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attacher des élèves, et peupler les classes d'étudians pour ne pas courir le risque de ne les peupler que de professeurs. Tel est le but qu'il a voulu frapper en créant un nombre assez considérable de pensions nationales pour que leur fonds, distribué dans les lycées, puisse suffire à leur entretien. Le fondement total du nouveau système est établi sur cette conception, dont la grandeur est digne du peuple français, et dont la convenance au temps présent sera facilement sentie par tous ceux qui savent apprécier l'état des circonstances où nous vivons, » De nombreuses familles, signalées par les services que leurs chefs ont rendus à la cause de la liberté, verront une carrière ouverte pour leurs enfans, et y trouveront une indemnité des sacrifices qu'elles ont faits à leur pays. Les défenseurs de la patrie recevront dans leurs enfans la récompense due à leur courage, à leurs longs travaux et à leur infatigable constance. Le talent et l'étude, le travail et les premiers succès de l'enfance et de la jeunesse conduiront à un état assuré autant qu'honorable ceux qu'une bonne éducation aura déjà placés dans la vraie route du savoir. L'émulation et l'espérance renaîtront partout les parens soigneront dans leurs enfans l'instruction première, qui les conduira désormais à des places assurées et à une fortune légitime. Les peuples réunis à la France, qui, parlant une langue différente et accoutumés à des institutions étrangères, ont besoin de renoncer à d'anciennes habitudes et de se former sur celles de leur nouvelle patrie, ne peuvent trouver chez eux les moyens nécessaires pour ner à leurs fils l'instruction les mœurs, le caractère qui doivent les confondre avec les Français. Quelle destinée plus avantageuse pour eux et en même temps quelle ressource pour le gouvernement, qui ne désire rien tant que d'attacher ces nouveaux citoyens à la France! Combien d'espérances ne sont pas renfermées dans cette génération, qui, choisie parmi la jeunesse studieuse, s'élevera pour tous les genres de gloire! Quelle pépinière d'hommes éclairés pour tous les états, pour toutes les conditions, et quelle masse de lumières répandues dans toutes les classes de la société !

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» Mais il ne suffit pas de montrer les avantages généraux du système adopté dans le nouveau projet de loi; il faut en décrire le mécanisme, en développer les différentes parties, et le faire connaître dans toute son étendue au Corps législatif, qui doit le juger.

» Neuf titres le partagent et en distribuent les dispositions de manière à les présenter dans leur place respective, et à donner à la loi toute la clarté et toute la méthode qui lui est

nécessaire.

Le premier titre, contenu dans un seul article, divise l'enseignement et les écoles en quatre degrés, dont il donue la nomenclature générale.

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Le titre second traite des écoles primaires. Quatre articles suffisent pour en déterminer l'organisation d'après leurs dispositions, une de ces écoles pourra appartenir à plusieurs communes; les maires et les conseils municipaux choisiront les instituteurs, leur fourniront un logement aux frais des communes, et fixeront la rétribution qui sera payée par les parens. Ces écoles seront placées sous la responsabilité des sous-préfets.

» Avec de pareilles dispositions il serait difficile que les petites écoles ne fussent point établies; elles permettent l'emploi de tous les moyens; elles ne supposent point ces rapports de calculs entre les écoles et la population, que repoussent toutes les circonstances de localité. Détachée des révenus communaux, toujours trop faibles pour pouvoir y subvenir, partout l'institution des écoles primaires ne rencontrera plus cet obstacle qui en a jusqu'ici paralysé l'établissement. Le gouvernement, en recherchant les causes qui ont empêché jusqu'à présent l'organisation de ces écoles, malgré les efforts de plusieurs Assemblées, et malgré les dispositions de la loi du 3 brumaire an 4, les a reconnues dans une trop grande uniformité de mesures, et dans la véritable impossi bilité de payer les maîtres sur les fonds publics. L'expérience de ce qui se faisait autrefois l'a convaincu qu'il faut en confier le soin aux administrations locales, qui y ont un intérêt direct, et qui en feront dans chaque commune une affaire de famille. Une surveillance active, une attention soutenue, des soins

non discontinués seront indispensables il est vrai, pour

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obtenir la réussite de ces institutions; il faudra échauffer le zèle des municipalités, intéresser la gloire des fonctionnaires, qui, placés plus près du peuple, en connaissent mieux les besoins; il faudra faire revivre la bienfaisance, si naturelle au cœur des Français, et qui renaîtra si promptement lorsqu'on connaîtra le respect religieux que le gouvernement veut porter aux dotations locales. Tous ces moyens de succès seront employés par les administrateurs; et le gouvernement, qui en connaît tout le prix, ne négligera rien de ce qui est nécessaire pour l'obtenir.

Le titre III a pour objet les écoles secondaires, destinées à l'enseignement des connaissances littéraires et des premiers élémens des sciences. Le gouvernement regrette que l'état des finances ne lui ait pas permis d'entreprendre leur établissement, et de recréer ce que les colléges anciens avaient d'utile, en élaguant les abus qui s'y étaient introduits. Ce n'est qu'à

près avoir reconnu que les moyens nécessaires pour cette opération importante ne sont pas en ce moment à sa disposition, qu'il a cru devoir adopter un autre mode. Depuis la suppression des colléges et des universités, des écoles anciennes ont pris une nouvelle extension, et il s'est formé un assez grand nombre d'établissemens particuliers pour l'instruction littéraire de la jeunesse. Je pourrais citer ici avec éloge, parmi ces institutions particulières, anciennes ou nouvelles, les écoles de Sorrèze, de July, de la Flèche, les pensionnats d'Evreux, de Fontainebleau, de Metz, et plusieurs autres encore qui se sont soutenus. ou élevés avec éclat depuis la révolution.

» Le gouvernement a pensé que s'il réunissait des moyens d'encouragement à ce que l'industrie particulière a déjà produit dans ce genre, les écoles secondaires qui existent prendraient une plus grande activité, et de nouvelles écoles seraient bientôt ajoutées aux anciennes. On verra par la suite qu'un examen et un concours, établis pour placer un certain nombre d'élèves de ces établissemens dans les lycées, constituent l'un des plus sûrs de ces moyens, celui dont l'exemple de l'école Polytechnique annonce la réussite.

» Le gouvernement propose d'y joindre pour encouragement la concession d'un local pour l'institution de nouvelles écoles secondaires, et des gratifications annuelles aux cinquante maîtres de ces écoles qui se distingueront le plus..

>> En invitant les communes qui en sont privées à former de pareilles institutions à leurs frais, le gouvernement, à qui plusieurs demandes de cette nature ont été déjà faites, a lieu d'espérer que les villes qui ont eu autrefois des colléges, dont les bâtimens sont restés à leur disposition, s'empresseront de concourir à leur rétablissement. On peut prévoir que les avances nécessaires pour cette entreprise, toujours plus utile que coûteuse, seront bientôt couvertes, et remboursées par les parens qui voudront placer leurs enfans dans la carrière des lettres et des arts. Ceux des publicistes qui pensent, avec Smith, que l'instruction doit être abandonnée aux entreprises particulières, trouveront dans cette partie du projet la réalisation de leurs idées : ceux qui croient au contraire. que le gouvernement doit offrir à tous les moyens d'instruction, reconnaîtront qu'il à fait à cet égard tout ce qu'il peut faire dans les circonstances où il est placé. Il aurait fallu plus de deux millions de dépenses annuelles pour établir, aux frais du trésor public, deux cent cinquante écoles secondaires; et toutefois ce nombre, indispensable, eût été inférieur à celui des colléges qui existaient en 1790, et qui devaient presque tous leur existence à des fondations particulières.

» Une nouvelle espérance se présente à la pensée du législateur dans l'établissement de ces écoles secondaires par les communes; il voit naître entre ces institutions littéraires et celles des particuliers une louable et noble émulation, garant ́certain du succès des unes et des autres; car l'émulation dans la carrière des lettres et des arts conduit à la gloire, et ne tourne jamais qu'au profit de la société, tandis que la rivalité dans la route de l'ambition et de la fortune ne produit que la haine, la jalousie et la discorde.

>> Le titre 4 du projet de loí traite des lycées, qui remplaceront les écoles centrales. Il y en aura un au moins par arrondissement de tribunal d'appel. On ne détermine ni leur nombre ni leur placement dans le projet, parce qu'ils doivent être choisis d'après toutes les convenances réunies, parce que cette réunion ne peut être que le produit de lentes informations, de renseignemens positifs, de comparaisons difficiles; parce qu'enfin le gouvernement ne peut renoncer à l'espoir de surpasser, dans cette nouvelle organisation, le nombre de trente-deux, auquel il s'était d'abord fixé.

» Dans les lycées, ce qui était autrefois enseigné dans les colléges pourra être cumulé avec les objets d'enseignement des écoles centrales. On y comprendra l'étude de la littérature ancienne et moderne dans tous ses degrés, et celle des sciences mathématiques et physiques, nécessaires dans le plus grand nombre des professions. On a supprimé ce qu'il y avait de suranné et de surabondant, ce qui péchait par les deux genres d'excès dans les institutions précédentes. Tout ce qui appartient à une éducation libérale se trouvera compris dans les lycées; néanmoins ils ne seront pas tous uniformes et égaux. Les localités, la population, les ressources, les habitudes, les dispositions pour diverses connaissances, les besoins, variés comme le sol et l'industrie, exigent impérieusement une diversité dans les genres et le nombre des sciences enseignées. La loi doit cependant fixer un minimum en ce genre, puisqu'il est nécessaire qu'aucune de ces écoles nationales ne soit dépourvue du 'caractère d'universalité d'enseignement sur lequel elles sont fondées, et qui en constitue le type. Aussi le projet exige-t-il au moins huit professeurs; mais il laisse au gouvernement le droit d'augmenter ce nombre, ainsi que celui des objets d'instruction dans ceux des lycées qui le mériteront par le nombre et par les progrès de leurs élèves. Les lycées recevront quatre genres d'élèves: ceux que le gouvernement y placera immédiatement, ceux des écoles secondaires qui y entreront par le concours, les enfans que les parens y mettront en pension, et des élèves externes. L'enseignement y sera progressif,

depuis les premiers principes des langues et de la littérature des anciens, qui doivent commencer toute éducation libérale, jusqu'aux élémens des sciences, qui ont reçu un si grand accroissement en France durant le dernier tiers du dix-huitième siècle. Les élèves, à tous les degrés d'instruction, y trouveront dans des classes successives et graduées tous les genres de connaissances qui peuvent les guider dans le plus grand nombre des états de la société, et celles mêmes qui doivent initier quelques uns d'entre eux dans l'étude approfondie des sciences.

» Une des parties du projet qui le distingue le plus de l'état actuel des établissemens d'instruction, c'est le genre d'administration des lycées. Le vide laissé dans la loi du 3 brumaire sur cette partie a rendu difficile, incertaine, variable où nulle l'administration des écoles centrales. Dans les lycées dont un pensionnat nombreux est la base, où une population studieuse sera rassemblée, ce vide, s'il y avait existé, aurait eu des effets bien plus fâcheux encore que dans les écoles centrales, dont tous les élèves sont des externes; on a donc dû s'occuper de former une administration forte. Un supérieur, sous le nom de proviseur, surveillera en chef toutes les parties; il aura sous lui deux fonctionnaires, l'un attaché aux létudes comme censeur, l'autre occupé du matériel comme procureur: le premier surveillera tout ce qui appartient à la discipline, à l'étude, à la conduite des élèves; il les suivra partout; il s'occupera de l'emploi de leur temps, de leurs progrès, de leurs mœurs le second dirigera toutes les parties de dépenses de l'établissement; il s'assurera de la bonne dispensation, de l'entretien, du renouvellement des fournitures de tous les genres. Ces deux fonctionnaires, subordonnés au proviseur, formeront avec lui un conseil qui comprendra toute l'administration intérieure. Les professeurs ne s'occuperont que de leurs travaux et de leurs leçons ; ils n'en seront point détournés par des détails administratifs; ils n'auront la discipline des écoliers que dans leurs classes, et par rapport aux devoirs qu'ils leur donneront à faire; aucun soin etranger aux études et aux progrès des élèves ne les empêchera de se livrer à leurs honorables et pénibles fonctions. Les muses veulent posséder tout entiers et sans partage les hommes qui s'attachent à elles.

» Un bureau, composé des principaux magistrats et du proviseur, vérifiera les comptes, et aura la surveillance générale, ainsi que le maintien de l'ordre. Cette marche ancienne de l'administration des écoles a eu trop d'effets heureux pour qu'on ne s'empresse pas de l'emprunter des temps antérieurs à la révolution.

» Il manquait encore, dans les institutions que celles-ci

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