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rats, lâchement armés contre notre bienfaiteur, contre notre vengeur, contre notre chef enfin, trouveraient parmi nous des asiles.?

» Le droit de la guerre autorise à punir ceux qui favorisent l'ennemi que l'on combat, mais qu'on estime; et dans la société, où les assassins font une guerre obscure et criminelle de trahison et de perfidie, on ne sévirait pas contre ceux qui, en les cachant, leur donnent les moyens d'échapper à la poursuite des lois, et de saisir le moment favorable pour exécuter leurs complots!

» Ah! législateurs, la loi que propose aujourd'hui le gouvernement vous la lui auriez demandée si sa prévoyance ne se manifestait en même temps que les vœux dictés par la circonstance à tous les citoyens.

» Il s'agit de punir, ou plutôt de prévenir le recélement de Georges et des soixante brigands qui composent sa bande. » Le recélement fut toujours regardé comme un crime; cependant, quand il porte sur des effets matériels dérobés, le vol en est déjà consommé; le recélement ne fait qu'en effacer la trace. Au contraire, le recélement d'hommes coupables, outre qu'il les soustrait à l'action des lois, menace la société; il les aide à méditer de nouveaux crimes, ou à exécuter ceux qu'ils ont préparés.

» Les recéleurs des contrebandiers sont punis comme complices de contrebande; comment ne pas punir comme complices d'assassinat ceux qui donneraient asile à des individus coupables du plus grand crime que l'on puisse concevoir, soit que l'on considère la dignité de celui contre lequel il est dirigé, soit que l'on pense aux désordres épouvantables qui en résulteraient?

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Qu'on ne croie cependant pas que l'urgence des circonstances ait troublé le calme du gouvernement, et l'ait fait sortir des bornes qu'il lui eût été permis à si bon droit de franchir.

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Lorsque, dans l'émotion que nous éprouvons, nous eussions admis toutes les mesures qui auraient été présentées, il s'est arrêté aux plus simples. f

» Ce n'est point comme autrefois le droit d'asile qu'on interdit pour de malheureux et d'innocens proscrits, ou même pour des criminels vulgaires ; ce ne sont pas des visites, domiciliaires qu'on ordonne. Non, la maison des citoyens demeurera toujours respectable; ni les droits du malheur, ni les sentimens de la pitié ne sont étouffés: on défend seulement de recéler un rebelle dès longtemps trop fameux, Georges, descendu au rôle infàme de chef d'assassins, et ses soixante

sicaires; des parricides que les étrangers mêmes, autres que ceux qui les paient, repousseraient loin d'eux, et livreraient au jugement de nos tribunaux.

» On sait qu'ils sont maintenant cachés dans Paris et dans ses environs; on sait qu'ils sont soudoyés pour attenter à la vie du premier consul et à l'existence même de la République; on le publie. Une fois qu'ils sont signalés, et que leur atroce dessein est manifesté, les accueillir ce serait se déclarer bien volontairement leur complice. L'art. 1er du projet de loi prononce donc ce que la justice, la raison, la conscience avaient déjà dit à tous ceux qui les ont connus..

Le second article excepte ceux qui, recevant, retirant ou gardant quelqu'un de ces brigands, en feront leur déclaration dans les vingt-quatre heures : elle sera un témoignage de leur innocence ou de leur repentir.

> Quant à ceux qui, avant la publication de la loi, ont reçu Georges ou quelqu'un de sa bande, ou Pichegru, ils devront le déclarer dans la huitaine, à peine de six ans de fers.

» S'ils font leur déclaration, ils ne seront soumis à aucune recherche, à aucune peine, pas même à l'amende qu'ils ont encourue pour avoir contrevenu aux réglemens de police qui les obligeaient à faire connaître les individus qu'ils recevaient dans leurs maisons.

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La sagesse et l'équité de ces dispositions, qui forment les articles troisième et dernier du projet, sont évidentes. Georges et sa bande, quand ils ne seraient des assassins, n'ont pu venir en France que dans des vues coupables; si ce n'était de meurtre, au moins ce serait de rébellion et de désordre on n'a pu les recevoir sans crime, au moins sans délit. Néanmoins la loi, indulgente, pardonne le passé; l'aveu lui suffira; il lui sera garant pour l'avenir d'intentions meilleures, de plus de circonspection et d'attachement à la tranquillité publique.

Mais quand on peut à un prix si modique se racheter de graves soupçons, le silence serait criminel et sans excuse; il mériterait la peine dont il est menacé.

Telle est, citoyens législateurs, l'analise de la loi que le gouvernement propose pour achever de détruire dans tous ses moyens une conspiration si traîtreusement ourdie et si miraculeusement découverte.

» Félicitons-nous de ce qu'un petit nombre d'hommes y a pris part. L'espèce humaine, quelque corrompue qu'on la prétende, produit peu de ces monstres dont la rage, se dirigeant contre les chefs des états, médite de faire jaillir d'un seul crime des milliers de malheurs et le bouleversement des empires.

» La République sera encore affermie par cet attentat. »Les craintes qu'il a inspirées, d'accord avec le sentiment plus doux des biens que nous éprouvons, nous avertissent combien nous est nécessaire cette vie que nos ennemis trouvent trop longue avant même qu'elle soit à son midi.

» Ah! qu'elle soit défendue de toute la force d'une nation qui s'honore, et s'aime elle-même dans son chef! de toute la majesté des lois qui consacrent le magistrat suprême comme l'image de la divinité, et qui punissent ceux qui élèvent contre lui des mains parricides comme d'impies sacrileges! qu'elle soit conservée par cette providence qui fit luire le 18 brumaire et les jours de restauration qui l'ont suivi!

» C'est pour nous tous, pour le salut de la France entière que nous la remercierons et l'implorerons, et lui demanderons d'achever ses desseins, et de protéger son ouvrage.

Le Tribunat nous a chargés, citoyens législateurs, de vous proposer l'adoption du projet de loi relatif au recélement de Georges et des soixante individus de sa bande. »

XII.

DE L'ÉRECTION DE LA STATUE DE BONAPARTE DANS LE LIEU DES SÉANCES DU CORPS LÉGISLATIF. CLOTURE DE LA SESSION DE L'AN XII.

(Le 30 ventose an 12 (21 mars 1804), le Corps législatif avait décrété la réunion des lois civiles jusqu'alors rendues en un seul corps de lois sous le titre de CODE CIVIL DES FRANÇAIS.

MOTION D'ORDRE faite par Marcorelle, membre du Corps législatif. Séance du 5 germinal an 12 (24 mars 1804.)

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Législateurs, la France depuis longtemps était courbée sous le fardeau d'une législation civile incohérente, et formée d'élémens hétérogènes et grossiers; la diversité innombrable de coutumes n'était que le résultat de l'anarchie des siècles malheureux qui les virent naître. La sagesse du droit romain en avait amélioré, il est vrai, les dispositions; mais il ne les avait pas toutes atteintes, et il restait toujours d'un amalgame fait sans unité de plan, ni de temps, ni de lieu, l'inconvénient monstrueux que les droits et les devoirs des citoyens changeaient à toutes les démarcations territoriales. Bonaparte a voulu que tous les habitans de ce vaste empire fussent gouvernés par une même loi, et qu'en écartant ce qui est étranger

à son siècle et à nos mœurs on mît enfin une juste harmonie entre nos besoins et nos lois. Le code civil, en réalisant les espérances de son génie, recommandera à la justice des siècles les noms de ceux qui, comme vous, distingués par des hauts faits militaires, éprouvés par la sagesse de leur caractère et par leur haute expérience, ont contribué à la gloire de cette institution.

»Le jour où vous mettez la dernière main à ce chef-d'œuvre de la philosophie, de la justice, ce jour doit être marqué dans les fastes de la République.

>> Mandataires du peuple, vous devez être l'organe de sa reconnaissance.

» Vous éprouvez vous-mêmes le besoin de satisfaire à ce sentiment profond envers le héros à qui la patrie est redevable de sa félicité.

» C'est à l'histoire à fixer le rang qui lui appartient parmi les législateurs des nations; mais la France le contemple avec orgueil, et ses sentimens devancent le jugement de la postérité.

» Elevons au restaurateur de la religion, de la morale et de nos lois, un monument digne de lui et de nous. Qu'un acte éclatant de notre amour annonce à l'Europe que celui qu'ont menacé les poignards de quelques vils assassins est l'objet de notre affection et de notre admiration; que les sentimens les plus vrais et les plus intimes lient à ses destinées celles du peuple français ; que désormais l'image chérie du chef suprême de l'Etat décore ce sanctuaire auguste, et que cette inauguration solennelle atteste à nos derniers neveux le souvenir de nos besoins et de ses bienfaits, de sa gloire et de notre hommage. En conséquence j'ai l'honneur de vous proposer l'arrêté sui

vant :

» Le Corps législatif, voulant éterniser l'époque à laquelle » le Code civil devient la règle générale du peuple français, et l'hommage de sa reconnaissance envers le chef suprême de » l'Etat, arrête ce qui suit :

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» Art. rer. Le buste en marbre blanc de Bonaparte sera » placé, à l'ouverture de la session prochaine, dans le lieu des » séances du Corps législatif.

2. Les questeurs du Corps législatif sont chargés de don»ner à cette inauguration toute la pompe et la solennité qui » conviennent à la dignité de son objet.

» 3. Le présent arrêté sera présenté au premier consul par une députation de membres du Corps législatif. » (Adopte par acclamation. Y

DISCOURS prononcé par Fourcroy, orateur du gouvernement, en annonçant au Corps législatif la clôture de sa session. Séance du 3 germinal an 12.

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Citoyens législateurs, la session qui finit laissera de grands souvenirs dans nos annales, et une longue reconnaissance au peuple français. Les lois les plus importantes ont été discutées au milieu de la guerre, au milieu des éclats d'une conjuration atroce, comme elles l'eussent été dans la paix la plus profonde. Le gouvernement marche d'un pas toujours ferme où l'appellent l'intérêt et la gloire de la patrie, et il ne reste à nos ennemis que la honte et la confusion. Dans leur désespoir ils semeront l'or et les crimes; leurs ministres à Hambourg, à Stuttgard, à Munich, ne seront encore que des artisans de complot; ils corrompront quelques misérables; mais leurs trames futures seront dévoilées comme leurs trames passées, et tourneront à leur confusion.

» S'il y a des hommes qui, au crime d'avoir porté les armes contre la patrie, ajoutent l'ingratitude et le parjure, le gouvernement saura les punir avec autant de calme qu'il sut leur pardonner, et toujours la punition sera personnelle comme le crime; ni les liens de l'amitié ni les liens de famille ne seront à ses yeux des liens de complicité.

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Quant aux membres de cette famille dénaturée qui aurait voulu noyer la France dans son sang pour pouvoir régner sur elle, leurs premières fureurs, leurs derniers attentats ont mis entre elle et eux une barrière éternelle. Ils n'ont pu obtenir de l'Angleterre d'être ses soldats; ils s'en font les sicaires : ils voulaient lui vendre nos conquêtes, notre gloire, notre prospérité; ils ne lui ont vendu que des crimes inutiles: qu'ils vivent du pain de l'opprobre et du mépris!

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Mais, s'ils osaient souiller de leur présence notre sol, la volonté du peuple français est qu'ils y trouvent la mort en réparation de la perte de deux millions de citoyens moissonnés dans la guerre impie dont ils ont été les principaux artisans; en réparation des crimes dont, surtout depuis quatre' ans, ils cherchent à inonder notre territoire en y fomentant en Ꭹ alimentant autant qu'il est en leur pouvoir le brigandage et la révolte!

» Citoyens législateurs, reportez dans vos foyers la satisfaction d'avoir donné à la France des lois qui assureront son bonheur, et d'avoir, par l'accord de vos principes et de vos sentimens, donné une nouvelle garantie à la stabilité de nos institutions. Dites à vos concitoyens que la dignité et la gloire

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