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culte public doit être l'une de ses principales préoccupations.

Mais, parmi les cultes, l'un est celui de l'immense majorité des citoyens, transmis par l'autorité des siècles, et suivi par les chefs de l'Etat ; c'est en son nom que la nation s'adresse à Dieu dans ses prospérités ou dans ses malheurs. Oserait-on dire que les législateurs dussent le considérer avec indifférence? On s'est quelquefois efforcé de faire parade de ce déisme insensé; mais la législation a été entraînée par les mœurs publiques, et chaque page de nos lois atteste des efforts pour maintenir et développer le sentiment religieux catholique dans l'esprit des populations.

Il ne résulte pas de là que le législateur ait dû protéger le culte principal, à l'exclusion des autres cultes reconnus; car si la Foi catholique fait désirer à tout homme catholique son développement et son empire, la loi doit donner à chacun les moyens de professer son culte avec une entière liberté, puisque la liberté des consciences est l'un des principes fondamentaux de notre état social actuel. La protection donnée à des cultes dissidents ne suppose en rien le déisme ou l'in

différence; elle est un hommage rendu à la liberté de l'homme.

Telle nous paraît être la position véritable des cultes dans l'Etat.

Ainsi, catholique de cœur et de conviction, nous croyons que la religion catholique doit obtenir la première place dans la pensée du législateur; mais nous croyons aussi que les intérêts des autres cultes et la liberté des consciences doivent être respectés, comme conséquences mêmes du principe religieux; nous croyons surtout que les. intérêts matériels, des citoyens doivent être protégés, toutes les fois que l'utilité de la religion, que nous mettons au premier rang de leurs besoins, n'en demande pas le sacrifice.

Pour apprécier ces intérêts divers, nous nous placerons toujours à un point de vue de légalité, d'après les règles que nous venons d'expliquer.

Cette étude cependant offre de grandes difficultés.

De tout temps on a cherché à concilier les principes de la puissance ecclésiastique avec les règles de l'indépendance de l'Etat et des citoyens, quant aux intérêts temporels; et notre droit an

cien, emporté par les révolutions, a été remplacé par des lois nouvelles qui n'ont pas toujours été complètement en harmonie avec les véritables besoins de notre époque. Aussi, depuis le concordat de l'an IX, on n'a pas cessé de réclamer contre des entraves apportées à l'exercice du culte, et les législateurs ont tantôt restreint, tantôt étendu les concessions, suivant les idées et les événements politiques du moment.

Il est certain que lorsqu'on étudie les lois applicables au culte, on rencontre à chaque pas des variations fâcheuses et des mesures inspirées par d'anciens souvenirs, ou par des sentiments de défiance qui affligent des hommes religieux. Le jurisconsulte, appelé par son expérience et par son autorité à fixer les règles, doit son respect à la loi; son premier devoir est d'en faire connaître les dispositions et le sens. Néanmoins, il doit quelquefois s'élever contre la loi elle-même, signaler ses imperfections, et appeler de tout son pouvoir des modifications qui semblent nécessaires, en faisant pourtant comprendre que ces modifications ne peuvent pas être le résultat d'une lutte imprudente, mais seulement d'un concours entre ceux auxquels la providence a confié le

dépôt du pouvoir temporel et du pouvoir spirituel.

Une autre difficulté, dans l'étude de la législation sur le culte, vient de ce que des lois civiles et des lois religieuses sont souvent près d'empiéter les unes sur les autres.

Pendant des siècles, les deux législations ont été confondues sur plusieurs points, et l'état de la société exigeait ou permettait alors qu'il en fût ainsi. Ce serait même une erreur de croire aujourd'hui qu'elles dussent être absolument étrangères l'une à l'autre; car, ainsi que nous l'avons dit, la religion seule donne aux lois civiles leur autorité; et la loi civile, de son ôté, doit protéger de toute sa puissance le principe et le culte religieux; mais dans leur application actuelle, elles doivent agir diversement. La ligne de séparation ne s'aperçoit pas toujours au premier coup-d'oeil : c'est cependant le principal objet de l'étude de ces lois; car si l'autorité ecclésiastique et l'autorité civile ne connaissent pas nettement les limites de leurs pouvoirs, tout est désordre dans l'application des règles, au grand malheur de la religion et de la société.

Quels que soient les efforts d'un homme sage pour tracer cette limite, il est à craindre qu'il ne soit accusé par les uns d'être trop ecclésiastique, et par les autres d'être trop juridique. Cependant des hommes sérieux sentiront que si la loi civile doit toujours avoir pour base une pensée religieuse, elle a pourtant pour objet spécial de protéger les intérêts matériels des citoyens; et que si la loi religieuse a pour but une vie meilleure et éternelle, elle doit cependant concourir au maintien des sociétés fondées par la Providence.

Ainsi, le clergé respectera l'intervention de l'autorité civile, toutes les fois qu'il s'agira de choses extérieures et temporelles, lors même qu'elles concerneraient le culte lui-même; l'homme politique, ou le magistrat civil, favoriseront l'application des lois canoniques, toutes les fois qu'il s'agira de maintenir et de développer la religion, quand même elles devraient imposer aux citoyens et à l'Etat certaines obligations compatibles avec leur liberté; et tous comprendront que si les deux pouvoirs doivent être séparés dans leur action, ils devront à leur concours réciproque leur mutuelle autorité.

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