Page images
PDF
EPUB

charbons belges. Ne s'agit-il pas là d'un échange de produits de qualités diverses recherchés spécialement par certaines industries?

M. LE PRÉSIDENT pense aussi que la situation géographique de telle ville l'oblige parfois à rechercher à l'étranger ses approvisionnements. C'est ce qui a lieu pour les ports du littoral, pour Paris même, que les charbons français atteignent moins facilement que les charbons étrangers. Du reste, si une concurrence était à redouter, ce serait celle de la Belgique sur le marché français.

d'autres

M. le baron LAMBERMONT ne croit pas que la concurrence puisse être longtemps encore redoutable pour l'industrie française. Sous le coup d'événements qui pour pays auraient pu être funestes, la France s'est relevée plus vive, plus active, plus industrieuse que jamais. L'outillage s'est partout perfectionné. Et ce n'est pas se tromper que de dire qu'elle a pris, malgré les sacrifices qu'elle s'est imposés, grâce peut-être à ces sacrifices, la tête du mouvement industriel en Europe. Aussi puissamment organisée pour le travail, qui empêcherait la France de céder sur quelques taxes en vue mème de favoriser ce travail? Il faut espérer que l'avenir, et un avenir prochain, verra réaliser les espérances de M. le Président.

Mais, si aucune concession directe ne doit être faite pour le moment, la bonne volonté du Gouvernement français ne pourrait-elle se manifester d'une autre façon? Le charbon de Charleroi n'arrive à Paris que grevé des droits que paye la batellerie sur le canal de la Sambre à l'Oise.

Pourquoi, puisqu'une loi l'y autorise, l'État français ne rachèterait-il pas ce canal, pour diminuer par là les frais de transport, comme il l'a déjà fait pour d'autres voies? La question du rachat du canal de Sambre et Oise a été complètement étudiée. En tenant compte du nombre d'années que la concession peut encore durer, le rachat pourrait se faire aujourd'hui au prix d'une charge annuelle d'environ 700,000 francs pour le budget. Le prix des houilles sur le marché français subirait nécessairement un rabais, qui, s'il était de 1 franc, se traduirait en une économie annuelle d'une douzaine de millions pour

sommateurs.

les con

Si cette question ne pouvait faire l'objet d'un article du traité en négociation, l'entente des deux Gouvernements pourrait s'établir par tout autre mode officiel.

M. LE PRÉSIDENT répond que la question relève plus particulièrement des Ministres des Travaux publics et des Finances, et qu'il ne saurait prendre de décision avant de les avoir consultés. M. le Ministre de l'Agriculture et du Commerce se réserve de transmettre à ses Collègues, en la recommandant à toute leur attention, la proposition qui vient de lui être présentée.

L'étude du régime du Fer est abordée.

M. MARIE annonce que le droit est abaissé à 1 fr. 50 cent. sur la fonte, à 5 francs sur le fer étiré en barres ou assimilé, à 5 francs également sur les mala filature, le tissage et l'agriculture.

chines pour

M. LE PRÉSIDENT demande aussi qu'on tienne compte des nombreuses réductions qui sont inscrites au Tarif général et qu'il a eu tant de peine à obtenir.

M. le baron LAMBERMONT désirerait fixer l'attention sur deux points, qui, s'ils étaient acceptés, faciliteraient de beaucoup le travail de la Commission. D'abord, ne conviendrait-il pas d'assimiler l'acier au fer? C'est un fait, qui aurait pu paraître invraisemblable il y a vingt ans, mais qui est acquis aujourd'hui : les prix du fer et de l'acier tendent à se niveler. D'autre part, toute distinction entre le fer et l'acier est, pour ainsi dire, impossible pour le public, pour le service de la douane, pour les savants même. Faut-il maintenir dans les tarifs une distinction qui n'existera bientôt plus dans les faits? Des concessions stipulées aujourd'hui au profit exclusif des fers risqueraient, dans un temps peut-être prochain, de devenir à peu près stériles.

M. LE PRÉSIDENT convient des transformations quotidiennes qui se produisent dans l'industrie sidérurgique. La déphosphorisation des minerais pourra, si elle sort de l'état embryonnaire dans lequel elle se trouve encore, amener une révolution semblable à celle qu'a produite l'emploi des convertisseurs Bessemer. Les provinces françaises de l'Est en tireraient un immense profit. Mais les résultats ne sont pas encore assez nets pour qu'il soit, dès à présent, possible de remanier les tarifs en vue de ces progrès. Les savants les plus éminents, M. Grüner, M. Sainte-Claire-Deville, ont déclaré qu'il existe encore entre l'acier et le fer une différence commerciale assez grande pour justifier une différence de droits.

Comme preuve du nivellement des prix de l'acier et du fer, M. DEFACQZ cite ce fait, que des essieux et bandages de fer se sont vendus 30 francs, alors que les mêmes articles en acier se sont vendus 22 francs seulement. Un droit différentiel n'est donc plus justifié. D'ailleurs, toute distinction étant le plus souvent impossible, il arrivera ou bien que la douane admettra aux droits du fer la plupart des produits en acier, ou bien que, pour assurer la perception des droits différentiels sur l'acier, elle suscitera aux importateurs des difficultés telles, que les transactions seront gravement entravées.

LE

M. Le Président dit que si cette distinction est impossible, la Commission belge doit se regarder comme satisfaite; les aciers se présenteront comme fers et, fante de pouvoir les distinguer, la douane ne pourra prélever que le droit du fer.

M. RAMOND croit que l'assimilation pourrait être accordée s'il ne s'agissait

y a

que de l'acier Bessemer. Mais à côté de cet acier de première fusion il l'acier cémenté, qui a une valeur bien supérieure et contre lequel les aciéries françaises, qui ont tant de peine à vivre, réclament une protection. D'ailleurs quels produits la Belgique importe-t-elle en France? Des rails d'acier. Or les rails d'acier et de fer sont assimilés : elle a donc toute satisfaction.

M. DEFACQZ dit que si les importations de Belgique en France sont limitées aux rails d'acier, c'est que les droits du tarif français sur l'acier sont prohibitifs; les essieux et bandages en acier, par exemple, n'entreront en France qu'au droit de 9 francs, alors qu'en Belgique on se contente d'une taxe de 1 franc. Il répète que pour maintenir une distinction qui avant peu n'aura plus, comme elle n'a plus déjà, de raison d'être, on s'expose à des difficultés douanières incessantes, nuisibles surtout aux transactions.

M. LE PRÉSIDENT explique les procédés de fabrication de l'acier Bessemer et de l'acier cémenté; il en conclut que, si le premier se produit à bas prix, le second est l'objet d'une main-d'œuvre importante. Une taxation différentielle risquerait d'amener la suppression du droit le plus élevé, du droit sur l'acier cémenté, au grand détriment des aciers français au bois.

M. DEFACQZ s'appuie sur les travaux du Conseil supérieur du commerce pour affirmer que l'industrie des aciers de cémentation dépendra non du droit plus ou moins élevé qui la protège, mais de la qualité des produits qu'elle livre.

M. LE PRÉSIDENT consent à assimiler aux rails les essieux et bandages d'acier et à les admettre au droit de 6 francs.

M. DEFACQZ demande que, tout au moins, ce dernier droit soit ramené à 5 francs. D'ailleurs, il ne se fait pas illusion, avec une taxe de 5 francs, qui représente encore de 25 à 30 p. o/o de la valeur, les fers belges n'entreront pas en France. Comme on l'a fort bien dit au Conseil supérieur du commerce, ils n'entreraient pas au droit de 4 francs, ni même de 3 francs; le rapporteur et la plupart des membres du Conseil qui ont pris part aux débats ont signalé les inconvénients graves et nombreux de la protection outrée maintenue sur les fers; ils ont rappelé qu'alors que la France produit 900,000 tonnes de fer, elle n'en importe qu'une quantité insignifiante.

La nécessité d'une protection de 35 p. o/o n'étant pas soutenable pour les fers au coke, les protectionnistes se sont rejetés pour la défendre sur la situation de l'industrie du fer au bois; cette dernière espèce de fer n'intéresse plus la Belgique. Mais, même pour les fers au bois, les industriels intéressés ont été loin de se montrer partisans de la protection inscrite au tarif actuel : M. Alex. Léon, parlant tant en son nom qu'au nom de neuf maîtres de forges au bois, a

TRAITÉ FRANCo-belge.

9

fait à cet égard une déclaration catégorique dans la séance du Conseil supérieur du 8 juillet 1876. On pourrait d'ailleurs, comme l'a proposé dans la même séance un ancien administrateur, rétablir les droits différentiels qui existaient jadis en France pour les fers au bois et pour les fers au coke. Sans doute cette distinction est difficile, mais elle ne l'est guère plus que celle que l'on veut maintenir entre le fer et l'acier, et elle serait, dans tous les cas, bien plus rationnelle. En résumé, de l'aveu de beaucoup de producteurs, la protection exagérée maintenue sur le fer et l'acier n'est pas nécessaire et provoque les plaintes des consommateurs.

M. LE PRÉSIDENT n'aurait pas de peine à opposer à ces plaintes des plaintes plus nombreuses encore de producteurs français. Ces producteurs doivent, disent-ils, baisser leurs prix de vente du chiffre même de la concession accordée aux produits étrangers.

M. KINDT trouve là une preuve du gain tout gratuit que la tarification douanière accorde aux producteurs au détriment des consommateurs.

M. LE PRÉSIDENT ne croit pas qu'il y ait gain lorsque les maîtres de forges français se décident, comme en 1873, à demander 118 francs pour des articles qui valent 160 francs, et cela pour empêcher les articles étrangers de s'emparer

de leur marché.

M. KINDT n'en trouve pas moins exagéré un droit qui grève des produits de 30 et 35 p. o/o de leur valeur.

que

M. LE PRÉSIDENT pense que cette protection s'impose aux hommes d'État qui ne veulent pas livrer leur pays au hasard de la politique en laissant ruiner une industrie aussi nécessaire l'industrie du fer au bois. En Belgique, la production est peu coûteuse : charbon et minerai se trouvent assez rapprochés l'un de l'autre, et toujours dans le voisinage de l'usine; en France, ou c'est le charbon ou c'est le minerai qu'il faut faire venir de loin avec des frais considérables. Malgré cela, le droit sur le fer a été abaissé à 5 francs. C'est une première étape dont il convient de tenir compte.

M. DEFACQZ dit que les hauts fourneaux belges sont aujourd'hui dans la même situation que les hauts fourneaux français; ils sont obligés de s'approvisionner de minerai à de longues distances, dans le grand-duché de Luxembourg, en Espagne, en Algérie même. Du reste, la Belgique ne se préoccupe point de protéger les industries qui ne peuvent vivre que de protection. La fabrication de la fonte tend à disparaître en Belgique : le fait a dû être accepté. Aujourd'hui la Belgique emploie son activité dans une voie différente.

M. RAMOND n'admet pas qu'on puisse laisser périr en France une industrie qui a déjà été si rudement atteinte lors de l'abaissement à 6 francs du droit sur les fers au bois.

M. le baron LAMBERMONT demande, et c'est là le second point sur lequel il voulait appeler l'attention de la Commission française, si les concessions qui viennent d'être faites sont le dernier mot des Commissaires en faveur de la fonte? Le régime de la fonte est la base logique de toute la tarification des fers.

M. LE PRÉSIDENT répond affirmativement. Les concessions accordées ne l'ont été qu'après des luttes longues, difficiles, pénibles. On ne peut faire davantage.

La Commission passe à l'examen des différents articles qui intéressent la production sidérurgique belge.

Sur la Fonte, aucune concession autre que la réduction à 1 fr. 50 cent. du droit de 2 francs ne peut être accordée.

M. DEFACQZ demande une réduction de droit au profit des massiaux contenant moins de 6 p. o/o de scories.

M. RAMOND répond que la question intéresse la Suède, qui seule produit ces massiaux et les expédie souvent en France par la voie d'Anvers.

M. DEFACQZ désire obtenir une diminution de droit au profit des rails, des fers d'angle et des fers à T qui, moins coûteux que les fers en barres, ne peuvent supporter, comme ces derniers, la taxe de 5 francs.

La COMMISSION FRANÇAISE constate que c'est pour la première fois qu'elle entend parler d'une distinction que rien ne semble justifier, les conditions de la fabrication étant absolument les mêmes pour ces fers que pour les fers en

barres.

M. DEFACQZ fonde cette demande sur ce que les rails, les fers d'angle et les fers à T sont exclusivement fabriqués avec des fers au coke; il rappelle que pour ce motif, et pour atténuer dans une certaine mesure l'exagération du tarif des fers, un groupe des membres les plus compétents du Conseil supérieur du commerce avait proposé de créer pour cette catégorie de fers une classe spéciale à 4 francs, proposition qui ne fut écartée, après une longue discussion, qu'à parité de voix.

« PreviousContinue »