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grandissait et se développait en civilisation, la vieille métropole de Colomb semblait perdre à la fois et le sol et la vitalité qui crée les nations. En 1730, sa décrépitude était telle, que, suivant Valverde, sa population blanche ne dépassait pas 6,000 âmes. Sur le compte qui fut rendu à la cour de Madrid de la perte totale qui la menaçait1, de grands efforts furent faits pour en augmenter la population. Ils ne demeurèrent pas sans résultat, s'il faut en croire le tableau suivant, que donne le même écrivain, et que nous reproduisons textuellement, comme offrant un intérêt particulier au point de vue topographique.

Suivant l'écrivain créole, au moment où il composait son livre, la population de la province espagnole se répartissait de la manière suivante entre ses différentes localités :

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Una pronta perdida de toda. Valverde, op. cit., p. 105.

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Valverde ne dit pas pour quelle proportion entrait dans ce chiffre chacun des trois éléments qui composent les populations coloniales. Mais d'autres documents nous permettent de le décomposer ainsi : environ 25,000 blancs, de race espagnole pure; 15,000 Africains, et 73,000 sang-mêlés.

Ces quantités si disproportionnées, eu égard à

celles que nous avons constatées dans la partie française, demandent quelques explications. Nous les donnerons ici, comme le corollaire anticipé des recherches sur les premiers temps de l'esclavage dans les colonies françaises, auxquelles est consacré le chapitre III de ce Ier livre.

L'ancien esclavage espagnol présentait ce caractère heureusement exceptionnel, que le servage de nos colonies actuelles doit à la suppression de la traite, aux efforts du pouvoir supérieur, et surtout à l'éducation toute libérale des colons français, aujourd'hui mêlés aux idées comme aux affaires de leur métropole. C'était l'autocratie patriarcale du maître, plutôt que la servitude matérielle de l'esclave. La loi permettait l'affranchissement d'une manière absolue. Tandis que, renversant le système romain qui déterminait les cas de manumission et ne laissait au juge que l'application du droit au fait, notre législation de 1713 et de 1736 faisait de l'octroi de la liberté une matière purement administrative, le code des Indes l'écrivait sans restriction dans les lois du 15 avril 1540', 31 mars 15632, 26 oc

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tobre 1641. Ces mêmes lois autorisent les vicerois, présidents et gouverneurs à taxer les affranchis dans leurs personnes et leurs biens comme les blancs. C'était en quelque sorte l'inauguration du principe fondamental des sociétés nouvelles : l'égalité devant l'impôt. Elles reconnaissaient en outre le droit de l'esclave à la propriété des fruits acquis en dehors du travail dû à son maître. Ainsi, les anciennes lois espagnoles sont incontestablement favorables à la liberté.

Mais un corps de droit se juge par son ensemble, et non point par les dispositions qu'on en détache pour les besoins d'une argumentation. Il ne faut pas voir dans les lois que nous avons indiquées une tendance désordonnée à l'affranchissement et à l'égalité non; les lois coloniales de l'Espagne sont, aux yeux de ceux qui les ont étudiées, des chefsd'œuvre de logique et de codification. A côté du droit illimité à la manumission, s'y trouvent écrits en caractères de fer l'obligation au travail et le respect pour la race supérieure. Tandis que, même dans le bel édit de 1685, dont nous aurons à parler longuement, le pouvoir émancipateur n'avait

'Livre VII, titre v, loi 5.

le

pas songé à écrire le travail à côté de la liberté, code des Indes ordonnait « de faire travailler aux mines les nègres et mulâtres oisifs, et n'ayant point de métiers',» voulait que même les noirs des villes s'occupassent d'agriculture 2, et prescrivait les moyens les plus minutieux pour qu'aucun affranchi ne pût se soustraire à cette prescription générale qui s'y trouve partout écrite 3. D'un autre côté, les peines les plus redoutables étaient portées contre l'affranchi qui méconnaissait ces liens de patronage que la loi romaine avait fini par élever au rang des institutions sociales. L'affranchi, quelle que fût sa couleur, qui mettait les armes à la main contre un blanc, encore qu'il n'en eût pas fait usage, était passible des peines réservées à l'esclave. Il n'était justifiable que dans un seul cas : celui où le blanc aurait le premier tiré l'épée du fourreau. Alors, par un généreux retour aux mœurs chevaleresques de l'Espagne, le législateur voulait que toute démarcation disparût, et rien n'était fait à l'affranchi, quelles que pussent être les suites du combat 4.

1 Loi 4, du 29 novembre 1602.

2 Loi 10, du 21 juillet 1623. 3 Loi 3, du 29 octobre 1577.

Loi 14, du 11 août 1552.

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