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les vérités politiques qu'ont fait triompher enfin la leçon du imalheur et la voix des sages.

» Les illusions antiques ont disparu ; înais en a-t-il besoin celui qu'appelle notre choix? Il compte à peine trente-quatre ans, et déjà les événemens de sa vie sont plus merveilleux que les fables dont on entoura le berceau des anciennes dynasties!

» La victoire et la volonté nationale ne peuvent trouver de résistance. Ces changemens extraordinaires ne sont pas nouveaux : c'est au bruit des trônes qui tombent, se relèvent, et doivent tomber encore, que les générations méditent sur l'inconstance des choses humaines; les vieux empires se renouvellent dans ces crises salutaires, et le chef d'une autre dynastie semble leur communiquer le mouvement de son âme et la vigueur de ses desseins.

» N'en doutons point, une longue carrière de prospérité et de gloire s'ouvre encore pour nos descendans. Le dix-neuvième siècle, en commençant, donne à l'univers le plus grand spectacle et la plus mémorable leçon; il consacre le principe de l'hérédité et de l'unité pour le bien de la France, dont il finit la révolution, et pour l'exemple de l'Europe, dont il prévient les erreurs.

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L'esprit humain, travaillé de la pire de toutes les maladies, je veux dire celle de la perfection, a voulu faire d'autres hommes, une autre société, un autre monde; mais bientôt, épouvanté de tout ce qu'il a produit, et las de tant d'efforts, il est venu se remettre à la suite de l'expérience et sous l'autorité des siècles.

>> C'est au moment qu'il reconnaît ses limites que l'esprit humain s'est véritablement agrandi; c'est aujourd'hui qu'il dirigera bien l'emploi de sa force, puisqu'il sait où doit s'arrêter sa faiblesse : le souvenir de ses écarts lui donnera une utile prévoyance, et la crainte de retomber dans ses premiers excès ne le précipitera pas dans des excès contraires.

» On ne verra point le silence de la servitude succéder au tumulte de la démocratie. Non, citoyen premier consul, vous ne voulez commander qu'à un peuple libre; il le sait, et c'est pour cela qu'il vous obéira toujours.

>> Les corps de l'Etat se balanceront avec sagesse ; : ils conserveront tout ce qui peut maintenir la liberté, et rien de ce qui peut la détruire.

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Le gouvernement impérial confirmera tous les bienfaits du gouvernement consulaire, et va les accroître encore. Le premier n'aura pas besoin d'employer la même force que le second la sécurité du pouvoir héréditaire en adoucit tous les mouvemens; il est moins rigoureux, car il a moins d'obstacles

à vaincre, et moins de dangers à combattre ; plus il se modère, et mieux il se maintient; et s'il veut trop s'étendre, il se relâche et se détruit.

» Ainsi les prérogatives de l'empereur, mieux définies seront plus limitées que celles du premier consul. Le danger des factions avait nécessité l'établissement d'une dictature passagère ces temps ne sont plus : la monarchie renaît; la liberté ne peut mourir la dictature cesse, et l'autorité naturelle

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SÉNAT CONSERVATEUR. Séance du 26 floréal an 12, présidée par le second consul (Cambacérès). - PROPOSITION d'un sénatus-consulte organique. Orateurs du gouvernement les conseillers d'état Portalis, Defermont et Treilhard.

DISCOURS prononcé à l'ouverture de la séance par le consul président.

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Citoyens sénateurs, vous avez communiqué au premier consul votre pensée sur la nécessité de donner un principe de permanence à l'ordre actuel, et vous l'avez éclairé sur les circonstances qui déterminent l'urgence et l'opportunité de cette disposition.

Avec un peu de réflexion, l'esprit, occupé d'un but aussi important, ne voit pour l'atteindre que l'établissement d'un gouvernement héréditaire.

» Votre prudence a pressenti le vœu de la nation; elle vous a fait connaître que l'opinion était mûre pour le retour d'une institution dont la conservation nous parut nécessaire lorsque l'effervescence des passions n'avait point encore confonda toutes les idées, et vers laquelle tout nous ramène depuis que les faits ont détruit des illusions inspirées par le zèle bien plus que par la prévoyance.

»Aussi le bruit de votre démarche s'est à peine répandu que des milliers de voix ont réclamé un chef héréditaire sous un titre qui fût tout à la fois digne de la grandeur de la nation, et compatible avec les principes de nos lois constitutionnelles.

» Toutes ont déféré à Napoléon Bonaparte ce témoignage de la confiance la plus signalée, et de la reconnaissance la plus universellement sentie.

» Les adresses des tribunaux, des administrations, des municipalités, celles des armées, le cri de tous les bons citoyens, ont annoncé un élan dont le gouvernement n'a pu ni mécon

naître ni négliger l'expression, et que votre sagesse, de concert avec lui, est appelée à diriger.

»

Citoyens, le projet de sénatus-consulte organique soumis à votre délibération est fondé sur cette grande base de l'organisation sociale :

» Il confie le soin de régir la France au héros qui l'a retirée de l'abîme;

» Il le transmet héréditairement à sa descendance, et au défaut de celle-ci à des souches de sa ligne collatérale ;

» Il sanctionne les acclamations du peuple entier.

» Ce peuple demande au ciel que le sauveur de la République puisse être longtemps l'auteur de sa gloire, et que des rejetons de sa race, imitateurs de ses vertus, puissent étendre jusqu'à nos derniers neveux le bonheur que nous lui devons.

Sénateurs, lorsque vous avez provoqué la grande disposition qui nous occupe, vous avez senti que tout ce qui pouvait exister avait besoin d'être mis en harmonie avec elle.

» Cette indication a été suivie, et, en resserrant le principe et l'action du gouvernement, toutes nos institutions ont été conservées, et n'ont subi que des modifications commandées par le nouvel ordre de choses.

» Vous le savez, le grand art du législateur consiste à régénérer les états sur les bases existantes, et sa tâche est de subvenir aux circonstances avec les matériaux qu'il a sous la main.

» Vos yeux exercés reconnaîtront dans le projet que l'on vous présente l'empreinte du génie qui l'a trace.

» Si ce projet n'a pas atteint toute la perfection dont une imagination hardie conçoit la possibilité, il renferme du moius les élémens qui peuvent l'y conduire.

» Les améliorations durables sont toujours l'ouvrage de l'expérience et du temps.

» Vous y trouverez d'ailleurs des garanties contre les écarts de l'ambition. tout ce qui est nécessaire pour assurer l'indépendance et la dignité des grands corps, et la création de premières places dont les fonctions seront souvent utiles et toujours nécessaires pour ajouter à la pompe qui doit environner le chef de l'Etat dans les actes éclatans de la puissance publique.

Il est glorieux pour vous, sénateurs, d'être dans une époque aussi mémorable les interprètes et les arbitres d'une grande nation, et de concourir à assurer sa prospérité sur des bases inébranlables.

» S'il était permis de mêler le langage des affections personnelles à la pensée des plus grands intérêts, je vous dirais qu'en terminant la carrière à laquelle la confiance du premier

consul et le suffrage de la patrie m'avaient appelé, il est doux pour moi de déposer dans votre sein l'expression de mon admiration, de ma reconnaissance, et de mon respectueux vouement pour celui que nous nommons à juste titre le père et le chef du peuple français.

"

MOTIFS du projet de sénatus-consulte organique; exposés par le conseiller d'état Portalis.

« Citoyens sénateurs, c'est un beau spectacle que celui d'une grande nation qui, à peine sortie de la révolution la plus terrible, vient, dans le silence de tous les partis et dans le calme de toutes les passions, choisir elle-même les institutions les plus convenables à sa gloire et à son bonheur.

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L'époque mémorable à laquelle nous sommes arrivés, et qui doit fixer pour toujours le sort de la France, a été préparée par les prodiges d'une administration de quelques années.

Déjà le libérateur à qui nous sommes redevables de ces prodiges avait été établi par le vœu public magistrat suprême de l'Etat.

>> Des hommes qui regardent l'exercice de la puissance plutôt comme un privilége que comme un honorable et généreux dévouement, peuvent croire la nation a fait assez pour que

son chef; mais la nation, éclairée sur ses véritables intérêts et avertie par les événemens et les dangers de toute espèce qui l'environnent, sent qu'elle n'a pas assez fait pour elle-même.

» Les Français n'ont pu voir sans effroi les horribles conspirations tramées contre leur patrie et contre le héros qui la gouverne: ils ne se sont plus contentés d'applaudir au présent; la crainté des maux passés les a conduits à chercher une garantie pour l'avenir. Votre vou, citoyens sénateurs, le vœu du Tribunat et des diverses autorités constituées, celui de toute la France, ont appelé des institutions capables d'assurer à ja– mais la prospérité publique.

» La nature a fixé le terme ordinaire de la vie des individus; elle n'a pas également fixé celui de la durée des états; il est donc permis à la sagesse humaine de chercher à le reculer par des établissemens utiles et par de bonnes lois : c'est ce que s'est proposé dans le projet de sénatus-consulte que nous avons l'honneur de vous présenter.

"

l'on

Citoyens sénateurs, il est des principes qui peuvent être obscurcis dans les temps de trouble et de factions, mais qui roulent à travers les siècles et avec les débris des empires, et sur lesquels on sent le besoin de se reposer après les tempêtes politiques.

» Le premier de ces principes est que les grands états ne

comportent que le gouvernement d'un seul. Cette importante vérité se trouve même déjà consacrée par l'ordre existant des choses plus un état s'agrandit, plus le gouvernement doît se resserrer; car le gouvernement doit être plus fort et plus actif à proportion que le territoire est plus vaste et que la nation est plus nombreuse.

Dans le gouvernement de plusieurs la magistrature s'affaiblit en se divisant ; à force de délibérer on délibère mal, ou on perd même d'avance le fruit d'une bonne délibération.

» Sous le gouvernement d'un seul il y a plus de secret et de célérité dans les affaires; le magistrat suprême fait tout mouvoir en paraissant immobile. Cette sorte de gouvernement est celle où, avec un moindre effort, on peut produire l'action la plus étendue et la plus considérable.

» Dans le gouvernement de plusieurs, ceux qui administrent les affaires publiques peuvent être agités par des ambitions. particulières; aucun d'eux n'est assez puissant ni assez élevé pour ne pas désirer de l'être davantage. D'autre part, dans l'espèce de gouvernement dont nous parlons, personne n'attachant proprement son nom au bien ou au mal qui arrive, chaque administrateur demeure plus indifférent à la gloire des succès et à la honte d'une administration vicieuse; la chose publique disparaît presque toujours au milieu du choc perpétuel des intérêts et des opinions.

>>

Quand un seul gouverne il sent que toutes les affaires pèsent sur lui; il y pense : il est d'ailleurs, selon l'expression d'un publiciste célèbre, le plus grand citoyen de l'Etat ; il ne peut donc placer son bonheur particulier que dans le bonheur général; il ne peut avoir d'autre intérêt que l'intérêt de l'Etat même.

>>>Le second principe, qui est également de droit commun dans les matières politiques, est celui de l'hérédité du pouvoir dans une famille choisie par la nation.

» Nous savons que la puissance publique n'est ni une propriété ni un patrimoine : la propriété n'est établie que pour l'intérêt privé du maître; la puissance publique n'est établie que pour l'intérêt général de la société. Les peuples n'existent pas pour les magistrats ou pour les princes, mais les magistrats et les princes n'existent que pour les peuples.

» Aussi l'hérédité n'est-elle qu'un mode d'arriver au pouvoir : elle n'a aucune influence sur la nature du pouvoir même; c'est une simple forme que l'on emprunte du droit civil, sans rien changer dans les idées ni dans les principes du droit politique. Tous les jours, à la suite d'une guerre, et dans les traités de gouvernement à gouvernement, de nation à nation, on

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