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CONFÉRENCES

POUR LA NÉGOCIATION

D'UN

TRAITÉ DE COMMERCE ET DE NAVIGATION

ENTRE LA FRANCE ET LA BELGIQUE.

4 CONFÉRENCE.

VENDREDI 7 OCTOBRE 1881.

PRÉSIDENCE DE M. TIRARD,

MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE.

La séance est ouverte à 2 heures, sous la présidence de M. TIRARD, Ministre de l'Agriculture et du Commerce, et en présence de M. le comte DE CHOIseul, Sous-Secrétaire d'État aux Affaires étrangères.

MM. les Commissaires des deux pays étaient présents.

Le procès-verbal de la séance du 5 octobre est lu et adopté.

M. le baron BEYENS présente à la Commission deux notes, concernant : l'une les ouvrages en caoutchouc, l'autre les produits de la tannerie.

Au sujet de la première de ces notes, qui est l'œuvre des Commissaires belges, M. le baron LAMBERMONT fait remarquer qu'il ne s'agit que d'une question d'interprétation du tarif. Certains produits, qui ne se fabriquaient pas, il y a vingt ans, n'avaient par conséquent pas pu être définis à cette époque. Le traité de 1873 contenait une formule à leur égard. C'est cette formule dont on demande aujourd'hui l'adoption.

MM. les COMMISSAIRES FRANÇAIS prendront connaissance de ces deux documents, qui seront annexés au présent procès-verbal.

L'ordre du jour appelle l'examen de la rubrique Amidon.

TRAITÉ FRANCO-belge.

5

M. le baron LAMBERMONT propose, en faveur de cet article, le maintien du droit de fr. 50 cent. Sans vouloir se faire le défenseur des consommateurs français, il trouve trop élevé le nouveau droit de 6 francs; il se demande si cette élévation n'était pas en corrélation avec le droit de 1 fr. 20 cent. qui devait être établi sur le maïs, matière première de l'amidon, mais qui ne fut pas voté. Le régime de la soude n'a pas non plus été modifié. M. le baron Lambermont conclut de cette considération et de quelques autres que, d'après lui, le droit actuel constituerait une protection suffisante.

M. MARIE reconnaît qu'en effet ni le maïs ni la soude n'ont eu à subir de modifications de régime; si ces modifications s'étaient produites, le droit sur l'amidon aurait été porté à un taux supérieur à 6 francs.

M. LE PRÉSIDENT ajoute que, pour répondre au vœu des amidonniers français, le droit aurait dû être porté à 10 et même à 15 francs. La concurrence que la production française redoute et qu'on se propose d'atteindre est celle des États-Unis. Grâce aux bas prix du maïs, les Aniéricains peuvent fabriquer à bon marché un amidon qu'ils nous expédient par voie indirecte, et qu'il est impossible de distinguer des produits d'autre origine, pour lesquels le droit de six francs est, il faut le reconnaître, élevé.

M. MARIE déclare qu'en effet aucune distinction n'est possible entre les amidons en poudre de provenances différentes. Il ajoute que le marché français est de plus en plus envahi par les amidons étrangers. La France, qui dans la période décennale antérieure à 1866 n'importait même pas 1 million de kilogrammes de ce produit, en a peu à peu vu introduire des quantités supérieures à 2, 4 et même 7 millions de kilogrammes, comme aujourd'hui. Pendant ce temps, les exportations françaises tombaient de 1,800,000 ou 2 millions en 1869 à 765,000 kilogrammes en 1879. Si la Belgique fournit à la France 2,631,000 kilogrammes d'amidon, l'Angleterre et l'Allemagne atteignent chacune un chiffre à peu près égal. Cet amidon est-il belge, anglais, allemand, ou n'est-il pas plutôt américain? C'est ce qu'il est impossible de distinguer.

M. le baron LAMBERMONT regrette que les produits belges soient atteints par une mesure qui ne vise que les produits américains.

Pour donner une preuve de son désir de concilier les demandes de la Belgique avec les nécessités de l'industrie française, M. Le Président déclare que le droit sera abaissé de 6 à 5 francs.

M. le baron LAMBERMONT pense qu'il y aurait peut-être un autre moyen d'arriver à un accord: on frapperait de droits différents les amidons suivant

qu'ils seraient importés ou non en boîtes. Le droit de 6 francs serait maintenu sur les amidons en boîtes; les produits belges pourraient être soumis à une taxe plus modérée.

M. le Président ne croit pas qu'on puisse frapper de droits différents deux produits identiques en se fondant sur une simple différence d'empaquetage. Du reste, les boîtes dans lesquelles l'amidon est contenu sont elles-mêmes sujettes à tarification.

En Belgique, dit M. KINDT, les amidons entrent en franchise, et cette libre concurrence a eu pour résultat d'amener le producteur belge à améliorer son outillage, de manière à produire de belles qualités et à bas prix. Toutefois, la différence des frais de production entre les deux pays ne ne doit pas atteindre

1 franc. Le droit de 1 fr. 50 cent. est donc suffisant, et au delà, pour protéger l'industrie française. Lors des débats parlementaires qui ont eu lieu, en France, sur cette taxation, M. le Ministre de l'Agriculture et du Commerce n'a-t-il pas proposé lui-même un droit de 3 francs, qui avait été accepté sans réclamation?

M. LE PRÉSIDENT fait remarquer que, s'il ne s'agissait que de traiter avec la Belgique, les demandes qu'elle formule seraient sans doute plus facilement accueillies; mais la clause de la nation la plus favorisée, dont les États tiers sont appelés à recueillir le bénéfice, impose une grande réserve aux Commissaires français. Toutefois, M. Tirard consent à abaisser à 4 francs le droit sur les amidons.

Sur la demande de M. le baron LAMBERMONT, il est entendu que les fécules bénéficieront du même traitement et seront, de même, admises au droit de 4 francs.

Abordant l'étude des Produits chimiques, M. le baron LAMBERMONT demande le bénéfice des concessions qui auraient pu déjà être faites sur ce chapitre. Il est constaté qu'aucun changement n'est intervenu dans le régime de l'Acide chlorhydrique: le droit de 37 centimes représente seulement le montant des frais de surveillance des fabriques de soude françaises; le produit reste exempt.

M. le Président, sur la demande de la Commission belge, déclare supprimé le droit de 2 fr. 50 cent. établi sur l'Acide nitrique, qui sera, comme maintenant, admis en franchise.

M. KINDT demande une diminution du droit qui frappe l'Acide stéarique.

M. MARIE fait remarquer que la Belgique est, dans l'espèce, moins intéressée que d'autres États, puisque, sur 2,603,400 kilogrammes d'acide stéarique qui

entrent en France, la Belgique en fournit 639,000 kilogrammes seulement, alors que les Pays-Bas en introduisent 1,400,000 kilogrammes. Par suite du relevement du prix d'une des principales matières premières, l'acide stéarique vaut aujourd'hui 160 francs les 100 kilogrammes; le droit de 8 francs est donc la reproduction exacte du droit ancien de 5 p. ojo à la valeur.

Quant au régime des Soudes et des Sels de soude, M. MARIE déclare que le droit est resté le même et que, dans la taxe qui frappe ces produits, sont compris les frais de surveillance qu'ont à supporter les fabriques de soudes françaises.

M. LE PRÉSIDENT ajoute que le compte de ces frais a été établi de la manière la plus consciencieuse.

Sur la demande de M. Kindt, M. RAMOND fait connaitre que le droit assez élevé de 17 fr. 50 cent. établi sur les soudes salées ou sels de soude titrant moins de 60 degrés a pour but d'atteindre les fraudes qui pourraient se commettre à l'aide de ce produit. C'est du reste un article qui ne s'importe jamais. La soude serait taxée ainsi qu'il suit :

Soude caustique...

Carbonate de soude brut titrant au moins 30°..

moins de 30°....

Carbonate de soude raffiné, sel de soude titrant au moins 60°.

6f 50°

2 00

6 00 4.00

moins de 60°.

14.00

2 00

2.00

Carbonate de soude cristallisé (cristaux de soude).
Natron....

A la demande de M. KINDT, il est convenu que la Belgique bénéficiera du droit de 90 centimes, auquel a été ramené le droit établi sur l'Alun d'ammoniaque ou de potasse et sur le Sulfate d'alumine.

Au sujet de la Céruse, M. KINDT demande si des concessions ont déjà été faites.

M. MARIE répond que le droit de 4 francs est maintenu sur la céruse broyée.

Sur la Céruse sèche, M. KINDT fait remarquer que, exempté jusqu'à présent de taxe, ce produit aura à supporter un droit de 2 francs, qui est fort lourd. Il demande la franchise qui avait, du reste, été accordée par la Commission parlementaire française.

M. MARIE explique qu'il a semblé logique aux Chambres de taxer la céruse sèche, alors que la céruse broyée était elle-même frappée d'un droit. Le droit

de 2 francs ne dépasse pas d'ailleurs 5 p. o/o de la valeur. Il reconnaît que, sur 826,000 kilogrammes de céruse sèche qui entrent en France, 749,000 kilogrammes viennent de Belgique.

M. Le Président consent à ce que la céruse sèche continue, comme par le passé, à entrer en franchise en France.

M. le baron LAMBERMONT demande une diminution du droit de 19 francs qui remplace la taxe de 10 p. 0/0 à la valeur établie autrefois sur les Bougies.

M. MARIE fait remarquer que ce droit de 19 francs représente exactement, grâce au relèvement du prix des suifs, le taux ancien de 10 p. o/o ad valorem. Il ajoute qu'il s'agit là d'une de ces questions qui présentent moins d'intérêt pour la Belgique que pour d'autres pays.

Sur la demande de M. le baron LAMBERMONT, il est convenu que la question sera réservée.

Passant à l'étude du régime du Sel, M. le baron LAMBERMONT donne un aperçu historique de la question en Belgique. Interdite, il y a vingt ans, par la frontière de terre, l'importation du sel français a pris une extension considérable depuis qu'elle est devenue libre par toutes les voies. La Belgique ne s'en est pas tenue là. Elle a aboli les droits d'entrée et les droits d'accise sur le sel. La France a naturellement profité de ce régime de liberté : elle dispute le marché belge au sel anglais. Elle est parvenue à y vendre, en 1879, 11 millions de kilogrammes de sel brut et 14 millions de kilogrammes de sel raffiné. Par contre, la raffinerie belge ne peut rien exporter en France, en raison du droit de 3 francs qui vise la frontière belge et luxembourgeoise, alors que ce droit n'est que de 74 centimes sur d'autres points de la frontière française. C'est là une situation d'autant plus difficile à supporter que, d'après certains renseignements, les sauniers français, assurés de la possession exclusive de leur propre marché, viendraient vendre en Belgique le sel à un prix inférieur à celui qu'ils maintiennent en France.

M. le baron Lambermont rappelle que la mème question a été discutée dans les négociations poursuivies en 1873 avec M. Picard, alors Ministre de France à Bruxelles. On s'était prévalu, pour motiver le droit différentiel établi en France contre l'importation du sel de Belgique, de la prime qui serait résultée du drawback accordé en Belgique. Mais cette raison a cessé de pouvoir être invoquée le jour où le droit d'accise sur le sel a été supprimé par le Gouvernement belge. Un protocole a donc été annexé au traité de 1873, protocole d'après lequel le Gouvernement français s'engageait à soumettre la législation du sel à un nouvel examen, à l'égard des importations de Belgique. Il faut penser que ce

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