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MIRABEAU:

« Je vais répondre aux foibles réflexions des deux préopinans. M. de Cazalès a fort bien dit qu'on avoit reconnu et qu'on devoit reconnoître dans le peuple un droit de pétition : ce droit n'est point un droit politique. Les pétitions se font sans convocation d'assemblée; on a dit la pétition de telle corporation, de telle jurande; et non des états de Bretagne, de Provence; et je ne crois pas que les corporations, les jurandes, aient le droit d'organiser à leur guise une assemblée politique.

» M. de Virieux est bien plus foible encore; il parle d'un décret nullement applicable, et qui n'a jugé qu'une question provisoire de représentation.

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>> Tous deux sont hors de la question, qui se réduit à ceci : autorisera-t-on les provinces à se convoquer avec des formes nonréfléchies et sans aucun rapport avec la nouvelle allure que les représentans doivent donner à la monarchie? Et d'ailleurs, est-il vrai qu'une province ait pu s'assembler sans le concours du pouvoir exécutif, sans consulter l'assemblée nationale ? Non, sans

doute,

doute, et le pouvoir exécutif est en ce moment occupé à réprimer la démarche du Dauphiné; quand je pense que nous avons passé une matinée à savoir si nous enverrons notre président vers le roi, relativement à un objet de la plus dangereuse conséquence, je ne puis que demander que nous allions sur-le-champ aux voix ».

La discussion sur les assemblées provin ciales fut encore prolongée; elle fut enfin terminée par le décret : Qu'aucune.convocation par ordre ne pourra plus avoir lieu dans le royaume ; qu'il sera sursis à toute convocation de provinces et d'états jusqu'à ce le nouveau mode de convocation ait été déterminé.

que

Séance du 27 octobre. L'ordre du jour avoit pour objet la suite de l'examen de la cinquieme condition d'éligibilité.

L'assemblée venoit de décider que cette condition seroit de n'être pas dans un état de domesticité, c'est-à-dire, de serviteur à gages, lorsque Mirabeau présenta une exclusion nouvelle pour les électeurs et les éligibles.

« Avant que vous finissiez, dit-il, l'examen des caractères à exiger pour être Tome II,

F

électeur ou éligible, je vais vous proposer une loi qui, si vous l'adoptez, honorera la nation ». (Il s'éleva des murmures.).

« Si la loi que je vous propose, reprit Mirabeau, est faite pour relever la morale nationale, c'est moi qui aurai raison, et ceux qui murmurent auront tort ».

Il reprend :

«Avant que vous finissiez l'examen des conditions d'éligibilité, je vais, Messieurs, vous en proposer une qui, si vous l'adoptez, honorera la nation. Tirée des loix d'une petite république, non moins recommandable par ses mœurs et par la rigidité de ses principes, que florissante par son commerce et par la liberté dont elle jouis soit avant que l'injustice de nos ministres a lui eût ravie, elle peut singulièrement s'adapter à un état comme la France, à un état qui, aux avantages immenses de la masse, de l'étendue et de la population, va réunir les avantages plus grands encore de ces divisions et de ces sous-divisions qui le rendront aussi facile à bien gouverner que les républiques mêmes dont le territoire est le plus borné.

»Je veux parler de cette institution de

Genève, que le président de Montesquieu appelle, avec tant de raison, une belle loi, quoiqu'il paroisse ne l'avoir connue qu'en partie de cette institution qui éloigne de tous les droits politiques, de tous les conseils, le citoyen qui a fait faillite ou qui vit insolvable, et qui exclut de toutes les magistratures, et même de l'entrée dans le grand conseil, les enfans de ceux qui sont morts insolvables, à moins qu'ils n'acquittent leur portion virile des dettes de leur père».

*

est très

Cette loi, dit Montesquieu bonne ; elle a cet effet, qu'elle donne de la confiance pour les négocians; elle en donne pour les magistrats; elle en, donne donne pour cité même; la foi particulière y a encore la force de la foi publique.

la

« Ce n'est point ici Messieurs, une simple loi de commerce, une loi fiscale, une loi d'argent; c'est une loi politique et fondamentale, une loi morale, une loi qui, plus que toute autre, a peut-être contribué, je ne dis pas à la réputation, mais à la vraie prospérité de l'état qui l'a adoptée, à cette pureté de principes, à cette union dans les familles, à ces sacrifices si communs entre

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les parens, entre les amis, qui le rendent si recommandable aux yeux de tous ceux qui savent penser."

"

>> Une institution du même genre, mais plus sévère (1), établie dans la principauté de Neufchâtel en Suisse, a créé les bourgs les plus rians et les plus peuplés sur des montagnes arides et couvertes de neige durant près de six mois : elle y a développé des ressources incroyables pour le commerce et pour les arts; et dans ces retraites que nature sembloit n'avoir réservées qu'aux bêtes ennemies de l'homme, l'œil du voyageur contemple une population étonnante d'hommes aisés, sobres et laborieux, gage assuré de la sagesse des loix.

la

» Dans l'état présent de la France, dans la nécessité où nous sommes de remonter chez nous tous les principes sociaux, de nous donner des moeurs publiques, de rani aner la confiance, de vivifier l'industrie, d'unir par de sages liens la partie consommatrice à la partie productive, c'est-à-dire à la partie vraiment intéressante de la ną

(1) N. B. La loi de Neufchâtel lie toute la pos mérité d'un homme à l'acquittement de ses dettes,

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