de gloire et de jours, vous irez recevoir la dernière récompense de vos vertus, puisse votre nom, inscrit à la première page des annales du consulat, être offert d'âge en âge à vos successeurs comme un grand exemple, à nos derniers neveux comme l'objet de la plus profonde vénération !», RÉPONSE du premier consul. « L'union du peuple français dans ces circonstances le rend digne de toute la grandeur et de toute la prospérité auxquelles il est appelé. » Le vœu formé plusieurs fois par le Corps législatif et le Tribunat vient d'être rempli par le sénatus-consulte, et les destins du peuple français sont désormais à l'abri de l'influence de l'étranger, qui, jaloux de notre gloire, et ne pouvant nous vaincre, aurait saisi toutes les occasions pour nous diviser. » Le Corps législatif est appelé, à sa première session, aux discussions les plus chères à l'intérêt public, et le gouvernement attend pour le convoquer le moment où tous les travaux des codes que le Conseil d'état et le Tribunat discutent seront plus avancés. » Dans cet intervalle le peuple organisera les différens colléges, et les membres du Corps législatif qui se trouvent dans. leurs départemens concourront par leurs conseils à éclairer les assemblées dont ils font partie sur leurs choix. XVIII. 18 » Le gouvernement accueille avec satisfaction les sentimens que vous venez de lui exprimer. » DISCOURS du Tribunat, prononcé (le même jour) par Challan, président. ་་ Citoyen premier consul, le peuple français vient de vous donner un témoignage éclatant de sa reconnaissance. » Il a vu par vous la victoire fixée près de ses drapeaux, la paix couronner le succès de ses armes, le calme intérieur rétabli, les cités repeuplées par l'indulgence, la liberté des consciences reconnue. >> Il a senti que la seule main qui en aussi de peu temps avait fait de si grandes choses pouvait en assurer la durée. » Son intérêt, celui de l'Europe entière s'unissaient à sa gratitude; il vous a fait consul à vie. » Par la sagesse de vos vues, tout, à côté de vous et dans la République, assure cette stabilité que le Tribunat avait désirée, et dont il avait posé la base en émettant son vœu. » Ce vœu est enfin accompli. 是 >> › Agréez, général premier consul, les félicitations du Tribunat; elles se confondent en ce jour mémorable avec les acclamations des citoyens. » Veuillez être aussi convaincu que le plus vif désir de chacun de nous est et sera toujours de contribuer à la stabilité du gouvernement, à sa gloire, au bonheur de la nation, et du premier consul à vie qu'elle se donne. » RÉPONSE du premier consul. «La stabilité de nos institutions assure la destinée de la République. » La considération des corps dépend toujours des services qu'ils rendent à la patrie. » Le Tribunat, appelé à discuter les projets de loi proposés par le Conseil d'état, constitue avec lui une des parties les plus essentielles à l'organisation législative. >> Egal en nombre, divisé comme lui en sections, il continuera de porter dans les discussions cet esprit de sagesse, cé zèle, ces talens dont il a donné, dont il donne aujourd'hui un si bel exemple dans l'examen du code civil. » Le gouvernement est, vivement touché des sentimens que vous venez d'exprimer. » Il y répondra toujours par son dévouement à la patrie. VI. DE LA NATURALISATION DES ÉTRANGERS. MOTIFS du sénatus-consulte proposé au Sénat dans sa séance du 16 vendémiaire an 11 (1); exposés par le conseiller d'état Regnault (de Saint-Jean d'Angely). ་་ « Sénateurs, la gloire qui environné la République, la richesse de son territoire, la douceur, la variété de son climat, l'abondance de ses productions, la réunion des monumens, des chefs-d'œuvre de tout genre, ouvrage de nos artistes ou conquêtes de nos guerriers, l'étendue sans cesse croissante de l'industrie nationale, la situation avantageuse de nos ports sur les deux mers, tout appelle les étrangers au sein de la France pacifiée et triomphante. " Les uns, attirés seulement par le désir de voir de près la grande nation, victorieuse avec ses propres forces de l'univers presque entièrement ligué contre elle, remportent dans leur pays l'étonnement et l'admiration; d'autres forment le vœu de s'associer à tant d'avantages, de partager des destinées si riches de réalités et d'espérances; ils aspirent à devenir Français. » L'Acte constitutionnel leur offre à la vérité des moyens d'obtenir le titre de citoyen; mais ces moyens, trop lents pour leur impatience, paraissent aussi trop lents pour l'intérêt public. L'article 3 du titre 1er de l'Acte constitutionnel n'autorise qu'un seul moyen de devenir citoyen français, c'est de ré (1) Sénatus-consulte adopté le 26 vendémiaire an 11, promulgué le 5 brumaire suivant ; il portait': « Art. rer. Pendant cinq ans, à compter de la publication du présent sénatus-consulte organique, les étrangers qui rendront ou qui auraient ren·lu des services importans à la République, qui apporteront dans son sein des talens, des inventions ou une industrie utiles, ou qui formeront de grands établissemens, pourront, après un an de domicile, être admis à jouir du droit de citoyen français. » 2. Ce droit leur sera conféré par un arrêté du gouvernement pris sur le rapport du ministre de l'intérieur, le Conseil d'état entendu. » 3. If sera délivré à l'impétrant une expédition dudit arrêté, visée par le grand juge ministre de la justice, et scellée du sceau de la République. » 4. L'impétrant, muni de cette expédition, se présentera devant la municipalité de son domicile, pour y prêter le serment d'être fidèle au gouvernement établi par la Constitution. Il sera tenu registre et dressé procès verbal de cette prestation de serment. » sider en France pendant dix ans après avoir déclaré l'intention de s'y fixer. » Mais si cette longue épreuve a pu paraître nécessaire à établir comme règle générale et pour tous les temps, ne doitelle pas avoir ses exceptions, motivées sur les circonstances, fondées sur l'intérêt public, autorisées par la justice, commandées même par la reconnaissance ? » En ce moment, où de nouvelles et de plus vastes limites sont posées à notre territoire, ne faut-il pas encourager à se fixer parmi nous ce propriétaire dont les possessions sont désormais sur le sol français, quand son habitation est restée sur le territoire étranger? ce négociant, cet armateur, qui a vu des routes longtemps fermées rouvertes aux spéculations commerciales, et qui veut apporter, établir dans nos ports ses capitaux, qu'il craint de voir oisifs ou mal employés, et son comptoir, dont il redoute la désertion ou la langueur, l'inactivité ou l'abandon? ces 9 Ne faut-il pas appeler dans nos cités manufacturières ces hommes dont quelques uns sont déjà arrivés parmi nous hommes dépositaires ou confidens de ces secrets qui décuplent, centuplent la force, l'activité des ouvriers par la manière de les employer? les auteurs de ces mécaniques précieuses, de ces découvertes fécondes, qu'au milieu de nos richesses en ce genre nous sommes cependant forcés d'envier à nos voisins, nos rivaux ? à N'est-il pas juste de récompenser les artistes qui, plus attachés encore aux arts qu'à leur pays, ne pourront peut-être se détacher ni des monumens antiques qui furent le prix de nos victoires, ni des monumens modernes qui les ont précédées ou consacrées, enfin de cet assemblage de chefs-d'œuvre où les élèves triomphént encore près de leurs maîtres, et les imitateurs près de leurs modèles? Enfin, si nos guerriers avaient ramené du théâtre de leurs expéditions lointaines des hommes généreux qui sur une terre étrangère leur auraient montré de l'affection et du dévouement, qui se seraient associés à leurs périls et à leurs succès avec un abandon assez absolu pour ne pouvoir plus rester dans leur patrie sans péril, ou loin des Français sans douleur, ne serait-il pas digne de la nation de leur rendre ce qu'ils auraient sacrifié pour elle? » Si ces vérités sont incontestables, si la politique, la raison et le sentiment s'unissent pour les avouer, il en résulte la nécessité d'une modification à l'Acte constitutionnel, d'une modification qui autorise l'exception à la règle générale établie dans l'article 3 du titre 1er. |