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Dans les dispositions peu favorables du peuple envers le gouvernement, il ne fallait qu'une occasion pour les faire éclater; elle se présenta vers la fin de septembre (le 24). Un régiment de cavalerie en garnison à Munich, ayant refusé de faire son service, sous prétexte qu'il était mal payé et arbitrairement traité, on fit marcher contre ce régiment les autres troupes de la garnison; le peuple prit fait et cause en sa faveur, en demandant le changement des ministres généralement considérés comme dévoués aux jésuites : on se battit dans les rues, et le prince Charles, frère du roi, qui s'était transporté sur les lieux pour faire cesser le combat, y fut blessé au bras d'un coup de fusil dans la bagarre. La présence du roi, arrivé le 26, calma un peu les esprits; les changemens qu'il fit ensuite dans son ministère, et de nombreuses patrouilles où la garde bourgeoise montra du zèle, rétablirent la tranquillité.

Le 12 décembre, un reserit royal fut rendu pour les élections des députés des états, qui devaient s'assembler au commencement de l'année prochaine. D'après un aperçu, joint à ce rescrit, de la formation de la deuxième chambre des états, le nombre des familles de la monarchie constaté en 1830 s'élevait en totalité à 880,423 (1) et le nombre des députés, suivant la proportion d'un par 7,000 familles, devait être de 128. Il est à remarquer que, malgré l'intention qu'on supposait au gouvernement d'obtenir à tout prix des députés favorables à son système, le roi Louis interdisait aux autorités, de la manière la plus formelle, de gêner en aucune manière la liberté des élections, d'y exercer aucune influence, et qu'il invitait fortement les électeurs à ne diriger leurs choix que sur des hommes qui, par leur loyauté, leur véritable patriotisme, leur maturité, leur zèle pour le bien public et leurs lumières, paraîtraient dignes d'obtenir leur confiance et de les représenter.

Cet appel solennel et légal à l'opinion publique ne satisfaisait point à l'impatiente chaleur de la jeunesse des universités. Quatre

(1) Ainsi la population générale de la Bavière, en comparant 4 individus et demi par famille, serait actuellement de 3,961,903 habitans.

à cinq cents étudians se rassemblèrent dans la nuit de Noël, que la célébration des offices religieux rend toujours bruyante, et parcoururent les rues en chantant des airs germaniques, accompagnés de petites trompettes. La garde de police voulut les empêcher, et comme ils continuaient à faire du bruit, elle voulut en arrêter quelques-uns; il s'ensuivit des voies de fait des jeunes gens furent blessés, des gendarmes tirés à bas de leurs chevaux. On fut obligé de faire soutenir la garde par un détachement de cuirassiers, et les étudians, dont on en arrêta une cinquantaine, ne se dispersèrent qu'après des sommations répétées du commandant de la ville et à l'apparition de la garde bourgeoise. Les mêmes scènes s'étant renouvelées les jours suivans, et les classes inférieures paraissant disposées à y prendre part, on prit des mesures plus décives. Plusieurs étudians furent arrêtés chez eux, et l'université fuț déclarée fermée jusqu'au mois de mars, avec ordre aux étudians non domiciliés à Munich de quitter sans délai cette résidence... La sévérité de la mesure a fait penser que ces désordres tenaient à des causes plus graves qu'à des mécontentemens ou des dépits d'école. On assure que les recherches faites et que les interrogatoires subis par ceux qui étaient arrétés, avaient pour objet de savoir s'ils avaient eu des liaisons avec les révolutionnaires de France et de Pologne; mais il ne paraît pas qu'on ait fait de découvertes à cet égard... Et le seul résultat de ces arrestations et du bannissement de quelques écrivains mal vus des prêtres et de la cour, c'est que le roi et son gouvernement en furent encore plus dépopularisés.

WURTEMBERG.

Dans aucun État d'Allemagne la révolution française n'a trouvé plus de sympathie et causé moins d'agitation que dans le royaume de Wurtemberg. La session des états, ouverte le 15 janvier, et close le 16 avril, n'avait été marquée par aucun événement historique, mais elle a offert des résultats importans pour la prospérité du pays. On y voit par l'état des finances comparé à celui des dix années antérieures, une diminution de dépenses et d'impôts d'un

million de florins. L'industrie nationale a fait des progrès, les relations commerciales se sont étendues; la confiance du peuple dans ses institutions et la concorde entre les pouvoirs de l'État sont affermies. (Voy. l'Appendice.)

GRAND-DUCHÉ DE BADE.

se

Là aussi le gouvernement était devenu populaire, et l'État jouissait des fruits du calme et de la concorde, lorsqu'une mort inopinée, une apoplexie nerveuse enleva le grand duc Louis (1) à l'amour de ses sujets. Elle fut annoncée le 30 mai au matin, en même temps que l'avènement de Léopold, son frère et successeur, par une proclamation dans laquelle il invitait ses sujets à être aussi dévoués, aussi fidèles, aussi soumis aux lois actuelles et futures, qu'ils l'avaient été à l'égard de son illustre frère et des lois qu'il avait rendues. Le nouveau grand duc donnait de son côté l'assurance que sa ferme volonté était de maintenir religieusement la constitution du pays, et de travailler à sa prospérité autant qu'il serait en son pouvoir.

D'après des bruits qui ont couru et des conjectures qui ne sont pas dénuées de fondement, la mort subite du grand duc Louis avait été tenue quelque temps cachée; ce prince était décédé, à en juger par plusieurs circonstances, un ou deux jours avant l'époque indiquée par la proclamation de son successeur, sans doute avec l'intention de prendre dans l'intervalle les mesures nécessaires pour assurer son avénement. La prudence en faisait une loi.

On se souvient des difficultés que la succession du grand duc Louis faisait prévoir (voy. l'Ann. hist. pour 1828, pag. 323 et 324). Il nous suffit de rappeler que la Bavière ayant été forcée, à la suite des événemens de 1813 et 1814, de rendre à l'Autriche le Tyrol, la principauté de Salzbourg et d'autres districts, il avait été convenu qu'elle recevrait une compensation aux dépens de ses voisins,

(1) Ce prince était né le.9 février 1763, et régnait en qualité de grand duo, depuis le 8 décembre 1818.

et décidé au congrès de Vienne que le Palatinat appartenant au grand duc de Bade serait donné au roi de Bavière, après la mort de Charles-Louis, à défaut d'héritier måle dans la dynastie régnante. On ne considérait pas alors comme habiles à succéder, d'après les règles de l'ancien droit public d'Allemagne, les margraves de Hochsberg, nés d'un mariage morganatique (1). Mais le grand duc Charles-Louis, et celui qui venait de mourir, les avaient rappelés à leur succession intégrale, et obtenu leur reconnaissance de la part des grandes puissances de l'Europe, à l'exception de l'Autriche. Tout récemment encore, peu de mois avant la mort de ce prince, une alliance défensive avait été conclue entre le grand duc Louis et la Prusse, qui s'obligeait à maintenir les margraves de Hochsberg et leur descendance mâle et directe dans la plénitude de leurs droits. Mais la Bavière, secrètement appuyée, disait-on, par l'Autriche, persistait à soutenir les siens sur le Palatinat, et on pouvait craindre qu'elle n'entreprît de se mettre, lors du décès du grand duc Louis, en possession de cette province.

C'est dans cette crainte généralement répandue que Léopold avait pu différer la publication de la mort de son frère, et prendre des mesures pour s'assurer l'intégralité de la succession. Aussi le serment des troupes fut prêté sur tous les points du grand duché, à l'instant même de la proclamation; et des pièces d'artillerie fu

(1) Le margrave Charles-Frédéric avait épousé en secondes noces, mais de la main gauche (espèce de mariage qui rend les enfans légitimes, mais non habiles à succéder aux fiefs), Louise, fille d'un baron de Geyer, qui fat élevée ( le 26 mai 1796) au rang de comtesse de Hochsberg, demeurée veuve le 10 juin 1811. En 1817, le grand duc Charles, ne se voyant point d'enfans, déclara ceux de la comtesse d'Hochsberg habiles à succéder.

Ils étaient trois :

Léopold, né le 29 août 1790, grand duc actuel;
Guillaume, né le 28 avril 1792;

Maximilien, né le 9 décembre 1796,

qui prirent alors le titre de margraves, et qui sont aujourd'hui les chefs de la famille grand-ducale,

rent transportées en toute hâte de Carlsruhe à Manheim, pour y être braquées sur le pont par lequel on communique avec la rive gauche du fleuve qui appartient à la Bavière.

Mais ces précautions étaient inutiles. Soit que le roi de Bavière ne crût pas cette catastrophe bien prochaine, soit qu'il n'ait pas voulu recourir à l'emploi de la force afin de faire valoir ses prétentions, le grand duc Léopold a pris possession de toutes les provinces de Bade sans obstacle, et les révolutions dont plusieurs États germaniques furent bientôt le théâtre firent oublier ces intérêt, de famille. Commençons par celle dont la cause remonte à des teinps antérieurs.

DUCHÉ DE BRUNSWICK.

Nous avons rapporté dans notre dernier volume (pages 290293) la décision prise par la diète germanique contre le duc de Brunswick, dans sa querelle avec son oncle le roi d'Angleterre Le duc, au lieu de s'y soumettre, avait quitté ses États pour un tenips, et sans donner à personne de délégation de son pouvoir, de manière à jeter partout le désordre et la confusion. Il avait ordonné à ses conseillers, employés et officiers, de ne point communiquer avec les États alors assemblés, de sorte que leurs délibération s se trouvèrent ainsi paralysées. Pareil empêchement fut mis à l'exercice du pouvoir judiciaire, et il annula ensuite de son autorité souveraine plusieurs sentences rendues par la Cour suprême.

La diète informée de ces actes extravagans, rendit alors, et fit expédier au duc un décret (du 2 avril) qui le sommait péremptoirement de se conformer à sa première décision, et comme il n'en tint pas plus de compte, le roi de Saxe, chargé de l'exécution du décret fédéral, mit ses troupes en mouvement pour occuper le duché, tout en employant ses bons offices pour amener le duc à une conciliation. Ces bons offices appuyés de démonstrations militaires ne furent pas sans effet. S. A. R. se soumit en partie à ce que la diète demandait, mais il continuait à se débattre sur les termes de la réparation exigée pour le roi d'Angleterre, lorsque la mort de ce prince (26 juin) lui donna répit ou moyen d'échapper à ce

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