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>> La richesse des évêques est notablement diminuée : ce n'est pas du faste que l'on attend d'eux; c'est l'exemple, et ils le promettent, de la modération et des vertus.

>> Si des hommes pieux veulent établir des fondations, et redoter le clergé, le gouvernement, auquel ces fondations seront soumises, en modérera l'excès. D'avance il est pourvu à ce que des biens-fonds ne soient pas soustraits à la circulation des ventes, et ne tombent pas en main-morte. Les fondations ne pourront être qu'en rentes constituées sur l'Etat; ingénieuse conception, qui achève d'attacher les ecclésiastiques à la fortune de la République, qui les intéresse au maintien de son crédit et de sa prospérité!

>> Tels sont, citoyens tribuns, les traits principaux qui nous ont paru recommander les articles organiques du concordat à votre adoption et à la sanction du Corps législatif. Le résultat en est l'accord heureux et, ce semble, imperturbable de l'Empire et du sacerdoce; l'Eglise placée et protégée dans l'Etat. pour l'utilité publique et pour la consolation individuelle, mais sans danger pour l'Etat et sa Constitution; les ecclésiastiques incorpores avec les citoyens et les fonctionnaires publics, soumis comme eux au gouvernement, sans aucun privilége: ils pourront sans doute enseigner leurs dogmes, parler avec la franchise de leur ministère au nom du ciel, mais sans troubler la terre.

» C'est avec un bien vif sentiment de plaisir que l'on voit ce bel ouvrage couronné par une semblable organisation des cultes protestans.

» La même protection est assurée à leur exercice, à leurs ministres; les mêmes précautions sont prises contre leurs abus; les mêmes encouragemens promis à leur conduite et à leurs vertus,

>> Ils sont donc entièrement effacés ces jours de proscription et de deuil, où des citoyens n'avaient pour prier en commun que le désert, au milieu duquel la force venait encore dissiper leurs pieux rassemblemens!

» Elles avaient, il est vrai, déjà cessé, même avant la révolution, ces vexations odieuses, et dès son aurore elles avaient fait place à une juste tolérance. Les protestans purent avoir des temples; mais l'État était resté étranger et indifférent à leur culte ce n'est que d'aujourd'hui qu'il leur rend les droits qu'ils avaient à son attention et à son intérêt, et que la révocation de l'édit de Nantes, si malheureuse pour eux et pour toute la France, est entièrement réparée.

» Catholiques, protestans, tous citoyens de la même République, tous disciples du Christianisme, divisés uniquement sur quelques dogmes, vous n'avez plus de motifs de vous persécuter

ni de vous haïr! Comme vous partagiez tous les droits civils, vous partagerez la même liberté de conscience, la même protection, les mêmes faveurs pour vos cultes respectifs.

»Ames douces et pieuses, qui avez besoin de prières en commun, de cérémonies, de pasteurs, réjouissez-vous! Les temples vont être ouverts; les ministres sont prêts.

»Esprits indépendans et forts, qui croyez pouvoir vous affranchir de tout culte, on n'attente point à votre indépendance : réjouissez-vous! car vous aimez la tolérance. Elle n'était qu'un sentiment, tout au plus une pratique assez mal suivie; elle devient une loi : un acte solennel va la consacrer. Jamais l'humanité ne fit de plus belle conquête.

La commission, composée des citoyens Lucien Bonaparte, Savoye-Rollin, Roujoux, Jaucourt, Arnould, Jard-Panvilliers et moi, vous propose unanimement, citoyens tribuns, l'adoption du projet de loi,»

PRESENTATION du cardinal légat à latere « auprès de notre très cher fils en Jésus-Christ Napoléon Bonaparte, premier consul de la République française » (1). Audience du 19 germinal an 10, en présence des ministres, des conseillers d'état, du corps diplomatique, etc,

DISCOURS du cardinal légat.

« Général premier consul, c'est au nom du souverain pontife, et sous vos auspices, général premier consul, que je viens remplir au milieu des Français les augustes fonctions de légat à latere.

Je viens au milieu d'une grande et belliqueuse nation, dont vous avez rehaussé la gloire par vos conquêtes, et assuré la tranquillité extérieure par une paix universelle, et au bonheur de laquelle vous allez mettre le comble en lui rendant le libre exercice de la religion catholique. Cette gloire vous était réservée, général consul; le même bras qui gagna des batailles, qui signa la paix avec toutes les nations, redonne de la splendeur aux temples du vrai Dieu, relève ses autels, et raffermit son culte.

» Consommez, général consul, cette œuvre de sagesse si longtemps désirée par vos administrés! Je ne négligerai rien pour y concourir.

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Interprète fidèle des sentimens du souverain pontife, le premier et le plus doux de mes devoirs est de vous exprimer

(1) Texte de la bulle de nomination du cardinal Caprara.

ses tendres sentimens pour vous, et son amour pour tous les Français Vos désirs régleront la durée de ma demeure auprès de vous; je ne m'en éloignerai qu'en déposant entre vos mains les monumens de cette importante mission, pendant laquelle vous pouvez être sûr que je ne me permettrai rien qui soit contraire aux droits du gouvernement et de la nation. Je vous donne pour garant de ma sincérité et de la fidélité de ma promesse mon fitre, ma franchise connue, et, j'ose le dire, la confiance que le souverain pontife et vous- même m'avez témoignée. »

RÉPONSE du premier consul.

Les vertus apostoliques qui vous distinguent, monsieur le cardinal, me font vous voir avec plaisir dépositaire d'une aussi grande influence sur les consciences.

» Vous puiserez dans l'Evangile les règles de votre conduite; et par là vous contribuerez puissamment à l'extinction des haines, à la consolidation de l'union dans ce vaste empire. Le peuple français n'aura jamais qu'à s'applaudir du concert quia eu lieu entre Sa Sainteté et moi dans le choix de votre personne. » Le résultat de votre mission sera pour la religion chré tienne, qui dans tous les siècles a fait tant de bien aux hommes, un nouveau sujet de triomphe.

» Elle en recevra de nouvelles félicitations, du philosophe éclairé et des véritables amis des hommes, »

II.

DE L'ORGANISATION DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE,

EXPOSÉ DES MOTIFS du projet de loi présenté au Corps législatif par le conseiller d'état Fourcroy.

du 30 germinal an 10 ( 20 avril 1802).

Séance

Citoyens législateurs, lorsque de grandes secousses ont déchiré le sein du globe et renversé les édifices qui en couvraient la surface, les hommes ne peuvent réparer solidement leur ancien ouvrage et relever les monumens écroulés qu'après avoir eu le temps d'en recueillir et d'en étudier les ruines. Ils commencent par rassembler les débris avec méthode; ils cherchent dans leur rapprochement l'ancienne ordonnance que l'art leur avait donnée : ils veulent toujours faire mieux qu'ils n'avaient fait d'abord; mais ils n'y parviennent jamais qu'à l'aide des tentatives répétées, des efforts soutenus, et du temps, qui commande aux unes et aux autres.

» Tel est le sort des institutions renversées par le bouleversement des empires. Ceux qui sont appelés les premiers à les rétablir, quel que soit le talent qu'ils y consacrent et le courage qu'ils y portent, ne peuvent pas se flatter de faire un ouvrage durable: les oscillations politiques qui durent encore impriment à leurs nouvelles créations un caractère de faiblesse qui tend à les détruire dès leur naissance. Il faut que tous les germes de dissension et de discorde soient étouffés; que tous les esprits soient rapprochés par le besoin et le désir du repos; que le calme soit entièrement rétabli; que les malheurs soient oubliés ou près de l'être; que la paix, réparatrice de tant de maux, ait consolé la terre, pour que les institutions puissent prendre la vigueur et la solidité qui en assurent la durée.

» Cette vérité, que l'histoire de tous les peuples nous a révélée, et que la nôtre confirme avec tant de force depuis douze années, est surtout applicable à l'organisation de l'instruction publique, qui tient une place si éminente dans l'économie des nations, puisqu'elle perpétue dans leur sein les connaissances sur lesquelles reposent leur soutien et leur prospérité.

» Placé dans les heureuses circonstances dont je viens de parler, le gouvernement, en portant ses regards et sa vigilance sur l'état actuel des écoles publiques, en les comparant avec le besoin et les voeux des citoyens, a reconnu que plusieurs des institutions anciennes exigeaient quelques réformes, et que celles qui ont été établies par la loi du 3 brumaire an 4, quoique dirigées par des vues plus grandes et plus libérales que les anciens colléges et les universités qu'elles ont remplacés, n'avaient point obtenu tout le succès que le législateur en avait espéré. Constamment occupé de ce qui existe, pour conserver ce qui est bien, pour corriger ce qui est défectueux, pour réformer ce qui est mal, le gouvernement, éclairé sur l'état actuel des écoles centrales, n'a pu se dissimuler que le peu d'utilité du plus grand nombre de ces écoles ne permettait point de les maintenir.

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Effrayé de la nullité presque totale des écoles primaires, et des suites que doit amener un état de choses qui laisse une grande partie de la génération dénuée des premières connaissances indispensables pour communiquer avec celles qui la précèdent et qui doivent la suivre, il a senti que la réorganisation de ces écoles était un des besoins les plus urgens, et qu'il était impossible d'en ajourner plus longtemps l'exécution.

» Les écoles spéciales de sciences et d'arts utiles, soit celles qui ont résisté aux orages de la révolution, soit celles dont on doit l'établissement à la Convention nationale, n'ont pas moins

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appelé l'attention du gouvernement. En général les institutions d'études supérieures ont eu des avantages plus marqués, soit l'ancienneté même de l'existence de quelques unes d'entre elles, et par l'habitude contractée d'en suivre l'instruction, soit par l'utilité plus prochaine et plus immédiatement sentie des objets d'enseignement qu'on y trouve. Mais ces écoles offrent encore des lacunes indispensables à remplir. Il n'y a pas d'écoles de droit et de jurisprudence, dont il est impossible de se passer. Trois écoles de médecine sont trop peu nombreuses pour l'étendue du territoire et pour la population actuelle de la France. Enfin Paris, qui renferme presque tous les genres d'instruction approfondie dans ses écoles spéciales, ne peut plus rester seul parmi plusieurs villes populeuses, abondantes en richesses et en ressources, où les sciences et les arts doivent porter de nouvelles lumières et diriger l'industrie de leurs nombreux habitans. La loi du 3 brumaire an 4 n'a pas seulement rendu un service signalé au peuple français en recréant des institutions renversées par les malheurs des temps; elle a solennellement annoncé et promis des écoles spéciales aux départemens.

» Ces trois motifs, la nécessité d'organiser des écoles primaires, celle de corriger les défauts que six années d'existence ont montrés dans l'institution des écoles centrales, enfin celle d'établir les écoles spéciales qui manquent au territoire agrandi et à la masse de population augmentée du peuple français, ont déterminé le gouvernement à s'occuper d'une nouvelle organisation de l'instruction publique.

» Le gouvernement, en recherchant un nouveau mode d'enseignement approprié à l'état actuel des connaissances et au génie de la nation française, a cru nécessaire de sortir de la route accoutumée. Instruit par le passé, il a rejeté les formes anciennes des universités, dont la philosophie et les lumières appelaient la réformation depuis près d'un demi-siècle, et qui n'étaient plus d'accord avec les progrès de la raison; il n'a vu dans les écoles centrales que des institutions peu nombreuses, trop également, trop uniformément organisées pour des départemens inégaux ou variés en population, en ressources et en moyens. Il a pris néanmoins ce que chacun de ces deux systèmes, successivement adoptés, avait de bon, et il en a fait disparaître les abus. Sans perdre de vue la réussite qui est due aux bons maîtres et aux habiles professeurs, il a surtout songé au moyen d'assurer la réussite des nouvelles écoles le concours des élèves.

par

» Il a pensé que pour fonder les institution, littéraires et scientifiques sur une base solide il fallait commencer par y

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