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» Ainsi le peuple français sera assuré de conserver sa dignité, son indépendance et son territoire.

» Ainsi l'armée française sera assurée de conserver un état brillant, des chefs fidèles, des officiers intrépides, et les glorieux drapeaux qui l'ont si souvent conduite à la victoire; elle n'aura à redouter ni d'indignes humiliations, ni d'infàmes licenciemens, ni d'horribles guerres civiles, et les cendres des défenseurs de la patrie ne seront point exposées, selon une sinistre prédiction, à être jetées au vent.

» Hâtons-nous donc, mes collègues, de demander l'hérédité de la suprême magistrature; car en votant l'hérédité d'un chef, comme disait Pline à Trajan, nous empêcherons le retour d'un

maître.

» Mais en même temps donnons un grand nom à un grand pouvoir; concilions à la suprême magistrature du premier empire du monde le respect d'une dénomination sublime.

» Choisissons celle qui, en même temps qu'elle donnera l'idée des premières fonctions civiles, rappellera de glorieux souvenirs, et ne portera aucune atteinte à la souveraineté du peuple.

>> Je ne vois pour le chef du pouvoir national aucun titre plus digne de la splendeur de la nation que le titre d'empe

reur.

"

» 'S'il signifie consul victorieux, qui mérita mieux de le porter? quel peuple, quelles armées furent plus dignes d'exiger qu'il fût celui de leur chef?

» Je demande donc que nous reportions au Sénat vœu qui est celui de toute la nation, et qui a pour objet :

>>1°. Que Napoléon Bonaparte, actuellement premier consul, soit déclaré empereur, et en cette qualité demeure chargé du gouvernement de la République française;

» 2°. Que la dignité impériale soit déclarée héréditaire dans sa famille;

»

3°. Que celles de nos institutions qui ne sont que tracées

soient définitivement arrêtées.

>>Tribuns, il ne nous est plus permis de marcher lentement; le temps se hâte; le siècle de Bonaparte est à sa quatrième année; et la nation veut un chef aussi illustre que sa destinée. »

DISCOURS du tribun Siméon. - Séance du 10 floréal an 12. (Immédiatement après Curée.)

«<

Tribuns, la motion que vous venez d'entendre, et que je seconde, présente une opinion qui se formait depuis plus de deux ans, et que les événemens ont mûrie. Des communes, des conseils généraux de départemens, plusieurs corps la mani

festent; elle éclate de toute part: il est temps qu'elle soit accueillie et solennellement consacrée.

Quelle longue et terrible expérience nous avons faite ! "L'excès des abus croissant en foule autour d'un trône décrépit; un prince faible qui ne savait plus comment maintenir, mitiger ou défendre le pouvoir souverain qu'il voulait garder; une Constitution que l'on crut faire monarchique, renfermant tous les principes d'anarchie qui ne tardèrent pas à désorganiser la France; la restauration de thermidor troublée par les orages de vendémiaire; la Constitution de l'an 3 plus d'une fois déchirée par diverses secousses; le vaisseau de l'Etat flottant incertain au milieu d'écueils opposés sur lesquels il risquait tour à tour de se briser, lorsqu'enfin une main victorieuse et ferme vint en saisir le timon, et diriger sa marche vers le port!

» C'est dans le port qu'en se rappelant les dangers auxquels on est échappé, et visitant ses dommages, on songe à les réparer et à se prémunir contre de nouveaux désastres. Dix ans de sollicitudes et de malheurs, quatre ans d'espérances et d'améliorations nous ont fait connaître les inconvéniens du gouvernement de plusieurs, et les avantages du gouvernement d'un seul.

» Les révolutions sont les maladies des corps politiques résultat d'un régime vicieux, elles font une explosion d'autant plus violente que leurs causes sont plus profondes, plus accumulées, et ont subi une plus longue fermentation. Alors une fièvre ardente se déclare, qui dévore et consume tout, et le mal qui l'a produite, et les organes conservateurs qui étaient trop usés pour lui résister. Si l'Etat survit à cette crise, débarrassé en grande partie des vices qui altéraient sa constitution, il reprend son assiette, et, avec une nouvelle vie, de nouveaux moyens de force et de prospérité.

:

>> Tout ce qui a été bouleversé n'était pas mauvais. Il est dans l'existence des nations des bases essentielles dont le temps et les abus qu'il mène à sa suite les arrachent quelquefois; mais elles y sont naturellement ramenées par leur propre poids, et si une main habile prend soin de réparer ces fondemens ébranlés, elles s'y rasseyent affermies pour plusieurs siècles.

» L'histoire ne nous montre le gouvernement de plusieurs que chez des peuples peu nombreux et encore récens, fortement unis parce que le cercle de leur intérêt commun est étroit; s'exerçant à l'amour de la patrie par l'usage d'une liberté sage, par la modicité des besoins, des désirs et des fortunes; arrivant enfin, à mesure qu'ils augmentent en richesses, en territoire et en population, au gouvernement d'un seul.

»

Pourquoi la démocratie et l'aristocratie se sont-elles conservées dans les petites nations qu'il serait, ce semble, plus

facile de dominer? Pourquoi les grandes nations, où il y aurait plus de moyens de s'opposer au gouvernement d'un seul, ontelles constamment incliné vers ce gouvernement? Où trouver la cause de ce phénomène, si ce n'est dans la nécessité des choses, qui rainène toujours les peuples à ce qui leur est le plus utile, nonobstant l'effort des prétentions individuelles et l'orgueil des vaines théories?

>> Il y a douze ans que cette question aurait fourni le sujet de longues et brillantes dissertations; mais le problème n'existe plus il a été résolu par la foule de maux dont nous ont accablés de funestes essais. Il n'y a que des insensés qui voulussent se replonger dans cet océan d'erreurs politiques, où nous aurions été submergés si la victoire et le génie ne nous eussent jeté une planche secourable.

» Ce n'est donc pas sur des raisons qui sont écrites partout, et que chacun connaît, que je fonde la prééminente utilité du gouvernement d'un seul; c'est sur l'expérience et le souvenir de ce que nous avons éprouvé. Je n'en retracerai pas le tableau ; il fatigue encore les yeux, et pèse sur tous les cœurs. Il n'est pas besoin de rouvrir des plaies à peine fermées ; il suffit d'en indiquer les cicatrices, encore si sensibles. Il n'est pas un Français qui, après tant de mouvemens, de chocs et de secousses, ne sente qu'il faut enfin se reposer dans une partie de ces institutions dont on s'était écarté.

"

» Déjà les inconvéniens d'une suprême magistrature élective et temporaire ont été aperçus et éloignés ; déjà, pour qu'un jour elle ne fût pas, aux dépens de notre repos et de notre sang, disputée entre des ambitieux qui ne s'en verraient plus séparés par une insurmontable barrière, le Sénat a donné au premier consul la faculté de désigner son successeur. Ce n'étaient là que les préliminaires, les pierres d'attente de l'hérédité, qui doit enfin rendre à l'empire français la stabilité qu'exigent son étendue et sa puis

sance.

» Par les avantages que nous avons recueillis dès nos premiers pas, jugeons de ceux qui nous attendent. A mesure que nous nous sommes éloignés des formes mobiles du gouvernement de plusieurs, les gouvernemens d'Europe avec lesquels nous étions en trop grande disparité nous ont rendu plus d'égards, de considération et de confiance; ils ont compté davantage sur la solidité des négociations et des traités, sur l'unité et la persévérance dans les vues; ils désirent pour leur propre tranquillité ce que nous voulons

pour

la nôtre.

» Avec l'hérédité dans le gouvernement, se consolideront ces institutions qui furent formées avec lui pour en être le soutien et l'ornement. Si elles avaient à éprouver quelques modifica

:

tions, ce serait pour garantir d'autant mieux les droits réciproques de la nation et de son chef, intéressés l'un et l'autre à ce que le pacte définitivement arrêté entre eux demeure inaltérable. On ne saurait se passer de corps intermédiaires; par le pouvoir qu'ils ont d'éclairer l'autorité, ils facilitent l'obéissance. On ne saurait se passer de grandes magistratures; elles forment les degrés par lesquels on arrive au sommet de la hiérarchic politique.

» La reconnaissance publique nomme ici ces deux illustres citoyens que le discernement le plus heureux appela à partager le poids du gouvernement naissant. Dans l'heureux développement qu'il va recevoir, leurs talens, leur expérience et leurs services marquent toujours leur place à la tête du peuple français, près de son chef suprême; elle n'a rien d'incompatible: nous avons même des preuves de sa constante utilité, depuis que le gouvernement s'est naturellement concentré dans une seule main. Tout ce qui existe peut donc se coordonner facilement avec l'hérédité, et par elle tout s'améliore et se fortifie.

» La religion, occupée à relever ses autels, n'a plus à demander au ciel d'écarter les guerres civiles, qui les ensanglanteraient et les renverseraient de nouveau ; la source en est tarie.

>> La justice, si richement dotée d'un code composé de tous les trésors de la jurisprudence ancienne et moderne, se promet d'en jouir et d'en répandre les bienfaits.

» Les finances s'accroissent du crédit inséparable d'un ordre fixe et perpétuel.

» Les armées savent à qui elles auront toujours à obéir, et ne craignent plus qu'un jour les lieutenans d'Alexandre les divisent et les opposent les unes aux autres.

» Une immense multitude est rassurée sur la jouissance de ses propriétés nombreuses, menacées tour à tour par l'anarchie, qui les dévorerait, et par le royalisme, qui en dépouillerait les possesseurs.

» Tous les citoyens enfin se livrent avec sécurité aux travaux, aux spéculations de leur commerce, de leur état, de leur profession. Plus d'inquiétudes qui les en détournent, parce que la clef de la voûte sera posée; l'ouvrage des hommes sera fini : le reste sera l'ouvrage du temps, qui ne manque jamais de consolider avec promptitude ce qu'on a su construire avec unité.

>>

Quel empire s'éleva ou se rétablit jamais avec plus de force et de gloire! étouffant comme Hercule les serpens qui s'étaient glissés dans son berceau, marchant de cette victoire intérieure à d'innombrables victoires, terrassant ses ennemis, relevant ses alliés, n'ayant plus qu'un ennemi hors du continent pacifié ;

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XVIII.

ennemi dont l'infâme et criminelle politique est dévoilée, qui réduit à consumer ses trésors dans une guerre défensive, à bloquer de ses orgueilleuses flottes les nacelles prêtes à porter dans son sein notre vengeance et notre fortune, ne sait plus nous attaquer que par des conspirations et des assassinats!

» Notre indépendance n'a-t-elle pas été conquise, promulguée par la victoire, sanctionnée par la paix ! Et quand nous perfectionnerons le gouvernement que, nous nous sommes donné, quand nous décernerons à notre premier consul un nouveau titre, quand nous proclamerons empereur le guerrier qui triompha, comme Annibal et Charlemagne, des roches inaccessibles des Alpes, qui couvrit l'Italie de ses trophées, ressaisit les anciennes limites de notre empire, qui oserait nous disputer le droit de le revêtir de la majesté qui appartient à une grande nation?

» C'est moins d'une récompense, dont il n'a pas besoin, que de notre propre dignité et de notre sûreté que nous nous occuperons. C'est pour eux-mêmes que les peuples élèvent leurs magistrats suprêmes, qu'ils les munissent d'autorité, qu'ils les environnent de puissance et de splendeur. C'est pour n'être pas exposés à chaque vacance à la stagnation ou aux bourrasques d'un interrègne, qu'ils placent dans une famille l'honorable, mais pesant fardeau du gouvernement. L'hérédité est bien plutôt une assurance de tranquillité pour ceux qui la donnent, qu'une prérogative pour ceux qui la reçoivent.

>>

Cependant elle a aussi trop d'importance et d'éclat pour n'être pas remise dans les mains les plus dignes et les plus éprouvées. Chez tous les peuples, la gloire et l'illustration du chef de famille se répandent sur tous les membres, et deviennent le patrimoine de la famille entière.

>>

Quels titres comparer à ceux que tant de succès, de prodiges de guerre et d'administration ont accumulés sur la tête premier consul, ne servant pas seulement l'Etat comme un illustre et grand citoyen, mais le dirigeant et le gouvernant comme magistrat suprême!

du

:)

Opposerait-on la possession longue, mais si solennellement renversée, de l'ancienne dynastie? Les principes et les faits répondent.

Le peuple, propriétaire et dispensateur de la souveraineté, peut changer son gouvernement, et par conséquent destituer dans cette grande occasion ceux auxquels il l'avait confié. L'Europe l'a recounu en reconnaissant notre indépendance, ses suites et notre nouveau gouvernement. La maison qui règne en Angleterre n'a pas eu d'autres droits pour exclure les Stuarts que le principe que je rappelle ici.

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