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et, dans les conférences dont il s'agit, on ne veut que tenter de concilier des intérêts qui affectent l'équilibre établi par des traités dans lesquels nous sommes partie.

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Tout porte à croire que ce but sera atteint. L'envoi des commissaires anglais et français vers les parties belligérantes est une démarche d'humanité, et la ligne qu'ils sont autorisés à établir entre elles est un fait implicite, qui annonce dans les cabinets l'intelligence des temps nouveaux.

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Au milieu de cette délicate affaire des Pays-Bas, qui affectait plus particu. lièrement les intérêts et les sollicitades de familles d'une autre puissance, nous avons éprouvé son bon esprit. Une loyale sagesse a retenu la Prusse dans des voies pacifiques, et la mesure parfaite qui existe dans nos rapports nous autorise à espérer que cette sagesse ne cessera pas de présider à ses conseils.

« Le changement seal du ministère a empêché le départ de notre ambassadeur à Vienne; mais nos relations s'entretiennent avec ce cabinet et celui de Russie.

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« Tous nos rapports avec les puissances étrangères ont donc suivi la voie ouverte pai la reconnaissance de Louis-Philippe 1er. Tout nous confirme ainsi dans la confiance que l'Europe pourra conserver le plus grand des bienfaits, la paix; la paix, qui est l'expression de toutes les nécessités européennes en même temps; la paix, que la voix d'un soldat ne craint pas d'appeler quelque chose de préférable même à la victoire.

La France peut se glorifier d'un aussi rare exemple de modération et de désintéressement dans la question belge. Elle a pensé que le principe moral de la non-intervention valait mieux que la tentation des souvenirs. Elle a voulu fouder sur la droiture et la loyauté sa nouvelle politique. C'est aussi une influence que la justice, et celle-là est durable; elle aura son poids dans nos destinées.

J'avouerai, messieurs, que mon patriotisme est égoïste. Français avant tout, je ne vois et ne dois voir dans le poste où la confiance du Roi m'a placé que Is intérêts de mon pays. Les destinées du genre humain ne me sont 1 point indifférentes; mais avant de souger au genre humain, je songe à notre France qui m'est plus chère encore. Ma philanthropie se trace donc des frontières, et je pense que tout en formant des vœux pour les améliorations politi. ques chez nos voisins, la raison, l'intérêt et l'honneur nous commandent de rester dans le cercle de l'exercice exclusivement national de nos libertés. Il vaut mieux les afferinir sur cette terre française, si bien faite pour les féconder, que d'en rêver ailleurs l'extension indéfinie. Nous ne voulons pas que d'autres interviennent dans nos affaires, n'intervenons pas dans les leurs.

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Ce principe, aussi libéral et plus sûr d'impartialité et de bonne foi avec nos voisins, est la règle de notre conduite, et le gouvernement du Roi persevère dans la volonté ferme de n'agir de quelque manière que ce soit sur le régime intérieur des autres peuples.

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Notre gloriense révolution ne perdra rien à garder la foi des traités; sa pureté et sa modération lui donneraient une force et une énergie invincible, si jamais elle était menacée.

Tel est, messieurs, le caractère que nous imprimerons à tous nos actes, tant que notre participation sera jogée utile aux affaires du pays par le sonverain, si juste appréciateur de tous les dévouemens, modèle lui-même de dévonement à la France, citoyen, soldat et Roi, quand il a fallu et toutes les fois qu'il faudra l'être pour elle. »

A ces explications, données avec la sage réserve que le minis

tère impose aux hommes les plus expansifs, M. Bignon, qui ne figurait plus dans le Conseil, ajouta des développemens auxquels sa position ancienne, son expérience et son talent, donnaient un grand intérêt, mais que sa position nouvelle mettait à l'abri de toute responsabilité.

D'abord M. Bignon approuvant la réserve du maréchal-ministre, examinant les chances de guerre ou de paix, ne jugeait pas que la guerre fût imminente; mais pour l'avenir, il y voyait de l'incertitude. Plusieurs passages du discours du roi d'Angleterre au parlement pouvaient donner des inquiétudes; mais ils avaient été modifiés, interprétés de manière à les atténuer, et un changement de ministère, en faisant passer le pouvoir au parti whig, offrait plus de chances pour la paix (conjecture confirmée peu de jours après par la chute du ministère Wellington). En suivant les divers paragraphes du discours britannique, M. Bignon voyait bien aussi, comme M. Mauguin, dans celui relatif aux Pays-Bas, l'intention politique qui avait dominé dans les congrès de Troppau, de Laybach et de Vérone; c'était au nom, sous le même prétexte de cette sécurité des États, que des armées d'exécution avaient été lancées tour à tour şur le Piémont, sur Naples et sur l'Espagne.

• Notre gouvernement a proclamé le principe de non-intervention, dit M. Bignon; on nous a déclaré que ce principe avait été adopté par toutes les grandes puissances. Quel est donc l'objet des délibérations dont on parle? N'est-ce pas déjà un oubli, une violation da principe consacré, qu'un concert à établir sur les bases posées par le gouvernement anglais, qu'un concert qui se permettrait toute l'étendue d'action que comportent les termes da discours royal? L'objection a été faite en Angleterre, et on y a répondu que l'on n'a point l'intention d'intervenir par la force des armes. Il ne s'agirait donc que d'une médiation toute de bienveillance et d'humanité, toute d'ordre et de paix. On se restreindraît à des conseils officieux, à des instructions amicales. On ferait entendre la voix de la raison aux peuples et aux princes intéressés dans la querelle, mais rien que la voix de la raison! les armes ne parleraient pas! Messieurs, cette déclaration est précieuse, nous l'acceptons avec plaisir; mais alors pourquoi n'être pas resté dans ce rôle honorable et salutaire?

« Le discours anglais a une tout autre portée, lorsqu'il parle de la détermi nation du Roi de maintenir les traités généraux par lesquels le système politique de l'Europe a été établi. A nos yeux, il n'existe pas de traités généraux qui puissent, sans une interprétation forcée, s'appliquer à la latte ouverte entre les Belges et le roi des Pays-Bas Dès qu'on invoque des traités, ce n'est plus lå de la bienfaisance et de la philanthropie. On nous ramène dans le monde positif, dans le domaine des faits.»

L'habile orateur rappelant et discutant les faits, c'est-à-dire les traités de 1814 et 1815, démontrait que les garanties données par les puissances pour la réunion forcée de la Belgique à la Hollande ne pouvaient s'entendre de l'intégralité du territoire; que l'intervention armée ne pouvait s'exercer ou avoir lieu que dans le cas d'une agression ou d'une invasion étrangère; que les traités dont on arguait ne pouvaient s'appliquer au cas où les Belges, forcés de chercher dans une énergique résistance un remède contre l'oppression, avaient conquis leur indépendance.

« Les cabinets qui délibèrent ou vont délibérer sur la Belgique sont trop éclairés pour se méprendre sur de telles matières. Que veulent-ils donc? ils savent fort bien qu'ils n'ont pas titre à intervenir, et ils interviennent en disant qu'ils n'interviennent pas. Ils préparent, ils commencent une intervention sans avoir arrêté peut-être jusqu'où elle ira, quelle direction, quelle mesure il leur conviendra de lui donner. Ils font de cette affaire une de ces questions élastiques qui peuvent recevoir une forme variable; que l'on peut, à volonté, agrandir on restreindre; mais d'où plus tard on pourrait, selon les circonstances, faire sortir le calme ou la tempête. La médiation commencée, quelque nom qu'on lui donne, a toujours un caractère effrayant. C'est avec les mois d'hamanité, de sécurité, que ces médiations commencent. Presque toujours elles finissent avec les baïonnettes. Il y a donc là une véritable chance de guerre. Ce n'est pas la seule. »

«Je dois en signaler une autre qui a son principe dans les passions, dans les imprudences des Belges ; c'est leur prétention mal fondée sur le grand-duché de Luxembourg. J'articule ce fait à la tribune, afin de dissiper une erreur trop accréditée, et par la crainte que la presse périodique, qui a rendu tant de services à la cause des peuples, pe contribue à compromettre l'indépendance des Belges en les encourageant dans un système d'usurpation capable d'attirer up choc entre eux et l'Allemagne. Quoique depuis une longue suite de siècles le pays de Luxembourg ait pu faire partie de la Belgique, l'existence politique de ce pays, dont le territoire a subi des modifications, a été changé par le traite du 31 mai. Il n'a point été donné à la maison de Nassau au même titre que les provinces belgiques. C'est une cession qui lui a été faite, à titre d'échange, art. 2 du traité du 3 mai, en compensation des principantes de Nassau, Dillembourg, Siegen et Dietz cédés à la Prusse. Le duché de Luxembourg, érigé en grand-duché, est ainsi un domaine à part, qui forme un des États de la cons fédération germanique.

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La ville de Luxembourg a été déclarée forteresse de la coufédération. Voilà one question sur laquelle les traités peuvent être invoqués avec succès. Le tort ést du côté des Belges. C'est aux amis de la liberté à les en avertir. S'ils persistent, qui sait si demain la confédération germanique ne viendra pas réclamer ses droits? Qui sait si la Prusse, comme pays voisin, ne sera pas appelée à l'exécution des décrets de la diète, et, une fois que des troppes prussiennes auront posé le pied sur le territoire du grand-duché de Luxembourg, qui sait si ce malheureux et impolitique débat ne mettra pas bientôt les Prussiens et les Français en présence, peut-être malgré eux, dans les provinces belgiques elles

mêmes?

Amené à discuter les chances de la paix, M. Bignon plaçait au premier rang l'influence des progrès de la raison publique sur la politique même des cabinets, l'estime de l'Europe pour le caractère loyal de notre roi Louis-Philippe, et la perspective des graves dangers que la guerre pourrait entraîner pour les gouvernemens absolus, puis, comme circonstances rassurantes, le mauvais état des finances de tous les gouvernemens, et même de l'Angleterre; l'extinction des vieilles haines nationales, surtout entre la France et l'Angleterre; la sympathie des divers peuples entre eux, et la sympathie de tous pour les principes d'une sage liberté, tels qu'ils sont maintenant compris en France.

On doit remarquer dans le développement, que M. Bignon donnait à ces idées, le passage qui suit:

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Que la Belgique devienne un État indépendant, sous quelque forme de gouvernement qu'il lui convienne de se donner, la France respectera cet État nouveau, comme elle respecte les possessions des rois de Bavière, de Sardaigne et autres, contigues à son territoire,

L'Europe en a pour garant, outre l'esprit constitutionnel de la nation fran, caise, qui désormais répagne à tonte guerre offensive, le caractère droit et loyal du Roi Louis-Philippe, En effet, messieurs, à la place du Roi sage qui nous gouverne, supposez que la révolution du 30 juillet eût enfanté une répablique, ou qu'elle eût porté au pouvoit un prince, un soldat heureux, plus jaloux de grandeur pour lui-même que de bonbenr pour la France, qui eût empêché un chef téméraire de république on de monarchie, le jour où le tocsin de la guerre a sonné dans la Belgique, de s'y précipiter à la tête de troupes proclamant la liberté de genre humain, de jeter d'autres détachemens sur les provinces du Rhin qui ont été départemens français, d'exciter ou plutôt de seconder le mouvement des peuples contre leurs souverains actuels, en leur promettant des constitutions libres ?

Sans doute c'eût été livrer la France à de terribles basards; mais enfin la fortune couronne souvent l'audace; et qui sait si à l'heure où je parle la France, poussée par un chef entreprenant dans la voie des conquêtes, et ressaisissant un territoire à sa portée, qui eût été empressé de se réunir à elle, ne serait pas déjà en état, avec son nom et ses millions de gardes nationales, de braver les vains efforts de l'Europe, derrière son triple rempart du Rhin, des Alpes et des Pyrénées? (Applaudissemens.)

Certes, je rends grâce au Roi Louis-Philippe de n'avoir point eu de ces gigantesques idées; je lni rends grâce de n'avoir point joué ainsi les destinées de notre nation; je lui rends grâce de n'avoir point cherché, au risque d'un retoar funeste pour nous, à incendier l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne; mais enfin, ce qu'il n'a point fait, il eût pu le tenter, et même en admettant qu'il n'eût pas réussi, il eût cependant porté un coup sensible à la sûreté des dynasties et ébranlé les fondemens de tous les trônes. (Nouveau mouvement d'adhésion.) Pour l'Europe comme pour nous, il a été l'homme nécessaire,

l'homme indispensable; elle doit autant que nous désirer la consolidation de notre gouvernement. Toute atteinte portée à l'existence de notre dynastie nouvelle serait une calamité pour toutes les dynasties européennes.

«Le Roi a fait plus, et les cabineis étrangers doivent lui en tenir compte. Comme nous, le Roi plaint les infortunés proscrits que poursuit la rigueur de quelques gouvernemens absolus, et qu'un sentiment généreux porte à désirer l'affranchissement de leur patrie; mais en compatissant au malheur, il sait qu'il doit respecter l'iodépendance des autres États, pour avoir droit de faire res pecter la nôtre. Que l'Europe lui en sache gré, car en se prêtant à des mesures sévères contre des hommes déjà si malheureux, son noble cœur fait les plus grands sacrifices.

«

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Le drapeau tricolore n'est en ce moment qu'un emblème de paix et d'or. dre. Il est arboré sur nos remparts comme le gardien de notre frontière. Qu'il y reste long-temps immobile; qu'il soit pour nous comme le dieu Terme des Romains (bravos universels): c'est notre vœu le plus sincère. Mais que les cabinets y prennent garde; qu'on ne nous force pas de le planter sur une terre étrangère: il ne s'y présenterait plus en ennemi pour annoncer des démembremeus d'États et la levée de contributions de guerre; il y flotterait comme un signe de délivrance autour duquel se rallieraient les peuples pour conquérir la liberté sur les gouvernemens.

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Après cet éloquent discours, termiué par des considérations sur la révolution de juillet, dont l'orateur disait qu'il fallait attendre les bienfaits sans précipitation, il n'y avait plus d'explications à demander; tous les partis en parurent satisfaits.

15-19 novembre. Entre les propositions ou projets alors présentés à la Chambre des députés, il faut citer, 1o celui qui devait constituer pour 1831 la contribution mobilière et personnelle, et celle des portes et fenêtres, d'impôt de répartition en impôt de quotité, projet dont la discussion n'eut lieu qu'en 1831, et qui excita de vifs mécontentemens; 2° une proposition de M. Dumont de Saint-Priest, tendant à faire des retenues proportionnelles sur tous les traitemens à la charge du trésor public, ce qui a été fait avec quelques modifications dans l'échelle des retenues; et surtout le projet d'après lequel on appliquait aux besoins de l'État les sommes qui resteraient libres sur les 30 millions alloués par l'article 1er de la loi du 25 avril 1825, c'est-à-dire le fonds commun qui devait rester après la liquidation des indemnités accordées aux émigrés, et destinées à en réparer, disait-on, les inégalités... On reviendra sur cette discussion qui n'a eu lieu que sur la fin de l'année.

Une autre proposition, déjà annoncée et développée par M. Ben

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