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dant rien encore n'y annonce le dessein de se soustraire à la souveraineté de Nicolas. On ne réclamait que la liberté, l'indépendance pour toutes les provinces polonaises encore soumises au joug du cabinet de Pétersbourg. On n'annonçait aucune prétention sur celles que l'Autriche et la Prusse s'étaient adjugées. On se vantait de n'avoir montré envers elles aucun dessein hostile. En effet, le dictateur Chlopicki s'était fortement opposé à ce que des prédicateurs de clubs allassent squffler le feu de l'insurrection dans la Gallicie et dans le duché de Posen. Mais l'Autriche, et surtout la Prusse,

n'en prenaient pas moins des mesures sévères pour interdire toutes

communications avec les insurgés de Varsovie, et, de ces deux côtés, la paix ne fut pas moins hostile à la Pologne que la guerre.

CHAPITRE V.

TURQUIE.-Suite des réformes opérées par le sultan.-Actes du gouvernement. - Négociations avec la Russie. - Révolte ou soulèvement daus l'Albanie. Inquiétudes sur l'Égypte. — Répouse à la notification de l'avènement de Louis-Philippe. GRÈCE.- Détresse du pays.—Protocoles de la conférence de Londres. Nomination du prince Léopold comme prince souverain de la Grèce.- Difficultés élevées à ce sujet. — Observations ou représentations du sénat grec.-Refus du prince.

TURQUIE.

APRÈS une guerre désastreuse, où le sultan avait vu les Russes aux portes de sa capitale, ses troupes régulières, sa création chérie, battues et démoralisées, ses provinces européennes presque toutes occupées par l'ennemi, et son trésor épuisé, chargé d'une dette audessus de ses ressources, rien n'est plus étonnant que de le retrouver occupé des mêmes soins de réforme et de civilisation, véritable cause, aux yeux des bons musulmans, des désastres que l'empire des califes venait d'éprouver. Mais l'opiniâtre Mahmoud n'en suivait pas avec moins de zèle son plan favori. Pendant que son visir, établi à Andrinople, s'occupait de la réorganisation de l'armée, il faisait dans l'administration et dans la vie, civile des changemens qui ne choquaient pas moins les préjugés et les mœurs de son peuple. C'est ainsi qu'au mépris du fatalisme qui repoussait toute mesure sanitaire en temps de peste, il faisait établir des lazarets, et que pour amener le goût des arts et des plaisirs de l'Europe, il donnait des fêtes, des concerts, et des espèces de bals dans l'enceinte du sérail et dans son île favorite de Halki. Il faut citer comme des mesures plus graves et plus dignes des regards de l'histoire, un firman qui mettait tous les biens des ulemas sous la surveillance de l'administration et de la concession faite aux Ar

méniens catholiques, sur les représentations de la France et de l'Autriche, du libre exercice de leur culte et l'approbation impériale donnée à la nomination faite par le saint-père de leur chef spirituel, indépendant du patriarche schismatique.

En point de vue général, la puissance ottomane n'étant plus occupée que des moyens de satisfaire à ses engagemens avec la Russie et d'obtenir des remises ou des délais, débarrassée de sa lutte avec les Grecs, respirait de ses désastres et jouissait d'un peu de calme et de sécurité, lorsqu'une insurrection nouvelle, fomentée par Mustapha, pacha de Scodra, en retournant de sa campagne d'Andrinople, éclata en Albanie. Le grand seigneur y envoya son visir Reschid-Pacha avec dix-huit à vingt mille hommes en plusieurs fois et de l'artillerie de campagne pour y rétablir la tranquillité par des voies de force ou de douceur suivant qu'il en serait besoin. Toute l'année se passa en petits combats, en négociations, en intrigues, où les deux partis cherchaient à se tromper et firent l'un et l'autre des pertes considérables, sans obtenir de succès décisifs. Le sultan était menacé d'une révolte plus grave à l'autre extrémité de ses États.

Le pacha d'Égypte, à qui l'on venait d'expédier un firman qui ajoutait à son pachalick l'île de Candie dont il se mit en possession au mois de septembre, n'avait payé depuis dix-huit mois aucune espèce de contribution à la Porte. Il prétendait en être dispensé, à cause des sacrifices qu'il avait faits dans la guerre de Russie et des embarras pécuniaires dans lesquels elle l'avait entraîné. Le sultan insistait néanmoins et demandait à Mehemet qu'il eût à rendre compte de son administration. Mais le fier vice-roi était déjà en mesure de faire attendre ses comptes, et le grand seigneur à dû chercher d'autres moyens de payer ses fêtes, son armée et ses dettes.

On remarque cette année dans la politique du divan une facilité qu'il n'avait jamais montrée dans l'affaire de la Grèce, où il déclara qu'il s'en rapportait aux décisions de la conférence de Londres sur le souverain qu'on lui destinait, et même sur les limites qu'on devait assigner au nouvel État, et proclama de lui

même (au mois de mai) la cession qu'il lui faisait de l'Attique e de Négrepont.

Nous avons dit au chapitre de la France les démarches qu'il fit pour amener une conciliation avec le dey d'Alger. Mahmoud fut blessé du peu d'égards qu'on y eut, mais il n'en témoigna aucun ressentiment. Quand on apprit à Constantinople la chute de Charles X, le peuple crut y voir une punition du ciel pour celle du dey et les outrages faits à l'islamisme; mais le sultan n'en montra point de satisfaction; il attendit, pour reconnaître l'avénement de LouisPhilippe et recevoir le nouveau pavillon de la France, que l'Autriche lui en eût donné le conseil, et ne céda même qu'à des représentations fort vives de l'ambassadeur français (le comte Guilleminot).

GRÈCE.

-Cette héroïque Grèce, dont toute l'Europe était naguère si oc cupée, jette peu d'éclat cette année dans l'histoire. La trève forcée entre elle et les Turcs avait mis fin à l'effusion du sang et révélé toutes ses misères. La sagesse ménagère du président Capo-d'Istrias et la présence d'une garnison française contenaient les partis, mais n'y pouvaient ramener l'ordre et la sécurité. Les révenus du pays, évalués à 16 millions de piastres turques, suffisaient à peine à l'entretien de la petite armée qu'on y formait, et à la solde des marins dont les bâtimens pourrissaient dans les ports. Les impôts établis, très lourds pour une population sans commerce et sans industrie, ne pouvaient payer que la moitié des dépenses nécessaires; l'administration, le pays même ne vivaient depuis plusieurs années que des subsides de l'étranger, et surtout de la France: c'est de là que ce malheureux peuple attendait ses destins.

La conférence de Londres, après avoir long-temps cherché un prince qui voulût s'en charger, avait enfin arrêté ses vues sur le prince Léopold de Saxe-Cobourg qui devait monter sur le trône de la Grande-Bretagne avec la princesse Charlotte.

Le 3 février, trois protocoles, dont les conditions avaient été long-temps débattues et les termes discutés entre le prince et la

ministère britannique, qui le produisait, furent arrêtés et signés par les plénipotentiaires figurant à la conférence (1).

Le premier, rappelant les motifs qui avaient déterminé l'inter vention des trois puissances pour la pacification de la Grèce, l'adhé sion de la Porte ottomane aux décisions de la conférence, et la nécessité de mettre un terme à cette guerre, arrêtait :

Que la Grèce formerait un État indépendant, et jouirait de tous les droits politiques, administratifs et commerciaux attachés à une indépendance complète;

Que la ligne de ses limites à l'occident serait tracée de l'embouchure du fleure Aspro-potamos jusqu'à celle du Sperchius ; Que l'île de Négrepont et d'autres petites îles voisines appar tiendraient à la Grèce;

Que le gouvernement de la Grèce, monarchique et héréditaire par ordre de primogéniture, serait confié à un prince qui ne pourrait être choisi parmi ceux des familles régnantes dans les États signataires du traité du 6 juillet 1827, et porterait le titre de prince souverain... etc.

D'autres dispositions établissaient les garanties à donner ou à exiger, les précautions à prendre pour parvenir à une pacification définitive; une amnistie générale; la faculté respective aux sujets des deux parties de vendre leurs propriétés, de quitter le pays, etc., etc.

Arrivées ainsi au terme d'une longue et difficile négociation, disaient les plénipotentiaires, les trois cours se félicitent sincèrement d'être parvennes à un parfait accord, au milieu des circonstances les plus graves et les plus délicates. Le maintien de leur union dans de tels momens offre le meilleur gage de sa durée, et les trois cours se flattent que cette union stable autant que bienfai sante ne cessera de contribuer à l'afferimissement de la paix du monde »

Le deuxième protocole, convenu comme le premier, plusieurs jours auparavant, portait en substance que, parmi les personnes qui se recommandaient plus particulièrement au choix de l'alliance

(1) Il faut rappeler à nos lecteurs que c'était de la part de la France, le prince de Laval, duc de Montmorency; de la part de la Grande - Bretagne, le comte Aberdeen, alors ministre des affaires étrangères; et de la part de la Russie, le prince de Lieven."

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