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stituteurs sous une dépendance plus étroite du gouvernement, et surtout du clergé catholique.

La pensée du gouvernement se révélait plus ouvertement dans le choix de ses agens ou de ceux qu'il appelait aux fonctions importantes, et aux hautes dignités de l'État.

Ainsi la promotion de sept pairs de France, créés par ordonnance du 27 janvier (c'étaient le duc de Céreste-Brancas, le marquis de Tourzel, le marquis de Puivert, le comte de La Bourdonnaye, député de Maine-et-Loire, ex- ministre de l'intérieur, le baron de Vitrolles, le comte Beugnot, pair in petto dès le règne de Louis XVIII, et le lieutenant général comte Vallée), excita de vives réclamations; et l'on en concluait que la fournée de M. de Villèle ne rassurait pas encore M. de Polignac.

Quant à l'autre Chambre, la plupart des élections faites depuis le 8 août dans les colléges d'arrondissement avaient été favorables aux libéraux. Mais M. de Polignac eut la satisfaction de faire passer, dans les colléges de département, deux de ses candidats; M. Berryer fils dans la Haute-Loire, et M. Dudon dans la LoireInférieure, élections faites à de faibles majorités. On peut juger du prix que M. le président du Conseil y attachait, par la disgrâce qu'encourut M. Donatien de Sesmaisons pour s'être prononcé contre la 'candidature de M. Dudon. Il fut rayé des contrôles de la garde royale, où il était colonel, chef d'état-major de la 1TMo division, disgrâce d'autant plus remarquable que sa famille jouissait d'un grand crédit à la cour, et qu'il venait d'arriver lui-même à la pairie par le décès de son beau-père (le chancelier d'Ambray ).

Quoi que le ministère fît pour dissimuler la difficulté de sa situation par des mesures d'intérêt général et par les préparatifs de l'expédition d'Alger, ses embarras et ses dissentimens secrets croissaient à mesure qu'approchait l'époque de l'ouverture des Chambres, au point que, peu de jours auparavant (28 février), il fut question d'un changement total du cabinet, dont M. le comte Roy, compris dans la nouvelle promotion de chevaliers des ordres (21 janvier) était l'agent. On assurait que, dans cette combinaison nouvelle, le duc de Mortemart devait avoir les affaires étrangères ; l'amiral de

Rigny, la marine; M. de Belleyme, l'instruction publique ; le comte Roy, les finances; M. de Martignac, l'intérieur, et M. de Vatimesnil, les sceaux, etc. Ce changement, désiré par les politiques timides, n'eût sans doute été qu'un ministère de transition, et le bruit qui s'en répandit n'est dû peut-être qu'aux dissentimens sérieux qui s'élevèrent dans le sein du Conseil sur la rédaction du discours que le roi devait prononcer à l'ouverture de la session, discours que l'opposition attendait comme une occasion de porter aux pieds du tróne l'expression de l'opinion publique.

Il y a lieu de croire qu'une considération plus mûre et plus sérieuse de l'état des choses avait fait reculer la cour et M. de Polignac devant les projets qu'annonçait la brusque irruption du ministère du 8 août. La violence de la presse périodique et l'animosité des partis en étaient venues au point de faire craindre une guerre civile à tous ceux qui avaient quelque chose à perdre, et qui ne s'étaient pas mis dans la nécessité de la désirer. Le ministère, ou du moins la partie modérée encore en majorité dans le Conseil, se flattait de lui ramener un bon nombre de députés, ceux de la défection surtout, que certains débats de la dernière session, que l'anarchie, signalée par M. de Martignac et le caractère des associations pour le refus de l'impôt, avaient effrayés. Le ministère ne voulait présenter d'abord que des lois d'une utilité incontestable au travers desquelles il jetterait ensuite le rapport, ou du moins des modifications à la dernière loi sur la presse périodique et sur la formation des listes électorales et le budget où il devait proposer des économies considérables. M. de Polignac en avait donné l'exemple, en faisant dans son département des réductions au delà même. de celles que la dernière commission avait demandées. Avec ces méle ministère se flattait d'obtenir une majorité suffisante pour arriver, sans violence et sans crise, à la fin de cette session, après laquelle les changemens obtenus dans les lois, la gloire militaire qu'on allait chercher dans l'expédition d'Alger, et les moyens d'influence qu'on se flattait d'exercer par une administration plus homogène et plus dévouée, pourraient faire hasarder de nouvelles élections.....

Malheureusement pour le succès de ce plan, le zèle indiscret des écrivains qui regardaient le 8 août comme l'époque d'une restau→ ration nouvelle trahissait trop évidemment la secrète pensée du ministère et de la Cour, en proposant des mesures et des changemens en matière de presse périodique ou d'élections, dont la pensée se réalisa dans les fatales ordonnances de juillet.

C'est au milieu des irritations de cette polémique ardente où l'on mettait en question d'un côté les droits du trône, de l'autre les libertés publiques qu'arriva l'époque de la session législative.

2 mars. Le Roi en fit l'ouverture en personne dans la grand❜salle du Louvre, en présence de la famille royale (1) et du corps diplomatique, avec un appareil plus pompeux qu'à l'ordinaire, comme pour donner plus de puissance aux paroles qu'il allait prononcer.

S. M. annonçait d'abord le maintien de l'accord établi entre elle et ses alliés pour le bonheur des peuples, la fin de la guerre en Orient, la garantie donnée à l'indépendance de la Grèce par le choix du prince appelé à régner sur elle (2), et « les négociations « entamées de concert avec les alliés de la France pour amener, « entre les princes et la maison de Bragance, une réconciliation né« cessaire au repos de la Péninsule. »

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Quant aux affaires qui affectaient directement l'honneur ou les intérêts de la France, le Roi déclarait son intention de ne pas « laisser plus long-temps impunie l'insulte faite au pavillon français par le dey d'Alger, et d'en obtenir une réparation éclatante qui, « en satisfaisant à l'honneur de la France, tournerait, avec l'aide du « Tout-Puissant, au profit de la chrétienté. »>

S. M., parlant ensuite de la présentation, du budget de 1831, faisait observer que les produits de 1829 avaient surpassé les évaluations, que la situation générale des finances démontrait la possibilité d'alléger les charges de l'État; elle annonçait qu'il serait

(1) On a remarqué que le Roi en arrivant sur l'estrade du trône avait laissé tomber son chapeau qu'il tenait à la main, et que M. le duc d'Orléans, s'étant empressé de le relever, avait mis un genou en terre pour le présenter à S. M.-- Cet incident, recueilli par un journal du temps, a pu être regardé cinq mois après comme un étrange pronostic.

(2) Le prince Léopold de Saxe-Cobourg, qui n'a point accepté.

présenté dans cette session, entre autres projets d'administration publique, une loi relative à l'amortissement qui se lierait à un plan de remboursement ou d'échange, qui concilierait l'intérêt des contribuables avec celui des créanciers du trésor et le bien général de l'État.

Messieurs, disait le Roi en terminant, le premier besoin de mon cœur est « de voir la France, heureuse et respectée, développer toutes les richesses de son sol et de son industrie, et jouir en paix des institutions dont j'ai la ferme • volonté de consolider le bienfait.

• La Charte a placé les libertés publiques sous la sauve garde des droits ■ de ma couronne. Ces droits sont sacrés; mon devoir envers mon peuple est de les transmettre intacts à mes successeurs.

« Pairs de France, députés des départemens, je ne doute point de votre con cours pour opérer le bien que je veux faire. Vous repousserez avec mépris ■les perfides insinuations que la malveillance cherche à propager. Si de coupables manœuvres suscitaient à mon gouvernement des obstacles que je ne peux pas (le Roi ajouta, en se reprenant), que je ne veux pas prévoir, je ⚫ trouverais la force de les surmonter dans ma résolution de maintenir la paix publique, dans la juste confiance des Français et dans l'amour qu'ils ont toujours montré pour leur Roi. »

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Ce discours, prononcé d'une voix ferme, fut entendu avec un sentiment de satisfaction générale jusqu'au dernier paragraphe, qui souleva, dans la plus grande partie de l'assemblée, un mouvement de surprise, de stupéfaction et de mécontentement qui se fit apercevoir au milieu des acclamations d'étiquette.

Dès le lendemain, tandis que les feuilles royalistes cherchaient à faire regarder le discours du trône comme l'expression des sentimens personnels du monarque, comme une nouvelle profession de foi, sacrée comme les sermens de Reims, et qui répondait à toutes les injures, à tous les soupçons jetés par la malveillance sur des ministres qui professaient le même attachement pour la Charte que pour l'intégrité des droits de la couronne, les feuilles libérales commentaient avec aigreur ce même discours, où elles ne voulaient voir que l'opinion et l'oeuvre du ministère de la con tre-révolution. Elles relevaient, en passant, le vague des déclarations sur les affaires de Grèce et de Portugal comme des conces sions faites à la politique étrangère; elles jetaient des doutes et des inquiétudes sur l'expédition projetée contre Alger; mais l'objet principal de leurs attaques était le dernier paragraphe, où l'on

assurait qu'il se trouvait, dans sa première rédaction, des expres→ sions encore plus hostiles, que le parti modéré du Conseil était venu à bout de faire supprimer. Elles s'indignaient que le ministère osât supposer qu'il existait des manœuvres qui menaçaient le trône, ou même les droits de la couronne; elles protestaient que l'indignation publique ne demandait que l'éloignement d'un ministère odieux, anti-national; elles ne voulaient lui susciter d'obstacles que dans les voies constitutionnelles; elles espéraient que les pairs de France et les députés des départemens rempliraient leur devoir, qu'ils répondraient au défi ministériel en disant au Roi la vérité tout entière, et que le refus du budget appuierait au besoin cette vérité. Nous passons rapidement sur ces opinions qui trouveront tout à l'heure des organes plus imposans à la tribune législative.

CHAMBRE DES PAIRS.

3 mars. La Chambre, réunie dès le lendemain de la séance royale, sous la présidence du nouveau chancelier de France (M. le marquis de Pastoret, élevé à cette dignité par ordonnance royale du 17 décembre 1829), s'occupa tout en arrivant de la nomination de ses secrétaires définitifs, qui furent MM. le comte de Bouillé, le marquis de Laplace, fils du célèbre astronome, le vicomte d'Ambray et le maréchal Maison, tous choisis dans le parti libéral ou modéré, à l'exception d'un seul (le vicomte d'Ambray), recommandé d'ailleurs par le respect qui s'attachait à la mémoire du chancelier son père. La commission, désignée dans cette même séance par le président de la Chambre pour rédiger le projet d'adresse à faire en réponse au discours du trône, réunissait, suivant l'usage adopté généralement par la noble Chambre, des membres pris dans toutes les nuances politiques. C'étaient MM. le duc de Doudeauville, le vicomte Lainé, le marquis de Latour-Maubourg, le marquis de Marbois, le comte de Panisse, le comte Siméon et le marquis de Talaru. Le ministère avait fait de vains efforts, dit-on, pour déterminer le chancelier à y faire comprendre M. le marquis de Lally-Tollendal qui tomba malade et mourut peu de

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