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tuellement exécuté (1); et le congrès déclara ( 11 mai) sa session

terminée.

Il n'est pas besoin de dire ce que le départ de Bolivar, annoncé long-temps d'avance et avec une sorte de faste républicain, occasiona de sensation à Bogota. Tous les membres du congrès, les autorités civiles, militaires et ecclésiastiques, toutes les classes de la population s'empressèrent de lui témoigner des regrets ou des vœux qui n'étaient pas également sincères... Il se rendit d'abord à Carthagène d'où il devait s'embarquer pour la Jamaïque, et se fixer ensuite en Angleterre. Mais soit que les embarras du voyage, les troubles qui suivirent, ou l'altération de sa santé eussent dérangé ses desseins, il continua à rester sur le continent américain.

Tout retomba après son départ dans la confusion. Les provinces de Vénézuéla dont la séparation ne tenait, disait-on, qu'à la crainte de son despotisme, n'en parurent pas plus disposées à se rapprocher du gouvernement de la Nouvelle-Grenade. Un congrès vénézuélien réuni à Valença confirma Paëz dans le commandement eu chef, et se donna une constitution particulière.

A l'autre extrémité de la république colombienne, la province de Quito, soumise au général Florès, se déclarait aussi indépendante. Le nouveau président Mosquera, qu'on alla chercher comme un autre Cincinnatus dans sa retraite à Popayan, et que ses amis eurent de la peine à décider, arrivait à Bogota le 12 juin, précédé par une grande estime de ses qualités personnelles et de ses talens diplomatiques. Il fut reçu au milieu des réjouissances et des acclamatious populaires : il fit, en prenant possession du pouvoir exécutif, des harangues dont on admira l'éloquence. Il donna, tout en prenant les rènes de l'administration, des preuves de zèle, d'amour du pays et d'habileté... Mais des factions diverses, et surtout celle de Bolivar ou de ses partisans qui se servaient de son nom,

(1) Ce décret accordait à Simon Bolivar une pension annuelle de 30,000 dollars (155,000 fr. environ), sa vie durant, du moment où ses fonctions de président de la république cesseraient, et payable partont où il plairait au libérarateur de prendre sa résidence.

minaient insensiblement la considération et l'autorité du nouveau président. Des désordres et des assassinats particuliers, entre autres celui du général Sucre, entretenaient partout l'inquiétude et la défiance. Le soulèvement d'un bataillon vers la fin d'août, aux environs de la capitale, acheva d'y jeter le trouble. Les insurgés furent complétement défaits. Mosquera réussit à comprimer le mouvement par des moyens de douceur; mais la faction militaire n'en eut que plus d'audace: elle lui demandait des concessions qu'il croyait contraires à sa dignité, à la loi fondamentale et à ses sermens. Il aima mieux quitter le pouvoir, qui passa aux mains du vice-pré sident Caîcedo, et puis à Uridaneta... Il était toujours question, au milieu de ces mouvemens, du retour aux affaires de Bolivar, qui se tenait du côté de Carthagène, à côté d'une petite division militaire aux ordres de quelques-uns de ses affidés: on parlait même de son arrivée prochaine à Bogota, lorsqu'on y reçut, dans les premiers jours de décembre, la nouvelle d'une maladie de langueur qui le retenait dans une maison de campague à San-Pedro, près de Sainte-Marthe, et bientôt celle de sa mort, arrivée le 17 décembre.

On a publié quelques jours après une espèce de proclamation d'adieux que le libérateur adressait de son lit de mort aux Colombiens, dans laquelle, en rappelant les sacrifices qu'il avait faits à son pays, il se plaignait amèrement que ses ennemis, abusant de la crédulité du peuple, eussent cherché à ternir sa réputation en révoquant en doute son amour pour la liberté. « C'est avec douleur que je le dis, écrivait-il, je suis victime de mes persécuteurs qui m'ont conduit au bord du tombeau ; je leur pardonne.... Colom

biens, je vous quitte! mes dernières prières sont pour la tranquil ́lité de la Colombie, et si ma mort peut contribuer à ce résultat « désirable en faisant disparaître les animosités de parti et en ra<«< menant l'union parmi vous, j'emporterai un sentiment de satis« faction dans la tombe qui va s'ouvrir pour moi. »

L'ordre du jour que le commandant militaire de Carthagène pablia (le 21) prouve que Bolivar était toujours cher à l'armée, et quelle que soit l'idée qu'on puisse avoir de la sincérité de sa re

nonciation au pouvoir suprême, les intentions de ses partisans étaient manifestes, et la prolongation de son séjour les justifiait. Bolivar avait toujours eu deux grands modèles devant les yeux, Washington et Napoléon; et quoi qu'on ait pu dire ou penser de ses derniers desseins, quel que soit le sort de l'État dont il avait jeté les fondemens, son nom brillera dans l'avenir à côté de ceux dont il enviait la gloire.

PÉROU- CHILI.

Des factions et des ambitions rivales continuaient à se disputer le pouvoir dans ces petites républiques, formées du démembrement de la monarchie espagnole. Cependant, s'il faut en croire aux discours prononcés à l'ouverture de leurs congrès, l'État était en paix, en progression de prospérité, si ce n'est quant aux finances, car le non paiement des dividendes étrangers en révélait le mauvais état.

BUENOS-AYRES.

Quant aux provinces de la Plata, la guerre entre les fédéralistes et les unitaires y continuait avec des chances diverses qui ne la terminaient point. Le général Paz, qui commandait l'armée de Cordova pour le parti des unitaires, remporta, le 25 février, sur Quiroga, une victoire dans laquelle il prétendait avoir fait douze cents. prisonniers et pris huit pièces de canon; mais cet échec n'a pas terminé la querelle. L'État de Buenos-Ayres, où le fédéralisme avait triomphé, toujours soumis à la faction de Rosas, vit plusieurs fois dans le cours de l'année renouveler les désordres et les troubles qui l'avaient agité l'année dernière. Le commerce en souffrait ; le déficit était augmenté de deux millions de dollars depuis deux ans, et l'on ne voyait point de terme, ni de remède à ses souffrances.

BRÉSIL.

Le Brésil même touchait à une révolution nouvelle. Le marige de l'empereur et les fêtes qui suivirent ne firent qu'un moment trève

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aux factions brésiliennes et portugaises, républicaines ou monar chiques, qui se disputaient l'influence populaire ou la faveur impériale.

La session législative s'ouvrit à l'époque ordinaire le 3 mai L'empereur, qui fit le discours d'ouverture, après avoir parlé de son mariage et de l'arrivée de sa fille dona Maria, y déclarait qu'il n'abandonnait pas la cause de cette jeune reine; mais qu'il n'en serait pas moins fidèle à la promesse qu'il avait faite l'année dernière à l'assemblée, de ne jamais compromettre la tranquillité et les intérêts du Brésil pour les affaires du Portugal.

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Venant à celles du Brésil, S. M. annonçait qu'elle avait fait cesser la traite des esclaves conformément aux traités antérieurs; « elle « félicitait l'assemblée nationale de la tranquillité qui régnait dans « toutes les provinces de l'empire. Entre les projets de lois qu'il se proposait de soumettre à la délibération de l'assemblée, l'empereur en signalait surtout un destiné « à réprimer les abus que l'on a continuait à faire de la liberté de la presse, dans toute l'étendue « de l'empire.»

S. M. recommandait encore à l'attention législative, l'organisation de l'armée, les améliorations à faire dans les institutions judiciaires, et surtout dans le système des finances.

Les deux Chambres répondirent à ce discours par des adresses dans lesquelles elles témoignaient leurs regrets des malheurs qui affligeaient le Portugal, et qui avaient nécessité le retour de la jeune reine; mais en se félicitant de l'assurance donnée par S. M. qu'elle ne compromettrait point la tranquillité du Brésil en intervenant dans les affaires du Portugal.

Quelques jours après le (15 mai), le ministre des finances vint faire à la Chambre des députés un rapport qui donnait la plus triste idée de la situation financière de l'empire; on en peut juger l'exorde :

par

« Messieurs, disait S. Exc., le ministère a à combattre un déficit énorme, et la circulation d'un papier sans crédit et d'une monnaie presque sans valeur. Il n'est point de trésor, il n'est point de nation qui puisse long-temps soutenir l'état horrible des finances qui pèse sur le Brésil. Vous savez quel est le paix

exorbitant de toutes les denrées, les travaux et les souffrances auxquels sont condamnés les employés de l'administration par la modicité de leurs salaires, qui, faibles d'abord, sont encore réduits aujourd'hui par la dépréciation da papier qu'ils reçoivent en paiement. Non, je ne pense pas que nous puissions long-temps résister à une pareille détresse, si ces funestes élémens de désordre et de discrédit ne disparaissent pas, ou du moins si les Chambres ne savent les diminuer dans cette session par la sagesse de leurs mesures, et surtout par leur union parfaite de vues et de projets avec le gouvernement. Avec de la confiance, tout est possible, toutes les difficultés sont faciles à surmonter; sans elle le crédit ne peut s'établir, et le système constitutionnel ne peut se consolider. »

Malgré ces représentations, l'assemblée, occupée de querelles ou de dissensions intérieures, n'avait fait que peu de choses utiles lorsque arriva le terme assigné à la durée de la session ordinaire, et il fallut recourir à une session extraordinaire où l'on est parvenu à faire un budget dans lequel le revenu annuel était estimé en reis (1) à

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15,000,000,000 r.

12,836,826,000

2,163,174,000 r.

Mais ces prévisions faites sans doute pour soutenir le crédit au dehors ou parer aux besoins extraordinaires de l'intérieur ont été trompées,

Des travaux importans avaient rempli cette session. On avait fait de fortes réductions dans toutes les branches de dépenses, On avait terminé le code criminel où la liberté individuelle et l'institution du jury étaient garanties au pays; on avait fixé le contingent des forces de terre et de mer. L'empereur, en faisant la clôture de cette assemblée le 30 novembre, en a témoigné hautement sa satisfaction.

En général pourtant, ni l'opinion, ni la situation du pays ne s'étaient améliorées; les vicilles divisions des partis brésilien et portugais, monarchiques, aristocratiques et républicains, s'étaient envenimées, et la presse républicaine, que l'empereur avait voulu comprimer, faisait crime de tout à son gouvernement. Il avait fait

(1) Le mil reis vaut environ 6 fr. 12 c.

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