qui résulte de l'opinion, des mœurs, des préjugés; il s'en est référé au code de brumaire, à la qualification légale des peines, à l'infamie légale; or, celle-ci n'existe plus; quant à l'infamie que l'opinion publique inflige, sans que les lois la consacrent, les tribunaux n'en peuvent tenir aucun compte. On peut dire encore que le code pénal belge maintenant les peines que le code de 1810 qualifiait d'afflictives et d'infamantes, l'article 232 peut recevoir son application aux crimes punis de l'une de ces peines. C'est, après tout, le crime qui est infamant plutôt que la peine. Cette objection s'adresse au législateur. C'est à lui à voir s'il veut maintenir la cause de divorce en l'attachant au crime, au lieu de l'attacher à la peine. Mais l'interprète ne peut pas faire la loi ni la modifier, car la modifier, c'est la faire. Or, la modification serait évidente, puisque aux mots condamnation à une peine infamante, on substituerait ceuxci condamnation pour crime. L'article 232 ne parle pas du fait punissable, il parle de la peine; la peine n'existe plus, donc la disposition devient inapplicable, sauf au législateur à modifier la loi. Enfin l'on dira qu'il résulte de notre interprétation qu'il y a lacune dans le code civil. Il est vrai qu'il y a abrogation de l'une des causes déterminées du divorce. Est-ce une lacune? C'est au législateur à la combler. L'abrogation nous paraît peu regrettable. Sous l'empire de la législation française, le condamné était réputé infâme après qu'il avait subi sa peine; comment aurait-il trouvé une place dans la société, alors que son conjoint même le repoussait du domicile conjugal? Le mariage a pour objet le perfectionnement des époux; si l'un d'eux tombe, l'autre doit lui tendre la main pour le relever, bien loin de le fuir comme un impur. Si le préjugé contraire existe dans nos mœurs, c'est un préjugé funeste, car c'est un obstacle presque invincible à l'amendement des condamnés libérés. Est-ce au législateur à nourrir les préjugés, ou son devoir est-il de les combattre? No 5. DU CAS DE L'ARTICLE 310. 198. Lorsque la séparation de corps prononcée pour toute autre cause que l'adultère de la femme a duré trois ans, l'époux qui était originairement défendeur peut demander le divorce, et le tribunal doit l'admettre si le demandeur originaire, présent ou dûment appelé, ne consent pas immédiatement à faire cesser la séparation (art. 310). Treilhard expose, comme suit, les motifs de cette disposition. L'époux qui a demandé et obtenu la séparation de corps, a choisi la voie de la séparation comme la plus conforme à sa croyance. Doit-il avoir le droit de la maintenir pour toujours? Cela ne serait pas juste dans le cas où l'époux contre lequel la séparation de corps a été prononcée ne partage pas les croyances religieuses de son conjoint. En effet, ce serait l'obliger à un célibat forcé pendant toute la vie de l'autre époux. Une pareille interdiction serait contraire à la liberté, que tout citoyen tient de la constitution, de contracter mariage. Celui qui a obtenu la séparation de corps ne peut pas se plaindre si on le force à divorcer, car il n'y est pas contraint, puisqu'il dépend de lui de rétablir la vie commune, et ce n'est que sur son refus que le divorce est prononcé (1). Ces raisons ne sont que des sophismes, auxquels on a répondu d'avance au sein du conseil d'Etat. Pourquoi le législateur a-t-il admis la séparation de corps? Uniquement par respect pour les scrupules de conscience de l'époux lésé. Sa religion lui défend le divorce, elle lui permet la séparation de corps. Il use du droit que la religion et la loi lui accordent. Après trois ans, l'époux coupable vient le sommer de rétablir la vie commune, et si le conjoint innocent s'y refuse, le divorce sera prononcé malgré ses scrupules religieux. N'est-ce pas mettre l'innocent à la merci du coupable? Il y a plus. Le législateur ne se contredit-il pas lui même en autorisant la séparation de corps par respect pour la liberté de conscience, et en (1) Exposé des motifs, no 15 (Locré, t. II, p. 567). remplaçant ensuite la séparation par le divorce, au mépris de cette liberté (1)? On dit qu'il dépend de l'époux qui a obtenu la séparation d'éviter le divorce, en reprenant la vie commune. A vrai dire, c'est là une nouvelle iniquité. C'est presque toujours la femme qui demande la séparation de corps par scrupule de conscience. Nous supposons qu'elle l'ait obtenu pour adultère du mari. Le mari continue à tenir sa concubine chez lui; puis il somme sa femme de venir partager ce domicile conjugal squillé par la présence d'une créature perdue. Et on dira que la femme a tort de ne pas consentir au rétablissement de la vie commune! N'est-ce pas pour échapper à cet enfer qu'elle a demandé la séparation? Et la voilà placée dans cette terrible alternative, ou de reprendre une vie commune rendue impossible par l'infamie de son mari, ou de subir le divorce malgré le cri de sa conscience! 199. La loi n'admet pas cette cause de divorce, lorsque la séparation de corps a été prononcée pour adultère de la femme (art. 310). Rien de plus moral; il ne faut pas que la femme trouve dans le divorce le moyen de légitimer sa coupable passion. Mais le mari aussi peut être adultère, et il se peut qu'il ait ajouté l'outrage à l'infidélité, Cependant, après trois ans de séparation, il viendra demander le divorce contre sa femme. Quelle est la raison de cette différence entre les deux époux? Nous la cherchons vainement. Si la faculté refusée à la femme est morale, par contre la faculté accordée au mari est immorale, car c'est favoriser le libertinage de l'homme, c'est dire qu'il est bon que la femme ait des mœurs, mais que le mari, à la rigueur, peut se vautrer dans la débauche. Voilà certes une inégalité que rien ne justifie, 200. La loi ne donne ce droit qu'à l'époux originairement défendeur; elle ne l'accorde pas à celui qui était demandeur, et il n'y avait pas de raison de le lui donner. Il avait le choix, il a choisi la séparation de corps, il ne (1) Séance du conseil d'Etat du 24 vendémiaire an x, no 19 (observations de Boulay et du ministre de la justice, dans Locré, t. II, p. 494 et suiv.). peut plus revenir sur son choix et demander le divorce. En effet, s'il a choisi la séparation de corps, c'est parce que ses croyances religieuses le lui défendaient; on ne peut pas supposer qu'après trois ans ces croyances aient changé. Cependant cela pourrait arriver. Dans ce cas, il n'y a réellement plus de raison de refuser à l'époux innocent un droit que l'on accorde à l'époux coupable. Toutefois, il ne serait pas admis à demander le divorce; la loi est formelle, et on ne peut l'étendre, même par voie d'analogie, car les causes de divorce sont de la plus stricte interprétation. Il résulte de là que si chacun des époux a demandé la séparation de corps, aucun d'eux ne pourra demander le divorce après trois ans. En effet, chacun a été originairement demandeur, chacun aurait pu demander le divorce, et s'ils ne l'ont pas fait, on doit supposer que c'est à raison de leurs croyances religieuses. Dès lors, d'après le texte comme d'après l'esprit de la loi, tout est consommé. Il en serait de même si la séparation de corps avait d'abord été demandée par l'un des époux, et si l'autre avait reconventionnellement conclu à la séparation. Une demande reconventionnelle est aussi une demande. Le texte de l'article 310 est donc applicable, et l'esprit de la loi ne laisse aucun doute. Le demandeur reconventionnel pouvait demander le divorce; il a donc fait son choix, et il l'a fait, on doit le supposer, par des scrupules religieux. Cela décide la question (1), Il s'est présenté une autre difficulté devant le tribunal de Bruxelles. Le défendeur originaire demanda et obtint le divorce, mais il refusa d'y donner suite. Sur cela, le demandeur originaire voulut se prévaloir du jugement qui avait admis le divorce, et le faire prononcer par l'officier de l'état civil. Le tribunal décida qu'il n'y avait pas lieu à accueillir sa demande (2). En effet, d'après le texte comme dans l'esprit de la loi, le demandeur originaire peut seul obtenir le divorce; le défendeur ne le peut pas. Il est vrai (1) Arrêt de Bruxelles du 28 janvier 1859 (Pasicrisie, 1859, 2, 256). (2) Jugement du 4 avril 1851 (Belgique judiciaire, t. IX, p. 925). que, dans l'espèce, le divorce avait été demandé par le demandeur originaire et admis par le juge. Mais il était libre de renoncer au bénéfice du jugement, comme il était libre de renoncer à son action avant le jugement, et s'il y renonçait, l'action et le jugement tombaient. Dès lors, il était impossible que le demandeur originaire s'en prévalût. § II. Des preuves des causes déterminées. 201. Le troisième livre du code Napoléon contient un chapitre sur la preuve des obligations, au titre des Contrats ou Obligations conventionnelles. Les principes qui y sont établis ne s'appliquent pas exclusivement aux contrats, mais dans leur application aux matières d'état personnel, ils reçoivent des modifications. De là des difficultés et des controverses. Nous commençons par la preuve littérale. Qu'elle soit admise pour prouver les causes de divorce, cela ne fait aucun doute. Mais il y a une espèce d'écrits qui a donné lieu à des contestations nombreuses, ce sont les lettres. En principe, nous ne voyons aucune différence, en ce qui concerne ce genre de preuve, entre les obligations et l'état des personnes; il faut donc dire que les lettres peuvent servir de preuve, avec une restriction cependant en ce qui concerne les lettres confidentielles. Il résulte de la nature même de ces lettres qu'elles ne peuvent être produites en justice. Une confidence est un secret, et un secret ne peut pas être produit au grand jour des débats judiciaires. Révéler un secret, c'est trahir la confiance qui l'a fait communiquer un délit moral peut-il jamais être invoqué devant les tribunaux à titre de preuve légale? A plus forte raison les lettres confidentielles ne peuvent-elles pas être invoquées par celui qui se les est procurées par dol ou violence. Il y aurait un double délit moral en ce cas; donc une raison de plus pour que les tribunaux écartent des lettres que l'on n'a pas le droit de produire. La jurisprudence est en ce sens, ainsi que la |