Page images
PDF
EPUB

» Chez tous les peuples l'usage de la naturalisation a été consacré.

» En France le prince accordait des lettres appelées lettres de naturalité, et qui, enregistrées dans les cours, donnaient toutes les prérogatives attachées au titre de Français.

» Les négocians qui venaient s'établir à Marseille y jouissaient des mêmes avantages que les habitans nés Français.

» La Constitution de 1791, article 4, réservait au Corps législatif le droit de donner un acte de naturalisation sans les délais et les conditions prescrites comme règles générales dans l'article précédent.

» Mais la publicité d'un tel acte, qui dans aucun temps ne serait sans inconvéniens, en aurait de plus grands encore dans les circonstances actuelles: la solennité des formes législatives est incompatible avec la réserve prudente ou même la sage discrétion qui peut être nécessaire dans la translation que projetterait un étranger de sa famille, de sa fortune, de son industrie.

> En Angleterre le monarque accorde des lettres qui conferent une partie des droits de naturalité; un bill du parlement est nécessaire pour en obtenir la plénitude.

» Mais à la sévérité de cette législation il est une infinité d'exceptions, toutes fondées sur les intérêts du commerce ou de la navigation.

» Un matelot qui sert deux ans durant la guerre, un négociant qui a habité les colonies pendant un certain temps, un homme employé pendant trois ans à la pêche de la baleine, sont naturalisés de droit en prêtant les sermens d'allégeance et de suprématie.

» C'est d'après ces principes, c'est en consultant ces exemples que le gouvernement a cru convenable de ne pas assujettir à de trop longues et trop éclatantes formalités les actes de naturalisation.

» Il a pensé qu'en confiant au gouvernement le droit de les accorder, et en exigeant le rapport et la discussion préalable au Conseil d'état, vous donneriez la garantie que cette faveur ne serait accordée que justement et en connaissance de cause et vous éviteriez le danger d'une imprudente publicité.

[ocr errors]

En adoptant le résultat des considérations importantes que le gouvernement présente à votre sagesse, vous assurerez à la France la jouissance et la multiplication des conquêtes nouvelles qu'elle est appelée à faire pendant la paix sur les nations étrangères, et qui, non moins que les conquêtes de la guerre, ajouteront à la puissance et à la prospérité de la République.

[ocr errors]

VII.

EXPOSÉ DE LA SITUATION DE LA RÉPUBLIQUE; lu devant le Corps législatif par le conseiller d'état Muraire. -Séance du 5 ventose an 11 (22 février 1803).

« Les événemens n'ont point trompé les vœux et l'attente du gouvernement. Le Corps législatif, au moment où il reprend ses travaux, retrouve la République plus forté de l'union des citoyens, plus active dans son industrie, plus confiante dans sa prospérité.

» L'exécution du concordat, sur laquelle des ennemis de l'ordre public avaient encore fondé de coupables espérances, a donné presque partout les résultats les plus heureux : les principes d'une religion éclairée, la voix du souverain pontife, la constance du gouvernement ont triomphe de tous les obstacles; des sacrifices mutuels ont réuni les ministres du culte. L'église gallicane renaît par les lumières et la concorde, et déjà un changement heureux se fait sentir dans les mœurs publiques. Les opinions et les cœurs se rapprochent; l'enfance redevient plus docile à la voix de ses parens, la jeunesse plus soumise à l'autorité des magistrats. La conscription s'exécute aux lieux où le nom seul de conscription soulevait les esprits, et servir la patrie y est une partie de la religion.

» Dans les départemens qu'a visités le premier consul il a recueilli partout le témoignage de ce retour aux principes qui font la force et le bonheur de la société.

» Dans l'Eure, dans la Seine-Inférieure, dans l'Oise, on est fier de la gloire nationale; on sent dans toute leur étendue les avantages de l'égalité; on bénit le retour de la paix; on bénit le rétablissement du culte public. C'est par tous ces liens que les cœurs ont été rattachés à l'Etat et à la Constitution.

» Le devoir du gouvernement est de nourrir et d'éclairer ces heurenses dispositions.

» Les autres cultes s'organisent, et des consistoires se composent de citoyens éclairés, défenseurs connus de l'ordre public, de la liberté civile et de la liberté religieuse.

» L'instruction publiqué, cet appui nécessaire des sociétés, est partout demandée avec ardeur; déjà s'ouvrent plusieurs lycées; déjà, comme le gouvernement l'avait prévu, une mul→ titude d'écoles particulières s'élèvent au rang d'écoles secondaires tous les citoyens sentent qu'il n'est point de bonheur sans lumières; que sans talens et sans connaissances il n'y a d'égalité que celle de la misère et de la servitude.

[ocr errors]

::

Une école militaire recevra de jeunes défenseurs de la pa

trie. Soldats, ils apprendront à supporter la vie des camps et les fatigues de la guerre ; par une longue obéissance, ils se formeront à l'art de commander, et apporteront aux armées la force et la discipline unies aux connaissances et aux talens.

» Dans les lycées, comme dans l'école militaire, la jeunesse des départemens nouvellement incorporés à la République vivra confondue avec la jeunesse de l'ancienne France : de la fusion des esprits et des mœurs, de la communication des habitudes et des caractères, du mélange des intérêts, des ambitions et des espérances, naîtra cette fraternité qui de plusieurs peuples ne fera qu'un seul peuple, destiné par sa position, par son courage, par ses vertus, à être le lien et l'exemple de l'Europe.

» L'Institut national, qui a sa puissance sur l'instruction publique, a reçu une direction plus utile, et désormais il déploiera sur le caractère de la nation, sur la langue, sur les sciences, sur les lettres et les arts une influence plus active.

» Pour assurer la stabilité de nos institutions naissantes, pour éloigner des regards des citoyens ce spectre de la discorde qui leur apparaissait encore dans le retour périodique des élections à la suprême magistrature, les amis de la patrie appelaient le consulat à vie sur la tête du premier magistrat : le peuple, consulté, a répondu à leur appel, et le Sénat a proclamé la volonté du peuple.

» Le système des listes d'éligibilité n'a pu résister au creuset de l'expérience et à la force de l'opinion publique.

[ocr errors]

L'organisation du Sénat était incomplete.

» La justice nationale était disséminée dans des tribunaux sans harmonie, sans dépendance mutuelle; point d'autorité qui les protégeât ou qui pût les réformer; point de liens qui les assujettissent à une discipline commune.

Il manquait enfin à la France un pouvoir que réclamait la justice même, celui de faire grâce. Combien de fois depuis douze ans il avait été invoqué! combien de malheureux avaient succombé victimes d'une inflexibilité que les sages reprochaient à nos lois! combien de coupables qu'une funeste indulgence avait acquittés parce que les peines étaient trop sévères !

» Un sénatus-consulte a rendu au peuple l'exercice des droits que l'Assemblée constituante avait reconnus; mais il les lui a rendus environnés de précautions qui le défendent de l'erreur ou de la précipitation de ses choix, qui assurent l'influence de la propriété et l'ascendant des lumières.

» Que les premières magistratures viennent à vaquer, les devoirs et la marche du Sénat sont tracés; des formes certaines garantissent la sagesse et la liberté de son choix, et la

soudaineté de ce choix ne laisse ní à l'ambition le moyen de conspirer, ni à l'anarchie le moyen de détruire.

» Le ciment du temps consolidera chaque jour cette institution tutélaire; elle sera le terme de toutes les inquiétudes, et le but de toutes les espérances, comme elle est la plus belle des récompenses promises aux services et aux vertus publiques.

» La justice embrasse d'une chaîne commune tous les tribunaux; ils ont leur subordination et leur censure; toujours libres dans l'exercice de leurs fonctions, toujours indépendans du pouvoir, et jamais indépendans des lois.

» Le droit de faire grâce, quand l'intérêt de la République l'exige, ou quand les circonstances commandent l'indulgence, est remis aux mains du premier magistrat; mais il ne lui est remis que sous la garde de la justice même, il ne l'exerce que sous les yeux d'un conseil, et après avoir consulté les organes les plus sévères de la loi.

»Si les institutions doivent être jugées par leurs effets, jamais institution n'eut un résultat plus important que le sénatus-consulte organique. C'est à compter de ce moment que le peuple français s'est confié à sa destinée, que les propriétés out repris leur valeur première, que se sont multipliées les longues spéculations: jusque là tout semblait flotter encore ; on aimait le présent, on doutait du lendemain, et les ennemis de la patrie nourrissaient toujours des espérances; depuis cette époque il ne leur reste que de l'impuissance et de la haine.

» L'île d'Elbe avait été cédée à la France; elle lui donnait un peuple doux, industrieux; deux ports superbes, une mine féconde et précieuse : mais, séparée de la France, elle ne pouvait être intimement attachée à aucun de ses départemens, ni soumise aux règles d'une administration commune. On a fait fléchir les principes sous la nécessité des circonstances; on a établi pour l'île d'Elbe les exceptions que commandaïent sa position et l'intérêt public.

» L'abdication du souverain, le vœu du peuple, la nécessité des choses, avaient mis le Piémont au pouvoir de la France. Au milieu des nations qui l'environnaient, avec les élémens qui composaient sa population, le Piémont ne pouvait supporter ni le poids de sa propre indépendance, ni les dépenses d'une monarchie : réuni à la France, il jouira de sa sécurité et de sa grandeur; ses citoyens, laborieux, éclairés, développeront leur industrie et leurs talens dans le sein des arts et de la paix.

» Dans l'intérieur de la France règne le calme et la sécurité; la vigilance des magistrats, une justice sévère, une gendarmerie fortement constituée, et dirigée par un chef qui a

vieilli dans la carrière de l'honneur, ont imprimé partout la terreur aux brigands.

» L'intérêt particulier s'est élevé jusqu'aux sentimens de l'intérêt public; les citoyens ont osé attaquer ceux qu'autrefois ils redoutaient, lors même qu'ils étaient enchaînés au pied des tribunaux; des communes entières se sont armées, et les ont détruits. L'étranger envie la sûreté de nos routes, et cette force publique qui, souvent invisible, mais toujours présente, veille sur ses pas, et le protége sans qu'il la réclame.

Dans le cours d'une année difficile, au milieu d'une pénurie générale, le pauvre ne s'est point défié des soins du gouvernement; il a supporté avec courage des privations nécessaires, et les secours qu'il avait su attendre il les a reçus avec reconnaissance.

» Le crime de faux n'est plus encouragé par l'espoir de l'impunité; le zèle des tribunaux chargés de le frapper, et la juste sévérité des lois, ont enfin arrêté les progrès de ce fléau qui menaçait la fortune publique et les fortunes particulières.

» Notre culture se perfectionne, et défie les cultures les plus vantées de l'Europe: dans tous les départemens il est des cultivateurs éclairés qui donnent des leçons et des exemples.

L'éducation des chevaux a été encouragée par des primes, l'amélioration des laines par l'introduction des troupeaux de races étrangères. Partout des administrateurs zélés recherchent et révèlent les richesses de notre sol, et propagent les méthodes utiles et les résultats heureux de l'expérience.

» Nos fabriques se multiplient, s'animent et s'éclairent ; émules entre elles, bientôt sans doute elles seront les rivales des fabriques les plus renommées dans l'étranger. Il ne manque désormais à leur prospérité que des capitaux moins chèrement achetés; mais déjà les capitaux abandonnent les spéculations hasardeuses de l'agiotage, et retournent à la terre et aux entreprises utiles. Plus de vingt mille ouvriers français, qui étaient dispersés dans l'Europe, sont rappelés par les soins et par les bienfaits du gouvernement, et vont être rendus à nos manufactures.

» Parmi nos fabriques il en est une plus particulière à la France, que Colbert échauffa de son génie; elle avait été ensevelie sous les ruines de Lyon; le gouvernement a mis tous ses soins à l'en retirer. Lyon renaît à la splendeur et à l'opulence, et déjà du sein de leurs ateliers ses fabricans imposent des tributs au luxe de l'Europe. Mais le principe de leurs succès est dans le luxe même de la France; c'est dans la mobilité de nos goûts et dans l'inconstance de nos modes que le luxe étranger doit trouver son aliment; c'est là ce qui fait mouvoir et vivre

« PreviousContinue »