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core signaler, au nombre des actes remarquables de la lieutenance générale, celui qui nomme au grade de lieutenant tous les élèves de l'École Polytechnique qui avaient contribué à la défense de Paris, et les ordonnances qui donnaient un certain nombre de croix d'honneur dans chaque école, en chargeant les élèves de désigner ceux d'entre eux qu'ils en jugeraient les plus dignes, à raison de leurs services dans les trois journées. Mais les écoles ont refusé ces faveurs, en s'excusant sur la difficulté de faire ce choix et de recevoir des récompenses pour ce qu'ils regardaient tous comme l'accomplissement d'un devoir: refus d'une délicatesse généreuse, qui trouva des imitateurs dans la garde nationale, à qui furent faites pareilles offres.

Au milieu des dissentimens politiques qui s'étaient manifestés dès l'établissement du gouvernement provisoire à l'Hôtel-deVille, entre le parti du mouvement et celui de la résistance, on attendait la composition du ministère, comme l'annonce du système politique que le nouveau Roi voulait suivre... Elle fut arrêtéé le 11, en autant d'ordonnances séparées qu'il y avait de départemens.

La première, contre-signée par M. Guizot, en qualité de commis saire provisoire au département de l'intérieur, nommait M. Dupont (de l'Eure), membre de la Chambre des députés, garde des sceaux, ministre secrétaire d'État au département de la justice.

Les six autres, contre-signées par le nouveau garde des sceaux, donnaient à M. le comte Gérard, lieutenant général, le département de la guerre; à M. le duc de Broglie, pair de France, le dépar tement de l'instruction publique et des cultes; à M. Guizot, membre de la Chambre des députés, le département de l'intérieur; à M. le baron Louis, membre de la Chambre des députés, le département des finances; à M. le comte Molé, pair de France, le département des affaires étrangères ; et à M. le comte Sébastiani, lieutenant général, membre de la Chambre des députés, le département de la marine.

Un seul de ces ministres appartenait au parti du mouvement. On pouvait s'étonner de ne pas y trouver d'autres notabilités qui avaient joué les premiers rôles dans la révolution.

....Mais une huitième ordonnance, portant organisation du Conseil des ministres, ajoutait à ceux qui venaient de recevoir les portefeuilles:

M. Jacques Laffitte,

M. Casimir Périer,

M. Dupin aîné,

Et M. le baron Bignon,

tous quatre membres de la Chambre des députés, admis, sans avoir de portefeuille, au Conseil, dont le Roi semblait se réserver la présidence.

Ainsi composé, le Conseil des ministres réunissait à peu près toutes les nuances de l'opinion nationale et constitutionnelle; c'était ce qu'on appelle en Angleterre un ministère de coalition.

Quant à M. le maréchal Jourdan, qui venait d'être commissaire

aux affaires étrangères, on lui donna le gouvernement des Invalides, qui se trouvait vacant par la discussion ou le refus d'adhésion au nouvel ordre de choses de M. de Latour-Maubourg.

Plusieurs personnages marquans n'avaient pas encore trouvé place dans cette première ligne de l'administration; entre autres M. Benjamin Constant, qu'on fit entrer au Conseil d'état, avec le titre de président du comité de législation et de justice administratives, et un traitement de 30,000 fr.: premier désappointement de ceux qu'il eut ensuite et qu'il n'attendait pas de cette révolution.

La liste du Conseil d'état, organisée provisoirement dix jours après, réunissait, à quelques membres existans conservés ou exclus de l'ancienne, des députés, des avocats, des écrivains journalistes, entre lesquels il faut distinguer MM. Thiers et Mignet, rédacteurs du National; Baude, rédacteur du Temps, etc.

Il faut encore mettre au rang des promotions importantes de cette époque, dans l'ordre politique, celle de MM. le maréchal Soult et du vice-amiral, Duperré, élevés à la dignité de pair de France, qu'ils avaient déjà reçue de Charles X;

Dans l'ordre judiciaire ou civil, celle de M. Dupin aîné, nommé procureur général près de la Cour de cassation, en remplacement de M. Mourre, qui venait de faire l'éloge de Charles X dans un

discours public; celle de M. Bernard de Reunes, nommé procureur près la Cour royale de Paris, à la place de M. Jacqueminot Pampelune; de M. Barthe, près le tribunal de première instance de la Seine, à la place de M. Billot. Dans l'ordre administratif, celle de M. Odilon-Barrot, à la préfecture de la Seine; de M. de Schonen, nommé procureur général près la Cour des comptes; de M. Daunou, garde des archives du royaume; de M. Villemain, membre et président du conseil de l'instruction publique, en l'absence du ministre; et celles de presque tous les préfets et sous-préfets pris dans les écrivains, dans les journalistes et dans les avocats qui s'étaient fait distinguer ou recommander dans la révolution.

Dans l'armée de mer, le vice-amiral Duperré fut élevé à l'une des trois places d'amiral créées par ordonnance du 13 août, pour correspondre, dans la marine, au rang de maréchal de France, comme en compensation de ce que Charles X avait fait pour M. de Bourmont, dans l'armée de terre; et la dignité de maréchal fut conférée à M. le comte Gérard, faveur ou promotion moins remarquable, dans l'ordre politique, que l'élévation de M. de Lafayette au commandement général des gardes nationales du royaume (ordonnance du 16 août), qui mettait sous ses ordres deux à trois millions de citoyens, la partie la plus vigoureuse et la plus éclairée de la population, véritable imperium in imperio qui, malgré le soin qu'on prêt pour en déterminer les attributions, mettait le ministère en conflit perpétuel avec un chef irresponsable, et qu'on ne pouvait expliquer que par la nécessité de payer un grand sacrifice et par l'immense popularité de l'illustre général, dont la haute position servait de boulevard au trône contre le parti républicain.

Une grande partie des généraux commandans des corps d'armée ou des divisions militaires, signalés comme trop dévoués à la restauration, à la dynastie déchue, pour être fidèles au nouveau gouvernement, tels que les généraux Despinois, Canuel, Donnadien, etc., etc., reçurent leur démission, avec le traitement de réforme ou la pension de retraite qu'ils ne pouvaient recevoir toutefois que s'ils continuaient à résider en France. Le général Lamar

que fut envoyé, comme commandant supérieur, avec des pouvoirs étendus, dans cinq divisions militaires du sud et de l'ouest (4e, 10e, 11c, 12 et 20o), où sa prudence et sa fermeté calmèrent les agitations que l'on cherchait à réveiller; il rassurait les Vendéens contre les bruits qu'on faisait courir, de la persécution des prêtres, de la suppression de leurs traitemens et des pensions accordées aux chefs et soldats vendéens, etc.

Une mission non moins importante fut confiée au général Clauzel, d'aller prendre le commandement de l'armée d'Afrique, qui donnait de vives inquiétudes dans les mains du maréchal Bourmont. On reviendra sur cet objet. (Voyez chap. XIV.)

Ainsi les plus hautes fonctions amovibles du gouvernement se trouvaient peu de jours après la révolution aux mains de ceux qui l'avaient faite, préparée ou soutenue, et de grands changemens dans les formes accompagnèrent et suivirent la réforme des personnes. La dissolution de l'état-major et des corps de toutes armes qui composaient la garde royale sous Charles X (ordonnance du 11 août), fut suivie du licenciement des Suisses, qui furent renvoyés à leurs cantons, avec promesse ou de retraite ou d'indemnité proportionnée à la durée de leur service, et d'après les termes des capitulations. Cette dissolution et ce licenciement, qui enlevaient à l'armée plus de trente mille hommes d'élite, s'opérèrent sans le moindre désordre. Un régiment suisse resté à Nîmes, quelque temps après la révolution et dans l'attente de leur renvoi, n'en contribua moins à rétablir l'ordre et la tranquillité dans le pays. La gendarmerie de Paris fut également licenciée, mais remplacée par un corps de police municipale plus nombreux, dont la cavalerie fut montée avec les chevaux des gardes-du-corps, de la garde royale, et recruté on grande partie dans les vainqueurs de juillet ou dans les régimens qui s'étaient prononcés les premiers dans le mouvement. On dira dans la suite les efforts faits et les mesures prises pour le recrutement de l'armée; quant à présent on se contenta de créer deux nouveaux régimens d'infanterie et de cavalerie. Toute l'attention et toute la confiance du gouvernement parurent d'abord se concentrer dans la formation des gardes nationales, auxquelles on

pas

fit tout d'abord délivrer cinq à six cent mille fusils des arsenaux de l'État.

On a dit que des ordonnances du lieutenant général, antérieures à la Charte, avaient rétabli les trois couleurs et le coq gaulois aux drapeaux de la garde nationale; une autre, postérieure à l'a vènement au trône, avait mis le sceau de l'État aux armes d'Ora1 léans (1), avec des drapeaux tricolores derrière l'écusson. (Ordon nance du 13.) Elle est restée sans exécution, et la suppression postérieure des fleurs de lis l'a fait regarder comme non avenue: on conserva l'effigie d'Henri IV et la devise Honneur et Patrie ! sur la décoration de la Légion-d'Honneur; mais on y mit aussi les couleurs nationales, et l'on en supprima les fleurs de lis.

Quant aux monnaies, on y conserva l'effigie du Roi régnant,' mais on en supprima les armoiries, et on remplaça l'exergue Domine salvum fac Regem, par les mots : Dieu protége la France, comme sous le règne de Napoléon.

Les arrêts ou jugemens des tribunaux devaient être rendus au nom du Roi Louis-Philippe; mais les sceaux et cachets des autori tés judiciaires et administratives ne devaient porter à l'avenir, pour toute légende, dans l'intérieur du médaillon, que le titre du corps,> du fonctionnaire ou de l'officier public, sur les actes desquels ils devraient être apposés.

Comme l'avènement du nouveau Roi rendait nécessaire de déterminer les noms et titres que devaient prendre les princes et princesses ses enfans, ainsi que la princesse Adélaïde sa sœur, il fut ordonné qu'ils continueraient à porter leurs titres et les armes d'Orléans; mais que le fils aîné, maintenant duc de Chartres, prendrait le titre de duc d'Orléans, et que les filles ou sœur du Roi, n'en porteraient d'autres que celui de princesses d'Orléans, en se distinguant entre elles par leurs prénoms.

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Par une ordonnance du même jour, le titre de Monseigneur fut

1

(1) C'étaient les armes de France; il n'y avait d'autre différence que le lambel d'argent, qui les distinguait de celles de la branche aînée.

I

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