Page images
PDF
EPUB

se relève plus fort, composé d'élémens plus homogènes, mieux combinés, et mieux assortis aux circonstances présentes et aux idées de notre siècle.

» Un ambassadeur français est à Constantinople, chargé de resserrer et de fortifier les liens qui nous attachent à une puissance qui semble chanceler, mais qu'il est de notre intérêt de soutenir et de rasseoir sur ses fondemens.

:

>> Des troupes britanniques sont toujours dans Alexandrie et dans Malte le gouvernement avait le droit de s'en plaindre ; mais il apprend que les vaisseaux qui doivent les ramener en Europe sont dans la Méditerranée.

» Le gouvernement garantit à la nation la paix du continent, et il lui est permis d'espérer la continuation de la paix maritime: cette paix est le besoin et la volonté de tous les peuples; pour la conserver, le gouvernement fera tout ce qui est compatible avec l'honneur national, essentiellement lié à la stricte exécution des traités.

» Mais en Angleterre deux partis se disputent le pouvoir: l'un a conclu la paix, et paraît décidé à la maintenir; l'autre a juré à la France une haine implacable de là cette fluctuation dans les opinions et dans les conseils, et cette attitude à la fois pacifique et menaçante.

» Tant que durera cette lutte des partis, il est des mesures que la prudence commande au gouvernement de la République : cinq cent mille hommes doivent être et seront prêts à la défendre et à la venger; étrange nécessité, que de misérables passions imposent à deux nations qu'un intérêt égal et une égale volonté attachent à la paix!

[ocr errors]

Quel que soit à Londres le succès de l'intrigue, elle n'entraînera point d'autres peuples dans des ligues nouvelles ; et, le gouvernement le dit avec un juste orgueil, seule l'Angleterre ne saurait aujourd'hui lutter contre la France.

» Mais ayons de meilleures espérances, et croyons plutôt qu'on n'écoutera dans le cabinet britannique que les conseils de sagesse et la voix de l'humanité.

la

>>

Oui, sans doute, la paix se consolidera tous les jours davantage; les relations des deux gouvernemens prendront ce caractère de bienveillance qui convient à leurs intérêts mutuels; un heureux repos fera oublier les longues calamités d'une guerre désastreuse, et la France et l'Angleterre, en faisant leur bonheur réciproque, mériteront la reconnaissance du monde en

tier. »

VIII.

DE LA RUPTURE DU TRAITÉ D'AMIENS.

MESSAGE des consuls de la République, adressé le 30 floréal an 11 au Sénat, au Corps législatif et au Tribunat.

:

« L'ambassadeur d'Angleterre a été rappelé forcé par cette circonstance, l'ambassadeur de la République a quitté un pays où il ne pouvait plus entendre des paroles de paix.

» Dans ce moment décisif le gouvernement met sous vos yeux, il mettra sous les yeux de la France et de l'Europe ses premières relations avec le ministère britannique, les négocia tions qui ont été terminées par le traité d'Amiens, et les nouvelles discussions qui semblent finir par une rupture absolue.

»Le siècle présent et la postérité y verront tout ce qu'il a fait pour mettre un terme aux calamités de la guerre, avec quelle modération, avec quelle patience il a travaillé à en prévenir le retour.

» Rien n'a pu rompre le cours des projets formés pour rallumer la discorde entre les deux nations.

» Le traité d'Amiens avait été négocié au milieu des clameurs d'un parti ennemi de la paix. A peine conclu, il fut l'objet d'une censure amère; on le représenta comme funeste à l'Angleterre parce qu'il n'était pas honteux pour la France. Bientôt on sema des inquiétudes, on simula des dangers sur lesquels on établit la nécessité d'un état de paix tel qu'il était un signal permanent d'hostilités nouvelles. On tint en réserve, on stipendia ces vils scélérats qui avaient déchiré le sein de leur patrie, et qu'on destine à le déchirer encore. Vains calculs de la haine! ce n'est plus cette France divisée par les factions et tourmentée par les orages, c'est la France rendue à la tranquillité intérieure, régénérée dans son administration et dans ses lois, prête à tomber de tout son poids sur l'étranger qui osera l'attaquer, et à se réunir contre les brigands qu'une atroce politique rejetterait encore sur son sol pour y organiser le pillage et les assassinats.

Enfin, un message inattendu (1) a tout à coup effrayé l'Angleterre d'armemens imaginaires en France et en Batavie,

(1) Message du 26 germinal, qui avait pour objet la levée annuelle des conscrits.

et supposé des discussions importantes qui divisaient les deux gouvernemens, tandis qu'aucune discussion pareille n'était connue du gouvernement français.

» Aussitôt des armemens formidables s'opèrent sur les côtes et dans les ports de la Grande-Bretagne; la mer est couverte de vaisseaux de guerre ; et c'est au milieu de cet appareil que le cabinet de Londres demande à la France l'abrogation d'un article fondamental du traité d'Amiens.

» Il voulait, disait-il, des garanties nouvelles; et il méconnaissait la sainteté des traités, dont l'exécution est la première des garanties que puissent se donner les nations.

» En vain la France a invoqué la foi jurée; en vain elle a rappelé les formes reçues parmi les nations; en vain elle a consenti à fermer les yeux sur l'inexécution actuelle de l'article du traité d'Amiens dont l'Angleterre prétendait s'affranchir; en vain elle a voulu remettre à prendre un parti définitif jusqu'au moment où l'Espagne et la Batavie, toutes deux parties contractantes, auraient manifesté leur volonté ; vainement enfin elle a proposé de réclamer la médiation des puissances qui avaient été appelées à garantir et qui ont garanti en effet la stipulation dont l'abrogation était demandée. Toutes les propositions ont été repoussées, et les demandes de l'Angleterre sont devenues plus impérieuses et plus absolues.

» Il n'était pas dans les principes du gouvernement de fléchir sous la menace; il n'était pas en son pouvoir de courber la majesté du peuple français sous des lois qu'on lui prescrivait avec des formes si hautaines et si nouvelles. S'il l'eût fait, il aurait consacré pour l'Angleterre le droit d'annuller par sa seule volonté toutes les stipulations qui l'obligent envers la France; il l'eût autorisée à exiger de la France des garanties nouvelles à la moindre alarme qu'il lui aurait plu de se forger; et de là deux nouveaux principes qui se seraient placés dans le droit public de la Grande-Bretagne à côté de celui par lequel elle a déshérité les autres nations de la souveraineté commune des mers, et soumis à ses lois et à ses réglemens l'indépendance de leur pavillon.

» Le gouvernement s'est arrêté à la ligne que lui ont tracée ses principes et ses devoirs. Les négociations sont interrompues; et nous sommes prêts à combattre si nous sommes attaqués.

» Du moins nous combattrons pour maintenir la foi des traités et pour l'honneur du nom français.

» Si nous avions cédé à une vaine terreur, il eût fallu bientôt combattre pour repousser des prétentions nouvelles; mais nous aurions combattu déshonorés par une première faiblesse,

XVIII.

19

déchus à nos propres yeux, et avilis aux yeux d'un ennemi qui nous aurait une fois fait ployer sous ses injustes prétentions.

» La nation se reposera dans le sentiment de ses forces. Quelles que soient les blessures que l'ennemi pourra nous faire dans des lieux où nous n'aurons pu ni le prévenir ni l'atteindre, le résultat de cette lutte sera tel que nous avons droit de l'attendre de la justice de notre cause et du courage de nos guer

riers.

[ocr errors][merged small]

RAPPORT sur les pièces relatives au traité d'Amiens et à sa rupture; fait au Tribunat par Daru, organe d'une commission spéciale. Séance du 3 prairial

an 11.

<< Tribuns, lorsque vous avez entendu un cri de guerre retentir dans l'Europe vous avez regardé autour de vous vous avez vu l'Europe pacifiée, le Nord tranquille, l'Empire d'accord sur son organisation, l'Autriche en possession de ses nouveaux états, la Suisse reprenant son ancien gouvernement et sa liberté, le saint Siége relevé, le royaume de Naples évacué par nos troupes, la maison d'Espagne assise sur les trois trônes que les traités lui ont assurés, les républiques d'Italie organisées, l'Angleterre établie dans ses conquêtes; et, jetant ensuite les yeux sur vos alliés, vous avez dû croire qu'eux seuls avaient à se plaindre. La république Batave attendait encore la restitution du cap de Bonne-Espérance; l'empire Ottoman celle de l'Egypte; vous-mêmes celle de Malte à l'ordre qui en est le souverain; et cependant ce n'était ni de la Hollande, ni de la Turquie, ni de la France que s'élevait ce cri de guerre; c'était de chez ce peuple qui seul donnait un juste sujet de plainte en retenant encore ces importantes posses

sions.

» Vous avez su qu'il y avait une négociation ouverte, quoiqu'il ne parût pas qu'il y eût de nouveaux intérêts à discuter; et vous venez d'apprendre que le seul résultat de cette négociation est une provocation offensante de la part de la puissance qui a différé l'exécution des traités, et qui s'y refuse aujourd'hui formellement.

[ocr errors]

Vous avez sous les yeux les pièces originales d'une si importante négociation; et quoique le délai de quelques heures soit insuffisant à un orateur pour en développer toutes les conséquences, il ne l'est pas pour que vous ayez déjà médité les grands intérêts dont je viens vous entretenir.

» Je vais vous présenter l'analise de la négociation, l'exposé

des griefs de l'Angleterre et de la France, l'examen des conditions proposées, et les résultats probables de la guerre par rapport aux deux états.

Lorsque la nation française, réunie pour la première fois en assemblée vraiment représentative, entreprit l'examen de son ancienne charte constitutionnelle, et ressaisit les droits imprescriptibles qui appartiennent à tous les peuples civilisés, on commença à concevoir quelques craintes sur les dispositions du cabinet anglais. Son ambassadeur, témoin oculaire de ces grands événemens, s'empressa d'assurer l'Assemblée nationale «< du désir ardent que le ministère anglais avait d'en» tretenir (1) l'amitié, l'harmonie qui subsistaient entre les >> deux nations. »

» Pour ôter aux étrangers tout prétexte de prendre part à nos discussions intérieures, les représentans du peuple proclamèrent l'amour de la nation pour la paix, sa renonciation à tout projet de conquête, son respect pour l'indépendance de tous les gouvernemens.

[ocr errors]

Quels projets d'agression aurait-on pu supposer à un peuple qui luttait avec effort contre son gouvernement, contre deux classes privilégiées, contre tant de préjugés ou d'habitudes; à un peuple divisé en plusieurs partis, agité dans ses villes, dans ses campagnes mêmes, épuisé dans ses finances, et égaré jusqu'à abolir précipitamment des impôts déjà insuffisans quoique odieux; à un peuple enfin dont les armées n'avaient jamais été si faibles, et qui les voyait commandées par des chefs ennemis de sa révolution?

» Un politique ordinaire pouvait dès lors prédire au peuple français vous allez avoir toute l'Europe à combattre; une guerre civile dévastera le tiers de la France; un grand nombre de vos citoyens ira se joindre à vos ennemis; vos flottes, vos places fortes, vos colonies seront livrées par la trahison; les factions vont vous déchirer ; le sang coulera au dedans comme au dehors, et la famine atteindra ceux qu'épargnera la hache ou l'épée.

» Mais où est le génie qui eût osé ajouter: Français, ne désespérez point de votre indépendance; que les citoyens restent fermes à leur poste; qu'un million de soldats se précipite vres les frontières : il est de grands hommes dans ces rangs obscurs! La constance des gens de bien triomphera du désordre et des factions; ils resteront inébranlables à l'aspect des têtes sanglantes, comme vos soldats devant les bataillons ennemis;

(1) Lettres de M. le duc de Dorset, ambassadeur d'Angleterre, des 26 juillet et 3 août 1789.

[ocr errors]
« PreviousContinue »