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leur ministère; mais nous, qui ne pouvons craindre la guerre, nous savons apprécier la paix. Remercions notre premier magistrat des efforts qu'il a faits pour la maintenir; remercions-le d'avoir surmonté cette indignation qu'il a dû sentir plus encore que nous-mêmes; disons-lui qu'on ne l'accusera pas d'avoir désiré la guerre, puisque ni la nation ni lui n'ont besoin ni de plus de gloire ni de plus de puissance; disons-lui que le peuple français confirme cette négociation. Il ne faut pas que le gouvernement anglais s'accoutume à traiter la Répu blique comme les princes de l'Asie, et à calculer froidement son oppression sur la patience de la faiblesse ; il faut que l'Europe, spectatrice de ces grands événemens, voie l'Angleterre provoquer notre indignation par des outrages, et attaquer la France parce qu'elle ne consent pas à la violation des traités.

» Cependant aujourd'hui que devons-nous proposer? De continuer les négociations? Le cabinet britannique les a interrompues. De prouver la justice de votre cause? Elle résulte de la négociation. D'applaudir à la conduite du gouvernement de la République? Vous l'avez fait. De choisir entre la paix ou la guerre? Vous ne le pouvez pas; toutes nos paroles sont vaines; les étrangers sont déterminés, et ne veulent pas être convaincus: il convient d'attendre leur déclaration de guerre. Oui, sans doute; mais dans cette attente votre commission vous propose le projet de vœu dont la terreur suit :

» Le Tribunat, en vertu du droit que lui donne l'article 29 » du titre III de la Constitution, après avoir pris connaissance » de la négociation qui a eu lieu entre la République et l'An» gleterre ;

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» Convaincu que le gouvernement a fait pour conserver la paix tout ce que l'honneur du peuple français pouvait souffrir;

» Que cependant le cabinet britannique s'est permis durant >> cette négociation des formes insolites, des allégations fausses, » des demandes injustes, et même des actes hostiles;

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Que la paix qu'on laisse à la France doit être achetée par » l'infraction d'un traité solennel, par une injure envers ses alliés ;

Arrête que le vœu suivant sera porté au gouvernement par » le Tribunat en corps:

» Le Tribunat émet le vœu qu'il soit pris à l'instant les plus énergiques mesures afin de faire respecter la foi des trai»tés et la dignité du peuple français.

» Le présent vou sera communiqué au Sénat et au Corps législatif par un message. » (Adopté.)

RÉPONSE du premier consul. (1) — Le 5 prairial an 11.

<< Nous sommes forcés à faire la guerre pour repousser une injuste agression. Nous la ferons avec gloire.

» Les sentimens qui animent les grands corps de l'Etat, et le mouvement spontané qui les porte auprès du gouvernement dans cette importante circonstance, sont d'un heureux présage.

» La justice de notre cause est avouée même par nos ennemis, puisqu'ils se sont refusés à accepter la médiation offerte par l'empereur de Russie et par le roi de Prusse, deux princes dont l'esprit de justice est reconnu par toute l'Europe.

» Le gouvernement anglais paraît même avoir été obligé de tromper la nation dans la communication officielle qu'il vient de faire : il a eu soin de soustraire toutes les pièces qui étaient de nature à faire connaître au peuple anglais la modération et les procédés du gouvernement français dans toute la négociation.

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Quelques unes des notes que les ministres britanniques ont publiées sont mutilées dans leurs passages les plus importans. Le reste des pièces données en communication au parlement contient l'extrait des dépêches de quelques agens publics ou secrets. Il n'appartient qu'à ces agens de contredire ou d'avouer leurs rapports, qui ne peuvent avoir aucune influence dans des débats aussi importans, puisque leur authenticité est au moins aussi incertaine que leur véracité.

» Une partie des détails qu'ils contiennent est matériellement fausse, notamment les discours que l'on suppose avoir été tenus par le premier consul dans l'audience particulière qu'il a accordée à lord Whitworth.

» Le gouvernement anglais a pensé que la France était une province de l'Inde, et que nous n'avions le moyen ni de dire nos raisons, ni de défendre nos justes droits contre une injuste agression étrange inconséquence d'un gouvernement qui a armé sa, nation en lui disant que la France voulait l'envahir! » On trouve dans la publication faite par le gouvernement anglais une lettre du ministre Talleyrand à un commissaire des relations commerciales. C'est une simple circulaire de protocole, qui s'adresse à tous les agens commerciaux de la République; elle est conforme à l'usage établi en France depuis Colbert, et qui existe aussi chez la plupart des puis

(1) Cette réponse du premier consul s'adressait à la fois au Sénat et au Corps législatif, qui dans la même audience étaient venus, le premier en corps, le second par députation, exprimer un vœu analogue à celui du Tribunat.

sances de l'Europe. Toute la nation sait si nos agens commerciaux en Angleterre sont, comme l'affirme le ministère britannique, des militaires: avant que ces fonctions leur fussent confiées ils appartenaient pour la plupart ou au conseil des prises ou à des administrations civiles.

» Si le roi d'Angleterre est résolu de tenir la Grande-Bretagne en état de guerre jusqu'à ce que la France lui reconnaisse le droit d'exécuter ou de violer à son gré les traités, ainsi que le privilége d'outrager le gouvernement français dans les publications officielles ou privées, sans que nous puissions nous en plaindre, il faut s'affliger sur le sort de l'humanité.

» Certainement nous voulons laisser à nos neveux le nom français toujours honoré, toujours sans tache.

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Nous maintiendrons notre droit de faire chez nous tous les réglemens qui conviennent à notre administration publique, et tels tarifs de douanes que l'intérêt de notre commerce et de notre industrie pourra exiger.

>> Quelles que puissent être les circonstances, nous laisserons toujours à l'Angleterre l'initiative des procédés violens contre la paix et l'indépendance des nations, et elle recevra de nous l'exemple de la modération, qui seule peut maintenir l'ordre social. »

IX.

ORGANISATION DU CORPS LÉGISLATIF.

DISCOURS prononcé par le conseiller d'état Treilhard en donnant communication au Corps législatif du sénatus-consulte du 28 frimaire an 12.

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16 nivose an 12. (1)

Séance du

Citoyens législateurs, la mission dont nous sommes chargés nous fait en ce moment éprouver un sentiment bien doux; nous portons les témoignages éclatans de satisfaction et de confiance qui vous ont été donnés par l'organe constitutionnel de la volonté nationale.

» Ce n'est plus seulement pour voter la loi que le peuple français vous appelle; il veut encore assurer au gouvernement le secours de vos lumières et de votre expérience dans toutes les occasions où le gouvernement pourra le juger nécessaire,

(1) L'ouverture de la session de l'an 12 avait été faite la veille par le ministre de l'intérieur, selon l'usage adopté pour les sessions précédentes.

récompense digne en effet et de vous et de la nation qui vous la décerne.

» Le sénatus-consulte organique dont vous entendrez la lecture honore aussi le Corps législatif dans la personne du magistrat qui prononcera la loi; sa nomination sera plus solennelle, ses fonctions seront plus durables, sa dignité plus imposante, et si le premier consul doit avoir quelque influence dans le choix d'un président que des relations plus suivies rapprocheront davantage du gouvernement, ce choix, toujours fait dans un petit nombre de candidats, n'en sera pas vrage du Corps législatif, qui les aura présentés.

moins l'ou

» Enfin vos sessions s'ouvriront à l'avenir par le premier consul lui-même, avec la pompe et l'éclat convenables à une branche distinguée de la représentation d'un grand peuple.

>> C'est sous ces heureux auspices que vous allez rentrer dans la carrière; elle offre encore un vaste champ à votre zèle. L'infatigable activité du génie qui gouverne a sondé en même temps tous les maux de la République : les racines en étaient antiques et profondes; des passions funestes les avaient aigries, et des poisons habilement préparés par des mains ennemies en avaient encore augmenté la masse.

» Sans doute les plaies les plus dangereuses sont cicatrisées; mais tant de maux, des maux si invétérés ne se guérissent pas à la fois et dans un court espace; il en est dont le remède ne se rencontre que dans le régime soutenu d'une législation douce et sage, et si l'honneur de la présenter est réservé au gouvernement, le Corps législatif s'associe à sa gloire par l'adoption qu'il sait faire de tout ce qui peut être bon et utile.

» Vous avez déjà, dans le cours de la dernière session, posé les fondemens d'un code sur les principes éternels d'une justice immuable ; vous couronnerez ce grand édifice : c'est un monument que vous aurez élevé à la sûreté, à la liberté, à la propriété, bienfaits sans lesquels il ne peut y avoir pour les citoyens ni paix ni bonheur.

» Les nations jugeront votre ouvrage ; il n'appartient qu'au temps de marquer aux législateurs la place qui leur est due; mais ce que nous pouvons prévoir et garantir c'est le sentiment de surprise et d'admiration dont nos neveux ne pourront jamais se défendre quand ils verront, du choc de toutes les passions, de l'agitation des esprits dans tous les sens, de la confusion d'une administration sans règles, du sein d'une corruption totale, du chaos enfin de l'anarchie, s'élever un gouvernement qui dès sa naissance aura réuni toute la vigueur de la jeunesse à toute la prudence de la maturité, qui, déployant au même degré activité et sagesse, a inspiré en même temps confiance à

tous les gouvernemens modérés, effroi aux gouvernemens ambitieux et parjures; qui, sans cesse occupé de préparatifs militaires, dont il dut même créer tous les élémens, réparant cependant chaque jour, et dans chaque branche de l'administration, des maux sans nombre et des désordres incalcu→ lables, fonde encore au même instant le bonheur des générations futures en assurant l'état et la fortune des citoyens par un code civil; leur sûreté, leur liberté par un code criminel et de police; leur aisance, leurs propriétés par un code de commerce; les progrès de l'agriculture par un code rural, et enfin la destruction du monstre le plus dévorant par un code de procédure.

» Voilà, voilà les traits qui distingueront dans la postérité et notre siècle et l'homme qui lui donnera son nom, parce que déjà il lui a imprimé son éclat.

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Voilà, citoyens législateurs, les travaux auxquels vous avez mérité d'être associés; et, je le répète en finissant, il est doux pour nous de vous présenter, au moment où vous vous élancez dans la carrière, le nouveau sénatus-consulte organique, monument de satisfaction pour ce que vous avez déjà fait, et présage assuré de ce que vous ferez dans la suite. »

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SÉNATUS-CONSULTE ORGANIQUE. Du 28 frimaire an 12 (20 décembre 1803).

TITRE er. De la manière dont seront ouvertes les sessions du Corps législatif.

ART. 1. Le premier consul fera l'ouverture de chaque session du Corps législatif.

2. Il désignera douze membres du Sénat pour l'accompagner.

3. Il sera reçu à la porte du palais du Corps législatif par le président, à la tête d'une députation de vingt-quatre membres. 4. Les membres du Conseil d'état se placeront dans la partie de la salle assignée aux orateurs du gouvernement.

5. Lorsque les consuls auront pris place, les membres du Tribunat seront introduits, et placés dans la partie de la salle assignée aux orateurs de ce corps.

6. Le premier consul, après avoir ouvert la séance, recevra le serment des nouveaux membres du Corps législatif et du Tribunat qui ne l'auront pas encore prêté; les conseillers d'état feront ensuite les communications que le gouvernement aura arrêtées, et la séance sera levée.

Pendant le jour de l'ouverture de la session du Corps légis

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