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voir, s'il en a été proposé. En cas qu'elles soient trouvées concluantes, la demande en divorce sera rejetée. S'il n'a pas été proposé de fins de non-recevoir ou si elles sont rejetées, la demande en divorce sera admise (art. 246).

Qu'entend-on par fins de non-recevoir dans l'article 246? Toutes les exceptions qui tendent au rejet de la demande, les fins de non-procéder aussi bien que les fins de nonrecevoir proprement dites. Ainsi le défendeur peut opposer l'exception d'incompétence, ou l'exception du défaut de cause légale du divorce. Il peut aussi proposer l'exception de réconciliation, mais si elle n'est pas prouvée par les aveux du demandeur, le tribunal ne pourra pas statuer immédiatement; il ordonnera au défendeur de faire preuve de la réconciliation soit par écrit, soit par témoins. Quant à la fin de non-recevoir que l'on appelle compensation, elle ne peut être établie que par l'enquête sur le fond du débat.

Le défendeur peut-il encore opposer une fin de nonrecevoir après le jugement qui admet la demande? Il faut répondre négativement, avec la jurisprudence (1). Le silence du défendeur implique qu'il n'a point de fin non-recevoir à opposer; et le jugement qui admet la demande en divorce décide implicitement que l'action n'est pas éteinte par une fin de non-recevoir.

232. Immédiatement après le jugement qui admet la demande en divorce, le tribunal en rend un second, par lequel il fait droit à la demande si elle lui paraît en état d'être jugée; sinon il admet le demandeur à la preuve des faits pertinents par lui allégués et le défendeur à la preuve contraire (art. 247). Il faut donc deux jugements: un premier qui admet la demande, un second qui statue au fond ou qui admet les parties à la preuve. La jurisprudence est encore une fois ici d'une rigueur dont nous cherchons vainement la raison. Il a été jugé que l'arrêt qui déclare les faits non pertinents est nul s'il n'a pas été précédé d'un jugement d'admission (2). Il est vrai que la loi

(1) Arrêts de Liége du 24 mai 1826 et du 13 octobre 1826 (Pasicrisie, 1826, 2, 167 et 256).

(2) Arrêt de la cour de cassation du 18 frimaire an xıv (Dalloz, au mot

est violée; mais qu'est-ce que cette violation a de commun avec les principes essentiels de la procédure en divorce? Le premier jugement qui admet la demande est de pure forme; nous n'en apercevons pas l'utilité. A quoi bon prolonger le procès par des cassations, quand aucune raison majeure ne le demande?

La jurisprudence est peu conséquente. Si tout est de rigueur, il faut aussi prendre au pied de la lettre le mot immédiatement qui se trouve dans l'article 247. Il y aurait donc nullité si le second jugement était rendu le lendemain. La cour de Liége a reculé, et certes avec raison, devant ce formalisme excessif (1). Mais si l'on écoute le bon sens et l'équité dans un cas, pourquoi ne pas les écouter toujours?

IV. L'enquête.

233. L'enquête est le moyen ordinaire de prouver les faits qui servent de base à la demande en divorce. Cependant elle n'est pas toujours nécessaire. L'article 247 dit que le tribunal peut immédiatement faire droit à la demande, si elle lui paraît en état d'être jugée. Faire droit, c'est-à-dire admettre la demande, si la preuve des faits articulés résulte des documents du procès (2). Telle serait la correspondance de l'époux adultère, ou des lettres injurieuses du conjoint contre lequel le divorce est demandé. Le tribunal peut aussi rejeter la demande, si les faits allégués par le demandeur ne lui paraissent pas pertinents. En effet, l'article 247 porte que le tribunal, en ordonnant l'enquête, admet le demandeur à la preuve des faits pertinents. Le tribunal doit donc examiner avant tout si les faits articulés par le demandeur sont pertinents, vraisemblables, et s'ils sont assez graves pour constituer une cause de divorce (3). Si les faits ne présentent pas ces

Séparation de corps, no 470, 3°), et arrêt de Paris du 27 mars 1813 (ibid., 2o). Merlin, Répertoire, au mot Divorce, sect. IV, § XIII, n° 1.

(1) Arrêt du 6 juillet 1826 (Pasicrisie, 1826, 2, 226).

(2) Arrêt de la cour de cassation du 6 juin 1853 (Dalloz, 1853, 1, 244). (3) Arrêt de Nimes du 14 mars 1842 (Dalloz, Répertoire, au mot Séparation de corps, no 77).

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caractères, le tribunal doit rejeter la demande. Il va sans dire que les juges ont, en cette matière, un pouvoir discrétionnaire; ils décident souverainement, d'après les circonstances de la cause, si les faits ont un caractère de gravité et de vérité suffisant pour rendre la preuve admissible (1). Enfin le tribunal peut, tout en admettant la preuve, rejeter les faits qui ne lui paraissent pas perti

nents.

234. Les parties ont dû nommer les témoins qu'elles se proposent de faire entendre, dès le début de l'instance judiciaire. Après la prononciation du jugement qui ordonne l'enquête, le greffier donne lecture du nom des témoins. Le président avertit les parties qu'elles peuvent encore en désigner d'autres, mais qu'après ce moment elles n'y seront plus reçues (art. 249).

Qui peut être témoin? D'après le droit commun, les parents et alliés des parties jusqu'au degré de cousin issu de germain inclusivement, ainsi que leurs serviteurs et domestiques, peuvent être reprochés (code de procédure, art. 283). Le code civil déroge à cette règle; aux termes de l'article 251, les parents des parties ne sont pas reprochables du chef de la parenté, non plus que les domestiques des époux, en raison de cette qualité. Cette exception était une nécessité : les faits qui constituent les causes du divorce se passant presque toujours dans l'intimité de la famille, ne peuvent être prouvés que par le témoignage de ceux qui vivent dans cette intimité. Toutefois la loi ajoute que le tribunal aura tel égard que de raison aux dépositions des parents et des domestiques. Ces dépositions seront d'ordinaire passionnées et intéressées, chacun des témoins prenant parti pour l'un ou l'autre des époux. Le juge doit donc mettre la plus grande circonspection dans l'appréciation de leurs témoignages.

Le texte de l'article 251 ne parle que des parents, tandis que le code de procédure étend l'exclusion aux alliés. Il est évident que l'exception comprend aussi les alliés; si

(1) Arrêt de la cour de cassation du 17 décembre 1839 (Dalloz, au mot Séparation de corps, no 240, 2o).

les parents ne peuvent pas être reprochés, à plus forte raison les alliés ne sont-ils pas reprochables. L'article 251 ajoute que les enfants et descendants des parties ne peuvent pas être témoins, C'est le cri de la nature qui a dicté cette disposition. S'étend-elle aux enfants et petits-enfants nés d'un précédent mariage? L'affirmative ne souffre aucun doute; le texte est conçu en termes généraux, et l'esprit de la loi exclut tout enfant de l'un ou de l'autre des époux. Il en est de même des enfants naturels de l'un des conjoints; la loi ne limite pas l'exclusion aux enfants légitimes, et il n'y avait pas lieu de faire une distinction; le motif pour lequel les enfants sont reprochables s'applique aux uns comme aux autres (1).

La jurisprudence étend l'exception établie par l'article 251 pour les parents et serviteurs des parties, aux autres témoins, qui peuvent être reprochés, d'après le droit commun, par d'autres motifs (2). Cette application extensive d'une disposition exceptionnelle est inadmissible. Les exceptions ne s'étendent pas, pas même par raison d'analogie, et, dans l'espèce, il n'y a pas même analogie. C'est parce que les parents et serviteurs sont le plus souvent les seuls témoins des faits sur lesquels se base la demande en divorce, que le législateur a dû les admettre; encore ne les admet-il qu'à regret. Les motifs qui justifient la disposition de l'article 251 sont étrangers aux autres causes de reproche que le code de procédure admet; donc ces causes doivent être admises dans la procédure en divorce comme dans la procédure ordinaire. C'est la doctrine de tous les auteurs (3).

235. L'article 250 veut que les parties proposent de suite les reproches contre les témoins qu'elles veulent écarter; le tribunal statue sur les reproches après avoir entendu le ministère public. Cette disposition impérative

(1) Arrêts de Bruxelles du 20 février 1858 (Pasicrisie, 1858, 2, 60) et de Douai du 16 aoùt 1853 (Dalloz, 1854, 5, 689).

(2) Arrêt de la cour de cassation du 8 juillet 1813 (Dalloz, Répertoire, au mot Séparation de corps, no 220). Arrêt de Bruxelles du 28 décembre 1815 (Pasicrisie, 1815, p. 554).

(3) Voyez les auteurs cités dans Zachariæ, édition de Massé et Vergé, t. Ier, p. 259, note 20.

paraît impliquer une défense de proposer les reproches plus tard. Il ne faut cependant pas l'appliquer avec une sévérité outrée qui irait certes contre l'intention du législateur. L'un des époux apprend qu'un témoin a été suborné par la partie adverse; il n'a pas proposé immédiatement ce reproche, par l'excellente raison qu'il ignorait le fait; peut-être la subornation n'a-t-elle eu lieu que dans le cours de l'enquête; et on lui défendrait de signaler au tribunal un témoin corrompu, parce qu'il n'a pas proposé le reproche alors qu'il ne pouvait pas le proposer? Le législateur peut-il jamais exiger l'impossible? La cour de Liége a jugé, et avec raison, que les reproches pouvaient même être proposés en appel, pourvu que la partie prouve qu'elle n'en avait pas connaissance au moment où la loi veut qu'on les fasse valoir (1).

Le code de procédure (art. 289) dit que, si les reproches proposés avant la déposition ne sont pas justifiés par écrit, la partie en doit offrir la preuve et désigner les témoins; autrement elle n'y sera plus reçue. Il a été jugé que cette disposition n'est pas applicable en matière de divorce (2). Il est de jurisprudence, en effet, que le code Napoléon ayant réglé les formes de l'enquête en matière de divorce, il n'y a pas lieu d'appliquer les dispositions du code de procédure, en ce sens du moins que les nullités établies pour les enquêtes ordinaires ne peuvent être étendues au divorce (3).

236. L'article 252 porte que le jugement qui admet une preuve testimoniale doit dénommer les témoins qui seront entendus et déterminer le jour et l'heure auxquels les parties les présenteront. Aux termes de l'article 253, les dépositions sont reçues par le tribunal séant à huis clos, en présence du procureur impérial, des parties, de leurs conseils ou amis, jusqu'au nombre de trois de chaque côté. Ainsi, à la différence du droit commun (code de procédure, art. 255), les témoins ne sont pas entendus devant un juge-commissaire, c'est le tribunal qui reçoit les dépo

(1) Arrêt du 20 avril 1822 (Pasicrisie, 1822, p. 112).

(2) Arrêt du 6 juillet 1815 de la cour de Bruxelles (Pasicrisie, 1815, p. 431) (3) Voyez les arrêts dans Dalloz, au mot Séparation de corps, uo 475, 1 et 2o.

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