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en se sauvant, quelques coups de fusil, auxquels le général ne voulut pas qu'on répondît; et il prit position sur les hauteurs, entre Vera et Saca, où il attendit que Valdès vint le joindre, faisant aussi distribuer des proclamations qui n'eurent pas plus de succès que les premières.

Le lundi 25, au matin, le général Mina décampa pour se porter sur Irun: il s'y trouvait des tercios, que le colonel Jaureguy, dit le Pastor, mit en fuite avec quelques lanciers. Un petit corps, aux ordres d'Odonnell, détaché sur Oyarzum, s'égara, resta séparé de la colonne du général, et comme il ne voyait point arriver Valdès, il se décida à reprendre la position de Vera.

Le 27 octobre, à 8 heures du matin, on aperçut sur les hauteurs voisines des tirailleurs espagnols qui appartenaient au corps du capitaine général d'Arragon Llander. Ce corps, composé d'environ quatre mille hommes, quatre-vingts chevaux et deux pièces d'artillerie, manœuvrait depuis quelques jours autour de Valdès pour le détruire et lui couper le chemin de France. Mina, voulant protéger sa retraite, et se mettre lui-même en sûreté, fit prendre à sa troupe position sur les hauteurs de Saint-Martial, en-deçà de la Bidassoa. Valdés, poursuivi chaudement, mais résistant toujours avec intrépidité, fut enfin forcé dans la ville, où il s'engagea un nouveau combat dans lequel il perdit ses bagages et une de ses pièces. Plusieurs charges des lanciers de Mina, et des attaques répétées de ses tirailleurs, arrêtèrent quelque temps l'ennemi. Valdès en profita pour faire sa retraite, et parvint, après avoir perdu une grande partie des siens, sur le territoire français, où il fut sauvé miraculeusement de la poursuite des Espagnols par un corps d'observation du 63o régiment de ligne, auquel lui et environ deux cent-cinquante des siens rendirent immédiatement leurs armes.

Cependant Mina, qui venait de protéger si bravement la retraite de ses malheureux compagnons, se trouvait sur les hauteurs de SaintMartial, dans la position la plus périlleuse, ayant à ses trousses, d'un côté, le capitaine général de l'Arragon Llander, de l'autre le général Santos Ladron, et en face le général du Guipuzcoa, Blas-Fournas, à la tête de ses volontaires royalistes, dont les forces réunies mon

taient de neuf à dix mille hommes. Ce ne fut qu'après avoir couru de grands dangers et souffert des fatigues inouïes dans sa fuite à travers des montagnes, qu'il put parvenir, presque mourant, à regagner la frontière de France, du côté de Lorda, où Santos Ladron faillit le surprendre. Mais l'autorité française intervint; on réprima les entreprises des Espagnols, qui poursuivaient les vaincus, avec un acharnement féroce, jusques sur le territoire de France, aux cris de: Vive le roi absolu! mort aux rebelles ! et l'on fit rentrer plus avant dans l'intérieur les malheureux Espagnols ou volontaires engagés dans cette funeste expédition. Il n'étaient guère plus que quatre à cinq cents, qui furent envoyés aux dépôts de Bourges, Périgueux et Limoges. Leurs infortunés compagnons, tombés dans les mains des Espagnols, furent tous fusillés ou massacrés avec une barbarie dont les guerres civiles n'offrent que trop d'exemples.

D'autres tentatives faites en Arragon et dans la Cerdagne par les généraux Placencia, Gurrea, Milans et San Miguel, n'eurent pas plus de succès.

Le comte d'Espagne, capitaine général de la Catalogne, toujours en observation sur la frontière, entretenait avec les autorités françaises des rapports et des liaisons qui firent échouer ou paralysèrent tous les efforts des constitutionnels rassemblés sur ce point, et les juntes révolutionnaires que les émigrés espagnols avaient formées à Bayonne et à Perpignan finirent par se dissoudre, en protestant contre l'intervention.

Ainsi le gouvernement espagnol se trouvait à peu près débarrassé des craintes qu'il avait eues de la révolution de juillet, et il ne s'en montra guère plus bienveillant pour le pouvoir qu'elle avait élevé. Ferdinand VII était alors entre deux partis qui conspiraient pour le renverser du trône : l'un dont nous venons de voir la défaite; l'autre, appuyé par l'influence et l'or du clergé, qui protestait contre la pragmatique sanction, qui menaçait d'éclater, et qui tenait toujours l'Espagne dans la terreur de l'absolutisme et de l'inquisition,

PORTUGAL.

L'année commence ici par un événement qui semblait devoir changer le système politique et les tristes destinées du Portugal. La reine-mère (dona Charlotte Joachime), malade depuis long-temps d'une hydropisie de poitrine qui dégénéra dans les derniers jours de décembre en hydropisie universelle, mourut au palais de Quéluz, le 7 janvier, âgée de cinquante-quatre ans et neuf mois. Les feuilles libérales du temps ont assuré qu'elle n'avait point voulu recevoir les secours de l'église, refus qui semblait bien étrange dans une reine qui persécutait avec tant d'acharnement au nom de la religion ceux qui manquaient aux devoirs qu'elle impose. Mais les médecins de la cour, en publiant le dernier bulletin de sa maladie, ont donné les détails les plus circonstanciés sur la sollicitude et la piété avec lesquelles elle avait demandé et reçu tous ses sacremens, l'absolution du nonce apostolique et celle du cardinal patriarche, en présence de don Miguel.

Quoi qu'il en soit on ne lui en fit pas moins de magnifiques obsèques, et ses restes mortels furent déposés dans le caveau royal jusqu'à ce qu'on eût élevé le tombeau qu'elle voulait avoir dans un couvent où maison de refuge qu'elle fondait par son testament daus son château de Guadras. Elle léguait par le même testament, à son bien-aimé fils don Miguel, son château de Ramalhao et partageait ses diamans et ses bijoux également entre tous ses enfans, disposition que don Miguel a fidèlement accomplie même envers don Pedro, auquel il a sur-le-champ fait parvenir sa part du legs maternel.

Cette mort, bien qu'attendue, jeta quelque confusion dans le gouvernement; tous les agens de police et la garde royale furent mis sur pied. Ceux qui attribuaient à la reine-mere un empire absolu sur son fils se flattaient que sa mort allait changer le système da gouvernement, mais don Miguel prit soin de les désabuser. Le régime des proscriptions et des confiscations continua avec la même rigueur. Le sang avait cessé de couler, mais les condamnés allaient subir une mort plus lente et plus affreuse dans les établissemens d'Afrique. D'autres, les prisonniers politiques les plus distingués,

entassés dans les cachots de Belem ou de Saint-Julien, imploraient en vain leur jugement ou réclamaient contre la barbarie de leurs gardiens qui les laissaient à plaisir manquer de pain et d'eau, quelquefois pendant quarante-huit heures. Ces plaintes parvinrent à don Miguel; il y fut aussi insensible que ses geôliers.

Les autres parties de son administration étaient dirigées avec le même despotisme. Il restait à la corporation des commerçans de Lisbonne le privilége de nommer vingt-quatre députés pour la représenter dans la municipalité, lesquels nommaient entre eux un juge du peuple(juiz de povo) qui avait le privilége d'entrer en tout temps chez le roi. Ces députés s'étant présentés à Quéluz avec leur chef, sans avoir la médaille à l'effigie du prince, furent honteusement renvoyés. Il ordonna qu'il fût procédé à de nouvelles élections, sous prétexte que les dernières avaient été frauduleuses. Mais quoiqu'il eût fait choix d'un président sur l'influence duquel il comptait pour avoir des choix plus favorables à ses vues, les corporations qui ne comprenaient pas moins de 7 à 8 mille marchands renommèrent les mêmes représentans, et ceux-ci choisirent à leur tour le même juge du peuple qui avait reçu l'affront de Quéluz et qui ne fut plus tenté de s'y présenter. Mais la terreur de la populace fanatisée par les prêtres et dévouée à don Miguel le consolait et le rassurait contre les mécontentemens de la classe moyenne, bourgeoise ou marchande.

Rien n'était moins propre que cette conduite capricieuse, arbitraire et tyrannique, à relever le crédit et raccommoder les finances qui se détérioraient de jour en jour. La dépense était estimée à 40 millions de francs pour 1830; et il était reconnu que les revenus ou recettes ne pouvaient s'élever au-dessus de 18 à 20 millions. Le prince, déjà endetté envers la banque dont il avait compromis le crédit, au point que les billets, véritable papier-monnaie, perdaient déjà 30 pour cent, avait usé de toutes sortes d'expédiens. Comme les confiscations ne produisaient que peu, il hasarda de faire ouvrir à l'étranger un emprunt de 50 millions de francs, dont le prospectus publié à Paris, sous le nom de la maison Thuret et Cie, peu avant la révolution de juillet, ne trouva point de souscripteurs.

1

L'installation d'une régence, étabiie an nom de dona Maria dans l'île de Terceira le 15 mars, en vertu du décret rendu le 15 juin de l'année dernière, par don Pedro (1), jetait de nouvelles inquiétudes dans le Portugal. Les proclamations qu'on y répandit pour faire valoir les droits de la jeune reine excitèrent quelques mouvemens dans les Algarves, dans les villes où le commerce languissait, dans les régimens dont la solde était mal payée. Mais ces mouvemens n'aboutirent à rien de sérieux. La révolution de juillet ellemême, dont la nouvelle ne fut publiée à Lisbonne que sur la fin du mois d'août, n'y fit que peu d'impression. Le premier bâtiment qui s'y présenta avec le pavillon tricolore y fut insulté; mais sur la réclamation de l'agent consulaire de France, il fut ensuite admis sans difficulté... Au fait, la révolution ruinait les espérances que don Miguel avait d'être bientôt reconnu par la France. Le ministère Polignac avait ouvert, de concert avec celui de la Grande-Bretagne, alors dirigé par le duc de Wellington, des négociations pour mettre un terme à la querelle qui divisait les deux frères. On verra même au chapitre suivant que la reconnaissance de don Miguel par l'Angleterre ne semblait tenir qu'à la publication d'une amnistie. Mais soit que don Miguel eût refusé de souscrire à cette amnistie, soit que les clauses en aient paru insuffisantes, l'affaire n'a pas été conclue, et don Miguel est resté encore cette année sans autre reconnaissance que celles de Ferdinand et des États-Unis d'Amérique.

(1) Cette régence était composée, comme nous l'avons dit l'année dernière, du marquis de Palmella, du comte de Villaflor, et de don Jose Guerreiro, qui s'établirent sans opposition à Terceira. (Voy. l'Appendice et l'hist. du Brésil aa chap. de l'Amérique.)

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