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CONFÉRENCES

POUR LA NÉGOCIATION

D'UN

TRAITÉ DE COMMERCE ET DE NAVIGATION

ENTRE LA FRANCE ET LA BELGIQUE.

11' CONFÉRENce.

SAMEDI 22 OCTOBRE 1881.

PRÉSIDENCE DE M. TIRARD,

MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE.

La séance est ouverte à 2 heures sous la présidence de M. TIRARD, Ministre de l'Agriculture et du Commerce.

MM. les Commissaires des deux pays étaient présents.

Le procès-verbal de la Conférence du 21 octobre est lu et adopté.

L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du régime des Tissus de laine.

M. KINDT rappelle en quelques mots ce qu'il a dit la veille au sujet des draps de Verviers et de Dison. Ces tissus, de qualité moyenne et de grande consommation, qui devaient, espérait-on, n'avoir à supporter qu'un droit représentant 10 p. 0/0 de leur valeur, vont avoir à acquitter des taxes de 18 et de 20 p. 0/0, parce que l'industrie belge s'applique surtout à fabriquer des produits à bon marché.

Passant à l'étude des Tapis de laine, M. KINDT signale des lacunes dans les classifications du tarif français, lacunes d'autant plus regrettables qu'il en résultera des taxes fort lourdes pour des produits belges de valeur moyenne qui méritaient des classes spéciales. La Belgique fabrique, en effet, des moquettes unies, des moquettes à chaîne imprimée, des tapis écossais qu'on ne saurait

TRAITÉ FRANCO-belge.

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équitablement faire rentrer dans les divisions actuelles du tarif, créées pour des ouvrages de tapisserie d'un travail très compliqué. La moquette unie vaut de 6 à 7 francs le kilogramme; la moquette à chaîne imprimée (imitation Jacquard) n'atteint pas la moitié de ce prix, soit 2 fr. 80 cent. à 3 francs le kilogramme; le tapis écossais coûte, en laine, de 2 fr. 50 à 3 francs, et, mélangé de coton, un tiers de moins. Il conviendrait donc d'adopter les divisions suivantes: moquette unie veloutée, moquette à chaîne imprimée, tapis écossais. Encore faudrait-il distinguer, pour ces deux derniers articles, entre les produits de laine pure et les produits mélangés.

Les taxes inscrites au tarif, exactes pour des tapis fabriqués à la Jacquard, deviennent prohibitives pour des articles simplement imprimés.

M. RAMOND déclare que ces articles rentrent naturellement dans la classe des moquettes bouclées ou veloutées.

M. KINDT affirme qu'il y a pourtant une différence considérable de maind'œuvre entre les moquettes du tarif qui sont fabriquées à la Jacquard et les tapis belges qui n'ont qu'une chaîne imprimée et la trame ordinaire.

M. LE PRÉSIDENT fait remarquer que le tarif belge exige ou 10 p. 0/0 de la valeur, ou un droit de 260 francs les 100 kilogrammes. Ces 260 francs s'éloignent considérablement des chiffres de 60, 80 et 100 francs qui seront perçus en France.

M. DEFACQZ explique comment ce droit de 260 francs a pris place dans le tarif belge: En 1860, ce tarif renfermait encore un certain nombre de droits protecteurs, au nombre desquels figuraient des taxes spécifiques variant de 192 francs à 450 francs les 100 kilogrammes sur les tissus de laine; les Commissaires belges, chargés de la négociation du traité de commerce avec la France, avaient reçu pour instructions de proposer un certain abaissement de ces taxes: cet abaissement fut jugé insuffisant par les Commissaires français, qui, dans la séance du 18 janvier 1861, firent connaître qu'après un examen attentif des propositions belges, ils ne pouvaient accepter pour les tissus de laine que le tarif suivant à l'entrée en Belgique :

communs

Tissus ordinaires ..

fins....

les 100 kilogr.

50 francs. 100 150

Les plénipotentiaires français déclarèrent « qu'à leurs yeux ces taxes étaient l'équivalent des droits de 10 et de 15 p. 0/0 établis par la convention du 15 novembre »; ils ajoutaient que « leur proposition n'était que subsidiaire et

qu'ils préféraient de beaucoup que la Belgique se ralliât aux bases du régime à la valeur fixée par la convention anglo-française ». M. le Ministre du Commerce de France exposait que,« sous peine d'exclure du commerce international les articles de grande consommation au profit des articles de luxe, il avait dû, pour chaque catégorie, établir le montant de la taxe, non pas d'après la valeur moyenne de tous les tissus qu'elle comprend, mais d'après la valeur du tissu le moins cher à chacune de ces catégories ». Ces considérations ayant paru péremptoires, les Commissaires belges n'hésitèrent plus à accepter le tarif ad valorem recommandé par les plénipotentiaires français. Comme on le voit, les rôles ont complètement changé depuis cette époque.

Quoi qu'il en soit, on crut en France que, pour quelques catégories de tissus, les nouveaux droits ad valorem pouvaient être supérieurs aux anciens droits spécifiques du tarif belge et lors de la convention additionnelle du 12 mai 1863, on introduisit, un peu à la hâte, à la demande de la France, et comme taxe facultative, le droit de 260 francs dont a parlé M. le Président. Ce droit est tellement exagéré qu'il n'est pas appliqué, l'importateur optant toujours, à l'entrée en Belgique, pour le droit de 10 p. o/o ad valorem.

M. MARIE pense que les divisions du tarif correspondent exactement aux différences de travail signalées par M. Kindt. La classe des tapis à la Jacquard et des tapis chenille vise les tissus dans lesquels il y a autant de chaînes que de couleurs employées; la classe des moquettes comprend les tissus dans lesquels il n'y a qu'une seule chaîne: c'est dans cette classe que rentrent les carpettes à chaîne imprimée dont il vient d'être parlé.

M. KINDT croit que c'est là une erreur: les moquettes veloutées et bouclées, telles qu'on les désigne à Paris, sont faites à la Jacquard et diffèrent des produits belges dans lesquels l'impression joue un grand rôle. En tout cas, la confusion ne saurait exister pour le tapis écossais qui présente un dessin sur la face et le revers. Il ne vaut que 3 fr. 50 cent. le kilogramme et rentre forcément dans la classe des Tapis autres taxés 100 francs: ce droit n'est-il pas prohibitif?

M. RAMOND dit que la classification du tarif a été faite par des spécialistes, très habiles, très experts et, de plus, très libre-échangistes. Il n'y a donc pas lieu de mettre leur travail en doute. Les distinctions qu'ils ont établies concordent avec celles qu'admettent l'industrie et le commerce. Si le tapis doit ses couleurs au jeu des fils, il rentrera dans la classe des tapis à la Jacquard; s'il doit sa couleur à l'impression, il rentrera dans la classe des moquettes bouclées ou veloutées. Quant aux bases d'évaluation, ces mêmes spécialistes sont arrivés au chiffre moyen de 14 francs le kilogramme. Or, ce n'est même pas ce chiffre qui a été choisi par le Conseil supérieur du commerce, puisqu'il s'est arrêté au taux de 12 fr. 30 cent. Cette tarification reste encore au-dessous des taxations belges: nouvelle preuve de son peu d'exagération.

M. KINDT constate qu'à cette tarification, les tapis communs de la Belgique seront exclus du marché français. Il ajoute que le tapis écossais n'est pas classé : il vaut pourtant beaucoup moins que la moquette.

yeux

M. LE PRÉSIDENT regrette de n'avoir d'échantillon de ce pas eu sous les produit: il se serait fait un devoir de le soumettre à l'examen d'hommes compétents. Tout ce qu'il peut promettre, c'est de faire étudier la question de manière à donner satisfaction à toute réclamation fondée. Si la classification actuelle est, en effet, insuffisante, la Commission française ne se refusera pas à la modifier; MM. les Commissaires belges peuvent s'en rapporter aux études consciencieuses qui seront faites.

M. DEFACQZ donne lecture des déclarations faites au Conseil supérieur du commerce, dans la séance du 19 juillet 1876. Après avoir affirmé, ce qui n'a pas été contesté, que « ce qu'il faut protéger c'est la matière première, ce n'est pas la main-d'œuvre », M. Feray établit par des chiffres, qu'il défie ses contradicteurs de réfuter, que le tarif français assure aux filatures une protection de 25 p. 0/0.

a

Répondant à M. Feray, M. Sieber dit que les tissus de laine fine, qui sont ceux fabriqués en France, reviennent en moyenne à 20 francs, sur lesquels il y de 8 à 10 francs de main-d'œuvre. « Il est vrai, ajoute-t-il, qu'on nous a fait un cadeau de 10 francs par 100 kilogrammes contre lequel nous avons protesté. Ces déclarations d'hommes aussi compétents ne démontrent-elles pas combien est exagéré le tarif français, même après les abaissements consentis!

M. RAMOND ne croit pas qu'il soit juste de distraire du prix d'un objet fabriqué le coût de la matière première. A ce compte, les tarifs belges seraient eux-mêmes sinon prohibitifs, au moins très élevés. Dans le cas actuel notamment, le droit peut être considéré comme équivalent dans les deux pays.

M. DEFACQZ fait remarquer qu'en Belgique le droit est purement fiscal.

Que le droit soit fiscal ou protecteur, répond M. LE PRÉSIDENT, le produit n'en est pas moins frappé d'une taxe identique dans les deux pays. La Commission française s'est inspirée des sentiments les plus larges, et lorsque, de l'avis d'hommes compétents, elle a cru pouvoir abaisser de 44 p. o/o le droit sur les laines, elle n'a pas hésité à le faire.

M. MARIE annonce qu'au cours de négociations antérieures, le droit sur les tapis a été fixé ainsi qu'il suit :

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