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une propriété personnelle un gage de la bonne éducation qu'ils ont reçue, et des liens qui les attachent à la patrie.

» On laisse aux évêques la liberté d'établir des chapitres cathédraux, et de choisir des coopérateurs connus sous le nom de vicaires généraux ; mais ils n'oublieront pas que ces coopérateurs naturels sont les prêtres attachés à la principale église du diocèse pour l'administration de la parole et des sacremens, et que la plus sage antiquité a toujours regardés comme le véritable sénat de l'évêque. Ils peuvent choisir encore, parmi les curés qui desservent les paroisses, un premier prêtre chargé de correspondre avec eux sur tout ce qui est relatif aux besoins et à la discipline des églises. Ce premier prêtre, quelquefois désigné sous le nom d'archiprétre, quelquefois sous celui de doyen rural, ou sous toute autre dénomination, a été connu dans le gouvernement de l'Eglise dès les temps les plus reculés.

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» Pour avoir de bons prêtres et de bons évêques il est nécessaire que ceux qui se destinent aux fonctions ecclésiastiques reçoivent l'instruction et contractent les habitudes convenables à leur état de là l'établissement des séminaires, autorisé et souvent ordonné par les lois (1). Les séminaires sont comme des maisons de probation où l'on examine la vocation des clercs, et où on les prépare à recevoir les ordres, et à faire les fonctions qui y sont attachées; l'enseignement des séminaires, comme celui de tous les autres établissemens d'instruction publique, est sous l'inspection du magistrat politique. Les articles organiques rappellent les dispositions des ordonnances qui enjoignent à tous professeurs de séminaire d'enseigner les maximes qui ont été l'objet de la déclaration du clergé de France de 1682, et qui ne peuvent être méconnues par aucun bon citoyen.

» C'est aux archevêques ou métropolitains à veiller sur la discipline des diocèses, à écouter les réclamations et les plaintes qui peuvent leur être portées contre les évêques; à pourvoir, pendant la vacance des siéges, au gouvernement des diocèses dans les lieux où il n'y a point de chapitres cathédraux autorisés par le dernier état de la discipline; à pourvoir par des vicaires généraux au gouvernement des siéges vacans.

» Toute distinction entre le clergé séculier et régulier est effacée. Les conciles généraux avaient depuis longtemps défendu d'établir de nouveaux ordres religieux, crainte que leur trop grande diversité n'apportât de la confusion dans l'Eglise ; et ils avaient ordonné à toutes les personnes engagées dans les ordres ou congrégations déjà existantes de rentrer dans leurs

(1) Ordonnance de Blois,

cloîtres et de s'abstenir de l'administration des cures, attendu que leur devoir était de s'occuper, dans le silence et dans la solitude, de leur propre perfection, et qu'ils n'avaient point reçu la mission de communiquer la perfection aux autres. Toutes ces prohibitions avaient été inutiles; il a été remarqué que la plupart des ordres religieux n'ont été établis que depuis les défenses qui ont été faites d'en former : il est à remarquer encore que, nonobstant les prohibitions des conciles, le clergé régulier continuait à gouverner des cures importantes. Ce qui est certain c'est que la ferveur dans chaque ordre religieux n'a guère duré plus d'un siècle, et qu'il fallait sans cesse établir des maisons de réforme, qui bientôt elles-mêmes avaient besoin de réformation.

»Toutes les institutions monastiques ont disparu; elles avaient été minées par le temps. Il n'est pas nécessaire à la religion qu'il existe des institutions pareilles, et, quand elles existent, il est nécessaire qu'elles remplissent le but pieux de leur établissement. La politique, d'accord avec la piété, a donc sagement fait de ne s'occuper que de la régénération des clercs séculiers, c'est à dire de ceux qui sont vraiment préposés, par leur origine et par leur caractère, à l'exercice du culte.

La discipline ecclésiastique ne sera plus défigurée par des exemptions et des priviléges funestes et injustes, ou par des établissemens arbitraires qui n'étaient point la religion.

» Tous les pasteurs exerceront leurs fonctions conformément aux lois de l'Etat et aux canons de l'Eglise ; ceux d'entre eux qui occupent le premier rang n'oublieront pas que toute domination leur est interdite sur les consciences, et qu'ils doivent respecter dans leurs inférieurs la liberté chrétienne, si fort recommandée par la loi évangélique, et qui ne comporte entre les différens ministres du culte qu'une autorité modérée et une obéissance raisonnable.

» Sous un gouvernement qui protége tous les cultes il importe que tous les cultes se tolerent réciproquement : le devoir des ecclésiastiques est donc de s'abstenir, dans l'exercice de leur ministère, de toute déclamation indiscrète qui pourrait troubler le bon ordre. Le christianisme, ami de l'humanité, commande lui-même de ménager ceux qui ont une croyance différente, de souffrir tout ce que Dieu souffre, et de vivre en paix avec tous les hommes.

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Quand on connaît la nature de l'esprit humain et la force des opinions religieuses, on ne peut s'aveugler sur la grande influence que les ministres de la religion peuvent avoir dans la société; cependant qui pourrait croire que depuis dix ans l'autorité publique a demeuré étrangère au choix de ces minis

tres ? Elle semblait avoir renoncé à tous les moyens de surveiller utilement leur conduite. Ignorait-on qu'un culte qui n'est pas exercé publiquement sous l'inspection de la police, un culte dont on ne connaît point les ministres, et dont les ministres ne connaissent pas eux-mêmes les conditions sous lesquelles ils existent; un culte qui embrasse une multitude invisible d'hommes, souvent façonnés, dans le secret et dans le mystère, à tous les genres de superstition, pent à chaque instant devenir un foyer d'intrigues, de machinations ténébreuses, et dégénérer en conspiration sourde contre l'Etat? La sagesse des nations n'a pas cru devoir abandonner ainsi au fanatisme de quelques inspirés, ou à l'esprit dominateur de quelques intri gans, un des plus grands ressorts de la société humaine. En France le gouvernement a toujours présidé d'une manière plus ou moins directe à la conduite des affaires ecclésiastiques; aucun particulier ne pouvait autrefois être promu à la cléricature sans une permission expresse du souverain. C'est la raison d'état qui dans ce moment commandait plus que jamais les mesures qui ont été concertées pour placer non l'Etat dans l'Eglise, mais l'Eglise dans l'Etat; pour faire reconnaître dans le gouvernement le droit essentiel de nommer les ministres du culte, et de s'assurer ainsi de leur fidélité et de leur soumission aux lois de la patrie. Après avoir réglé tout ce qui peut intéresser l'ordre public on a pourvu, dans les articles organiques, à la subsistance de ceux qui se vouent au service de l'autel, à l'établissement et l'entretien des édifices destinés à l'exercice de la religion.

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» Il ne faut pas sans doute que la religion soit un impôt, mais il faut des temples où puissent se réunir ceux qui la professent. «Tous les peuples policés, dit un philosophe moderne, » habitent dans des maisons; de là est venue naturellement » l'idée de bâtir à Dieu une maison où ils puissent l'adorer, » et l'aller chercher dans leurs craintes ou leurs espérances. >> En effet, rien n'est plus consolant pour les hommes qu'un » lieu où ils trouvent la Divinité plus présente, et où tous >> ensemble ils font parler leurs faiblesses et leurs misères » (1).

» D'autre part, une religion ne pouvant subsister sans ministres, il est juste que ces ministres soient assurés des choses nécessaires à la vie si l'on veut qu'ils puissent exercer toutes leurs fonctions, et en remplir les devoirs sans être distraits par le soin inquiet de leur conservation et de leur exis—' tence (2).

En France il y avait partout des temples consacrés au

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culte catholique. Ceux de ces temples qui sont aliénés le sont irrévocablement; s'il en est qui aient été consacrés à quelque usage public il ne faut point changer la nouvelle destination qu'ils ont reçue; mais ce sera un acte de bonne administration de ne point aliéner ceux qui ne le sont point encore, et de leur conserver leur destination primitive. Dans les lieux où il n'y aurait point d'édifices disponibles, les préfets, les administrateurs locaux pourront se concerter avec les évêques pour trouver un édifice convenable.

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Quant à la subsistance et à l'entretien des ministres, il y était pourvu dans la primitive Eglise par les oblations libres des chrétiens; dans la suite les églises furent richement dotées, et alors on ne s'occupa qu'à mettre des bornes aux biens et aux possessions du clergé. Ces grands biens ont disparu; et les ministres de la religion se trouvent de nouveau réduits à solliciter de la piété le nécessaire qui leur manque.

» Dans les premiers âges du Christianisme le désintéressement des ministres ne pouvait être soupçonné, et la ferveur des chrétiens était grande; on ne pouvait craindre que les ministres exigeassent trop, ou que les chrétiens donnassent trop peu; on pouvait s'en rapporter avec confiance aux vertus de tous. L'affaiblissement de la piété et le relâchement de la discipline donnèrent lieu à des taxations, autrefois inusitées, et changèrent les rétributions volontaires en contributions forcées : de là les droits que les ecclésiastiques ont perçus sous le titre d'honoraires pour l'administration des sacremens. Ces droits, dit l'abbé Fleury, qui ne se paient qu'après l'exercice des fonctions, ne présentent rien qui ne soit légitime, pourvu que l'intention des ministres qui les reçoivent soit pure, et qu'ils ne les regardent pas comme un prix des sacremens ou des fonctions spirituelles, mais comme un moyen de subvenir à leurs nécessités temporelles.

>>> Les ministres du culte pourront trouver une ressource dans les droits dont nous parlons, et qui ont toujours été maintenus sous le nom de louables coutumes. Mais la fixation de ces droits est une opération purement civile et temporelle, puisqu'elle se résout en une levée de deniers sur les citoyens : il n'appartient donc qu'au magistrat politique de faire une telle fixation. Les évêques et les prêtres ne pourraient s'en arroger la faculté; le gouvernement seul doit demeurer arbitre entre le ministre qui reçoit et le particulier qui paie. Si les évêques statuaient autrefois sur ces matières par forme de réglement, c'est qu'ils y avaient été autorisés par les lois de l'Etat, et nullement la suite ou la conséquence d'un pouvoir inhérent à l'épiscopat. Cependant, comme ils peuvent éclairer sur ce point le magis

par

trat politique, on a cru qu'ils pouvaient être invités à présenter les projets de réglemens, en réservant au gouvernement la sanction et l'autorisation de ces projets.

» Les fondations particulières peuvent être une autre source de revenus pour les ministres du culte; mais il est des précautions à prendre pour arrêter la vanité des fondateurs, pour prévenir les surprises qui pourraient leur être faites, et pour empêcher que les ecclésiastiques ne deviennent les héritiers de tous ceux qui n'en ont point ou qui ne veulent point en avoir. L'édit de 1749, intervenu sur les acquisitions des gens de mainmorte, portait que toute fondation, quelque favorable qu'elle fût, ne pourrait être exécutée sans l'aveu du magistrat politique; il ne permettait d'appliquer aux fondations que des biens d'une certaine nature; il ne permettait pas que les familles fussent dépouillées de leurs inmeubles, ou que l'on arrachât de la circulation des objets qui sont dans le commerce. Aujourd'hui il était d'autant plus essentiel de se conformer aux sages vues de cette loi, que la faculté de donner des immeubles joindrait à tant d'autres inconvéniens celui de devenir un prétexte de solliciter et d'obtenir, sous les apparences d'une fondation libre, la restitution souvent forcée des biens qui ont appartenu aux ecclésiastiques, et dont l'aliénation a été ordonnée par les

lois.

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Cependant il a paru raisonnable de faire une exception à la défense de donner des immeubles, dans les cas où la libéralité n'aurait pour objet qu'un édifice destiné à ménager un logement convenable à l'évêque ou au curé. Le logement fait partie de la subsistance et du nécessaire absolu; il a toujours été rangé par les lois dans la classe des choses qu'elles ont indéfiniment désignées sous le nom d'alimens. Au reste, le produit des fondations est trop éventuel pour garantir la subsistance actuelle des ministres; celui des oblations est étranger aux évêques, et il serait insuffisant pour le curé. Il faut pourtant que les uns et les autres puissent vivre avec décence et sans compromettre la dignité de leur ministère; il faut même, jusqu'à un certain point, que les ministres du culte puissent devenir des ministres de bienfaisance, et qu'ils aient quelques moyens de soulager la pauvreté et de consoler l'infortune.

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D'après la nouvelle circonscription des métropoles, des diocèses et des paroisses, on a pensé que l'on ne pouvait assigner aux archevêques ou métropolitains un revenu au dessous de quinze mille francs, et aux évêques au dessous de dix mille.

» Les curés peuvent être distribués en deux classes: le revenu des curés de la première classe sera fixé à quinze cents francs ; celui de la seconde à mille francs.

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