Page images
PDF
EPUB

populaire. L'arrivée du prince fit espérer qu'on l'obtiendrait, et la nuit (du 10 au 11 ) se passa plus paisiblement qu'on ne l'avait espéré.

Le lendemain (11), il fut nommé, comme par autorisation du roi, une commission composée en grande partie de magistrats estimés et des bourgeois les plus notables, et présidée par le prince Frédérick, chargée de prendre les mesures les plus efficaces pour le rétablissement de l'ordre. Une proclamation de S. A. R. invita tous les bons citoyens à se faire inscrire sur les rôles de la garde bourgeoise, qui fut mise sous les ordres du général de Gablentz, ainsi qu'un corps de troupes de cinq à six cents hommes, spécialement chargé de la police, et pris dans toutes les classes, ce qui retira du mouvement beaucoup d'hommes ardens, et ne contribua pas peu au rétablissement de la tranquillité publique. Cependant la bourgeoisie, une fois entrée dans les affaires politiques, et s'exprimant déjà fort librement sur le gouvernement du roi, s'assemblait dans ses sections pour délibérer sur les griefs dont elle aurait à demander le redressement, tels que l'abolition des taxes les plus oppressives, spécialement celles de police et de l'excise, la réforme de l'administration communale, l'extension du droit de séance et de vote dans la diète, le contrôle et la publicité des comptes, la réduction des dépenses du culte catholique, et plusieurs changemens importans dans la constitution.

Le roi, qui était à Pilnitz, où il menait, comme son prédécesseur, une vie dévote, indolente et retirée, embarrassé de savoir comment il pourrait concilier avec ses goûts et ses devoirs de conscience sans doute, les sacrifices et les concessions que son peuple lui demandait d'une voix presque unanime, résolut de s'associer ou plutôt de mettre à sa place son neveu le prince Frédérick, à qui l'insurrection venait de déférer en effet tous les pouvoirs, et le nomma co-régent pour gouverner avec lui le royaume, ordonnant que toutes les affaires soumises à la décision royale fussent portées à sa connaissance, et les décisions revêtues de sa signature à côté de celle de S. M. Dans le même acte, le prince Maximilien, duc de Saxe, père du nouveau co-régent, renonçait de sa pleine

et libre volonté à la succession de la couronne de Saxe en faveur de son fils Frédéric-Auguste, qui se trouvait déjà, de fait, investi de la souveraineté.

Cette proclamation, immédiatement publiée à Dresde, et suivie du changement du ministère, y ramena la confiance et la paix. Il y eut des illuminations générales. On envoya de toutes parts et de tous les corps, au prince, des députations, qu'il assurait, à son tour, de ses dispositions à seconder leurs vœux, à donner des garanties, à travailler à la réforme des abus, aux changemens que la constitution demandait, à consacrer le reste de sa vie à la patrie. Il se trouva bientôt assez fort de la confiance qu'il inspirait pour annoncer qu'il ferait punir suivant toute la rigueur des lois, et réprimer, en cas de besoin, par la force militaire, toute résistance envers les autorités, et toute perturbation de la sûreté et de la tranquillité publique (rescrit du 5 octobre), et pour ordonner une enquête sur les crimes ou délits particuliers cominis dans les derniers troubles, dont le résultat n'a toutefois été que la condamnation de quelques individus à un emprisonnement plus ou moins long, en proportion de leur culpabilité.

Peu de temps après (20 octobre), le roi et le co-régent firent ensemble un voyage à Leipsick, où ils furent accueillis, comme sur toute leur route, par des acclamations d'enthousiasme... Le reste de l'année ne se passa pas encore sans quelques agitations, entretenues par le désir des réformes dans le gouvernement; mais des commissions spéciales s'occupaient avec la plus grande activité des moyens d'y faire droit par des travaux, au premier rang desquels il faut mettre l'organisation d'une garde communale, qui comprenait tous les hommes de 21 à 50 ans, sauf quelques exceptions en faveur des ecclésiastiques, magistrats, etc., etc.; une composi tion nouvelle des états, et la préparation d'un budget dont on évaluait les dépenses à. 4,604,353 écus, 4,884,303.

et les recettes à.

.

On en dira l'année prochaine les résultats.

La révolution opérée dans la Saxe royale amena ainsi quelques améliorations dans la constitution ou l'administration des pays sou

mis à divers branches de la même famille, comme dans celle de Saxe-Gotha, où le souverain a consenti que le résultat des délibé rations des états fût soumis au conlrôle de la publicité ; et dans la Saxe-Meinungen, où l'ouverture des états a eu lieu le 26 novembre.

HESSE.

Les deux Hesse aussi eurent leurs insurrections.

Le grand duché (Hesse-Darmstadt), dont les états étaient assemblés depuis le 3 novembre 1829, attendait le fruit de leurs travaux, dont le premier résultat fut la réduction des dépenses à six millions de florins, lorsque la mort du grand duc (Louis X), arrivée le 6 avril (1), dans la soixante-dix-neuvième année de son âge, fit passer le pouvoir aux mains du prince héréditaire, né le 26 déc. 1777, qui prit le nom de Louis XI, et ajourna les états au 16 juin....

Le nouveau règne s'annonçait par une heureuse modération dans le souverain et dans le peuple; mais sa tranquillité fut compromise dans les troubles de la Hesse-Électorale, qui éclatèrent, au commencement de septembre, par une émeute occasionée ou prétextée par la cherté du pain, attribuée au monopole de la corporation des boulangers, cause à laquelle se joignait celle de l'exagération des droits de douane et de l'accise.... Le 6 septembre, au soir, des rassemblemens et des pillages commis chez les boulangers avaient nécessité l'intervention de la police et de la gendarmerie; mais comme elle ne suffisait pas à contenir la populace, on fit venir la garde de l'électeur, qui parvint à disperser les attroupemens, non sans effusion de sang.

Une cause de trouble plus réelle, et qui datait de plus loin, était le mécontentement de la masse éclairée et des classes moyennes à raison du despotisme du gouvernement et de l'absence du prince électeur, qui vivait, séparé de l'électrice, dans une liaison scandaleuse, à son château de Wilhelmshohe, d'où il ne manifestait son autorité que par des actes arbitraires.

(1) Louis X était né le 14 juin 1753, et régnait depuis le 6 avril 1790.

Le 14 septembre, une députation d'habitans, ayant le premier magistrat de la ville à sa tête, alla le prier de rendre à sa capitale le bienfait de sa présence et de celle de l'électrice, qui était comme exilée à Fulde. On lui présenta en même temps une pétition couverte de milliers de signatures, pour la réforme des abus et l'établissement d'une constitution, promise depuis longtemps et toujours différée. Il revint un moment à Cassel, et promit de nouveau la convocation prochaine des états (ordonnance du 19 septembre).

On procédait à l'élection des députés des villes et des campagnes, lorsqu'il éclata dans le district de Hanau et dans la partie méridionale de l'électorat des troubles qui se communiquèrent immédiatement au territoire limitrophe de Hesse-Darmstadt. Des bandes de quatre à cinq cents jusqu'à deux mille rebelles se formèrent à la fois sur plusieurs points, pillant, incendiant ou dévastant principalement les bureaux de péages et de douanes, qu'ils détruisirent en grande partie, chassèrent les employés, et tinrent quelques jours la campagne devant les premières troupes qu'on leur opposa... Cependant les cours de Cassel et de Darmstadt s'entendirent, et rassemblèrent des forces dont la direction fut donnée au prince Émile, frère du grand duc. D'un autre côté, les troupes de Bade et de Nassau formèrent un cordon sur leurs frontières; de sorte que les rebelles, poursuivis de toutes parts, furent bientôt réduits à se rendre ou à chercher un refuge dans les forêts du Vogelberg.

Il est juste de faire observer que ces brigands n'avaient reçu aucun secours de la masse de la population du pays : mais on en prit occasion d'adresser des représentations à l'électeur de Hesse sur le système vexatoire des douanes et de l'accise, et sur la nécessité de s'entendre avec les états pour supprimer ou mod fier les taxes. L'électeur les reçut bien. Instruit ou effrayé par la nouvelle révolte, il parut entrer dans des vues libérales : il ordonna qu'il fût formé dans toutes les villes et dans les bourgs principaux des compagnies et bataillons de bourgeois, fils de bourgeois et propriétaires fonciers, de vingt-cinq à quarante-cinq ans.

17 octobre. L'ouverture de la session des états (1) fut faite par un commissaire électoral ( M. de Porbeck, président du tribunal suprême d'appel), et les députés eurent l'honneur de dîner le même jour avec l'électeur. Il y eut à l'occasion de la préséance, entre la garde bourgeoise et la troupe de ligne, une rixe sanglante, qui se renouvela plusieurs fois et d'une manière assez dangereuse pour forcer l'électeur à se fortifier dans sa résidence de Wilhemshohe, comme s'il eût craint d'y être asssiégé, et appeler l'intervention des états pour des mesures d'ordre et de police, qui furent délibérées en assemblée plénière et qui rétablirent la paix entre les bourgeois et les militaires.

Le principal objet de cette session était de faire une constitution dont le gouvernement avait soumis le projet dans les premières séances. Entre les dispositions principales de ce projet, immédiatement envoyé à l'examen d'une commission, il faut remarquer celle qui consacre la formation des états en trois curies, ou sections composées ensemble de 31 membres, et le vote par curies où les résolutions devaient être prises à la pluralité des suffrages: mais dans le cas où elles ne s'accorderaient pas, il devait être tenu une assemblée plénière où la majorité des voix ferait la loi. D'autres portaient qu'il ne pourrait, sans le consentement des états, être rendu aucune loi concernant les impôts, ou qui restreignît les droits de propriété et la liberté personnelle; que le souverain pourrait convoquer les états toutes les fois qu'il le jugerait nécessaire, mais au moins une fois tous les six ans ; que les propriétés foncières de toute nature seraient également soumises à l'impôt. En principe, cette constitution modifiée en quel-; ques points consacrait l'égalité des droits devant la loi, l'abolition des priviléges, et la liberté de la presse, sauf les restrictions que la diète fédérale pourrait y mettre... La commission des états de

(1) Cette assemblée était divisée, comme dans plusieurs autres Éiats germaniques, en trois caries: la première composée des deputés de la noblesse et des universités du pays, la deuxième des députés des villes; la trosième était formée par la classe des paysans,

Ann. hist. pour 1830.

41

« PreviousContinue »