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nal de commerce de la Guadeloupe, du 2 messidor an IX, après la prise qu'en a faite la corvette de l'Etat, l'Egalité, lequel jugement dûment en forme fait partie des pièces de bord ;

3° Que depuis cette confiscation ledit navire l'Altée a été vendu par l'administration à Marc Solier, suivant que le constate le certificat délivré le 6 du même mois de messidor an IV, par Victor Hugues, commissaire du gouvernement à la Guadeloupe et qui, revêtu à cette époque du caractère de premier agent du Directoire dans cette ile, lors même qu'il n'eût pas rempli les formalités indiquées par les lois françaises pour ces sortes de vente n'en serait comptable qu'au gouvernement, et ne pourrait surtout préjudicier à un tiers, et particulièrement à un neutre traitant avec bonne foi;

« 4° Que Marc Solier a déclaré, par un acte sous seing privé, dûment enregistré à Christianstadt, avoir vendu au sieur Oxholm, major danois, le même navire l'Altée, qu'il avait acheté à la Guadeloupe de l'administration française;

« 5° Que ledit major Oxholm a donné le nom d'Anna O'Neil au navire l'Altée, par la déclaration qu'il en a faite et signée sur une feuille timbrée, enveloppant et enlaçant avec un cordon de soie scellé, tant le jugement de confiscation du 2 messidor an IV que le certificat de Victor Hugues et l'acte consenti à son profit par Marc Solier, toutes lesdites pièces lues, publiées et enregistrées aux tribunal et greffe des hypothèques de Christianstadt;

6° Que cet ensemble de pièces et de documents, tous successifs et concordants entre eux, remplit complétement les dispositions des art. 7 et 8 du règlement de 1778, qui veut que les navires ennemis pris pendant la guerre soient regardés comme neutres lorsqu'il se trouve à bord des actes publics, justificatifs de la confiscation et de la vente à un neutre ;

« 7° Que l'identité du navire l'Altée, vendu par Marc Solier au major Oxholm, avec l'Anna O'Neil, capturé par le corsaire l'Ariège, est démonstrativement prouvée par les pièces ci-dessus par des actes de jauge qui, quoiqu'énonçant un nombre de lasts différent, s'accordent cependant sur les dimensions de ce même navire et dont les résultats sont frappés avec un fer chaud sur ledit navire, en sorte que la diversité du nombre des lasts exprimés ne peut provenir que de la diversité des éléments dont les jaugeurs ont fait usage pour le calcul du last;

<< DÉCLARE la prise du navire l'Anna O'Neil nulle et illégale, en ordonne la restitution, etc. »

4. De la composition des équipages. — Du rôle d'équipage.

Règlement de 1778. - ART. 9 et 10. Des officiers-majors.
doit être arrêté le rôle d'équipage.
pendant le cours du voyage.

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Où et par qui

Des changements dans l'équipage

Règlement du 26 juillet 1778.- ART. 9. Seront de bonne prise, tous batiments étrangers sur lesquels il y aura un subrécargue marchand, commis ou officiermajor d'un pays ennemi de Sa Majesté, ou dont l'équipage sera composé au delà du tiers de matelots, sujets

des Etats ennemis de Sa Majesté, ou qui n'auront pas à bord le rôle d'équipage arrêté par les officiers publics des lieux neutres d'où les bâtiments seront partis.

Même règlement. - ART. 10. N'entend, Sa Majesté, comprendre, dans les dispositions du précédent article, les navires dont les capitaines ou les maîtres justifieront, par actes trouvés à bord, qu'ils ont été obligés de prendre les officiers-majors ou matelots dans les ports où ils auront relâché, pour remplacer ceux du pays qui seront morts dans le cours du voyage.

Ces articles statuent sur deux questions distinctes:

1o Sur la composition de l'équipage des navires neutres ; 2o Sur la manière dont cette composition doit être constatée.

Nous ferons remarquer que l'art. 9 ne statue que pour les cas où la neutralité d'un navire saisi est douteuse; il dispose que si la neutralité de ce navire n'est pas prouvée autrement, elle ne pourra l'être par la composition et par le rôle d'équipage qu'à certaines conditions. En effet, l'art. 2, d'après lequel il suffit qu'une seule pièce prouve la neutralité, est applicable au rôle d'équipage. C'est ce qui a été démontré parfaitement par Portalis, dans des conclusions données au Conseil des prises, dans l'affaire du navire Pégou, que nous rapportons ci-dessous.

1o Le législateur a pensé que si, dans l'équipage, il y avait un officier ennemi, l'armement devait être présumé fait par des ennemis. Il a pensé aussi qu'un navire, dont les deux tiers de l'équipage étaient composés de sujets ennemis, était un navire ennemi que l'on cherchait à faire passer pour neutre. Cependant, il arrive quelquefois que les événements obligent un capitaine à renouveler son équipage en route; il est alors obligé de prendre, quelle que soit leur nationalité, les marins qui se trouvent au lieu où il relâche. C'est là un cas de force majeure, qui porte sa justification en lui-même et qui ne peut servir à faire déclarer suspects et ennemis des navires qui, partis avec un rôle d'é

quipage composé de marins neutres, ont été forcés en route de prendre un officier-major ou deux tiers de matelots ennemis.

Notre règlement de 1778 n'exige pas que les deux tiers des matelots neutres, qui doivent se trouver à bord d'un navire neutre, soient de la nation dont ce navire porte le pavillon. Il suffit qu'ils soient sujets de souverains neutres. Les puissances signataires des déclarations de neutralité armée de 1780 et de 1800 avaient proclamé que, pour avoir droit d'être traité comme neutre, chaque bâtiment neutre devrait avoir son capitaine et la moitié de son équipage de la nation dont il portait le pavillon. Le règlement de 1778, en permettant aux neutres de prendre leurs équipages indistinctement parmi les sujets de tous les princes neutres, leur accorde plus qu'ils n'avaient réclamé eux-mêmes par les deux déclarations dont nous venons de parler.

2o La composition de l'équipage doit être constatée par une pièce de bord, nommée rôle d'équipage. C'est une pièce indispensable. Les navires, de quelque nation qu'ils soient, doivent l'avoir à bord. L'article 226 de notre Code de commerce exige que les navires français en soient toujours por

teurs.

Mais s'il existait une puissance maritime qui n'obligeât pas les navires portant son pavillon à avoir un rôle d'équipage pour naviguer dans certaines mers, ces navires ne devraient pas être déclarés de bonne prise, dans le cas où la neutralité serait prouvée par d'autres pièces; car, ainsi que nous venons de l'établir, la neutralité n'a pas besoin de ressortir du rôle d'équipage plutôt que d'un autre acte. Cette opinion est, du reste, de tous points conforme à la lettre et à l'esprit de l'article 1er du règlement du 26 juillet 1778.

L'article 9 exige que le rôle d'équipage soit arrêté par les officiers publics des lieux neutres, d'où les bâtiments sont partis. Par le lieu d'où le bâtiment est parti, il entend le lieu qui est le point de départ de l'expédition et non pas le dernier port de relâche dans lequel le navire a pu s'arrêter. Une relâche n'interrompt pas une expédition, et on ne regarde

pas comme des expéditions distinctes la navigation qui a lieu entre deux relâches. La loi exige que le rôle d'équipage soit arrêté dans le port d'où part l'expédition, parce que c'est dans ce port que se forme l'équipage. L'intention de la loi est que la nationalité des marins soit constatée par une pièce officielle, arrêtée par des officiers publics, dont l'intervention écarte toute idée de fraude. Si l'équipage vient à se modifier, il faut que les changements qui surviennent soient constatés comme la composition primitive; ils devront donc être portés sur le rôle d'équipage et être signés par les officiers publics du lieu où ils s'opéreront, quoique ce ne soit pas le point de départ de l'expédition. On a agité la question de savoir s'ils pourraient l'être par le consul de la nation, à laquelle appartient le navire, qui modifie son équipage dans un port étranger. Cette question a reçu diverses solutions; tantôt on a décidé que les changements dans l'équipage ne pouvaient être constatés que par les officiers du souverain qui exerce l'autorité dans le port de relâche; tantôt on a décidé, au contraire, que le consul étant le représentant de son souverain et ayant, par conséquent, un caractère public, pouvait comme tel arrêter les rôles d'équipage des navires portant le pavillon de son souverain. Quant à nous, nous pensons sur ce point que les officiers publics du lieu de relâche et les consuls sont également compétents pour constater les modifications survenues dans un équipage. Ce que le règlement de 1778 a voulu, c'est l'intervention d'une personne revêtue d'un caractère public. Le consul de la nation neutre offre à cet égard les mêmes garanties que l'officier du lieu ; c'est ce qui nous détermine à leur reconnaître une compétence concurrente. On doit être d'autant plus disposé à adopter cette décision que certaines nations ont une législation qui oblige les capitaines des navires portant leur pavillon à faire insérer par le consul, au rôle d'équipage, les changements survenus pendant le voyage. Nous citerons l'article 6 de l'ordonnance du roi de Danemark, en date du 4 mai 1803.

Le rôle d'équipage étant destiné à prouver la nationa

T. I.

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lité des gens de l'équipage, doit contenir leurs noms, leurs lieux de naissance et de domicile.

Nous rapportons ci-dessous plusieurs décisions rendues dans des espèces où des questions relatives à l'application des articles 9 et 10 du règlement de 1778 avaient été soulevées.

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29 fructidor an VIII.

Est de bonne prise le navire neutre dont les officiers-majors sont sujets ennemis.

Tout navire ennemi vendu à des neutres, depuis le commencement de la guerre, est de bonne prise.

LE CANINHOLM contre LE SCIPION.

Conclusions du commissaire du gouvernement.

« Le 7 prairial an VII, le corsaire français le Scipion, de Bordeaux, capitaine Martin, armateurs, Reymond Bonet et compagnie, se trouvant par 48° 40" latitude nord, et par 48° de longitude à l'ouest du méridien de Paris, découvrit le Caninholm, commandé par John Alcock.

« Après lui avoir tiré le coup de semonce, un officier du Caninholm se rendit à bord avec quelques papiers.

Le capitaine du corsaire, ayant trouvé ces papiers insignifiants, envoya à bord du Caninholm ses deux lieutenants, qui le trouvèrent en état de défense; l'audace de l'équipage du corsaire en ayant imposé à celui du Caninholm, le capitaine en second muni des papiers de ce navire se rendit à bord du corsaire.

« Ces papiers furent mis dans un sac avec un état écrit de la main du second, énonçant la quantité des pièces remises; cet état fut fait pour suppléer au sceau dont manquait le capitaine en second du Caninholm.

Le capitaine du corsaire dressa son procès-verbal de capture, que le second du Caninholm refusa de signer.

« Nous avons puisé ces faits dans le procès-verbal de capture. « Le Caninholm fut amariné, et le premier lieutenant du corsaire fut chargé de le commander.

« Pendant la route et le 16 prairial, les officiers conducteurs de la prise trouvèrent, dans leurs recherches sur le Caninholm, une quantité de papiers, comme journaux entiers, lettres, reçus de bord, signaux, de même qu'un pavillon anglais, que l'on a dégradé ainsi que la flamme. D'après cela (dit-on dans le procès-verbal d'où nous copions ces faits), nous avons vu réellement que le bâtiment se nommait le Rodney, Londres, par conséquent masqué sous pavillon danois.

de

«Le navire le Caninholm, étant d'une très-grande capacité, ne put ́remonter la Gironde et fut mouillé à l'île du Nord.

«Le 19 prairial, le capitaine du corsaire se présenta au juge de paix de Saint-Ciers-de-Canesse ; il le requit de se transporter à bord avec un interprète, pour y recevoir la déclaration du conducteur, les papiers de la prise, et faire toutes les opérations relatives à son ministère.

«Le juge de paix déclara, à la suite de cette pétition, qu'il se rendait à bord le 21 prairial.

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