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CHRONIQUE

POUR 1830.

JANVIER.

2. Paris. Détresse et charité publique.La rigueur prématurée de l'hiver, la cherté du pain, le défaut de travail et la détresse des classes inférieures de la société out excité dans les classes supérieures une sympathie et une pitié généreuse. On ouvre dans toutes les mairies et dans toutes les paroisses des souscriptions; des dames charitables ont formé des associations de bienfaisance, et vont solliciter à domicile l'indifférence et l'égoïsme; on parle de donner des spectacles extraordinaires et des bals à l'Opéra pour venir au secours de l'indigence et raviver la langueur de l'industrie et du commerce. Qu'on en ait envie on non, il faudra bien s'amuser par charité.

En attendant qu'on trouve la meillenre manière de distribuer les secours, on fait des recherches pour apprendre les besoins... D'après quelques observations statistiques faites sur les registres des bureaux de charité de Paris: 62,705 indigens, formant 30,361 ménages, sont inscrits sur ces registres. Dans le nombre de ces ménages, il y en a 62 qui paient 400 fr. de loyer, et 3,689, 50 fr. et au-dessons; 1,452 qui ont quatre enfans à nourrir; parmi les chefs de ces familles, 622 sont âgés de quatre vingtdix ans: on en compte 2 de quatre-vingtdix à cent ans; au-dessus de cent ans 1. Des diverses professions exercées par ces familles, celle de chiffonnier est une des moins malheureuses; elle n'a produit que 147 indigens; la profession d'écrivains ne vient qu'après, elle en compte 212; 1.900 ouvriers en bâtimens, 2,749 journaliers, 1,775 portiers, 2,488 commissionnaires figurent en première ligne sur ce triste tableau,

7.Théatre-Français. Première représentation de CLOvis, tragédie en cinq actes, de M. Lemercier, - -Cet ouvrage était composé et reçu au théâtre depuis trente

ans... Des difficultés de tout genre, des tracasseries de coulisses, des susceptibilités ridicules et des difficultés de police en avaient retardé la représentation. L'auteur en a d'abord appelé à la publicité de l'impression, il a fait imprimer la pièce avec ses griefs, les comédiens l'ont redemandée; mais il a fallu dix ans encore pour qu'on lui fit justice... Les écarts, les trivialités, les chutes de la nouvelle école pouvaient faire penser à M. Lemercier que l'époque était favorable pour offrir au public une composition tragique régulière, mais l'essai n'a pas été aussi heureux qu'il aurait dû l'être.

M. Lemercier ne nous a montré dans le héros de Tolbiac et le fondateur de la monarchie française qu'un Sicambre toujours farouche, personnage à peu près semblable au Mahomet de Voltaire, qui marche à la domination par tous les forfaits auxquels la ruse unie à l'audace puisse exciter. A l'exemple de l'Imposteur du philosophe de Ferney, Clovis arme un jeune Seide contre son père, il abuse de la crédulité d'un esprit faible et des passions d'une âme ardente pour faire servir à la perte d'un vieillard vertueux les liens les plus sacrés; Ethelinde, jenne captive de Clovis, est une autre Palmire que le tyran offre comme un appât au dévouement du jeune homme. Le vieux Sigebert, au lieu de périr comme Zopire de la main de son fils, se frappe lui-même, mais il impose à son fils Chlodoric l'obligation de passer pour son meurtrier; et bientôt l'obéissance de Chlodoric sert de prétexte à l'usurpateur pour l'exclure du trône, et lui faire donner la mort.

Il faut le dire, on n'a pas trouvé dans Clovis l'intérêt puissant, les passions vives qui dominent dans Mahomet. L'exposition se renouvelle jusqu'à trois fois; les trois premiers actes, vides d'action, se passent en beaux discours, en pré

parations, en raisonnemens, d'un grand prix, sans doute, mais qui exigent de la part des auditeurs une sorte de résignation. Le quatrième acte seul a paru dramatique: la vigueur du style, digne, en général, de l'auteur d'Agamemnon, a défendu l'ouvrage d'une chute; mais ce mérite ne suffit pas aujourd'hui pour lui

faire un succès.

On vient

15. Littérature, politique. de publier les deux premiers volumes des MÉMOIRES de M. le comte de Montlosier, et le libraire ne doute pas du succès. La bannière que le noble auteur a levée contre le parti-prêtre fait oublier aux libéraux le côté que M. de Montlosier tenait à l'assemblée constituante, son émigration à Coblentz, son Courrier de Londres et les opinions féodales de sa Monarchie française, etc. Ces deux premiers volumes ne vont que jusqu'à l'assemblée constituante, où le député de la noblesse d'Auvergne trouve mille anecdotes piquantes à raconter et des portraits nouveaux à faire..... Il y caresse un peu moins ses anciens amis que ses adversaires. L'âge des préjugés, des haines politiques et des illusions, sans doute, est passé pour M. de Montlosier, non pas heureusement celui de la franchise, ni du talent.

19. Mœurs publiques.- Un journal entreprend de prouver que la vénalité des charges se rétablit insensiblement en France, et il cite à l'appui de cette opinion l'état de divers offices dont la mise à prix a lieu publiquement sous les yeux du gouvernement qui en doune au moins l'investiture.

On y voit les charges d'agens de change cotées à

De notaires à

800,000 fr. 500,000

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des offices susceptibles d'être vendus à 249,886,000 fr. Qu'on y joigne celle des offices de province dont la vente n'est guère moins publique, il en résulte une valeur d'un milliard, que les économistes ne s'étaient pas encore avisés de compter dans la fortune de la France.

23. Théatre-Français. Première représentation de GUSTAVE-DOLPHE, tragédie en cinq actes, de M. Lucien Arnault, — Sujet dont il n'y a guère d'emprunté à l'histoire que le fait de la mort du héros de la Suède, On y voit figurer la reine, sa fille Christine, et ce duc de Saxe Lawembourg, qui conspire contre la vie de Gustave-Adolphe. L'auteur a supposé en outre une ligue religieuse qui, pour arrêter les progrès du protestantisme en Allemagne, a envoyé au camp du roi un jeune Seide avec la mission de le tuer. L'assassin, encouragé par le duc de Saxe, manque son coup: Gustave lui pardonne; mais il est mortellement blessé dans la bataille de Lutzen, et revient mourir dans sa tente sur les trophées de sa victoire. On y voit aussi arriver une dépatation des États de Suède, qui viennent le sommer de faire la paix... Tout cela offre des effets de théâtre et de beaux vers, mais peu de mouvement dramatique.

24. Académie royale de musique. — La représentation donnée ce soir au profit des pauvres a été brillante. Le roi, M. le dauphin et madame la duchesse de Berri et toute la famille d'Orléans y assistaient. On assure que la recette s'est élevée, à cause des dons particuliers, à 53,000 fr.

25. Institut de France.-M. le contreamiral Roussin vient d'être nommé meinbre de l'Académie des Sciences en remplacement de M. de Rossel. Il a obtenu, dès le premier tour de scrutin, 49 suffrages, et M. Durville 6. M. le vice-amiral Duperré, d'abord porté sur la liste des candidats, s'était retiré.

28. Opéra-Comique. Première représentation de FRA-DIAVOLO, ou l'Hôtellerie de Terracine, opéra comique en trois actes, paroles de M. Scribe, musique de M. Auber.. Une jeune et jolie servante faisait sa toilette de nuit dans sa chambre, à huis clos, et, comme Narcisse, aimait à contempler ses charmes. Placée devant une glace, elle admirait sa superbe chevelure, et s'écriait : Les belles tresses! les belles tresses! Pendant la puit

mans,

qui suivit cette investigation confidentielle, on enleva l'écrin de sa maîtresse, et le voleur fut assez adroit pour ne laisser aucune trace de son crime. La dame perdait tout espoir de rattraper ses diapeut-être même en avait-elle acheté d'autres, lorsqu'un propos indiscret fit découvrir le coupable et le livra aux mains de la justice. La servante allant au marché, à l'église, à la promenade, ou bien à quelque rendez-vous, l'histoire ne s'explique pas sur ce point, entend répéter par un individu qui la suivait: Les belles tresses! les belles tresses! Ce fut un trait de lumière. La soubrette vit alors que sa pantomime et son monologue avaient eu un spectateur, un auditeur dans quelque lieu caché, et que ce mystérieux témoin était le voleur des diamans.C'est cette aventure que M. Scribe a mise en scène dans un opéra, d'abord intitulé Zerline, ensuite Fra-Diavolo, et représenté hier sous le titre de l'Hôtellerie de Terracine.

Substituez à ces voleurs vulgaires FraDiavolo et sa bande, ce fameux brigand qui, il y a vingt et quelques années, épouvanta de son audace et de ses crimes les bords de la Méditerranée aux limites des États romains et du royaume de Naples; transformez ce héros de grand chemin en petit-maître, en marquis déguisé, pour courir après les guinées et la femme d'un lord; au lieu d'une cuisinière, mettez en scène une jeune et jolie personne, fille du maître de l'auberge de l'erracine; que le brigadier chargé de la poursuite des voleurs soit son amant aimé, tandis qu'on va célébrer ses noces avec un autre amant qu'elle n'aime pas; faites-lui chanter quelques couplets en se couchant; que ces couplets, répétés ensuite par des voleurs cachés, servent à faire découvrir et prendre Fra-Diavolo et les siens; arrangez les choses de manière à amener de la sorte la punition du crime et le triomphe de l'innocence et de l'amour, et, avec quelques détails agréables, quelques situations et quelques mots plaisans, vous arriverez à la fin d'un libretto froid quoique plein de détails hasardeux, mais que M. Auber a réchauffé des sons d'une musique fraiche, harmonieuse et piquante.

30. Pétersbourg. Décès en 1828. Longévité. La Gazette de l'Académie des Sciences, de Saint-Pétersbourg, vient de publier un tableau comparatif des décès pendant l'année 1828, dans la popula

tion måle de l'empire professant la reli gion gréco-russe. Ce tableau, présenté par ordre de diocèse, présente, pour chacun d'eux, le nombre des décès dans les différens âges de la vie humaine, par période de cinq en cinq ans, depuis la naissance jusqu'à la vieillesse la plus avancée. Le nombre total des décès a été de 607,233, sur lesquels on comptait 894 centenaires, dont 16 avaient dépassé l'âge de 120 ans, et 4 celui de 130. Le diocèse de Saratov est celui où le nombre des centenaires a été le plus considérable; il s'est élevé à 72 sur un total de 18,542 décès. Dans le diocèse de Vologda, il ne s'est pas trouvé un seul centenaire; et dans celui de Saint-Pétersbourg, il n'y en a eu qu'un. Le diocèse de Moscou a offert le plus étonnant exemple de longévité dans la personne d'un vieillard qui avait dépassé 150 ans.

FÉVRIER.

1

On a

1. Londres. Société biblique. calculé que cette société compte dans les cinq parties du monde 299 sociétés auxiliaires, auxquelles se rattache un nomhre infini de sociétés branches, et elle entretient des relations avec toutes les sociétés, qui, quoique placées hors de son influence, ont le même but qu'elle. On peut évaluer à plus de six millions le nombre d'exemplaires de la totalité ou de fragmens de livres qui ont été imprimés par ses soins, depuis vingt-cinq ans, en cent quarante-cinq langues différentes. Sur ce nombre, il est soixantedeux langues dans lesquelles la Bible n'avait jamais été imprimée avant la fondation de cette société. Ces travaux ont exigé pendant le même espace de temps une dépense totale de 1,615,360 liv. st. (plus de 40 millions de fr.), provenant en entier de souscriptions particulières. Il serait vraiment fâcheux que la docilité des catéchumènes ne répondit pas à ces dépenses énormes, et l'on serait tenté de le croire en voyant le peu de succès qu'obtiennent dans l'Inde et dans l'Amérique du Nord les agens de la société biblique.

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llicitait des magistrats la faculté de défendre au directeur de l'Odéon de jouer son drame, bien qu'il eût été lu au comité théâtral, et reçu. Le demandeur alléguait plusieurs infractions à l'engagement intervenu contre lui et M. Harel. Mais le tribunal, considérant que cet engagement liait les deux parties, a déclaré M. Alexandre Dumas non recevable dans sa demande. (La pièce a été jouée le 30 mars. Voy. à cette date.)

10. Paris. Délits de la Presse. Plainte du préfet de police (M. Mangin) contre le Courrier Francais. M. de Belleyme avait fondé, du temps qu'il était préfet de police, une maison de refuge dont son successeur, M. Mangin, tardait à faire l'ouverture. Le Courrier Français avait publié à cet égard un article dont M. Mangin porta plainte comme étant injurieux à son caractère public. Le tribunal de police correctionnelle a rendu aujourd'hui l'arrêt suivant contre le rédacteur de l'article en question. « Attendu que Chatelain s'est reconnu responsable de l'article inséré dans le numéro du Courrier Français du 19 janvier dernier ; que dans cet article il ne se borne pas à discuter sous le rapport légal la conduite de M. le préfet de police relativement à l'ouverture de la maison de refuge; qu'il incrimine les intentions de M. Mangin, en lui supposant des motifs odieux et des sentimens inhumains; que cette supposition injurieuse et indépendante des faits qui en seraient l'occasion, constitue le délit de diffamation, envers un fonetionnaire public à raison de ses fonctions, faisant application des articles 6 de la loi du 25 mars 1822, et 14 de la loi de juillet 1828, condamne Chatelain à quinze jours de prison et 500 fr. d'amende, ordonne l'insertion du présent jugement dans un de ses prochains numéros. »

10. Londres. Délits de la presse. Cour du bane du roi. Une cause plus rare iei qu'en France, attirait aujourd'hui à la cour du banc du roi une foule considérable. Un M. Robert Alexandre, rédacteur du Morning Port, était accusé d'avoir fait trois articles qualifiés par l'accusation de libelles, le premier contre le lord chancelier, qu'il accusait de corruption, le second contre la Chambre des Communes, qu'il disait être insensible à la détresse de l'Angleterre ; contre M. Peel, qui, disait-il, en plaisantait; contre le roi, qu'il accusait de se laisser effrayer

par ses ministres, de craindre de paraitre en public, d'ignorer les devoirs d'un roi juste et constitutionnel; bref, un libelle de nature à faire tomber dans le mépris M. Peel, la Chambre des Communes et le roi, et un troisième, qui accusait le duc de Wellington de divers projets, a été condamné par la cour du banc du roi, à passer un an en prison, à payer une amende de 300 liv. sterl., et à fournir un cantionnement, pendant trois ans, de 500 liv. sterl., et deux garans de 250 liv. sterl. chacun. Voict dans quels, termes le président de la cour Bayley a prononcé le jugement: « Robert Alexander, la sentence de la cour est que vous soyez emprisonné dans la geôle de S. M. à Newgate, pendant l'espace de quatre mois, pour chacun des articles déclarés libelles, de telle manière que la période du second emprisonnement commence à l'expiration du premier; que le troisiè me emprisonnement commence aussitôt après la cessation du second, et ainsi de suite. Vous paierez de plus au roi, pour chacun desdits articles, une amende de cent liv. sterl. (2,500 fr,), et de plus, à l'expiration de votre peine, vous fournirez caution de votre bonne conduite perdant le cours de trois ans, savoir : par vous-même une somme de 500 liv. sterl. et deux autres sûretés de 50 liv. sterl. chacune. Vous resterez en prison jusqu'à ce que l'amende ait été payée, et que les cautions soient fournies.»>

On parlait

11. Londres. Mœurs. depuis quelques jours, de la découverte d'une intrigue entre un grand personnage d'Angleterre et une dame dont le mari occupe une charge élevée à la cour de Saint-James. Le fait ayant donné lieu à des caricatures qui sont parvenues à la connaissance du mari, il s'est coupé la gorge avec un rasoir. Le mari était lord Graves, âgé de 54 ans; le grand personnage est S. A. R. le duc de Cumberland, frère du roi, chef des antagonistes de l'émancipation catholique, chef de la faction bigote qui, en Angleterre comme ailleurs, a pour mot de ralliement : l'autelet le trône church and state. Ce suicide a fait sensation, le jury du ceroner s'est réuni aussitôt qu'il a été connu, mais on ne dit rien de positif sur cette enquête.

:

14. Paris. Bal à l'Opéra. — La fête donnée hier soir au profit des indigens a surpassé tout ce qu'on avait vu jusqu'ici,

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