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TITRE IX.

Vente, liquidation et partage des prises.

Une fois l'instruction terminée et le jugement rendu, il y a lieu, si la prise a été déclarée valable, de procéder à la vente des objets adjugés aux capteurs, à la liquidation de la prise et au partage du produit de la vente.

CHAPITRE I.

FORMALITÉS DE la vente des CHOSES DÉCLARÉES DE BONNE PRISE.

Arrêté du 2 prairial an XI. ART. 85 et 86, et arrêté du 17 floréal an IX. ART. 1er. De la vente.

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ART. 87. Du payement des droits de douanes.

ART. 88. Dépôt du compte du produit de la prise.

a.) Les neutres peuvent-ils se rendre acquéreurs des prises vendues par les belligérants?

b.) Un Français peut-il acheter un navire français pris et vendu par les ennemis de la France?

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Arrêté du 2 prairial an XI. ART. 85. Les marchandises seront exposées en vente et criées par parties ou par lots, ainsi qu'il sera convenu entre les intéressés à la prise; et en cas de contestation, l'officier d'administration réglera la forme de la vente, qui ne pourra, dans aucun cas, être faite en bloc.

Le prix en sera payé comptant, ou en lettres de change acceptées à la satisfaction de l'armateur, et à deux mois d'échéance au plus tard.

La livraison des effets vendus et adjugés sera commencée le lendemain de la vente, et continuée sans interruption.

Arrêté du 17 floréal an IX. ART. 1. L'officier en chef d'administration de la marine sera chargé de

la vente des prises, ainsi que l'était le juge de paix dont il remplit les fonctions.

L'article 85 ne parle que de la vente des marchandises qui composent le chargement du navire capturé et déclaré de bonne prise; mais il ne s'occupe pas de la manière dont doit être vendu le corps du navire.

Il résulte des termes dans lesquels cet article 85 est conçu que la vente de la cargaison doit avoir lieu à la criée, au plus offrant et dernier enchérisseur. Le navire doit-il aussi être vendu à la criée? peut-il, au contraire, l'être à l'amiable? L'arrêté du 17 floréal an IX résout cette question. Depuis cet arrêté, c'est l'administration de la marine qui met administrativement en adjudication, aux enchères publiques, les navires provenant de prises, comme les marchandises que ces prises contiennent.

Notre article 85 établit comment le prix de la vente devra être payé; sa disposition, relative au payement du prix, ne s'applique qu'aux objets vendus après la déclaration de validité de la prise. Quant au cas de vente provisoire des objets sujets à dépérissement, il est réglé, comme nous avons vu, par l'art. 79, tom. II, p. 215.

Si le prix est réglé en lettres de change, elles ne doivent pas être à plus de deux mois d'échéance. Pourquoi cette disposition? Elle est édictée dans l'intérêt des équipages des corsaires. Les armateurs qui, en général, ont des fonds devant eux, auraient pu consentir de plus longues échéances; mais le législateur a pensé que, dans l'intérêt de la course, il fallait que les équipages n'attendissent pas longtemps le payement de leurs parts de prise. C'est l'appât du gain qui attire les matelots sur les corsaires; l'homme est ainsi fait qu'il est beaucoup plus touché d'un gain immédiat que d'un gain futur, qui peut-être serait plus considérable que le gain présent. Le législateur a compris que plus le payement des parts de prises serait prompt, plus les engagements sur les corsaires seraient nombreux. C'est pour cela, et afin de ne pas retarder les liquidations et partant le payement des parts

de prise qu'il n'a pas voulu que les armateurs pussent accorder, aux acquéreurs des objets vendus, plus de deux mois pour payer leur prix.

Même arrêté. ART. 86. Dans le cas où quelque adjudicataire ne se présenterait pas à l'heure indiquée, ou au plus tard dans les trois jours après la livraison faite des derniers articles vendus, il sera procédé à la revente, à la folle enchère, des objets qui lui auraient été adjugés.

Même arrêté. ART. 87. Les dispositions prescrites par les lois pour les déclarations à l'entrée et à la sortie, ainsi que pour les visites et payement de droits, seront observées, relativement aux armements en course et aux navires pris sur les ennemis de l'État, dans tous les cas où il n'y est pas dérogé par le présent règlement. Les directeurs, inspecteurs et receveurs. des douanes prendront les mesures nécessaires pour prévenir toutes fraudes ou soustractions, à peine d'en demeurer personnellement responsables. Les droits sur les objets de prise sont à la charge des acquéreurs, et seront toujours acquittés avant la livraison, entre les mains du receveur des douanes, avec lequel l'officier supérieur de l'administration de la marine se concertera pour indiquer l'heure de la livraison. Les marchandises dont l'entrée est prohibée, ne pourront être vendues qu'à charge de réexportation.

Les droits de douane doivent toujours être acquittés, soit que les marchandises qui sont introduites en France l'aient été par une importation directe, soit qu'elles aient été amenées dans nos ports sur des navires capturés par nos croiseurs. Si l'on eût affranchi du payement des droits de douane les marchandises composant la cargaison des prises, des corsaires, de connivence avec des négociants, eussent simulé des prises pour éviter l'acquittement des droits établis par la loi. C'est donc pour empêcher que par des simulations on ne parvienne à éluder les prohibitions, portées par les lois de

douanes contre certains articles étrangers, que le dernier alinéa de notre article 87 dispose que les marchandises prohibées à l'entrée ne pourront être vendues qu'à charge de réexportation.

Même arrêté. - ART. 88. Dans le mois qui suivra la livraison complète des effets vendus, l'armateur ou son commissionnaire déposera, au greffe du tribunal connaissant des matières de commerce, le compte du produit de la prise, avec les pièces justificatives, sous peine de privation de son droit de commission, et même sous plus forte peine, s'il y a lieu, dans le cas où le produit ne serait pas complet. Ce tribunal pourra accorder à l'armateur, sur sa simple requête et sans frais, quinze autres jours pour rapporter les pièces manquantes.

Cette remise du compte du produit de la prise au greffe du tribunal de commerce est ordonnée, afin que tous les intéressés à l'armement puissent en prendre connaissance. L'armateur, seul dépositaire de toute la comptabilité, aurait pu ne pas fournir des comptes très-exacts; il est vrai que, d'après le droit qui régit les sociétés commerciales, les associés auraient pu le faire condamner à communiquer ses livres et à produire ses comptes. Mais tout cela eût entraîné des procès, et partant des lenteurs. Or, le législateur, qui voulait favoriser la course et engager le plus de personnes possibles à prendre part aux armements, cherchait à simplifier, en faveur des sociétés pour la course, le mécanisme de la loi commerciale : c'est ce qu'il a fait par l'article 88. S'il s'élève des doutes dans l'esprit des intéressés sur l'exactitude du compte qui leur aura été fourni par l'armateur, ils pourront immédiatement, et sans entamer un procès pour cela, éclaircir ces doutes. Ils n'auront qu'à se rendre au greffe du tribunal de commerce; là ils trouveront les pièces justificatives et tous les éléments du compte du produit de la prise. Ils pourront eux-mêmes faire toutes les vérifications qu'ils croiront nécessaires. Cette précaution, que l'arrêté de prai

rial a prise de faire déposer au greffe du tribunal de commerce les éléments du compte des prises, est une mesure excellente dans l'intérêt de tous les ayants droit. On se demandera peut-être pourquoi, depuis, le législateur ne l'a pas généralisée, et pourquoi il n'a pas exigé que les comptes de toutes les sociétés commerciales fussent ainsi déposés au greffe des tribunaux de commerce. D'abord, une pareille mesure aurait eu pour résultat d'encombrer les greffes de ces tribunaux; les sociétés pour la course, comparativement aux autres sociétés commerciales, sont peu nombreuses; on pouvait, par exception, prendre, en ce qui les concerne, une mesure de ce genre. Ensuite, une société pour la course est formée en vue d'opérations déterminées, et surtout d'opérations toujours indépendantes les unes des autres. Nous nous expliquons le corsaire, armé par des associés, fait une prise ; on vend cette prise; voilà une opération terminée, et on peut immédiatement après la vente, faire le compte du produit de la vente. Dans les sociétés commerciales ordinaires, il n'en est pas ainsi; on ne fait pas des opérations distinctes: tout se lie, tout s'enchaîne, tout se tient, et souvent on ne peut faire un compte que lorsque la société se dissout, quelquefois après plusieurs années d'existence. Et puis une société commerciale ne pourrait pas, sans inconvénient pour la suite de ses opérations, se dessaisir des pièces justificatives des transactions qu'elle a conclues, tandis qu'après la vente d'une prise, l'armateur, qui est le gérant de la société pour la course, n'a pas besoin de rester nanti des pièces justificatives du compte. En effet, si le corsaire fait de nouvelles prises, s'il y a un nouveau compte à faire, ce sera là une affaire tout à fait distincte de la précédente, qui n'aura aucune connexité avec elle, et qui n'exigera jamais que l'on recoure au compte ni aux pièces justificatives de la première prise.

Ainsi l'exception que l'article 88 de l'arrêté du 2 prairial an XI fait aux règles générales du droit commercial s'explique par plusieurs raisons : 1o le législateur voulait simplifier toutes les formalités en faveur des sociétés pour la course, afin d'y attirer les capitaux; 2o le but et la manière d'opérer

T. II.

24.

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