accusés, parce que les formes militaires sont plus rapides, et ne sont pas environnées de la même publicité. Les conseils de guerre jugent sans désemparer; on n'admet de spectateurs dans l'auditoire qu'en nombre triple de celui des juges; enfin les lois sur les commissions militaires, celle du 18 pluviose an 9 sur les tribunaux spéciaux, celle même du 23 floréal an 10, excluent le recours en cassation; et le projet de sénatus-consulte réserve spécialement ce recours aux condamnés. » Il est impossible, quand les circonstances ne permettent pas de suivre en tout point les formes ordinaires, de s'en rapprocher davantage, et de donner plus de latitude à la défense indivi duelle. » Ces tribunaux, organisés d'après la loi du 23 floréal an 10, existent déjà dans les départemens, et y sont en pleine activité ; ils connaissent du crime de faux et autres qui leur sont attri→ bués par cette loi. La justice n'a qu'à s'applaudir de leurs tra→ vaux; les jugemens qu'ils ont rendus sont marqués au coin de la loi et de la plus parfaite impartialité. » Seconde question. Le Sénat a-t-il l'autorité nécessaire pour décréter les mesures proposées par le sénatus-consulte? » La Constitution reconnaît elle-même la nécessité de suspendre le cours ordinaire de la justice dans des temps de révolte et de troubles. » L'article 92 s'exprime ainsi : « Dans le cas de révolte à >> main armée ou de troubles qui menacent la sûreté de l'Etat, » la loi peut suspendre, dans les lieux et pour le temps qu'elle » détermine, l'empire de la Constitution. » » Des circonstances malheureuses avaient déjà forcé le gou→ vernement à faire usage de cette disposition constitutionnelle à l'égard de quelques départemens, et le premier effet de cette mesure avait été la suspension des fonctions du juri. >> » Le sénatus-consulte organique de la Constitution du 16 thermidor an 10 porte, art. 54: «Le Sénat règle par un séna>>tus-consulte organique tout ce qui n'a pas été prévu par la Constitution, et qui est nécessaire à sa marche; il explique >> les articles de la Constitution qui donnent lieu à différentes » interprétations. » Art. 55: « Le Sénat, par des actes inti» tulés sénatus-consulte, suspend pour cinq ans les fonctions » de jurés dans les départemens où cette mesure est nécessaire.» » Pourrait-on mettre en doute, après des textes aussi formels, si le Sénat a l'autorité nécessaire pour suspendre les fonctions du juri pendant deux ans? Vous n'en avez pas douté, sénateurs, puisque déjà vous avez fait usage de cette autorité en l'an 11. >> » A cette époque vous avez rendu un sénatus-consulte, en date du 26 vendémiaire, qui porte, art. rer : « Les fonctions du juri seront suspendues pendant le cours de l'an 11 et de » l'an 12 dans les départemens des Côtes-du-Nord, du Mor»bihan, de-Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, du Var, des Alpes-Maritimes, du Golo, du Liamone, du Pó, de la Doire, » de la Sézia, de la Stura, de Marengo, et du Tanaro.'» Article 2: «Les tribunaux criminels de ces départemens seront à » cet effet organisés conformément aux dispositions de la loi » du 23 floréal an 10, relative à la procédure pour crime de » faux, sans préjudice du pourvoi en cassation. » » » Le Sénat a donc fait textuellement à cette époque ce qu'on lui propose aujourd'hui de faire; il a suspendu les fonctions du juri pendant deux ans dans plusieurs départemens, et a ordonné que la justice serait rendue par les tribunaux criminels, organisés conformément aux dispositions de la loi du 23 floréal an 10. » Il y a plus; par le sénatus-consulte da 26 vendémiaire an 11, le Sénat a suspendu les fonctions du juri généralement pour toutes les affaires criminelles ; et ici il n'est question de les suspendre que pour les crimes de trahison, attentats, contre personne du premier consul, et autres contre la sûreté intérieure et extérieure de la République. la » Pour toutes les autres affaires criminelles, le cours de la justice ordinaire doit avoir lieu. » La mesure présentée par le projet de sénatus - consulte n'est donc pas nouvelle : les fonctions du juri ont été suspendues pendant deux ans ; les tribunaux proposés existent déjà légalement. >> L'expérience doit nous avoir appris si cette suspension, si ces tribunaux ont produit des effets funestes; s'ils ont porté quelque atteinte à la libre défense des citoyens: or il est constant que nulle réclamation ne s'est fait entendre ; il est constant au contraire que ces mesures n'ont pas peu contribué à rétablir l'ordre et la tranquillité. Troisième question. La suspension du juri, dont l'expérience a constaté l'utilité dans toute la France pour les crimes de faux, sera-t-elle également utile pour les crimes de trahison, attentats contre la personne du premier consul, et autres contre la sûreté intérieure et extérieure de la République? » Les conspirations, les attentats contre la sûreté intérieure et extérieure de la République sont d'une conséquence si effrayante pour le salut de tous; il est si urgent, par une justice prompte, d'en arrêter le cours, que chacun sent la né >> cessité d'établir pour les punir des formes plus rapides qui puissent atteindre avec plus de célérité les coupables, rassurer plus tôt le reste des citoyens, et prévenir de nouveaux attentats. Les jurés, dans les délits ordinaires, peuvent remplir le vœu de la loi; ces délits sont simples, à la portée de tout le monde, et l'esprit de parti y est ordinairement étranger. Il n'en est pas de même d'un complot, d'une trahison, d'un attentat politique: ces crimes sont toujours complexes; ils se composent d'une infinité d'élémens qu'il faut savoir réunir; ils tiennent à une multitude de circonstances et de nuances qu'il faut savoir apprécier, et que des hommes simples et étrangers aux affaires pourront fort bien ne pas saisir. >> Dans certaines affaires d'éclat, où se trouvent compliqués des coupables puissans, il faut, pour se défendre ou de la crainte ou de l'indignation, une certaine fermeté, un certain courage dont tous les hommes ne sont pas susceptibles. Que sera-ce si on a à redouter l'esprit de prévention ou de parti? A la fin d'une révolution où tant d'intérêts divers ont été en opposition, où les partis tour à tour ont prévalu, où le pouvoir, qui a passé successivement de main en main, a créé d'autant plus d'amis ou d'ennemis que ce pouvoir était plus étendu, n'at-on pas à craindre des affections ou des haines cachées, des sollicitations, des brigues, auxquelles les jurés auraient bien de la peine à résister? » On ne peut se dissimuler que les prévenus actuels n'aient des affidés sur plusieurs points de la France. » S'il est de leur intérêt de ne pas trouver d'ennemis cachés parmi ceux qui doivent prononcer sur leur sort, doit-on risquer de leur donner pour jurés des complices secrets? » que L'or de l'Angleterre ne suffirait-il pas seul pour faire pencher la balance? Se persuadera-t-on dans des trames ourdies par ce cabinet perfide il oubliera ceux qui se sont dévoués pour lui ? L'or sera prodigué à pleines mains, et, lorsqu'il s'agira de sauver ou de perdre, suivant les intérêts de ce gouvernement, tous les moyens de séduction seront employés. La composition actuelle du juri ordinaire et spécial n'est pas faite pour rassurer; le sort y prédomine, et place souvent parmi les jurés des hommes dénués de fortune, et qui ne présentent aucune garantie contre l'appât de l'or. » Dira-t-on qu'une partie de ces inconvéniens peut se retrouver parmi les juges qui 'composeront les tribunaux que nous voulons substituer aux jurés? La différence est sensible; ces juges ont pour garant de leur impartialité leur réputation, leur moralité, la permanence de leurs fonctions de juges, et l'oeil du public, qui ne les perd jamais de vue. Sans doute il en est dont la fortune est médiocre, mais ils en tirent gloire; ils préfèrent cette médiocrité honorable et l'estime publique à me opulence qui les environnerait de soupçons: le juré, au contraire, homme privé, presque toujours inconnu à ses collègues, comptable de son suffrage à personne, ne remplit qu'une fonction passagère, disparaît ensuite, et se perd dans la foule pour ne plus reparaître. » Encore une fois, confier le jugement de crimes politiques à des jurés, surtout dans le temps de troubles ou après des divisions intestines, c'est ranimer, nourrir, perpétuer F'esprit de parti; c'est compromettre la justice, le salut même des prévenus; vérité reconnue par tous ceux qui ont approfondi l'institution du juri. Les prévenus de la conspiration actuelle pourraient d'autant moins s'élever contre cette théorie générale, que si on les prend isolément, et que l'on considère les faits qui leur sont imputés, ou reconnaîtra que les lois qui leur sont applicables sont elles-mêmes déjà exclusives du juri. » L'article r e de la loi du 4 fructidor an 5 ordonne de traduire devant un conseil de guerre tout général prévenu d'un délit spécifié au code pénal militaire. » L'article rer du titre 3 du Code pénal militaire, du 21 brumaire an 5, place parmi les crimes capitaux la trahison dont se serait rendu coupable tout militaire ou autre individu attaché à l'armée. » Le paragraphe 6 de l'article 2 du même titre ajoute : Tout militaire, ou autre individu attaché à l'armée et à sa >> suite, qui entretiendrait une correspondance dans l'armée » ennemie sans la permission par écrit de son supérieur, sera réputé coupable de trahison. >> >> >> Tout militaire en activité de service, prévenu de trahison dans la conspiration actuelle, devrait donc nécessairement être traduit devant les conseils de guerre, dont le mode d'instruction, comme on le sait, est exclusif du juri. >> » La loi du 1er vendémiaire an 4 porte, article 1: « Les rebelles, ceux connus sous le nom de chouans ou sous toute » autre dénomination, et tous ceux désignés par l'article 3 » de la loi du 30 prairial, et dont le jugement était attribué par cette loi aux tribunaux militaires, seront jugés » Conseils militaires. >> les >> Parmi les prévenus se trouvent beaucoup de chouans qui ont violé la pacification; d'après cette loi ils devraient être jugés par un conseil militaire, et soumis par conséquent à une instruction particulière à ces sortes de tribunaux, qui excluent également l'adjonction des jurés. Enfin la loi du 18 pluviose an 9, qui établit les tribunaux spéciaux, leur attribue la connaissance des crimes et délits emportant peine afflictive ou infamante, commis par des vagabonds et gens sans aveu. La plupart de ceux débarqués par l'Angleterre sur nos côtes méritent-ils un autre nom? » Ces tribunaux connaissent, concurremment avec les tribunaux ordinaires, des assassinats prémédités, et, exclusivement à tous autres juges, des assassinats préparés par des attroupemens armés, du crime d'embauchage, et de machinations pratiquées hors l'armée, et par des individus non militaires, pour corrompre ou suborner les gens de guerre, les réquisitionnaires et conscrits, >> Cette loi atteindrait encore une multitude d'individus, tous tenant à la conspiration générale; il faudrait donc les renvoyer devant les tribunaux spéciaux formés par cette loi, tribunaux composés en partie de juges, en partie de militaires, en partie d'hommes de loi, pour y être jugés sans jurés et sans recours en cassation. » Ainsi les différens tribunaux auxquels les divers prévenus, pris isolément, devraient être renvoyés, procèdent tous, sans le concours des jurés. » Mais, on le demande, est-il possible de morceler ainsi l'instruction et la poursuite d'un seul et même attentat qui se reproduit sous différentes faces, et où tous les faits particuliers ne sont que les élémens et les moyens d'un seul et même tout ? Ne serait-ce pas évidemment s'exposer à perdre la trace du crime, et toutes les preuves individuelles qui se prêtent un mutuel secours ? » N'est-ce pas un principe que l'instruction est indivisible? On ne peut donc pas renvoyer les uns devant des conseils de guerre, les autres devant des commissions militaires, d'autres enfin devant les tribunaux spéciaux; il fallait donc une mesure générale qui centralisât l'instruction autant qu'il serait possible: c'est encore un avantage qu'offre le sénatus-consulte par les tribunaux qu'il propose. »En effet, les tribunaux spéciaux et les conseils de guerre n'étant pas soumis les uns au tribunal de cassation, les autres à un conseil de révision unique, forment des tribunaux absolument indépendans, qui, n'ayant aucune communication les uns avec les autres, pourraient sur un même complot varier et donner des jugemens absolument contradictoires, tantôt déclarer la conspiration existante, et tantôt la méconnaître. >> En soumettant au contraire à une seule et même nature de tribunaux qui a un mode d'instruction uniforme les crimes dont il s'agit, avec recours au tribunal de cassation, ces tri |