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sommes au maintien d'un droit public sur lequel repose l'indépendance des États de l'Europe (1).

■Les assurances pacifiques que nous recevons de la part de tous les cabinets sont explicites et positives. Les affaires de la Belgique se traitent en ce moment d'un commun accord entre les grandes puissances réunies par leurs délégués à Londres. L'heureux dénoûment de cette négociation nous paraît plus que probable.

« Les armemens du Nord n'annoncent une guerre ni prochaine, ni éloignée : ils sont le résultat de l'erreur. Les ennemis de notre glorieuse révolution ont cherché à faire croire que notre tranquillité était éphémère; qu'un pouvoir occulte plus puissant que le gouvernement menaçait la tranquillité de l'Europe. Nous avons lien de croire que le czar, maintenant plus éclairé, prendra confiance dans la force et la stabilité du gouvernement, dans la justice de ses principes et dans la sagesse de sa marche.

« Je pense, comme l'orateur, sur l'union naturelle de la France et de la Russie: aucune collision d'intérêts ne saurait exister entre elles; placées à une grande distance l'une de l'autre, tout leur conseille de s'unir par les liens de l'amitié et de la confiance. Mais je ne saurais partager de vieilles haines contre l'Angleterre. Tout doit réunir deux États dont les intérêts ont cessé d'être divisés; que la civilisation, que la communauté des principes qui constituent leur ordre social rendent des amis naturels. C'est le gouvernement anglais qui, le premier, a reconnu la nouvelle monarchie française; c'est l'Angleterre qui nous a montré le plus de sympathie.

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Qui, nous recherchons la paix de toutes nos forces, mais en nous bien préparant à la guerre; et si nous étions contraints encore de tenter le sort des armes, la France reparaîtrait sur le champ de bataille, imposante et terrible. Vous aurez confiance dans votre Roi, messieurs, et j'ose espérer que vous en accorderez aussi à son gouvernement. »

On n'entrera point dans les détails de cette discussion, où M. Dupin aîné soutint le système pacifique et où le ministère n'eut à combattre que l'exagération belliqueuse de quelques membres qui voulaient mettre à sa disposition plus de forces qu'il n'en demandait. Il nous suffit de dire que la levée de 80 mille hommes fut votée à la presque unanimité des voix comme d'enthousiasme, dans les deux Chambres à celle des députés, le 6, à celle des pairs, le 10 décembre).

(1) Deux jours avant ces assurances pacifiques données par le ministre dans un banquet des artilleurs de la garde nationale parisienne, où se trouvait M. le duc d'Orléans, en sa qualité de canonnier de la première batterie, et plusieurs des notabilités de la révolution de juillet, le général Lafayette proposait ce toast: « Aux artilleurs de France, de Belgique et de Pologne (on venait de recevoir la première nouvelle, de la révolution de Varsovie ). Puisse la grande batterie des droits du genre humain élancer ses projectiles, partout où ils sont mé

connus! n

Quant à celui de la restitution à l'État du fonds commun de l'indemnité des émigrés ou condamnés, il trouva dans la Chambre des députés une opposition très vive quoique impuissante. Là se réveilla la querelle de l'émigration, là s'exhalèrent comme les derniers efforts et les derniers soupirs d'une cause perdue.

M. de Clarac, qui ouvrit la discussion ( 9 décembre ), regardait la loi d'indemnité comme un acte de réparation et de conciliation, comme l'un des plus grands bienfaits de la restauration et de cette dynastie « à laquelle la France avait dû quinze années de gloire et « de prospérité» et concluait par repousser le projet comme un abus de la force, un acte de violence, de spoliation et d'iniquité, assertions qui excitèrent de vives réclamations, et que l'orateur se vit souvent obligé de rétracter ou d'adoucir. M. Alexis de Noailles, tout en disant qu'il votait pour le projet, quoique intéressé dans la question, observait que le fonds commun de l'indemnité, ayant été destiné à réparer l'injustice ou l'inégalité forcée de la répartition d'après les bases adoptées pour l'appréciation des biens vendus (voyez la discussion de cette loi, Ann. pour 1825), n'était pas moins bien acquis aux indemnitaires que le fonds employé; il ne cédait qu'à la nécessité et aux besoins de l'État. M. Berryer, plus réservé que M. de Clarac, faisait valoir avec moins de ménagement que M. de Noailles les droits de tous les émigrés, de leurs créanciers, et même ceux des membres de la famille déchue, au restant de l'indemnité, restant aussi sacré que les premiers fonds déjà distribués; il s'élevait surtout avec force contre des expressions employées dans l'exposé du ministre des finances, et s'indignait qu'un président du Conseil, parlant au nom du chef de l'État, vînt ici, dans la Chambre des députés de la France, classer les Français en vainqueurs et vaincus.

Du côté des défenseurs de la loi, on distinguait M. Thiers, qui paraissait pour la première fois à la tribune, en qualité de commissaire du gouvernement (il venait d'être nommé sous-secrétaire d'État au ministère des finances), et qui, en soutenant le projet présenté comme un acte de haute justice, comme une faible réparation pour un des plus grands dommages causés au pays, ne crai

gnit pas même de proclamer que les lois qui avaient frappé les émigrés avaient été nécessaires et suffisamment justifiées par leurs entreprises parricides contre la patrie; M. de Salverte, qui insis tait sur la réprobation nationale dont la loi de 1825 avait été flétrie, et M. Barthe, qui résuma et combattit dans une réplique tous les argumens des adversaires du projet.

Pourquoi, s'écriait-il, dans les ruines communes de la patrie, au milieu de tant de désastres, la France a-t-elle choisi seulement les émigrés pour les doter d'une riche indemnité? C'est qu'elle a voulu les récompenser de ce qu'ils avaient porté les armes contre la patrie et appelé le secours des étrangers. L'émigration regardait les citoyens comme en état de révolte : il a fallu la récompenser, Aujourd'hui vous êtes animés d'un esprit tout contraire. Vous avez consacré le principe de l'indépendance nationale, et celui qui repousserait l'étranger si jamais il osait reparaître sur nos frontières, »

Comme nous l'avons annoncé d'ailleurs, et malgré la chaleur des derniers efforts du côté droit, la loi fut emportée le lendemain (10 décembre), à une majorité de 89 voix (246 contre 57). La Chambre des pairs n'y a point fait voir tant d'opposition (29 décembre).

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C'est pendant cette discussion (séance du 9) que la Chambre des députés reçut la nouvelle de la mort de M. Benjamin Constant, arrivée la veille, à huit heures du soir, à la suite d'une maladie d'épuisement, et aggravée par des travaux immortels, dont la collection de l'Annuaire historique offre tant de fragmens, et aussi, dit-on, par des chagrins sur la marche des affaires publiques, par des désappointemens particuliers, entre lesquels on a cité le double échec qu'il essuya, dans l'espace d'un mois, à l'Académie française qui lui préféra M. Cousin, et ensuite M. Viennet.

Mais la mémoire de ce grand publiciste, le premier de l'époque, a été suffisamment vengée de cet affront par la pompe populaire de ses funérailles (12 décembre), auxquelles on vit la garde nationale, et la jeunesse des écoles, toutes les notabilités libérales, près de soixante mille citoyens de tout âge et de toute condition. On voulait le porter au Panthéon, et ce fut à grand'peine encore, en admettant son buste à côté de ceux de Manuel et de Foy, dans l'espérance ou dans l'attente d'une loi, présentée la veille (11 dé

tembre), pour les honneurs à rendre aux grands citoyens au nom de la Patrie reconnaissante, que la foule immense qui assistait à ses obsèques consentit à laisser déposer ses dépouilles dans un monument provisoire, élevé, par souscription publique, au cimetière de l'Est.

La dernière loi passée dans les deux Chambres avant le mémorable procès qui va nous occuper, est celle qui autorisait la perception provisoire des impôts directs, autorisés par la loi du 22 août 1829, pour les quatre premiers douzièmes (ou mois) de

l'année 1831.

Quant à la perception des impôts indirects, dont on a dit les difficultés et l'interruption même dans quelques parties du royaume, les projets présentés ayant été retirés, on y faisait quelques adoucissemens; on autorisait la substitution des abonnemens à l'exercice.

Enfin la loi nouvelle maintenait la circulation des bons du trésor jusqu'à concurrence de 150 millions, et autorisait même le ministre des finances à pourvoir aux besoins du trésor, ай moyen d'une émission supplémentaire de ces mêmes bons, autorisés par ordonnance royale qui devait être soumise à la sanction législative dans la prochaine session.

Ce n'est pas sans quelques réflexions amères, surtout des journaux royalistes, qui signalaient les dangers du provisoire, l'accroissement de la dette et l'énormité des dépenses où la révolution de juillet allait s'engager, que passa cette loi; mais toute opposition tombait devant l'urgence des circonstances et à la veille de ce procès fameux, attendu et redouté comme l'époque ou l'occasion de troubles nouveaux.

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CHAPITRE XIII.

Chambre des pairs, Travaux divers.

Procès de M. de Kergorlay. →→

Question d'hérédité et de prérogatives. — Discussion du projet de loi pour l'appel de quatre-vingt mille hommes. Procès des derniers ministres de Charles X. Instraction de la procédure. Rapports faits aux deux Chambres. Constitution de la Chambre des pairs en cour de justice. Traduction des prévenus. Interrogatoires. —- Réquisitoires des commissaires de la Chambre des députés. — Plaidoyers des avocats. - Arre: de la cour des pairs. Troubles à Paris. Translation des condamnés au château de Ham. Suite des troubles. Arrestations.

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Conduite

de la garde nationale et des écoles. —Proclamations et protestations sédi tieuses.

On a suivi les délibérations de la Chambre des pairs, on en a donné les résultats en ce qu'elles ont de plus important ou d'historique. Elle avait pris l'initiative de plusieurs améliorations indiquées ou promises dans la Charte de 1830, telles que l'abrogation de la loi du sacrilége (proposition de M. le comte de Saint-Priest), et l'application du jury aux délits de la presse et aux délits politiques (proposition de M. le comte Siméon). Il est à remarquer que plusieurs autres projets de loi sont sortis améliorés de ses délibérations. Un seul, celui qui proposait la révision des pensions accordées en vertu de la loi de 1807, avait fait naître une collision fâcheuse avec la Chambre des députés. Mais la publicité de ses séances n'avait rien ôté du calme imposant de ses discussions, ni ajouté beaucoup à la curiosité publique : ces séances étaient loin d'offrir le même attrait que les délibérations de l'autre Chambre, où la nation elle-même semblait débattre ses affaires ou ses inté rêts; mais la curiosité se ranima pour des questions qu'elle seule avait à décider...

On a vu plusieurs pairs refuser le serment prescrit par la lof du 31 août 1830, ou envoyer leur démission pour ne pas se soumettre à un acte qui blessait leur conscience et leurs affections. L'un

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