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En conséquence, la Cour a prononcé la peine de mort contre la filleMarie-Pauline.

La fille Pauline, qui avait poussé l'indifférence et l'insensibilité jusqu'à dormir pendant le résumé du président, sur le banc de l'accusation, a entendu son arrêt sans donner le signe le plus léger d'émotion. (V. art, du 20.)

neur

19. Théatre de la Porte Saint-Martin. Première représentation d'ABEN - HUMEYA, ou les Maures sous Philippe II, mélodrame en trois actes, de M. Martinez de la Rosa. — - Fruit des loisirs d'un exil honorable et supporté avec honce drame n'est qu'un épisode de l'histoire d'Espagne, épisode qui se réduit à un fait très simple. Après la conquête de Grenade, cn 1492, et la mort de Ferdinand, les successeurs de ce prince, Charles-Quint et Philippe II, tourmentèrent de nouveau les Maures qui n'avaient pas suivi en Afrique leur roi Boabdil. L'inquisition fut établie à Grenade la terreur, la désolation, les supplices furent employés pour les convertir. On les dépouillait de leurs biens, on les obligeait à prendre des noms espagnols, à quitter les habits de leur nation, à se priver de bains, à dépouiller leurs femmes des voiles qui les dérobaient à l'œil des Castillans. Réduits au désespoir, après soixante-dix-sept ans de patience, ils prirent enfin les armes, massacrèrent impitoyablement les Espanols, prêtres ou laïcs, femmes et enfans, qui s'offrirent à leurs coups; puis ils élurent pour roi un descendaut des'an-' ciens califes Ommiades, Aben-Humeya, assassiné, après un règne de deux ans, par un de ses sujets qui aspirait au trône, et qui fut bientôt assassiné lui-même à son tour. Cette révolte des Maures, étouffée enfin, grâce à leurs dissensions intestines, ébranla pour un temps la monarchie de Philippe II.

A ces faits historiques dont le noble auteur a respecté la vérité, il n'a fait qu'ajouter quelques personnages, ceux de la femme et de la fille d'Aben-Humeya, qui jettent du pathétique sur sa fin tragique. L'action de son drame a paru trop simple, trop peu dans les mœurs de l'époque, du pays où elle se passe, et trop chargée de déclamations; mais ces déclamations révélaient les sentimens généreux qui ont animé l'auteur dans sa carrière politique. On les a entendus avec le respect que commandait son nom, et ce nom, déjà illustre sur

une autre scène, proclamé par l'acteur Bocage, a été accueilli par d'unanimes applaudissemens.

20. Caen. Suite des affaires d'incendies. -Notre Cour d'assises continue de s'oecuper des accusations criminelles auxquelles ont donné lieu les nombreux incendies qui ont désolé la Normandie. Dans son audience d'hier 19 juillet, elle a condamné à la peine de mort une nommée Désirée Amand, dite Bazin, servante, de vingt ans, comme auteur d'un incendie qui avait menacé de consumer tout un quartier de la ville de Vire. Cette fille, qui avait déjà subi une condamnation pour vol, s'est renfermée dans un système complet de dénégation, et on n'a pu obtenir aucun renseignement sur ceux qui l'auraient engagée a commettre le crime.

Aujourd'hui 20 juillet, a comparu devant cette même cour, et sous le poids d'une accusation semblable, une autre servante, de 19 ans, nommée Joséphine Bailleul; et l'annonce de révélations si impatiemment attendues avait attiré un nombreux auditoire. L'accusée avait avoué son crime, en ajoutant qu'elle avait été excitée à le commettre par des individus qui lui avaient donné de l'argent, et l'avaient menacée de la mort. On prétendait même que si, dans les premiers momens, elle n'avait pas designé ceux qui l'avaient embauchée, c'était parce qu'elle en avait été empêchée par un sentiment religieux ou par une premesse jurée solennellement L'acte d'acce sation rapporte que, lors de son premier interrogatoire, elle fut saisie d'une crise nerveuse, et qu'alors elle prononça clairement ces mots: Va, ne crains rien! On n'a pu apprendre, du reste, qu'elle eût des relations intimes avec qui que ce fût; elle passait pour avoir de bonnes mœurs et mener une conduite régulière.

Tout chez cette jeune fille annonce la douleur et la mélancolie, et elle est plongée dans le plus profond abattement. Les débats étaient à peine commencés qu'elle s'est évanouie. La cour ordonne qu'on la transporte dans un appartement; son avocat l'y accompagne, et là une scène attendrissante succède à l'évanouissement de cette malheureuse. On la conjure de parler; M. le président, qui est appelé, joint ses instances à celles du défenseur; on la supplie de s'expliquer; vains efforts! Elle se tait, et sa résolution est inébranlable.

Après plus d'une heure d'interruption, l'audience est reprise; l'accusée verse des larmes; mais elle persiste dans son silence. Un de ses oncles, curé d'une paroisse voisine, lui a fait remettre une lettre où il la conjure, au nom de la religion, au nom de l'honneur de sa famille, de nommer ceux qui l'ont entraînée au crime. Elle est restée inflexible à ces prières.

Un autre de ses oncles, vieillard blanchi dans les travaux agricoles, honnête homme et justement estimé, lui adresse une allocution touchante; il se prosterne à ses pieds, et lui promet qu'elle obtiendra sa grâce si elle veut faire des révélations; il invoque tour à tour les noms de son vieux père, près d'expirer de désespoir, ceux des frères et sœurs de l'accusée, qui sont au nombre de neuf ou dix, et dont l'existence sera fletric, empoisonnée à jamais, si elle persiste à vouloir mourir sur l'échafaud... Tout est inutile...; elle ne répond que par des sanglots.

Son avocat ne prend la parole que pour tenter un dernier effort auprès d'elle; tout l'auditoire est ému; des larmes coulent de tous les yeux. L'accusée, comme saisie d'un mouvement nerveux, porte la main sur l'épaule de son défenseur, et annonce qu'elle veut lui parler; il se penche aussitôt vers elle... L'attention redouble; que va-t-elle lui dire ?.... Ah! monsieur, dit-elle, laissez-moi condamner.

La condamnation à mort est prononcée contre Joséphine Bailleul, et elle ne change rien à sa détermination.

(Ces deux filles, Marie Pauline et Joséphine Bailleul ont été amenées à Paris, après la révolution de juillet. Elles ont été interrogées devant la commission d'enquête instituée par la Chambre des pairs, pour le procès des derniers ministres de Charles X... Il n'en est pas résulté plus de lumières sur la cause des incendies, et ces malheureuses ont subi leur supplice sans faire aucunes révélations précises à cet égard.)

22. Paris. Odéon. Première représentation de GUILLAUME TELL, tragédie en 5 actes, par feu M. Pichald, auteur de LEONIDAS. Hommage rendu à la mémoire d'un auteur enlevé par une mort prématurée aux lettres et à sa famille, cette représentation ne pouvait être vue avec indifférence.

Pichald était un poète né pour chau

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ter la liberté. Déjà brillaient dans son
Léonidas ces hautes pensées qu'elle in-
spire. Son Guillaume Tel! en est rempli;
mais il a le tort de venir après tant
d'autres, qu'on n'a plus d'admiration
à lui donner. Il nous a reproduit tout ce
que le drame de Schiller a d'héroïque,
en le dégageant de ces détails d'intérieur
qui plaisent tant aux Allemands. Mais
quoique cette action dramatique soit re-
levée par la pompe d'uu style harmo-
nieux, dans les détails les plus familiers;
quoique l'acteur Ligier y montre un ta-
lent qui le grandit à la scène, tout cela
n'efface, dans les souvenirs des vieux
amateurs, ni les effets du style rocail-
leux du bon Lemierre, ni la beauté
théâtrale de Larive.

26-29. Insurrection de Paris, (Voyez l'Histoire.)

AOUT.

2. Physionomie de Paris. La Parisienne. Tout est en mouvement..... une partie de la population est en route pour Rambouillet, l'autre continue les barricades. (Voy. l'Histoire.) On a fait disparaitre tout ce qui rappelait à l'extérieur le règne de Charles X, mais on respecte encore les fleurs de lis qui sont sur l'écusson d'Orléans. Le drapeau tricolore flotte sur les monumens expiatoires qu'on projetait rue de Richelieu et sur la place Louis XV, qui va reprendre le nom de Place de la Révolution. Déjà celui des rues baptisées par la restauration a changé. La rue Charles X est devenue rue Lafayette, celle d'Artois rue Laffitte, celle du duc de Bordeaux rue du 29 Juillet, celle de Bourbon a repris celui de Lille, etc. La Bourse est encore fermée ; mais on a douné au public de Paris ce qu'il lui faut, comme à celui de l'ancienne Rome, panem et circenses. Les subsistances sont assurées, et les théâtres sont r'ouverts on y a chanté aujourd'hui des stances de M. CASIMIR DELAVIGNE, musique de M. Romagnesi, qui sont destinées à devenir l'hymne des Trois Journées. Il faut les mettre au rang des documens publics de l'époque.

LA PARISIENNE.

Peuple français, peuple de braves,
La liberté rouvre ses bras:
On nous disait: Soyez esclaves;
Nous avons dit: Soyons soldats!
Soudain Paris dans sa mémoire
A retrouvé son cri de gloire.

En avant, marchons !

Contre leurs canons;

travers le fer, le feu des bataillons,

Courons à la victoire!

Serrez vos rangs, qu'on se soutienne;
Marchons chaque enfant de Paris
De sa cartouche citoyenne
Fait une offrande à son pays.
O jour d'éternelle mémoire!
Paris n'a plus qu'un cri de gloire.
En avant, etc.

La mitraille en vain nous dévore;
Elle enfante des combattars:
Sous les boulets voyez éclore
Ces vieux généraux de vingt ans.
O jour d'éternelle mémoire !
Paris n'a plus qu'un cri de gloire.
En avant, etc.

Pour briser ces masses profondes,
Qui conduit nos drapeaux sanglans?
C'est la liberté des Deux-Mondes ;
C'est Lafayette en cheveux blancs!
O jour d'éternelle mémoire'
Paris 1:'a plus qu'un cri de gloire :
En avant, etc.

Soldat du drapeau tricolore,
D'Orléans, toi qui l'as porté,
Ton sang se mêlerait encore
A celui qu'il nous a coûté!

Comme aux beaux jours de notre histoire
Tu rediras ce cri de gloire :
En avant, etc.

Tambours, du convoi de nos frères
Roulez le funèbre signal;

Et nous, de lauriers populaires
Chargeons leur cercueil triomphal.
O temple de deuil et de gloire,
Panthéon, reçois leur mémoire !

Portons-les, marchons,
Découvrons nos fronts;

Soyez immortels, vous tous que nous pleurons,
Martyrs de la victoire!

Lès trois couleurs sont revenues,

Et la Colonne avec fierté

Fait briller à travers les nues

L'arc-en-ciel de la liberté.

O jour d'éternelle mémoire !

Paris n'a plus qu'un cri de gloire : En avant, marchons

Contre leurs canons;

A travers le fer, le feu des bataillons, Courons à la victoire!

3. Paris. Ouverture de la session legislative. (Voy. l'Histoire.)

Nous

Id. Naples. Le dey d'Alger. venons de voir débarquer dans ce port, de la frégate française la Jeanne d'Arc, Hussein-Pacha, ci-devant dey d'Alger. C'est ainsi qu'il est qualifié dans son passeport du 10 juillet, signé par le général en chef de l'armée française, le comte de Bourmont. Son arrivée a fait grande sensation. La frégate française qui avait déjà purgé sa quarantaine à Mahon, a obtenu sa libre pratique après trois jours d'observation. Un concours prodigieux de barques et de toute la po

pulation était dès le matin en mouvement pour voir arriver le dey; la chaloupe l'a descendu à terre au son de la musique de la frégate. C'était un spectacle bien plus imposant que celui qu'avait présenté deux jours auparavant l'arrivée du roi et de la reine.

Le dey était avec son ministre, les deux officiers supérieurs de la frégate et un interprète. Ils ont débarqué au Mole. Des voitures préparées les ont recus et les ont conduits à l'ambassade de France, et de là au consulat. On cherche pour le dey un hôtel, en attendant qu'il ait fait l'achat d'un palais C'est un homme d'une taille moyenne, bien constitué, d'un caractère gai, âgé d'environ 60 ans ; il porte une belle et longue barbe blanche qui descend jusqu'à mi-ventre; sa physionomie pleine de bonté a fort surpris les lazzaroni, qui s'imaginaient voir un animal féroce. Son costume est riche, mais n'a rien d'éclatant; la monture de son sabre est étincelante de diamans, et son turban est orné de brillans magnifiques, ce qui forme un contraste parfait avec ses jambes toutes nues. Au reste, il parait très-content d'avoir échappé à toutes les calamités qu'il redoutait dans sa régence.

Sa suite se compose de 109 personnes. Il a avec lui ses quatre femmes légitimes et celles de service; mais on ne peut en voir aucune. Le capitaine de la fregate et les officiers du bord n'ont pas méme pu les envisager une seule fois pendant la traversée; elles sont renfermées dans une chambre réservée, et un voile épais les dérobe à tous les regards: elles débarqueront la nuit prochaine.

9. Paris. Séance royale. Serment de Louis-Philippe. (Voy. l'Histoire, p. 246.)

14. Naples. Séjour du dey d' Alger.Le public est toujours fort occupé du dey d'Alger et de sa suite. Il fait beancoup de dépenses, et il parait toujours exercer le même empire sur ses esclas ves. Dernièrement, un d'entre eux ayant été condamné à mort pour avoir commis une faute d'insubordination, le portier, qui est napolitain, eut l'ordre d'amener une charrette pour transporter un cadavre. Il demanda si quelqu'un était mort; on lui répondit que l'homme ne mourrait que dans quelques heures. Le portier courut avertir la police, qui fit comprendre au dey qu'il ne lui était pas perinis d'exercer la juridiction criminelle an milieu de la capitale.

Lorsque le dey apprit les événemens de Paris, il s'écria: «Dieu est grand! Charles X m'avait détrôué, son peuple l'a aussi détrôné. » Notre gouvernement était instruit depuis quelques jours de la révolution de Paris; mais il l'a cachée, et ce n'est que par des bâtimens arrivés de Marseille que nous l'avons apprise.

16. Cherbourg. Embarquement de Charles X et de sa famille. Voy. l'Histoire, p. 251.)

24. Paris. Université. Concours général. La distribution des prix du concours général a eu lieu hier, comme les années précedentes. M. le duc de Broglie a prononcé, comme ministre de l'instruction publique, un discours plein de généreuses et grandes idées, propres à faire voir ce que l'instruction publique de tous les degrés doit attendre de la monarchie de juillet. Voici la répartition des nominations entre les divers colleges: College Henri IV, 12 prix, 65 nominations; college Charlemagne, 19 prix, 58 nominations; le college Bourbon, 11 prix, 54 nominations; collége Louis-leGrand, 4 prix, 47 nominations; college Saint-Louis, 9 prix, 46 nominations; collége Stanislas, 6 prix, 23 nominations; college Sainte-Barbe, 3 prix, 19 nominations; le college de Versailles, 4 prix, 17 nominations. Le prix d'honneur de philosophie a été remporté par l'élève Guépin, du collége Bourbon et de l'institution Rivaut; le prix d'honneur de rhétorique a été obtenu par l'élève Oddoul, du collège Louis-le-Grand et de l'institution Delanneau.

25. Paris. Académie française. Distribution des prix. C'est bien peu de chose qu'une séance académique au milicu des grands événemens dont nous sommes les témoins; mais il faut du moins en tenir note pour l'avenir.

C'était aujourd'hui la Saint-Louis, jour soigneusement férié sous la restauration. On se doute bien qu'il n'y a eu cet année ni messe ni panegyrique; mais l'Académie s'est réunie sans cérémonie pour la distribution et l'annonce des prix Monthyon. Elle a commencé par décer· ner 16 médailles de six cents francs chacune pour des actes de vertu, et quatre prix pour des ouvrages jugés utiles aux

mœurs.

Un premier prix de huit mille francs a été donné à M. Jean-Baptiste Say, au

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teur d'un onvrage intitulé: Cours complet d'économie politique pratique Cet ouvrage, d'un écrivain déjà célèbre, devient en quelque sorte un ouvrage de circonstance: jamais il ne fut plus nécessaire que dans ce moment de connaitre les veritables intérêts des nations, et de porter l'économie dans toutes les branches de l'administration publique; et c'est ce qu'on apprend dans les écrits de M. Say.

Un prix de six mille francs a été donué à M. Charles Lucas, auteur d'un ouvrage intitulé: du Système pénientiaire en Europe et aux Etats-Unis. Cet écrit de M. Lucas ne peut manquer d'avoir une influence salutaire sur la réforme de notre système pénal.

M. de Norvins a obtenu un prix de trois mille francs pour son poème sur l'Immorialité de l'ame, et M. Alissan de Chazet un prix de deux mille franes pour un ouvrage intitulé des Maurs, des Lois et des Abus, à la tête duquel se trouve la vie de M. de Monthyon.

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L'Académie, qui décerne tous les ans des prix pour des actes de vertu, a donné cette année 15,000 fr. provenant des libéralités de M. de Monthyon, pour sonlager les veuves, les orphelins et les blessés victimes des journées des 27, 28 et 29 juillet.

Trois prix sont proposés pour 1831. Le premier, qui est de 10,000 fr., pour le meilleur ouvrage sur la Charte, considérée dans son principe, dans ses applications et dans son influence sur les maurs et sur l'économie sociale; le second pour l'Éloge de Malesherbes, le troisième, qui est un prix de poésie, a pour sujet la Gloire littéraire de la France.

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28: Paris. Théâtre de Odéon. Première représentation de JEANNE-LAFOLLE, drame en cinq actes et en vers, de M. Fontan. C'est une singularité à remarquer d'abord que l'histoire de ce drame, qu'on aurait appelé tragédie, si ce titre n'était pas, malgré l'académie française, une annonce de vieillerie qui n'aurait attiré personne. Il avait été composé par l'auteur, dans sa captivité; le comité de l'Odéon était allé l'entendre et le recevoir dans sa prison. Mais l'autorité d'alors avait craint l'éclat que l'opinion publique aurait donné à son succès. Il fallait que la victoire de juillet vint briser les fers du poète et tirer son ouvrage des cartons de la censure. La

représentation de Jeanne-la-Folle était le premier hommage que les théâtres devaient à leur affranchissement; et le public a tenu compte aux acteurs de leur zele.

En examinant le drame de M. Fontan, à part des circonstances qui lui donnaient tant d'intérêt, on trouve que l'ensemble du drame est vicieux, quelquefois obscur, et souvent embarrassé par des longueurs et d'inutiles bizarreries; mais Jeanne-la-Folle offre du moins des détails qui ne manquent ni d'effet ni de force. L'auteur a voulu peindre l'intérieur d'une cour et les misères d'un peuple livré à l'absurde tyrannie d'un vieux prince égoïste et superstitieux, qui n'a ni l'amour. ni le sentiment de la gloire et de l'indépendance nationales. Trompé par un fils vicieux et difforme qu'il veut nommer son héritier à la place de son fils aîné, le noble Arthur, le vieux duc de Bretagne, démembre son ducbé pour acheter la protection des Anglais, et finit par être assassiné par ce fils qu'il préférait, Conan, prince ivrogne et cruel. Jeannela-Folle est un personnage mystérieux, une espèce de Cassandre en haillons qui fait des miracles, qui sauve Arthur et lui conserve l'héritage de son père.

SEPTEMBRE.

11. Paris. Odéon. Première représentation des HOMMES DU LENDEMAIN, comédie en un acte et en vers de M. Epagny. - Tout le monde disait, en sortant de cette représentation : « C'est « une satire et non une comédie; il n'y «a ni fable, ni scènes, ni caractères mis «en action; ce ne sont que des allusions malignes et des vers piquans. » Eh bien! soit... mais c'est ce qu'aurait fait peut-être Aristophane le lendemain de notre révolution. Elle vaut bien qu'on en donne une idée. Un honnête et courageux ouvrier a été blessé dans la journée du 29, et il va à l'hôpital pour se faire guérir. Cependant un intrigant, chef de division, qui s'est tenu loin du danger, est parvenu à tromper les nouvelles autorités; il s'est emparé indúment d'un emploi supérieur, et il retourne à son hôtel. Un autre individu s'est caché dans sa cave, et, blessé au front par une jalousie, il escamote le fusil du brave artisan, et, à l'aide d'un vieil uniforme de garde national, il se métamorphose en un héros de la veille,

et obtient de l'avancement dans son bu

reau.

Est-ce donc pour cela que j'ai le crâne ouvert? s'écrie le malheureux ouvrier. La conclusion, c'est que les intrépides et véritables auteurs du triomphe des lois sur l'arbitraire, n'ont été récompensés que par l'hôpital, et que de vils intrigans ont recueilli seuls les avantages qui étaient dus à la bravoure des premiers.

Je ne dis pas, moi, que c'était l'intention de l'auteur... Qnoi qu'il en soit, sa pièce blesse trop de monde; et nous ne sommes pas encore assez Grecs ou républicains pour qu'elle obtienne un succès de vogue.

12. Paris. Course de chevaux. Puisque nous sommes dans les distributions de prix, enregistrous toujours ceux de la course aux chevaux qui a eu lieu aujourd'hui au Champ-de-Mars; c'est presque de l'histoire.

Le prix de M. le duc d'Orléans, qui consiste en un vase de 1,000 francs et 2,000 francs en argent, a été disputé entre le Starburg, six ans, appartenant à M. Husson; la Selina, cinq ans, à M. Desgrands; et la Dubica, quatre ans, à lord Seymour. Cette dernière a fait, à la première épreuve, deux fois le tour da Champ-de-Mars (4 k., 2052 toises), en 5 m. 9 s., et à la seconde épreuve, en 5 m. 14 s. ; elle a obtenu le prix.

Le prix du Roi, qui se composait d'un vase en argent de 1,500 francs, d'une coupe de 800 francs et de 3,700 francs, a eu lieu entre la Bergère, quatre ans, à M. de Larroque; le Pilote, sept ans, à M. de Royère; l'Oscar, quatre ans, à lord Seymour; le Claudius, quatre ans, à M. Desgrands; Young Rainbow, quatre ans, à M. Jegu; et le Sylvio, quatre ans, à M. le comte d'Orsay. Ce dernier, à la première épreuve, a mis 5 m. 12 s., et à la deuxième, 5 m. 21 s.; il a eu le prix.

13. Théatre - Français. Première représentation de JUNIUS BRUTUS, tragédie en cinq actes, par M. Andrieux. — C'était un bruit généralement répandu dans un public qui ne s'informe guère du temps qu'il faut pour composer et monter une tragédie, que le nouveau Brutus mis sur la scène française était un personnage ou une pièce de circonstance. Une foule d'allusions sortant plus ou moins naturellement de la manière dont l'auteur avait conçu son sujet, pouvait

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