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Élection des candidats à la présidence. Nomination de

M. Royer-Collard, des vices-président, secrétaires et questeurs, Discussion de l'Adresse. Amendement Lorgeril. Vote et présentation de l'Adresse. Réponse du Roi. Prorogation des Chambres.

L'ANCIENNE salle des députés, menaçant ruine, était démolie. On n'en avait conservé que le magnifique péristyle; et en attendant qu'elle fût reconstruite sur le même emplacement, mais sur un plan plus vaste et plus digne de sa destination, il avait été préparé sur le jardin du palais Bourbon une salle provisoire, disposée en carré long, coupé sur les quatre angles, avec des tribunes aussi vastes que celles de l'ancienne pour le public et les journalistes; fait à remarquer, en ce qu'il démentait l'intention que l'on supposait alors au ministère de supprimer ou du moins de restreindre la publicité des séances.

3 mars. L'assemblée réunie provisoirement sous la présidence de M. Labbey de Pompières, doyen d'âge, assisté des quatre secrétaires, les moins âgés des députés présens (ce furent MM. Berryer, de la Riboissière, Legendre et de Cormenin), procéda d'abord au tirage au sort des membres qui devaient composer les neuf bureaux et à la vérification des pouvoirs des députés nouvellement élus (MM. Hernoux, Laugier de Chartrouse, Legendre, Bosc, Planelli de la Valette, Berryer, de Pignerolles et Guizot). Quelques difficultés s'élevèrent sur les deux dernières élections, sur celle de M. de Pignerolles, relativement à la question du cens et à la possession annale, et sur celle de M. Guizot, parce que le procès-verbal ne mentionnait pas que les électeurs eussent prêté le serment requis. Mais ces observations n'eurent pas de suite. On invoqua la bonne foi des électeurs et des élus, des précédens qui avaient fait passer sur des irrégularités légères, et tous ces députés furent admis sans une sérieuse

opposition. Les partis étaient impatiens de se mettre à l'œuvre ou plutôt à l'épreuve.

Le premier essai de leurs forces dans l'organisation des neuf bureaux fut tout en faveur de l'opposition, qui en nomma tous les présidens et secrétaires, à l'exception d'un seul. Mais la plus importante épreuve fut remise au lendemain.

4 mars. A la première vue de l'assemblée il se trouvait aux côté et centre droit 150 à 160 membres, aux côté et centre gauche 175 à 180. Mais ici, comme on a eu occasion de l'observer l'année dernière, plusieurs des membres du centre droit de la réunion Agier, qui avaient déterminé la chute du ministère Villèle en 1827, ne pouvaient être regardés comme des amis du ministère Polignac, quoiqu'il eût ou affectât l'espoir de les ramener à lui... espoir que dissipa le scrutin pour les candidats à la présidence.

Le nombre des votans était de 361. Dès le premier tour les suffrages se sont ainsi partagés comme il suit :

MM. Royer-Collard, 225; Casimir Périer, 190; le général Sébastiani, 177; de Berbis, 131; Delalot, 129; Agier, 118; de Chantelauze, 116; de Lastours, 116; Humann, 112; Séguy, 100; Gauthier (de la Gironde), 47.

De ces candidats, deux seulement, MM. Royer-Collard et Casimir Périer, avaient réuni plus que la majorité des suffrages (181 voix). Au second tour du scrutin il se trouvait 372 votans. Le nom de M. Delalot sortit seul de l'urne avec deux voix de plus que la majorité. C'était un de ces membres du centre droit passés dans les rangs des constitutionnels ou libéraux. Le général Sébastiani obtint ensuite 184 voix, M. Agier 175, M. de Berbis 121, MM. de Chantelauze et de Lastours chacun 116, comme au premier scrutin, preuve indicative de la force réelle du côté droit ou ministériel.

5 mars. Enfin, au troisième tour de scrutin remis à une autre séance, où prirent part 367 votans, et où la majorité absolue n'était plus nécessaire, M. Agier réunit 206 voix, le général Sébastiani 200, M. de Berbis 170, et M. de Lastours 144; et les deux premiers furent proclamés quatrième et cinquième candidats.

6 mars. Il n'y eut guère moins de chaleur pour l'élection des vice

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présidens, où M. Dupin aîné obtint seul, au premier scrutin, majorité absolue des voix (175).

Il faut remarquer que MM. Dupont (de l'Eure) et Girod (de l'Ain), de l'extrême gauche, qui en ayaient le plus approché au premier scrutin, furent primés au scrutin de ballotage par MM. Bourdeau de Cambon et de Martignac, qui siégeaient, le premier au centre gauche, les deux autres au centre droit.

8 mars. Les secrétaires définitifs, ensuite nommés dans la séance du 8 mars, furent MM. Jacqueminot, de Preissac, Dumarrallach, et à un deuxième tour de scrutin, M. Eugène d'Harcourt, tous de l'opposition.

Le scrutin n'était pas encore fermé, lorsque arriva l'ordonnance royale qui nommait, entre les candidats présentés pour la présidence, M. Royer-Collard, dont le nom était sorti de l'urne au premier tour de scrutin. Mais, au milieu des félicitations qu'on s'adressait des deux centres et du côté gauche, on fut fort étonné d'apprendre de la bouche du doyen d'âge que M. Royer-Collard désirait ne pas être installé dans cette séance, et même qu'il avait quitté la salle.

Le secret ou la cause réelle de cettè retraite était que le doyen d'âge avait mis dans le discours qu'il devait prononcer en quittant ses fonctions quelques phrases fort énergiques, et une entre autres où il disait, en parodiant le dicours de la couronne, que « la Chambre « des députés saurait transmettre ses droits intacts à ses successeurs,» phrase à laquelle le président élu jugeait peu convenable ou difficile de répondre.

La séance levée, les amis du vénérable doyen (MM. Lafayette, Dupont (de l'Eure) et Benjamin Constant) le décidèrent avec grand peine, dit-on, à retrancher de son discours un autre passage qui ne tendait rien moins qu'à faire renouveler le serment du jeu de paume, et d'où le parti ministériel pouvait tirer avantage pour compromettre le succès bien autrement important de la discussion de l'adresse.

9 mars. Au fait, M. Labbey de Pompières se contenta d'exprimer la satisfaction qu'il éprouvait de voir monter au fauteuil, pour la

troisième fois, le citoyen (expression qui excita des rires et des murmures du côté droit) dont la science profonde «et surtout l'attachement à la Charte constitutionnelle avaient motivé les votes de ses collègues et mérité la confiance du monarque. >>

Immédiatement après cette installation, les députés se retirèrent dans leurs bureaux pour y procéder à la nomination de la commission qui devait être chargée de la rédaction de l'adresse, et dont les membres furent choisis dans toutes les nuances de l'opposition (1).

Plusieurs jours se passèrent en négociations sur le plus ou le moins d'énergie qu'on voulait mettre dans l'adresse. Au jeu du Roi, qui eut lieu le 14 mars aux Tuileries, on remarqua le bienveillance avec laquelle S. M. adressait la parole aux députés, et particulièrement à trois membres de la commission qui s'y trouvaient (MM. Dupin aîné, Étienne et Gauthier), bienveillance qui parut jeter quelque inquiétude et quelque embarras dans les traits et dans la contenance des ministres et des courtisans, et on se disait à l'oreille que le projet rédigé par M. Etienne venait d'être adopté à l'unanimité par la commission. Mais, d'un autre côté, la présence de ces messieurs à la cour portait à eroire que l'adresse serait moins hostile au ministère qu'il ne devait le craindre.

15, 16 mars. Jamais on n'avait attendu avec plus d'intérêt le résultat des délibérations qui eurent lieu sur la rédaction de cette fameuse adresse. Dans les comités secrets des 15 et 16 mars il n'était pas possible aux députés de se dérober aux questions qu'on leur adressait au sortir des séances, dont les détails étaient publiés le lendemain dans les journaux comme ceux des séances publiques. Jamais aussi l'assemblée n'avait été plus imposante et plus nom

(1) C'étaient pour le 1er bureau: MM. le comte de Preissa c; a Étienne 3e Kératry; 4o Dupont (de l'Eure); 5o Gauthier; 6e le comte Sébastiani; 7, le baron Le Pelletier d'Aulnay; 8e le comte de Sade; ge Dupin aîné. Le côté gauche, dit un journal libéral, a manœuvré fort habilement, en laissant faire cette besogne délicate par des hommes de son centre et du côté droit : c'était le moyen d'obtenir pour son opinion la majorité avec des élémens si pen homogènes que présentait la composition de l'assemblée,

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breuse. On y comptait plus de 400 membres. Tous les ministres y assistaient ou siégeaient sur leur banc, à l'exception de M. Courvoisier, garde-des-sceaux, dont l'assistance eût été d'un grand secours à ses collègues, mais qui se trouvait alors malade.

La séance s'ouvrit par la lecture de l'adresse, qui répondait paragraphe par paragraphe au discours de la couronne. Les premiers ne faisaient qu'exprimer l'assentiment de la Chambre aux vues de S. M., si ce n'est celui relatif aux négociations entamées relativement à la réconciliation des princes de la maison de Bragance, où la commission semblait se prononcer contre don Miguel, en exprimant le vœu qu'il fût mis un terme aux maux qui affligaieņt le Portugal, mais « sans porter atteinte au principe sacré de la légitimité, inviolable pour les rois, non moins que pour les peuples,» et dans celui de l'expédition projetée contre Alger; où elle laissait percer quelques inquiétudes et semblait exiger de la couronne des communications plus explicites à ce sujet. Ces paragraphes furent entendus dans le calme et sans exciter de surprise ni de mécontentement d'aucun côté de la Chambre. Mais la partie importante de l'adresse était celle qui devait répondre aux derniers paragraphes du discours, à ces perfides insinuations de la malveillance, à ces coupables manœuvres dont le gouvernement du Roi se plaignait d'être l'objet, et contre lesquelles il demandait le concours des deux Chambres. Voilà ce qui tenait tous les partis en suspens et dans l'attente de la bataille parlementaire, où la prérogative royale et les libertés publiques allaient être sérieusement engagées.

Cette partie de l'adresse était ainsi conçue :

Cependant, sire, au milieu des sentimens unanimes de respect et d'affection dont votre peuple vous entoure, il se manifeste dans les esprits une vive inquiétude qui trouble la sécurité dont la France avait commencé à jouir, altère les sources de sa prospérité, et pourrait, si elle se prolongeait, devenir funeste à son repos. Notre conscience, notre honnenr, la fidélité que nous vous avons jurée, et que nous vous garderons toujours, nous imposent le devoir de vous en dévoiler la cause.

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Sire, la Charte que nous devons à la sagesse de votre auguste prédécesseur, et dont V. M. a la ferme volonté de consolider le bienfait, consacre, comme un droit, l'intervention du pays dans la délibération des intérêts publics. Cette intervention devait être; elle est, en effet, indirecte, sagement

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