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utilité, que ces traités ne peuvent plus être étudiés comme formant un corps de doctrine.

Quant à des traités généraux sur l'ensemble de la législation actuelle, appliquée aux cultes, nous croyons qu'il n'en existe pas. Car l'excellent ouvrage de M. Frayssinous, sur le Gouvernement ecclésiastique; de M. Affre, sur l'Administration des paroisses; les traités de M. De Vuillefroy, sur l'Administration du culte catholique; de M. Besnier, sur la Législation des fabriques; de Carré, sur le Gouvernement des paroisses, et plusieurs autres, n'ont pas la généralité de cours complets de législation.

Cette observation s'applique, à plus forte raison, aux recueils périodiques. Nous avons maintenant deux publications principales de ce genre, destinées au clergé le Journal des Fabriques, et le Bulletin des lois civiles ecclésiastiques, de M. Champeaux. Ce ne sont pas seulement des recueils de lois et d'arrêts: souvent ils contiennent de bons articles de jurisconsultes et ils sont nécessaires pour se tenir au courant de la législation et de la jurisprudence; mais ils ne sont pas des corps de doctrine.

Ainsi, celui qui ne peut pas consacrer sa vie à

approfondir notre législation civile ecclésiastique, est réduit à l'impuissance de comprendre la corélation de nos lois civiles et politiques avec les lois et la discipline de l'Eglise. A l'égard des ecclésiastiques dont les travaux ont spécialement pour objet l'étude du droit canonique, il est impossible qu'ils puisent des notions suffisantes sur un ensemble de doctrines, dans le dédale de ces ouvrages qu'ils peuvent à peine consulter.

Il est donc utile qu'il existe un résumé de principes et de règles, pour donner aux laïques des idées justes sur nos lois civiles, en ce qu'elles se concilient avec le droit canonique; et aux ecclésiastiques, un cours général de la législation qu'ils sont obligés d'accepter, et d'appliquer tous les jours.

Tâchons de nous fixer sur le plan qu'il paraît convenable d'adopter, pour ces études.

Il serait sans doute désirable que les esprits fussent tellement unis par le même sentiment religieux que, partout et toujours, la religion dût faire entendre sa voix. Mais si ma conviction, éclairée par les lumières de la foi, me fait consi

dérer le culte catholique comme le seul culte révélé; si, dans mon intime pensée, l'unité religieuse est une garantie de la tranquillité publique; si enfin rien ne me paraît plus incompréhensible que l'absence de tout culte religieux, chez celui qui n'a pas répudié l'idée même de la divinité, il n'est pas moins vrai que la liberté des consciences est un droit acquis et reconnu comme l'un des principes de notre organisation sociale. Il est donc permis, en France, d'être ou de ne pas être catholique, de professer un culte dissident reconnu par l'Etat, ou même de n'en pratiquer aucun. Nous n'avons pas à juger cet état actuel de la société; nous devons l'accepter tel qu'il est; et tel qu'il est, nous avons à le bien comprendre.

Ainsi, pour arriver à la connaissance de cette partie du droit, on ne doit pas prendre, comme point de départ, un principe purement religieux. Les lois qui règlent les droits et les devoirs des individus statuent sans avoir égard aux dispositions de leurs consciences; si, pour apprécier des intérêts civils, on partait d'un principe religieux, on s'exposerait à se trouver dans un ordre d'idées, acceptées par les uns, répu

diées par les autres, c'est-à-dire sans autorité à l'égard d'un grand nombre.

Afin d'arriver à des solutions d'une application universelle, on doit se pénétrer de principes de légalité, et renoncer souvent à ses propres sentiments, pour se fonder sur des règles qui s'imposent à tous, sans distinction de croyances.

Faut-il conclure de là que le jurisconsulte doive traiter les cultes avec l'indifférence de l'incrédulité, considérant la religion comme une affaire d'intérêt temporel? Loin de nous cette pensée.

Nous avons d'abord à peine besoin de nous élever contre une déplorable doctrine professée de nos jours, que la loi doit être athée. Non, mille fois non la loi ne doit pas être athée; et le jurisconsulte ne doit pas l'être plus que la loi.

Ne sent-on pas que la conscience, c'est-à-dire la loi divine, est le complément sans lequel il n'y a pas d'ordre social et de législation? Nos codes eux-mêmes le proclament à chaque page. Que signifient ces dispositions par lesquelles ils abandonnent l'appréciation de tant de questions à la conscience des magistrats? ou les serments qu'ils exigent des jurés et de ceux qui sont appelés à concourir à l'administration de la justice? ou les

obligations d'agir en bons pères de familles, imposées à ceux qui administrent la personne et les biens des incapables? Elles signifient que la loi accuse son impuissance : elle déclare ainsi qu'elle ne peut pas aller plus loin que des prescriptions extérieures; mais, qu'au-delà, elle fait un appel à la conscience des juges, des jurés, des citoyens. Or, un appel à la conscience est un mot vide de sens si la conscience n'existe pas; et elle n'existe pas si Dieu n'a pas gravé dans le cœur des hommes des lois sans lesquelles les lois humaines seraient impuissantes. L'affirmation que la loi doit être athée est donc le renversement de toute législation.

Nous allons plus loin nous disons que lorsqu'il s'agit du culte, la loi doit être éminemment religieuse.

Si la loi divine est le fondement des lois humaines, il n'est pas possible qu'un Etat accepte avec indifférence la manifestation ou le développement du sentiment religieux, c'est-à-dire le culte, ou l'absence du culte. Il donnerait l'exemple d'un matérialisme pratique, entraînant la ruine de ce qui est la base essentielle de la société. Le

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