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Portalis demande la suppression de ces mots, si ce n'est qu'il se soit donné la mort à lui-même : il se fonde sur ce que les lois actuelles gardent le silence sur le suicide. Le suicide peut être un crime dans certaines occasions: mais celui du condamné n'a rien de dangereux; il débarrasse la société; il ne profite qu'aux héritiers; et il a pour cause ou la conservation de l'honneur, ou l'intérêt des enfants. Tronchet dit que le suicide d'un condamné peut porter préjudice à ses héritiers en validant son tes

tament.

Defermon observe que l'article XXVIII (sup.) paraît pourvoir à ces fraudes, quoiqu'il ne parle pas formellement du testament.

Tronchet dit que la disposition de l'article XXVIII (sup.) n'embrasse pas toujours les testaments, parce qu'ils peuvent avoir été faits longtemps avant la condamnation.

Defermon dit que, dans ce dernier cas, il ne peut pas y avoir de raison de les infirmer.

Tronchet répond qu'un testament ne peut être que l'expression de la volonté dans laquelle le testateur est mort; il faut donc, pour qu'un testament soit valable, que le testateur, au moment de sa mort, ait encore eu la capacité de disposer par l'effet de sa volonté.

Tronchet consent, au surplus, au retranchement demandé par Portalis.

L'article est adopté avec ce retranchement. Boulay observe que, d'après cette décision, tout le paragraphe 2 devient inutile.

Le Conseil adopte la suppression.

ARTICLE 27.

Les condamnations par contumace n'emporteront la mort civile qu'après les cinq années qui suivront l'exécution du jugement par effigie, et pendant lesquelles le condamné peut se représenter.

ARTICLE 28.

Les condamnés par contumace seront, pendant les cinq ans, ou jusqu'à ce qu'ils se représentent, ou qu'ils soient arrêtés pendant ce délai, privés de l'exercice des droits civils.

Leurs biens seront administrés, et leurs droits exercés de même que ceux des absents.

ARTICLE 29.

Lorsque le condamné par contumace se présentera volontairement dans les cinq années, à compter du jour de l'exécution, ou lorsqu'il aura été saisi et constitué prisonnier dans ce délai, le jugement sera anéanti de plein droit ; l'accusé sera remis en possession de ses biens: il sera jugé de nouveau; et si, par ce nouveau jugement, il est

condamné à la même peine, ou à une peine différente emportant également la mort civile, elle n'aura lien qu'à compter du jour de l'exécution du second jugement.

ARTICLE 30.

Lorsque le condamné par contumace, qui ne se sera représenté ou qui n'aura été constitué prisonnier qu'après les cinq ans, sera absous par le nouveau jugement, ou n'aura été condamné qu'à une peine qui n'emportera pas la mort civile, il rentrera dans la plénitude de ses droits civils, pour l'avenir, et à compter du jour où il aura reparu en justice; mais le premier jugement conservera, pour le passé, les effets que la mort civile avait produits dans l'intervalle écoulé depuis l'époque de l'expiration des cinq ans juqu'au jour de sa comparution en justice.

ARTICLE 31.

Si le condamné par contumace meurt dans le délai de grâce des cinq années sans s'être représenté, ou sans avoir été saisi ou arrêté, il sera réputé mort dans l'intégrité de ses droits. Le jugement de contumace sera anéanti de plein droit, sans préjudice néanmoins de l'action de la partie civile, laquelle ne pourra être intentée contre les héritiers du condamné que par la voie civile.

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Discussion du conseil d'État.

Rédaction. (Séance du 6 therm. an IX.)

XVI (27). « En cas de contumace, la mort civile << n'aura lieu qu'après l'expiration du délai accordé « pour purger la contumace.

« Ce délai ne sera que de cinq ans. »

Les autres articles n'ont été insérés que dans les rédactions suivantes.

Tronchet dit que l'article XVI (27) suppose un contumax condamné et exécuté par effigie, et lui accorde un terme de cinq ans, pendant lesquels il peut faire tomber son jugement en se présentant aux tribunaux. Dans l'ancienne législation, un tel délai n'était pas exclusif: seulement, pendant sa durée, le contumax ne jouissait pas des droits civils; mais à quelque époque qu'il se représentât, on recommençait la procédure; et si le condammé était absous, le jugement avait un effet rétroactif: cependant on ne restituait pas les biens qui étaient échus pendant la contumace. La section propose de substituer à ce système une suspension de la mort civile et des effets qu'elle a pu produire pendant cinq ans. Elle n'a pas considéré que la mort civile n'est pas une peine directe, mais seulement un effet et une conséquence de la peine capitale. Aux yeux de la loi civile, le mort civilement n'existe pas plus que celui qui a été privé de la vie naturelle : ainsi, vouloir qu'un homme contre lequel a été exécutée par effigie une peine qui entraînait la mort civile ne soit pas réputé mort par rapport aux droits civils, c'est vouloir qu'un mort soit regardé comme vivant. Ce n'est que par humanité qu'on admet le contumax à se représenter et à solliciter un jugement qui efface sa

première condamnation. Mais la représentation n'est, donner, de disposer, dans l'espérance que des conqu'une condition résolutoire : elle n'a ses effets que jonctures favorables lui permettront, dans la suite, lorsqu'elle s'accomplit; elle ne change rien à ce qui de se faire absoudre et de valider ainsi ce qu'il aurait a précédé ce moment : dès lors il est impossible de fait d'une manière illégale. supposer que la mort civile n'a pas existé.

D'un autre côté, la mort civile faisant cesser les droits civils, on ne peut laisser au condamné la portion de vie qui lui est nécessaire pour devenir successible, et pour le devenir au préjudice de parents honnêtes; ce serait donner à celui contre lequel s'élève la présomption d'une condamnation, la préférence sur celui qui jouit de la plénitude de la vie civile.

Boulay répond que la section a dû prendre pour guide la loi criminelle telle qu'elle existe aujourd'hui: cette loi ne frappe pas d'abord le condamné d'une mort civile absolue, et telle qu'elle lui enlève tous ses droits; mais d'une quasi-mort civile, qui ne lui imprime que quelques incapacités. Ce système a été introduit en faveur de l'innocence: en effet, l'homme le moins coupable peut avoir de justes motifs de craindre les préventions; il peut vouloir se mettre à l'écart pour apprendre, par la procédure, s'il doit se confier à l'impartialité de ses juges, ou redouter les manœuvres de ses ennemis.

La question, au surplus, n'a d'intérêt que pour les héritiers appelés, à défaut du condamné, à recueillir les successions qui peuvent s'ouvrir pendant le délai de cinq ans. C'est en leur faveur que la section propose de suspendre pendant un temps les effets de la mort civile, afin que leur sort ne dépende pas de l'hypothèse de la révocation du jugement.

Le consul Cambacérès dit que la section, dans son projet, suppose toujours que l'accusé est innocent et doit se représenter. Ce raisonnement repose sur une base souvent fausse : la présomption s'élève en faveur de la justice: il faut croire que l'accusé fugitif a eu de puissants motifs de prendre ce parti.

Un délai n'est pas nécessaire à l'intérêt des enfants du condamné, puisqu'ils prennent directement les successions que leur père aurait recueillies s'il eût conservé ses droits civils.

Le Ministre de la Justice observe qu'un jugement, même par défaut, doit toujours s'exécuter, tant qu'il n'y a pas d'opposition; que le jugement par contumace n'est qu'un jugement par défaut, qui doit avoir tout son effet (et qui l'a réellement par l'effigie) tant qu'il n'est pas attaqué; que suspendre cet effet pendant cinq ans indépendamment de toute opposition, ce serait s'écarter des principes reçus.

Le Premier Consul dit que cette loi serait un scandale, qui, en frappant un homme de mort civile, lui laisserait cependant la faculté de vendre, de

Emmery observe que, dans le système de Tronchet, la propriété demeure incertaine : il n'est pas permis aux tribunaux de repousser un contumax qui se représente, même longtemps après le délai accordé pour purger la contumace.

Si donc il ne se représente que dix ans après sa condamnation, et qu'il soit absous, il reprend ses biens, et toutes les dispositions faites dans l'intervalle se trouvent rétroactivement annulées.

Maleville dit qu'il ne croit pas que d'après les anciennes lois, ni d'après les nouvelles, il fût libre à un condamné de se représenter après les délais pour purger sa contumace et faire tomber son jugement; que, d'après l'ordonnance de 1670, le condamné n'avait régulièrement que cinq ans, et que ce n'était que par une faveur particulière que le roi accordait quelquefois des lettres pour purger la contumace ou la mémoire après les cinq ans ; que le nouveau code pénal a mal à propos étendu ce délai à vingt ans; mais qu'il est bien clair au moins qu'il est de rigueur; qu'un contumax ne peut pas plus aujourd'hui qu'autrefois, prétendre aux successions échues depuis, ni troubler ceux auxquels sa condamnation avait acquis des droits.

Roederer observe que l'absolution n'a cet effet que pendant le laps de cinq ans.

Emmery répond que dans notre législation actuelle, à quelque époque que se représente le contumax, il rentre immédiatement dans l'exercice de tous ses droits, et récupère tous ses biens, à l'exception des fruits. Le système de la section tend à faire cesser les inconvénients d'une trop longue suspension, en fixant un délai de cinq ans, pendant lequel le contumax, n'étant pas irrévocablement condamné, ne serait frappé que d'une sorte d'interdiction légale, mais après lequel la condamnation, devenue irrévocable, produirait la mort civile. On est d'accord que si le contumax se représente ou est arrêté dans ce délai, il doit recouvrer à l'instant la plénitude de ses droits. On convient que s'il meurt naturellement avant l'expiration des cinq ans, il doit mourir integri status; et cependant, on veut le déclarer mort civilement du jour où le jugement par contumace aura été exécuté en effigie. Il y a dans ce système une contradiction qui serait sauvée dans le système de la section. L'intérêt des enfants du contumax serait aussi plus respecté; et il doit l'être, puisqu'ils sont innocents. Ils ne pourront pas toujours prendre de leur chef les successions que leur

père aurait recueillies. Si la représentation à l'infini est restreinte, comme il y a toute apparence, il arrivera souvent que les enfants n'auront pas le degré qui leur donnerait la capacité de succéder par euxmêmes.

Le consul Cambacérès dit que l'article XVI (27), en suspendant la mort civile pendant cinq ans, contredirait l'article précédent (26), qui la déclare encourue du jour de l'exécution par effigie, quoique peut-être ces sortes d'exécutions, instituées pour faire connaître le jugement, ne devraient plus avoir lieu depuis que la procédure est publique, et qu'il serait convenable de donner au jugement tous ses effets, aussitôt qu'il a été prononcé.

Au reste, la loi ne peut accorder une protection spéciale à un individu, précisément parce qu'il est condamné. Elle ne peut tolérer qu'il dispose au mépris de sa condamnation, ni prendre sous sa sauvegarde les actes qu'il fait, en lui ménageant la faculté de se présenter pour se faire absoudre lorsqu'il sait que les preuves de son crime ont péri. L'intérêt des enfants doit toucher, sans doute; mais l'ordre public a aussi ses droits et d'ailleurs, l'intérêt des enfants est bien plus respecté dans le système de Tronchet, où ils succèdent, que dans le système de la section, où ils perdent les fruits pendant cinq ans. Regnier dit que toute condamnation par contumace est essentiellement conditionnelle.

2o Rédaction. (Séance du 16 therm. an IX.) XXI. « En cas de jugement par contumace, «< condamné sera frappé d'interdiction.

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XXII. « Les effets de l'interdiction seront, l'incapacité de contracter mariage, d'exercer les droits « de la puissance paternelle, de pouvoir aliéner ses biens, d'en avoir l'administration ni la jouissance; « d'être tuteur, ou de concourir à une tutelle, de rendre témoignage en justice, ni d'y ester autrement << que sous le nom et à la diligence d'un curateur; le << tout sans préjudicier aux autres dispositions por«<tées par la loi criminelle contre les contumax. » XXIII. « L'interdiction aura lieu dès le moment « de l'exécution du jugement.

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XXIV. « A l'expiration du délai accordé pour << purger la contumace, le condamné sera mort ci« vilement. >>

Tronchet demande qu'avant de discuter les articles XXI, XXII, XXIII et XXIV, on traite la question générale de savoir si la mort civile est suspendue jusqu'après l'expiration du délai accordé pour purger la contumace, ou si elle est encourue provisoirement, sauf la résolution avec effet rétroactif lorsque le condamné se représente dans le délai prescrit.

Il observe que tous les tribunaux adoptent cette dernière opinion.

Boulay dit que la section, d'après la théorie adopTronchet répond qu'elle n'est modifiée que partée par le Conseil sur la mort civile, se borne à proune condition résolutoire, qui dépend ou de l'absolution du contumax, ou de sa mort pendant le délai de cinq ans.

Boulay dit que si la section propose une suspension, ce n'est qu'afin de ne pas mettre sur la même ligne l'individu condamné sans retour, et l'individu qui peut revivre à la société.

Il ajoute qu'au surplus, le système de Tronchet serait aussi suspensif à l'égard de divers effets civils: par exemple, il n'entraînerait pas la dissolution du mariage pendant les cinq années de délai.

Tronchet dit que le contrat de mariage a des règles toutes particulières ; qu'il ne demeure en suspens que parce qu'au moment de la condamnation il avait toute sa perfection, et qu'un pareil contrat ne peut pas être anéanti conditionnellement.

Le consul Cambacérès dit que le jugement par contumace a les mêmes effets qu'un contrat modifié par une clause résolutoire. Un tel contrat s'exécute jusqu'à ce qu'il soit détruit : il en doit être de même d'un jugement qui opère l'expropriation.

Le Premier Consul renvoie à la section les articles discutés, et la charge de présenter le tableau des conséquences de son système.

CODE. TOME II.

poser l'interdiction du contumax.

L'opinion qui le fait mourir civilement avant le délai que la loi lui accorde pour se représenter, est injuste, parce que, dans une procédure par contumace, l'accusé ne peut ni se défendre, ni être défendu; qu'on entend à peine quelques témoins; qu'on ne leur permet pas de se corriger; que tous les doutes sont interprétés contre le contumax; qu'enfin, une procédure, traitée avec tant de légèreté, n'est que de forme, et ne doit pas, dès lors, avoir des effets aussi graves qu'une procédure solennelle. Il est même possible qu'un absent, qui ignore qu'il est accusé, se trouve cependant condamné par contumace; il se peut aussi qu'ayant des ennemis puissants ou des préventions à craindre, il fuie une instruction où il ne peut avoir une confiance entière dans la justice de sa cause.

D'un autre côté, il est contre les principes d'appliquer à ce qui concerne la vie, l'usage des clauses résolutoires que l'essence des choses ne permet d'employer que dans les contrats. Il est contre toute vraisemblance de ressusciter civilement celui qui meurt naturellement dans un délai de cinq ans.

Enfin, le système de Tronchet porterait le trou

ble dans les familles. En effet, les héritiers d'un condamné sont saisis de ses biens, du moment où il encourt la mort civile; il faudra donc anéantir, peut-être, une longue suite de transmissions, si, en se faisant absoudre, il reprend rétroactivement ses droits civils. Dans le système de la section, au contraire, la propriété ne repose irrévocablement sur la tête de ses héritiers, qu'au moment où il en est dépouillé sans retour : ce système, au surplus, ne lui conserve ses droits que passivement; il suspend la mort civile pendant un délai suffisant pour que le condamné fasse valoir son innocence, mais pas assez long pour prolonger trop l'incertitude de sa propriété.

Tronchet répond que, pour bien faire entendre la question, il se voit forcé de tracer d'abord l'histoire des progrès de la législation, et surtout de comparer l'ordonnance de 1670 avec le code pénal du 3 brumaire de l'an IV.

Il observe que c'est à la mort civile parfaite que la section ne veut pas donner les mêmes effets lorsqu'elle est encourue par un contumax, que lorsqu'elle l'est par un individu condamné contradictoi

rement.

On a douté autrefois, continue Tronchet, si la peine capitale, et surtout la peine de mort, devait être prononcée contre le contumax. Les Romains ne le condamnaient pas à mort; mais aussi sursoyaient-ils à toute condamnation. Il leur paraissait absurde d'infliger à un coupable, parce qu'il a fui, une peine plus douce qu'à un coupable mis en présence de la justice. Les capitulaires de Charlemagne prouvent que ce système a été suivi en France.

Depuis, on en a senti les inconvénients; et les Établissements de Louis IX ont autorisé la condamnation d'un accusé absent. Ce changement était fondé sur les raisons les plus solides. La punition d'un coupable a pour objet l'intérêt public et l'intérêt de la partie civile: la justice due à la partie civile ne permet pas d'éloigner la réparation qui lui appartient, parce que celui qui l'a offensée s'est dérobé à la vengeance des lois : l'intérêt public exige que l'exemple du châtiment infligé au coupable retienne les pervers qui pourraient se porter à le suivre dans la carrière du crime. C'est pour cette fin, et pour cette fin seulement, que les peines sont établies. Certes, s'il existait d'autres moyens de retrancher, sans retour, de la société, l'homme corrompu qui l'a troublée, et de la garantir de ses attentats, il faudrait abolir la peine de mort et les peines perpétuelles.

Mais l'exemple ne produit pas le même effet, si la punition ne vient que longtemps après le crime.

Voilà pourquoi l'on ne diffère plus ni le jugement, ni l'exécution des coupables.

Cependant il serait contre la justice et contre l'humanité, de donner la même force au jugement rendu contre un accusé absent, qu'au jugement rendu contre un accusé qui a pu se défendre. A cet égard, on a distingué entre la peine capitale, d'où résulte la mort civile, et les peines purement pécuniaires. La faveur de l'innocence a fait admettre le condamné à se représenter en tout temps pour se faire absoudre de la peine capitale. Il pouvait provoquer un jugement nouveau, même après avoir prescrit la peine. Cependant cette faveur n'était que pour le condamné qui se présentait volontairement. Le contumax saisi était exécuté sans nouvelle procédure : la formule du jugement l'énonçait. On était plus sévère par rapport aux peines pécuniaires, qui consistaient surtout dans la privation des biens au profit du fisc, presque dans toutes les provinces, et au profit des héritiers, seulement dans quatre où la confiscation n'avait pas lieu. L'ordonnance de Moulins de 1563, en substituant un délai de cinq ans au délai d'un an, qui jusque-là avait été accordé au condamné pour se représenter, maintint néanmoins le droit alors existant; elle ne rendit, en cas d'absolution, ni les biens qu'avaient recueillis, soit le fisc, soit les héritiers; ni les restitutions ou dommages et intérêts que la partie civile avait touchés. L'ordonnance de 1670 a conservé le délai même après ce délai : elle a décidé que le contumax, et admis le contumax à se représenter saisi même après les cinq ans, ne pourrait être aussitôt exécuté, mais que la procédure serait recom

de cinq ans,

mencée. Mais l'ordonnance de 1670 ne rendait au contumax absous tout ce que sa condamnation lui avait fait perdre, que lorsqu'il s'était représenté dans les cinq ans. L'intérêt des tiers, de la partie civile, des héritiers, avait dicté cette disposition. Le jugement par contumace était comme est en matière civile un jugement par défaut, qu'on exécute provisoirement, et tant qu'il n'est pas attaqué. Les hédonnant caution: ainsi, ils ne pouvaient abuser de ritiers ne succédaient aux droits du condamné qu'en leur possession; et comme ils ne possédaient que de bonne foi. Si le condamné ne se représentait pas par provision, il était impossible qu'on acquît d'eux pendant les cinq ans, il perdait définitivement tous les biens dont il avait été dépouillé; mais il reprenait tous ses biens pour l'avenir. Il n'y avait là rien de choquant. La mort civile est une fiction : la loi peut donc faire mourir et faire revivre un condamné par rapport à ses droits civils, et l'en priver pour un temps.

L'ordonnance de 1670 veut aussi que le contumax soit exécuté par effigie dans les vingt-quatre heures du jugement: le code du 3 brumaire contient la même disposition. L'exécution emporte de plein droit la mort civile; et cependant la section propose d'en détacher cet effet nécessaire. Elle voudrait que le contumax subît l'exécution par effigie, et que néanmoins il conservât la vie civile. Elle objecte que, dans le système de l'ordonnance de 1670, le contumax peut anéantir la mort civile : qu'ainsi, autant vaut-il la suspendre jusqu'à l'époque où ses effets passés ne peuvent plus être détruits. Mais, puisque la mort civile est certainement encourue par l'exécution, elle doit à l'instant produire tous ses effets, donner aux tiers les mêmes droits que si elle ne devait plus cesser, et ne pouvoir plus être anéantie que résolutoirement.

Mais pour quel intérêt la section propose-t-elle de s'écarter des principes! Est-ce pour l'intérêt du condamné? non, puisqu'il n'a pas la possession de ses biens. C'est pour donner au fisc les fruits échus pendant la contumace. Il est difficile de se rendre à un pareil motif. C'est ainsi que le code du 3 brumaire rétablit aussi une sorte de confiscation, en donnant au fisc les fruits pendant vingt ans, et même pendant cinquante, si les héritiers ne justifient auparavant de la mort naturelle du contumax. Maintenant, à quels héritiers, dans le système de la section, la succession du condamné sera-t-elle dévolue, s'il encourt la mort civile faute de s'être représenté dans les cinq ans? Est-ce à ceux qui se trouvaient appelés lors de la condamnation? mais à ce moment la succession n'est pas ouverte, puisqu'il n'y a pas encore de mort civile. Est-ce à ceux qui se trouveront en ordre de succéder après l'expiration des cinq ans? alors on prive d'abord des fruits les parents qui devaient les recueillir par provision, et on expose en outre leurs héritiers à se voir enlever la succession, si ses parents viennent à mourir pendant les cinq ans.

Tronchet propose, en finissant, d'accorder la provision aux héritiers du condamné, à la charge par eux de donner caution; et de décider que si le contumax ne se représente pas dans les cinq ans, les effets pécuniaires qu'aura produits sa condamnation seront irrévocables.

Ræderer dit qu'en effet les biens du contumax seront mieux conservés par sa famille que par le fisc; et que d'ailleurs, en accordant la provision à ses parents, on les met en état de lui faire passer des secours.

Le Premier Consul demande si la femme du contumax pourra se remarier dans les cinq ans.

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Tronchet répond que le mariage du condamné n'est pas dissous pendant le délai de cinq ans, parce que l'importance de ce contrat exclut toute provision, et que le nouveau mariage de la femme ne peut être conditionnel : mais ce n'est là qu'une exception commandée par la nature des choses.

Defermon observe que, puisqu'il y a des exceptions nécessaires, les principes sur la mort civile sont donc susceptibles de modification; que la peine sera modifiée, si le condamné se représente dans les cinq ans; qu'ainsi, toute la question est de savoir si l'on appellera mort civile l'effet d'une peine qui peut être modifiée.

Thibaudeau dit que l'idée de faire remonter les effets de la mort civile au jour de l'exécution était une combinaison de fiscalité dans l'ordonnance de 1670. Aujourd'hui que le fisc est sans intérêt, il ne s'agit plus que de décider si les successions qui, pendant les cinq ans, s'ouvriront au profit du condamné, appartiendront à ses enfants ou à des collatéraux.

Tronchet dit que les enfants nés avant la mort civile de leur père, les recueilleront de leur chef; que ceux nés depuis n'y peuvent rien prétendre, puisque la loi ne les reconnaît pas.

Regnier observe qu'il est cependant un cas où la mort civile du père nuit aux enfants s'ils ne viennent plus par représentation; c'est lorsque l'héritier collatéral appelé se trouve au même degré que le condamné. Il est évident qu'il emportera la succession seul, et sans le concours des enfants, puisque ceux-ci ne peuvent plus, par représentation, se placer dans le même degré que lui.

Boulay dit que tout se réduit à décider à qui il convient d'accorder la jouissance provisoire pendant les cinq ans. Si on la donne à des héritiers, quelquefois éloignés, qui craindraient de se voir dépouillés par l'absolution du contumax, on lui suscite des adversaires dans sa propre famille, d'autant que l'ancien préjugé ne balancera pas l'intérêt des héritiers. On échappe à cet inconvénient en laissant la jouissance provisoire au fisc.

Le consul Cambacérès dit que, pour décider entre les deux systèmes, il faut d'abord les comparer.

On convient des deux côtés, 1o que la mort civile encourue par un contumax est conditionnelle pendant les cinq ans que la loi lui donne pour purger la contumace; 2° qu'après l'expiration de ce délai, il doit, à la vérité, être encore admis à se constituer en jugement; mais que l'absolution qu'il obtient ne fait plus cesser rétroactivement les effets que sa condamnation a opérés par rapport à ses biens.

On se divise en ce que la section ne regarde le contumax que comme frappé d'interdiction pendant

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