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sage qui fut suivi d'une proposition de continuer pour 1830 le budget de 1829, quant aux provinces du nord, en augmentant toutefois la contribution personnelle d'un quart, et en donnant au gouvernement la faculté d'émettre des bons du trésor jusqu'à concurrence de douze millions de florins pour les besoins extraordinaires de l'État (1).

Le même jour (25 oct.) que le roi faisait cette déclaration aux états-généraux, le prince d'Orange quittait Anvers en laissant aux Belges une proclamation dans laquelle il exprimait en peu de mots les efforts qu'il avait faits pour opérer la pacification de leurs belles provinces, et le devoir pénible qu'il pensait remplir en allant auendre ailleurs (2) l'issue du mouvement de la Belgique, c'est-à-dire des délibérations du congrès national qui se préparait, leur assurant que de loin comme de près il ne cesserait de faire des vœux pour eux, heureux s'il pouvait contribuer à leur véritable bien-être. »>

26-27 octobre. Le prince était à peine sorti d'Anvers qu'il se manifesta des mouvemens d'insurrection. Le peuple, apprenant qu'une colonne de volontaires belges avait paru à quelque distance de la ville, désarma d'abord des lanciers du 10° et plusieurs militaires isolés. Vers deux heures une cinquantaine de bourgeois armés se portèrent au poste de la Grande-Place où se trouvaient trois cents Hollandais, et un fort détachement de la garde communale. Les bourgeois attaquèrent vivement les soldats qui s'étaient formés en carré sur la place; et après une fusillade d'une demi-heure, les Hollandais évacuèrent la place après avoir perdu leur commandant, soit qu'ils se vissent trop pressés, soit qu'ils craignissent d'être encore attaqués par la garde communale qui s'était retirée dans l'Hôtel-de-Ville. De ce moment en effet l'insur

(1) Un message postérieur a proposé d'augmenter les dépenses extraordinaires allouées au budget de 1830, de la somme de 11,352,100 florins, augmentation motivée sur les dépenses du département de la guerre qui dépassaient déjà de bien loin le crédit accordé pour l'année courante.

(2) Il alla d'abord à Londres où l'on verra qu'il eut une entrevue avec M. Van de Weyer, l'envoyé du gouvernement provisoire.

rection fit des progrès rapides; les vainqueurs, secondés par une foule de gens du peuple qui s'étaient saisis de fusils et de munitions des vaincus, se dirigèrent sur divers postes de la ville où l'on se battit jusqu'à la nuit sans autre résultat que quelques pertes de part et d'autre. Le 27 avant le jour, au moment où l'on fut assuré que les Belges approchaient de la ville, le combat reprit avec un nouvel acharnement. Vers sept heures du matin, le peuple s'était rendu maître de la porte Rouge et de celle de Borgerhout; à dix heures il surprit celle de Malines et l'ouvrit à des troupes Belges qui s'y précipitèrent et s'emparèrent des remparts en mêine temps que les bourgeois en livraient une autre aux chasseurs de la compagnie de Chasteler, qui se présentaient par la route de Boom. Bientôt l'intérieur de la ville devint le théâtre d'une lutte sanglante, mais nulle part les Hollandais ne purent tenir longtemps, excepté à l'arsenal d'où ils ne furent expulsés qu'après avoir fait beaucoup de pertes et laissé au vainqueur plus de quatre cents prisonniers en se retirant sous la protection de la citadelle. Il y eut alors, sans convention des deux partis, une suspension d'hostilités d'environ une heure, après quoi quelques coups de fusil ayant été tirés par des gens du peuple sur la citadelle; elle y répondit par une grêle de boulets, de bombes et de grenades qui incendièrent une partie de la ville et surtout les bâtimens de l'entrepôt.

Un membre délégué du gouvernement provisoire (M. Charles Rogier), et le nouveau gouverneur nommé pour la province, le comte de Robiano, arrivèrent à 7 heures du soir sous le feu de l'artillerie de la citadelle, où les Hollandais, pressés de tous côtés, ne tardèrent pas à se réfugier.

Les Belges, à peine organisés en troupe régulière, n'avaient que quelques pièces de campagne à opposer à plus de deux cents canons ou mortiers de gros calibre. La position d'Anvers attaquée à la fois par la citadelle et par les bâtimens de guerre était horrible: on envoyait demander des secours à Bruxelles, mais la ville pouvait être réduite en cendres avant que ces secours n'arrivassent et sans qu'ils pussent l'empêcher. La crainte de ces malheurs fit

reculer les plus acharnés au combat. Le feu cessa donc vers huit heures et demie du soir. Les habitans prièrent le nouveau gouver◄ neur et M. de Rogier d'entrer en négociations avec le général baron Chassé qui commandait la citadelle; et ces négociations consepties aboutirent à une convention d'armistice régulière conclue le lendemain matin (29 oct.), d'après laquelle les Belges sont restés en possession de la ville, et le gouverneur hollandais, maître de la citadelle, de l'arsenal et de l'escadre, jusqu'à ce qu'il reçût de nouveaux ordres du roi.

Cet événement, qui occasiona au commerce, en marchandises incendiées ou piilées, une perte de 5 à 6 miilions de florins, détruisit un grand nombre de maisons, fit beaucoup de dommages aux grands édifices et contribua autant que l'attaque de Bruxelles à rendre la querelle de la Hollande et de la Belgique inconciliable autrement que par une séparation et une indépendance absolue d'intérêts et de gouvernement.

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CHAPITRE II.

Conférence de Londres, protocole du í novembre.—Ouverture du congrès national. Discours de M. de Potter. — Proposition de la déclaration d'indépendance.-Communication do protocole da 4 novembre. - Négociation d'un armistice, Rapport de M. Van de Weyer sur sa mission à Londres. -Déclaration d'indépendance. - Débats sur la forme du gouvernement.

Décision du congrès en faveur d'une monarchie constitutionnelle héréditaire. Exclusion des Nassau. Question du choix d'un souveraiu. — Candidats annoncés. Discussion du projet de constitution. — Explications données au nom da comité diplomatique sur la situation extérieure. -Protocole du 20 décembre. Aspect général des affaires de Belgique et de Hollande.

La révolution belge menaçait trop d'intérêts et blessait trop d'affections politiques pour ne pas exciter an plus haut degré les inquiétudes et l'attention des grandes puissances. On a déjà entrevu par le discours du roi des Pays-Bas aux états – généraux (voy. pag. 553, et l'Appendice), qu'il avait réclamé l'intervention des puissances signataires des traités de Paris et de Vienne, qui avaient constitué le royaume des Pays-Bas, en les invitant ⚫ à délibérer de concert avec lui sur les meilleurs moyens de << mettre un terme aux troubles qui avaient éclaté dans ses États.. Les cours d'Autriche, de France, de Prusse et de Russie, déférant à cette invitation, avaient chargé leurs ambassadeurs ou ministres accrédités à la cour de Londres (1), d'ouvrir des conférences et de

(1) C'étaient pour l'Autriche, le prince Esterhazy; pour la France, le prince de Talleyrand, recemment nommé ambassadeur extraordinaire; pour la Prosse, le comte de Bulow; pour la Russie, le comte Matuschewitsch; et pour la Grande-Bretagne, le comte d'Aberdeen, alors ministre des affaires étrangèles de S. M. B.

prendre les résolutions qu'ils jugeraient convenables pour parvenir au but désiré.

Le résultat de leur première conférence, tenue au Foreign Office, le 4 novembre, fut que, pour accomplir leur résolution d'arrêter l'effusion du sang; une entière cessation d'hostilités devait avoir lieu de part et d'autre, d'après des conditions dont la principale était que les troupes respectives se retireraient réciproquement, dans l'espace de dix jours, derrière la ligne qui séparait, avant l'époque du traité du 30 mai 1814, les possessions du prince souverain des Provinces-Unies, de celles qui avaient été jointes à son territoire pour former le royaume des Pays-Bas-Unis, etc., conditions qui ne préjugeraient en rien les questions dont les cinq cours auraient à faciliter la solution.

Cet armistice, conseillé d'après le désir manifesté par le roi des Pays-Bas, ne pouvait pas trouver d'opposition de sa part; mais il n'en montra pas des dispositions plus pacifiques. Il ne voulait que gagner du temps pour le rendre utile à ses intérêts; il ramassa ses forces maritimes, et déclara les côtes et les ports de Belgique en état de blocus. Il donna le commandement en chef de l'armée active au général Van Geen, qui rassembla ses troupes sur la ligne de l'Escaut, d'Anvers à Maestricht, de manière à arrêter les progrès de la révolution ou des armes belges.

Du côté de la Belgique on ne s'occupait pas moins activement des mesures militaires; mais l'ouverture du congrès y faisait diversion, et c'était là que devaient se décider les questions politiques.

10 novembre. Tout était disposé pour donner à cette solennité la pompe dont elle était susceptible; plusieurs régimens récemment organisés étaient sur pied, la garde bourgeoise offrait déjà plusieurs légions remarquables par leur bonne tenue militaire; un règlement d'ordre avait été préparé par une commission, aussi chargée de faire un projet de constitution. A l'heure indiquée (à midi), les députés élus par les provinces étaient rendus dans la

(1) Il a été signé le 20 novembre.

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