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rattache le second principe, qui est celui de la conquête. Nous avons, il est vrai, éprouvé des malheurs en 1814, et on les a retracés avec nu sentiment plein d'amertume et de noblesse, mais la question qui en résulte est celle-ci: la France doit-elle préférer la guerre à la paix ? Eh bien, je le déclare, si la France peut conserver la paix avec dignité, peut faire respecter ses droits, je ne pense pas, prévoyant un avenir qui est peut-être loin de nous, qu'il failie s'occuper de faire la guerre. La paix est le besoin de la France. Sans doute le gouvernement ne sacrifiera jamais la dignité de la France au besoin de lui couserver la paix, nous avons tous les moyens de faire la guerre, et si nons étions dans le cas de la faire, nous la ferions d'une manière victorieuse, je n'en donte pas; mais, je le répète, notre premier besoin, notre devoir est de conserver la paix.

« Voilà la politique du gouvernement. Je le dis avec franchise, je ne crains pas de donner par-là aux étrangers le droit d'être plus exigeans à notre égard. Mettons la France à l'intérieur telle qu'elle doit être. Soyons justes, soyons sages, c'est le meilleur moyen de faire respecter au dehors les droits de la France, »

Là finit cette digression épisodique, qui avait occupé trois séances, mais qui jette un grand jour sur le système politique du ministère, sur l'état des partis dans la Chambre, et sur la situation

de la France.

La discussion tant de fois interrompue du projet d'organisation de la garde nationale, reprise ensuite, n'offre plus assez d'intérêt pour nous y arrêter. Il ne restait plus à discuter qu'une partie de ce qui forme aujourd'hui le titre VI des corps détachés, pour le ser vice de guerre: des membres du côté gauche y proposaient des amendemens, d'après lesquels il aurait été formé, dans la garde nationale, un corps séparé formé des jeunes gens de 20 à 25 ans, comme auxiliaire de l'armée (amendement de M. Lemercier), ce qui tendait à couper la garde nationale en deux, à faire un ban permanent, un corps d'une composition particulière, toujours en disponibilité telle n'avait pas été l'intention de la commission. Suivant elle, la garde nationale ne devait pas avoir d'autre organ nisation que celle du service ordinaire; l'appel des corps détachés était une mesure grave à laquelle on ne devait avoir recours qu'à la dernière extrémité; elle ne voulait pas d'un ban formé de 1400 mille individus, dont le gouvernement pût se servir pour commander une guerre; car la garde nationale était une dernière ressource du pays, qui ne devait être employée qu'avec une extrême réserve. On avait cherché à présenter la mobilisation de la garde nationalę

comme une nouvelle conscription; la commission s'était attachée à détruire cette opinion, répandue dans le public. Son but était de ménager la population en se bornant à faire marcher successivement, et par classe, ceux qui seraient appelés à former des corps détachés (M. Mathieu Dumas), opinion à laquelle se rangea une forte majorité. Le même esprit de modération se manifesta dans les articles sur la désignation des gardes nationaux qui devaient être successivement appelés au service des corps détachés par le conseil de recensement de leur commune, et dans le système disciplinaire dont la discussion se prolongea encore plusieurs jours, mais sans fournir d'incidens remarquables (1).

Deux des dernières séances de l'année ont encore été marquées par deux objets à citer, au moins pour mémoire : celle du 29, par un rapport de M. Félix Faure, au nom de la commission chargée de l'examen de la proposition de M. Humblot-Conté, relative à l'organisation municipale, rapport suivi d'un projet de loi, dont 'la plupart des dispositious ont été conservées; celle du 30, par la présentation d'un projet de loi électorale, au nom du gouvernement, dont le système, plus large et plus libéral, consistait à doubler le nombre des électeurs, et à prendre les plus imposés avec des adjonctions et qui a subi des changemens considérables; mais la discussion de ces projets appartient, comme quelques autres, à l'histoire législative de l'année 1831. Ajoutons, pour finir celle-ci, que le dernier jour, à la Chambre des députés, à l'occasion des complimens ou des hommages qu'il s'agissait de porter au Roi le jour de l'an, on agita en comité sécret la question de savoir si les députés prendraient leur ancien costume, d'où les fleurs de lis avaient déjà disparu, et qu'après des débats animés, on s'est décidé

(1) Le projet de loi a été adopté dans la Chambre des députés, le 6 janvier. Voici le résultat du scrutin :

Nombre des votans, 315.-Pour le projet, 245 volx: contre 70. Majorité en faveur du projet, 195 voix.

Porté à la Chatubre des pairs, il y a subi, surtout dans la disposition des titres, des modifications dont l'Annuaire de 1831 dira les résultats.

pour la négative, motivée principalement sur ce que les députés n'ayant aucun caractère légal hors de leurs séances, pouvaient se dispenser d'avoir un costume particulier.

La session ne durait que depuis cinq mois; mais la Chambre élective, déjà épuisée par ses travaux, vieillie avant le temps, attaquée dans son principe, sans mandat aux yeux des partis extrêmes, sans confiance dans le ministère, sans majorité fixe, semblait arrivée au terme de sa dissolution. Elle avait rempli plusieurs des promesses de juillet, mais elle n'avait rien fait au gré des passions révolutionnaires. La Chambre des pairs, encore plus mal posée, mutiléc, dans l'attente de la perte de sa première condition, de sa puissance politique, avait aussi fait beaucoup de sacrifices à la révolution; elle avait pris l'initiative de plusieurs lois populaires : telles que l'abrogation de la loi du sacrilége, l'application du jury aux délits de la presse et aux délits politiques. Mais sa résistance au principe de rétroactivité dans la question des pensions, mais sa modération dans le procès des ministres, laissaient des ressentimens profonds dans le parti du mouvement. Au total enfin, quoique le ministère et les défenseurs de la paix et de l'ordre public eussent eu des avantages marqués dans ces discussions, comme la garde nationale dans les émeutes, l'activité passionnée de la presse populaire balançait la puissance de la tribune, et le principe de l'insurrection dominait tous les besoins de gouvernement.

La démission du général Lafayette, regardée comme l'effet d'un complot médité par le parti de la résistance et même au sein de la cour et du ministère, cette démission, immédiatement suivie de celle de M. Dupont (de l'Eure), et la déclaration de M.Odilon-Barrot, venaient d'ôter au ministère les meilleurs appuis qu'il eût contre la révolution, et de donner à l'opposition une consistance et des chefs qu'elle n'avait pas. Ces événemens retentirent dans les provinces; il en arriva, au général démissionnaire, des adresses de condoléance où le ministère était fort maltraité. L'esprit révolutionnaire se manifesta dans plusieurs corps, surtout dans l'artillerie parisienne, au point que le ministre de l'intérieur crut de son devoir d'en proposer la dissolution, motivée sur le besoin d'une organisation nou

velle et sur les démissions données à la suite des derniers événemens, où plusieurs compagnies avaient paru disposées à seconder l'émeute. Il fut donc arrêté en conseil, que le corps d'artillerie de la garde nationale de Paris serait dissous; mais qu'il serait procédé immédiatement à sa réorganisation, par une commission qui fut composée d'officiers généraux distingués (les généraux comte de Lobau, Pernetty, Mathieu Dumas), et de plusieurs colonels des légions parisiennes (MM. de Marmier, de Lariboissière, de Schonen, de Sussy), et de M. Allent, conseiller d'État. (Ordonnance du 31 décembre.)

C'est le dernier acte officiel de cette année, si pleine de ruines et de créations.

CHAPITRE XV.

Suite de l'expédition d'Alger. Nomination du général Clausel au commande ment de l'armée. — Départ du maréchal de Bourmont.

rés dans l'armée et dans l'administration du

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Changemens opé

pays. Expédition de Bélida

et de Médeah. — Drapeau tricolore arboré sur l'Atlas, — Inquiétudes sur la conquête. Colonies françaises. · Aspect général de la France à la fin

de 1830.

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Nous avons laissé l'armée d'Afrique en possession d'Alger (chapitre IV), après l'expédition de Blida, toujours victorieuse quand elle avait des ennemis à combattre sur un champ de bataille ouvert, mais réduite à se retrancher autour de la ville, inquiétée par la population, harcelée par les Arabes, découragée par l'indifférence ou la lenteur mise à la récompenser, et ravagée par des fièvres dyssentériques qui enlevèrent, en quelques semaines, deux à trois mille soldats: les hôpitaux en étaient encombrés. Déjà l'ivresse de la victoire était dissipée; la faiblesse de l'administration avait mis le désordre dans la ville et relâché la discipline, dans l'armée : l'interruption des nouvelles de France, à l'époque de la révolution de juillet, y fit répandre les bruits les plus étranges, y jeta les plus vives inquiétudes; on fut dix à douze jours sans en receyoir. Le 11 août, enfin, parut une corvette de guerre avec le pavillon tricolore: elle apportait au maréchal Bourmont des dépêches qu'il essaya de tenir secrètes, mais dont les détails essentiels furent bientôt répandus dans l'armée. Il tint un conseil de guerre pour délibérer sur le parti à prendre dans les circonstances. Le maréchal et quelques officiers, dit-on, proposaient de retourner en France avec la meilleure partie de l'armée, en ne laissant dans Alger que les forces nécessaires à sa défense; de garder la cocarde blanche, et d'aller au secours de la cause royale, qu'on ne croyait pas encore désespérée. Mais la majorité fut d'un avis con

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