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membres du conseil, ceux qui, par la modération connue de leur caractère, semblaient encore donner une dernière garantie contre les violences et les coups d'État que les écrivains ministériels ne cessaient de recommander ou de réclamer, MM. de Courvoisier, garde-des-sceaux, et de Chabrol de Crouzol, ministre des finances, donnèrent leur démission à la suite d'une discussion qui s'éleva dans le conseil sur le système à suivre d'après les élections... Depuis long-temps ils s'étaient hautement prononcés sur la néces¬ sité pour le gouvernement de marcher avec la majorité parlementaire; ils ne regardaient la dissolution que comme un appel aux colléges électoraux dont la décision devait déterminer la retraite des ministres, à moins qu'elle ne changeât la majorité de la Chambre élective; ils voulaient que cette décision fût libre de toute influence, ou du moins de toute manoeuvre illégale; ils ne croyaient pas que le succès d'une expédition entreprise pour l'honneur de la France, dût influer sur la liberté des suffrages; enfin, soit conviction de la puissance de l'opinion libérale, ou crainte de mesures violentes de la part de leurs collègues, ils se prononcèrent de manière à rendre l'acceptation de leur démission inévitable. M. de Courvoisier fut remplacé au département de la justice par M. de Chantelauze, premier président de la Cour royale de Grenoble, et membre de la Chambre des députés, qui, dans le dernier comité secret (16 mars), avait invoqué un cinq septembre monarchique, et M. de Chabrol par M. de Montbel, ministre de l'intérieur, dont le département fut donné à M. de Peyronnet, en lui ôtant les travaux publics, auxquels on joignit les attributions de la direction générale des ponts-et-chaussées (dont le chef, M. Becquey, fut mis à la retraite), pour en faire un nouveau ministère en faveur de M. le baron Capelle, ci-devant secrétaire général de l'intérieur, maintenant préfet de Versailles (Ordonn. du 19 mai).

Ce changement causa moins de surprise que d'indignation: on s'y attendait. Il avait même été question de rappeler M. de Villèle, à qui l'on attribuait l'avis de la dissolution et de la convocation prochaine de l'autre Chambre; mais, soit qu'il refusât d'entrer au conseil sans en reprendre la présidence, dont le Roi ne voulait pas

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dépouiller son favori, ni M. de Polignac se défaire, soit que cet homme d'État eût exigé des conditions ou des garanties pour le système mixte qu'il croyait encore praticable, il fut éloigné; et M. de Peyronnet, qui semblait avoir concentré sur lui toutes les antipathies qu'avait excitées le ministère déplorable, consentit à partager les haines soulevées contre celui-ci. Il y entrait, disait-on, avec la résolution ferme et bien arrêtée d'employer tous les moyens pour assurer le succès des élections, et la création d'un nouveau ministère des travaux publics n'avait pas d'autre objet que de lui donner dans M. Capelle un adjoint, qui passait pour un très-habile manœuvrier dans les campagnes électorales.

Le ministère ainsi modifié fit dans le conseil d'État plusieurs changemens, qui ajoutèrent encore à la désaffection publique.

C'est à cette époque, à la veille des élections, au milieu des irritations les plus vives, que des incendies êclatèrent sur plusieurs points de la France, et principalement dans l'ancienne Normandie, dans les départemens de la Manche et du Calvados, de manière à faire croire que c'était le résultat d'une conspiration politique..

Ils éclataient le plus souvent la nuit, dans des maisons ou fermes isolées, dans des granges, sur des meules de grains ou de fourrages, et parfois sur des chaumières de si chétive valeur, qu'ils ne semblaient avoir pour objet que de répandre l'inquiétude, l'alarme et la terreur. La police locale et la gendarmerie redoublèrent de zèle et de vigilance pour découvrir les incendiaires; des troupes furent mises en mouvement; les paysans prirent les armes, se décidèrent à veiller eux-mêmes à la sûreté de leurs foyers; la garde nationale, négligée ou même abandonnée presque partout, demanda à être réorganisée, mais le gouvernement semblait la redouter, et se contenta d'envoyer de nouvelles troupes, jusqu'à des régimens de la garde royale, qui furent dirigés sur les points où ces attentats se multipliaient chaque jour avec une audace inouïe...

Comme les partis sont toujours prêts à s'accuser des misères et des calamités publiques, l'un attribuait ces attentats, qu'il prétendait tomber exclusivement sur les chaumières ou sur les petites propriétés, à l'intention de faire diversion aux querelles politiques

du moment, de détourner les électeurs des petites colléges de se rendre aux élections, ou même d'y trouver un prétexte d'interrompre le cours de la justice ordinaire, et d'établir des cours prévôtales, dont on étendrait bientôt la juridiction aux délits ou crimes politiques. Dans l'opinion opposée, le but des incendiaires était d'exciter dans les campagnes la défiance et la haine contre un gouvernement qui ne pouvait pas protéger efficacement les propriétés, ou qui ne voulait pas découvrir les coupables. On reviendra sur cet objet.

Telle était la situation des affaires et des partis en France au moment où sortait de ses ports l'expédition d'Alger, dont nous allons dire les succès.

CHAPITRE IV.

Expédition d'Alger.-Motifs de cette expédition.-Opposition qu'elle éprouve dans l'opinion publique. Choix du commandant en chef. - Préparatifs.

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Relâche à Mahon.

- Première action.

·Préparatifs de défense des Algériens.

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Débarquement dans la presqu'ile Coup de vent éprouvé par la flotte. Bataille de Staouëli.

Défaite et prise du camp des Algériens. - Construction de retranchemens et d'une route.- Marche de l'armée française sur Alger.· - Investissement, attaque et prise du fort de l'Empereur. Capitulation du dey. Remise de la capitale et des trésors de la régence. — Embarquement du dey et de la milice turque. Organisation de l'administration nouvelle.

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de la population.

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Disposition

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tuation de l'armée française et de la nouvelle colonie.

Il serait trop long d'exposer ici les motifs que le gouvernement a donnés à la tribune et dans des articles officiels pour établir la justice, la convenánce et la nécessité de l'expédition qui fait le sujet de ce chapitre (1), et ceux que les orateurs ou les écrivains de l'opposition ont fait valoir pour en démontrer les dangers, l'injustice et l'inopportunité. Nous ne pouvons que rappeler ici cette polémique empreinte de l'irritation de l'opinion libérale contre un ministère impopulaire, et nous borner à des faits essentiels à l'intelligence des événemens.

L'histoire d'Alger, si quelque écriv ain se résignait à cette étude, tâche aride et difficile, n'offrirait guère qu'une série d'usurpations, de brigandages et de pirateries. La domination des Mamelucks en Égypte était un gouvernement paternel en comparaison d'une tyrannie fondée sur des institutions aristocratiques et militaires, limi

(1) Voy. l'Ann. hist. pour 1829, pag. 229, 231 et 283. La discussion de l'adresse en réponse au discours de la couronne, et surtout l'espèce de manifeste publié dans le Moniteur quelque temps avant le départ de l'expédition.

tée à l'égard des Turcs par l'autorité d'un divan, mais absolue relativement au reste de la population du pays. En possession des terres les plus fertiles, que Rome comptait au rang de ses plus riches provinces, les Algériens, protégés par les tempêtes ou les vents qui poussent les vaisseaux sur leurs côtes inhospitalières, s'étaient habitués à vivre de leurs brigandages. Les tentatives faites à diverses époques par les nations dont ils désolaient le commerce n'avaient abouti qu'à leur causer des dommages, bientôt réparés par l'audace de ces pirates, et les puissances chrétiennes n'avaient vu d'autre moyen de s'y soustraire qu'en payant à leurs deys des tributs annuels, déguisés pour les plus redoutables sous le nom de présens consulaires...

En vain la Sainte-Alliance avait résolu de faire ceseer la piraterie et la traite des esclaves chrétiens, comme elle avait proclamé la traite des noirs. Une escadre anglo-française, sous les ordres da vice-amiral Freemantle et du contre-amiral Jurieu, s'était présentée en 1819 (1er, 5 septembre) devant Alger, pour notifier au dey (c'était alors Omar-Pacha) la résolution prise au congrès d'Aix-la-Chapelle pour obtenir des Barbaresques qu'ils eussent désormais à se renfermer à l'égard des puissances chrétiennes, soit en état de guerre, soit en état de paix, dans les limites du droit des gens, c'est-à-dire qu'ils renonçassent à la piraterie et au barbare usage de réduire leurs captifs en esclavage. Le dey d'Alger et le bey de Tunis, à qui cette notification fut adressée, n'y firent que des réponses évasives. (V. l'Ann. histor. pour 1819, page 431.) L'escadre combinée quitta les parages de l'Afrique sans obtenir d'autres résultats de cette mission, et les puissances chrétiennes oublièrent leurs engagemens dans des querelles ou par des intérêts qui les touchaient plus vivement. D'ailleurs cette superbe Alger, que lord Exmouth aurait pu détruire en 1816, avait augmenté ses moyens de défense de manière à ne plus craindre l'effet d'un bombardement ou d'une simple expédition maritime. Elle poursuivit donc avec autant d'insolence que jamais le paiement des tributs honteux imposés à la faiblesse ou le cours de ses pirateries contre les pavillons qui refusaient de s'y soumettre.

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