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les députés à remplacer eussent été élus par un collège d'arrondissement ou par un collége de département (art. 1).

Dans ce dernier cas, il devait être procédé dans la Chambre des députés, et en séance publique, à un tirage au sort entre les divers arrondissemens électoraux du département où la vacance aurait lieu, pour déterminer quels arrondissemens devaient procéder au remplacement des députés élus par le collége du département, et de telle sorte que nul arrondissement n'eût plus d'un de ces députés à nommer (art. 2).

Les dispositions de la loi nouvelle, purement transitoires, n'étaient valables que jusqu'à l'adoption légale des modifications désirées et déjà demandées dans la législation électorale en vigueur (art 3); les motifs de celles qu'on présentait d'abord sont faciles à saisir.

« Il importe, disait le ministre de l'intérieur (M. Guizot), qu'une assemblée qui a déjà si bien mérité de la patrie, en coopérant et consommant en un jour, avec une fermeté rapide et prudente, l'œuvre glorieuse de la résistance nationale, ne voie point de ide dans son sein.

Pour la complete, une question grave se présente ; d'importantes modifications à notre législation électorale sont annoncées; elles ne pourraient être assez promptement accomplies pour que les élections aujourd'hui vacantes aient lieu sous leur empire. Ces élections se trouvent nécessairement placées sous l'empire des lois actuellement subsistantes, car les lois subsistent tant qu'elles ne sont pas formellement abrogées oa changées, et c'est un des plus impérieux besoins de la société, que partout où ne vient pas frapper une nécessité absolue, irrésistible, sa vie légale continue sans interruption. Mais les lois électorales encore en vigueur contiennent un principe si fortement réprouvé par la conscienee publique, et dont la prochaine abolition a été si hautement proclamée, qu'il y aurait une sorte d'inconséquence choquante à en autoriser l'application: c'est le principe du double vote. Quoique leur prompte solution soit désirable, les autres questions peuvent et doivent être ajournées à la discussion générale et approfondie des lois annoncées. Le double vote n'est plus une question; aboli en principe par la Charte, nous pensons qu'en fait il doit disparaître.

Il faut donc prendre une mesure qui, sans rien compromettre, sans reconstituer précipitamment et au hasard notre législation électorale, en expulse immédiatement le double vote, et affranchisse les élections qui vont avoir lieu de la nécessité de la subir.» (Voy. 25 et 30 août.)

17 août. Les propositions et projets de loi présentés par les membres de la Chambre ou par les ministres, et les rapports des commissions. se succédaient avec une rapidité que les circonstances

expliquent assez; une seule séance offrait ce qu'on faisait à peine avant la révolution de juillet en une semaine; les discussions étaient courtes, l'opposition presque nulle: on était impatient d'en recueillir les fruits, d'en tenir les promesses, ou d'en réparer ou prévenir les désastres. On trouve ainsi, dans la seule séance du 17, de quoi en remplir dix autres. L'annulation des élections du collége départemental d'Ile-et-Vilaine (de MM. Aubert de Tregomain, de Montboucher et Duplessis de Grenedan), où M. de Corbière, qui présidait le collége électoral, avait scandaleusement violé le secret des votes, et de celles des Bouches-du-Rhône (de MM. Roux et Pardessus), pour la même cause; l'une et l'autre attaquées par des protestations d'électeurs, furent annulées à la presque unanimité des votes, mais le côté droit était désert.

Vinrent ensuite, 1 oun rapport de la commission nommée pour examiner la proposition de M. Mercier (rapport fait par M. Marschal), pour imposer aux fonctionnaires publics, dans l'ordre administratif et judiciaire, à tous les officiers maintenant employés ou disponibles de l'armée de terre et de mer, un nouveau serment que la commission proposait en ces termes :

« Je jure fidélité au Roi des Français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume. (Il n'était plus question des ordonnances du Roi)

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2o Un projet de loi présenté par le ministre de la guerre (comte Gérard), pour assurer l'état des officiers de tout grade, déterminer les bases des pensions de l'armée de terre, et supprimer les retenues prélevées sur ces pensions, au profit de la caisse des invalides; retenues qui devaient être remplacées par une addition de 150,000 fr. portée au budget, à dater de l'exercice 1831.

3o Un autre projet, pour obliger à la réélection les membres de la Chambre des députés, appelés à des fonctions publiques salariées; projet recommandé, comme le précédent, dans la nouvelle Charte, et réclamé depuis si long-temps, que le ministre de l'intérieur (M. Guizot) n'en développait le principe et les motifs, que comme étant dans le caractère propre au gouvernement nouvellement établi, et donnant, dans sa rétroactivité même, une preuve

que ce gouvernement ne reculait point devant la crainte de soumettre ses premiers choix et ses premières faveurs au jugement de l'opinion publique. (V. 25 août.)

4° Un quatrième projet, pour un crédit extraordinaire de 5,000,000, applicables sur l'exercice de 1830, à des travaux publics et autres besoins urgens. Les motifs de cette demande étaient une révélation des tristes effets de la révolution de juillet pour les classes ouvrières.

• En déposant les armes, disait M. Guizot, le peuple de Paris est revenu à ses travaux; mais tous ne les ont pas retrouvés, et une interruption de travail de quinze jours laisse après elle bien des besoins. La nécessité de diriger vers des emplois utiles une activité qui pourrait compromettre de grands intérêts si elle manquait d'élément, s'applique à toute la France; elle est plus pressante qu'ailleurs à Paris, où la commotion a été si forte, la lutte si terrible et si glorieuse. L'énergique élan des journées de juillet s'arrête aujourd'hui sur les débris des obstacles qu'il a renversés, et ce n'est pas la moindre gloire de la population de Paris. Mais l'ébranlement ne peut cesser en un jour, et la rumeur est forte encore après le péril. Le bon sens du peuple le reconnaît, et demande au travail un refuge contre de nouvelles agitations. Témoins de ce qu'a pu faire le courage de ce peuple, vous en croirez, messieurs, son bon sens, et vous lui ouvrirez les ateliers qu'il réclame.

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Déjà les travaux du gouvernement et de la ville ont repris dans Paris toute l'activité que comporte les allocations des budgets. Mais au 1o' juillet dernier, il ne restait à la direction des travaux de Paris, sur les fonds alloués pour 1830, que 497,026 fr.; celle somme est aujourd'hui réduite à moins de 350,000 fr. Les ressources ordinaires ne suffisent donc point pour atteindre le but qui vient d'être indiqué, et nous devons nous mettre au niveau des circonstances sous l'empire desquelles s'est trouvée la capitale.

Cette proposition, accueillie sans aucune marque d'opposition, n'en a trouvé ni dans la commission chargée de l'examiner, ni dans la Chambre qui a voté les fonds dix ou douze jours après (26 août).

Elle fut suivie du rapport fait par M. Jars, au nom de la commission, sur les récompenses ou pensions à décerner ou à accorder à ceux qui avaient été blessés dans les trois journées; aux veuves et enfans de ceux qui avaient succombé, et des indemnités à donner aux personnes dont les propriétés avaient souffert par suite de ces événemens, propositions qui ne souffrirent pas plus d'opposition ni même de discussion que l'autre dans les deux Chambres. (V. 18 août et l'Appendice.)

A ces propositions succéda celle de M. de Tracy, qui demandait l'abolition de la peine de mort, abolition qu'il regardait comme la conséquence inévitable et nécessaire d'un principe fondamental, celui de l'inviolabilité de la vie de l'homme.

« Pour juger la vérité de ce principe, dit l'honorable membre, le meillenr, le plus sûr moyen, est de descendre daus nos consciences, et d'interroger les habitudes qui nous ont entourés dès nos plus jeunes ans. Un mouvement d'horreur nous soulève à l'idée de la destruction d'un de nos semblables, bors le cas de défense personnelle. Ce sentiment n'a pas été placé en vain dans notre cœur, il nous fait connaître le vœu de la nature, et nous n'avons pu entendre parler, sans frémir, des supplices infligés même aux criminels dont les attentats étaient les moins contestés. Ce principe que je voudrais voir inscrit en quelque sorte sur le frontispice de tonte législation et de toute constitution, c'est l'abolition de la peine de mort. Je n'ai pas besoin de traiter ici la question d'utilité, car ce n'est pas devant vous qu'on pourrait vanter comme utile ce qui est injuste. Cependant si je voulais embrasser la question sous un autre point de vue, je ne serais embarrassé que dans le choix des argumens. Les preaves de l'utilité de l'abolition de la peine de mort sont déposées dans les travaux des hommes les plus illustres, des philosophes les plus révérés de tous les temps, de tous les pays, parmi les anciens et parmi les modernes : tous ceux qui se sont occupés de cette immense question l'ont résolue affirmativement.

« Je ne vous parlerai pas des heureux essais qui ont eu lieu en Toscane, et qui ont été approuvés par plusieurs têtes couronnées.

Une tâche bien douce me serait imposée, celle de dérouler à vos yeux les sublimes conséquences, les heureux résultats de l'abolition de la peine de mort, tant pour les mœurs privées que pour les mœurs publiques.

« Je pourrais vous citer, sur les dangers de la peine de mort, les travaux d'on membre célèbre de l'Assemblée constituante, d'Adrien Duport, qui sem. blait déjà prévoir l'usage terrible que les partis pourraient faire de la peine capitale pour détruire leurs adversaires.

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L'argument principal contre la peine de mort, c'est surtout son irréparabilité. Nous savons que l'année dernière onze condamnés à mort ont dù la vie au recours en cassation. Ces hommes étaient innocens; et cependant ils n'ont dù la vie qu'à un léger vice de formes dans le prononcé de l'arrêt...

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Permettez, messieurs, qu'avant de descendre de cette tribune, je me félicite d'avoir eu à vous exposer solennellement ce principe dans les circonstances actuelles. Est-il un moment plus favorable pour vous soumettre la solution d'un pareil principe, que celui où des prodiges de valeur nous ont rendu la liberté? Quelles circonstances plus favorables pour une pareille amélioration à nos lois pénales, que celles où une douce pitié, au milieu de l'enivrement de la victoire, a présenté le plus beau spectacle, celui du vainqueur compatissant aux malheurs des vaincus, et se plaisant à adoucir les coups d'une juste vengeance! Jamais conjoncture plus belle ne s'est rencontrée pour développer la proposition que j'ai l'honneur de vous soumettre.

Aux témoignages unanimes d'adhésion que la proposition reçut de tout le côté gauche et d'une grande partie du centre, on pouvait croire que la prise en cons' 'ération serait votée d'enthousiasme.

Mais elle trouva pourtant des opposans, d'abord M. Crignon de Montigny, qui en demandait au moins l'ajournement, attendu que, pour s'occuper d'une question aussi grave, aussi remplie de difficultés, il fallait attendre un temps plus calme, une tranquillité d'esprit qu'on n'avait pas actuellement. Selon lui, ce n'était pas en sortant d'une révolution encore palpitante, qu'il fallait relâcher les liens et les moyens de discipline sociale, et il conjurait la Chambre de se prémunir contre une fausse philanthropie. Mais la proposition trouva bientôt l'appui d'une opinion alors toute-puissante.

Je pense, dit l'illastre général Lafayette, contre l'opinion de mon hono. rable collègue, que l'abolition de la peine de mort est un principe, ou pour mieux dire, un sentiment isolé qui reste indépendant d'une amélioration judiciaire, dont je sens comme lui la nécessité. Je persisterai à la demander tant qu'on ne n'aura pas prouvé l'infaillibilité des jugemens humains. Cette question, messieurs, n'est pas nouvelle. L'abolition de la peine de mort a été demandée dans tous les temps, par les publicistes les plus respectables; elle le fut dans l'Assemblée constituante par beaucoup de députés; je n'en citerai que trois : Adrien Duport, un des magistrats les plus éclairés; M. de Tracy, le père de mon honorable ami, l'auteur de l'admirable commentaire sur Montesquieu; enfin, le vertueux La Rochefoucauld, ce vrai type du grand, de l'excellent citoyen, si déplorablement, si lâchement assassiné à Gisors après le 10 août. Cette question occupe à présent le sénat des États-Unis. Elle y a été portée par le même Edward Livingston qui acheva l'ouvre commencée par lui dans la législature de l'État de la Louisiane.

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Quel malheur, messieurs, que l'abolition de la peine de mort n'ait pas été adoptée par l'Assemblée constituante! Que d'irréparables douleurs nous eussent été épargnées! Et la plupart de ceux même qui ont concouru à cette foule de condamnations diverses, que n'auraient-ils pas donné, peu de temps après, pour racheter, fùt-ce de leur sang même, la part qu'ils y avaient prise!

« Je vous avoue, messieurs, que depuis nos orages politiques, j'éprouve une invincible horreur pour la peine de mort. Notre révolution actuelle a un tout autre caractère que les révolutions précédentes. On y a vu, réunie au patriotisme et au courage, la plus haute générosité. Il est digne de cette dernière révolution de se marquer, dès les premiers jours, par le grand acte d'humanité que mon honorable ami vient de vous demander. Je vote pour la prise en considération.

En vain M. Le Pelletier d'Aulnay, appuyait-il l'ajournement par le danger de la précipitation; il partageait en partie les vues de l'auteur de la proposition, car il désirait aussi l'abolition de la peine de mort, au moins en matière politique. Mais il s'agissait de faire disparaître tout-à-fait de nos lois la peine capitale, il s'agis

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