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personne (art. 257 et 248). Le débat est essentiellement personnel; c'est donc le demandeur qui y doit toujours figurer. Quant au défendeur, il peut se faire représenter par un fondé de pouvoir (art. 243). Il importe même de ne pas mettre l'époux coupable en présence du demandeur c'est une occasion d'irritation de moins. Quand les parties ont plaidé leurs intérêts, le ministère public donne ses conclusions.

243. Si la cause du divorce n'est pas établie, le tribunal doit rejeter la demande. Si elle est établie, le juge doit l'admettre. Il y a cependant une exception. Lorsque la demande en divorce est formée pour excès, sévices ou injures graves, les juges peuvent ne pas admettre immédiatement le divorce, s'ils ont l'espérance qu'une séparation provisoire suffira pour calmer les passions et réconcilier les époux. Dans ce cas, ils autoriseront la femme à quitter la compagnie de son mari, sans qu'elle soit tenue de le recevoir, si elle ne le juge à propos. Si la femme n'a pas de revenus suffisants pour fournir à ses besoins, le mari sera tenu de lui payer une pension alimentaire proportionnée à ses facultés. L'épreuve dure un an. Si, après ce délai, les époux ne se sont pas réunis, le demandeur peut faire citer l'autre époux à comparaître au tribunal dans les délais de la loi, et sur cette citation, le tribunal devra admettre le divorce (art. 259, 260).

La loi ne permet pas cette épreuve quand le divorce est demandé pour cause d'adultère. Dans ce cas, l'injure est trop sanglante pour qu'il reste un espoir de réconcilier les époux. Il va sans dire que lorsque le divorce est demandé comme conséquence de la séparation de corps, il ne peut être question de renouveler une épreuve qui a déjà duré trois ans.

Le texte de l'article 259 suppose que la femme est demanderesse. En faut-il conclure que le tribunal ne pourrait pas ordonner la séparation provisoire, si le mari était demandeur? Non, certes. La rédaction de l'article 259 est un vestige du projet primitif, qui n'admettait pas le mari à demander le divorce pour sévices et injures. Cette disposition fut retranchée, et avec raison, les causes de divorce

devant être les mêmes pour les deux époux. L'article 259 aurait dû être modifié par suite de cette suppression; bien qu'il ne l'ait pas été, il n'y a pas de doute que le juge ne puisse ordonner l'épreuve d'une séparation provisoire, quel que soit le demandeur (1).

244. Le jugement définitif doit être prononcé publiquement. Quand il admet le divorce, le demandeur est autorisé à se retirer devant l'officier de l'état civil pour le faire prononcer (art. 258). Ce n'est pas le tribunal qui prononce la dissolution du mariage, c'est l'officier de l'état civil. On a pensé que c'est à celui qui célèbre le mariage, en déclarant les époux unis au nom de la loi, à rompre leur union. Il résulte de là que, malgré le jugement qui admet le divorce, le mariage subsiste jusqu'à ce que l'officier de l'état civil ait prononcé le divorce. Le jugement peut d'ailleurs être attaqué; nous allons voir par quelles voies.

245. Nous avons vu qu'il n'y a pas lieu à opposition quand le jugement est rendu par défaut. Le jugement contradictoire ou par défaut ne peut donc être attaqué que par l'appel. Aux termes de l'article 263, l'appel n'est recevable que s'il est interjeté dans les trois mois à compter du jour de la signification du jugement, sans distinguer s'il est rendu contradictoirement ou par défaut. L'appel est suspensif c'est un principe de droit commun qui était déjà suivi lors de la discussion du code civil, et qui est maintenu implicitement par l'article 264, lequel ne permet d'exécuter le jugement que lorsqu'il est passé en force de chose jugée. Le pourvoi en cassation même est suspensif (art. 263); à plus forte raison, l'appel doit-il suspendre l'exécution du jugement (2).

246. L'article 262 porte: « En cas d'appel du jugement d'admission ou du jugement définitif, rendu par le tribunal de première instance en matière de divorce, la cause sera instruite et jugée par la cour d'appel, comme affaire urgente. » Faut-il conclure de là que l'appel n'est

(1) Willequet, du Divorce, p. 161, no 4.

(2) Arrêt de la cour de cassation de Berlin du 11 juillet 1854 (Belgique judiciaire, t. XVII, p. 337).

pas recevable des jugements interlocutoires? Les termes de la loi ne sont pas restrictifs, et en principe on ne voit pas pourquoi le législateur aurait restreint le droit d'appel au jugement d'admission et au jugement définitif; l'esprit de la loi n'est pas de hâter la procédure; le législateur veut, au contraire, lui imprimer une sage lenteur. On oppose les travaux préparatoires, qui ne jettent pas une grande lumière sur la question. Nous n'entrons pas dans ce débat, puisqu'il concerne la procédure plutôt que le droit civil. Nous adoptons l'opinion consacrée par la cour de Bruxelles (1).

247. L'article 262 dit que la cause sera instruite et jugée par la cour d'appel, comme affaire urgente. Il résulte de là que l'on suit en appel les formalités ordinaires de la procédure, et qu'il n'y a plus lieu aux formalités exceptionnelles requises en première instance. C'est ainsi que la cour de Liége a jugé qu'il n'était pas nécessaire que le demandeur en divorce comparût en personne (2). Il est assez difficile de se rendre raison de cette différence de procédure en appel et en première instance. On dit que le demandeur ayant suffisamment fait connaître sa volonté ferme et irrévocable de dissoudre le mariage par la procédure devant le tribunal de première instance, il est inutile de l'assujettir aux mêmes entraves en appel. Cette raison n'est pas concluante. L'appel met le premier jugement à néant; la loi aurait donc dû exiger que le demandeur prouvât sa volonté persévérante jusqu'à la décision définitive. Après tout, les deux instances. ne constituent qu'une seule et même cause; il n'y a donc pas de motif pour qu'elles s'instruisent différemment.

Nous avons déjà examiné la question de savoir si les parties peuvent proposer de nouveaux faits en appel et nommer de nouveaux témoins. La cour de Bruxelles a décidé à plusieurs reprises que le défendeur en divorce était non recevable à prouver en appel des faits qui tendent à atténuer la gravité des faits qu'on lui reproche;

(1) Arrêt du 25 juin 1862 (Pasicrisie, 1863, 2, 359). Voyez, en sens contraire, la Belgique judiciaire, t. XVII, p. 209, article de M. Auguste Orts. (2) Arrêt du 31 mai 1865 (Pasicrisie, 1865, 2, 231).

mais la cour ajoute que ces faits lui étaient connus alors que, d'après la loi, il était appelé à faire ses observations sur la demande et à nommer ses témoins (1). Il est certain que s'il n'a aucun motif pour ne pas proposer en première instance les faits de provocation qu'il allègue en appel, il doit être déclaré non recevable. Mais si l'une des parties invoquait des faits nouveaux, faits pertinents et capables d'influer sur la décision de la cause, nous ne voyons pas pourquoi la cour n'en admettrait pas la preuve. Conçoit-on que le juge refuse de s'éclairer? Il y a des arrêts en ce sens, en matière de séparation de corps (2).

248. L'époux contre lequel le divorce a été prononcé par le jugement de première instance peut-il y acquiescer? peut-il se désister de l'appel qu'il avait formé? Il y a des arrêts en sens divers. La cour de cassation a décidé que l'acquiescement ainsi que le désistement étaient valables (3). Ce qui rend la question douteuse, c'est que le divorce est d'ordre public et ne peut certes pas être l'objet d'une transaction. Ne serait-il pas à craindre d'ailleurs que le divorce n'eût lieu par consentement mutuel, en dehors des formes prescrites par le code civil? Malgré ces raisons qui ont entraîné M. Demolombe ainsi que plusieurs cours, nous croyons que rien ne s'oppose à ce que le défendeur acquiesce ou se désiste de son appel (4). Le défendeur en divorce peut acquiescer tacitement en n'interjetant pas appel : si l'acquiescement tacite est valable, pourquoi l'acquiescement exprès serait-il nul? et pourquoi le défendeur ne pourrait-il pas se désister d'un appel qu'il aurait pu ne pas former? Vainement dit-on que le divorce ne peut pas être volontaire. Est-il plus volontaire quand il y a acquiescement exprès que quand il y a acquiescement tacite? A vrai dire, le divorce n'est volontaire ni dans un

(1) Arrêts du 28 février 1853 (Pasicrisie, 1853, 2, 280) et du 6 avril 1833 (Pasicrisie, 1833, 2, 219).

(2) Dalloz, Répertoire, au mot Séparation de corps, nos 301, 302 et 305. La jurisprudence est divisée (ibid., nos 303, 304).

(3) Arrêt du 11 mai 1853 (Dalloz, 1853, 1, 158).

(4) Demolombe, t. IV, no 488, p. 591. Dalloz, au mot Acquiescement, n° 189.

cas ni dans l'autre. On oublie qu'il y a un jugement qui a admis le divorce. Si donc le divorce a lieu, c'est parce que le juge l'a admis; l'acquiescement vient seulement confirmer ce que le juge a fait; le divorce résulte non pas du consentement du défendeur, mais de la sentence du magistrat.

249. Le code civil admet le pourvoi en cassation; il doit être formé dans les trois mois à compter de la signification de l'arrêt. Par exception aux principes généraux, l'article 263 décide que le pourvoi sera suspensif. S'il ne l'était pas, le divorce pourrait être prononcé, et par suite les époux pourraient contracter une nouvelle union; et si la cour de cassation cassait l'arrêt qui a admis le divorce, le premier mariage subsisterait d'où résulterait que le même homme se trouverait avoir deux femmes, ou la même femme deux maris à la fois. Par la même raison, la requête civile n'est pas admise en matière de divorce, parce que ce moyen extraordinaire de recours ne suspend jamais l'exécution du jugement. Aussi le code civil n'en parle-t-il pas.

250. Quand le jugement est rendu en dernier ressort ou passé en force de chose jugée, l'époux qui a obtenu le divorce est obligé de l'exécuter dans les deux mois; à cet effet, il doit se présenter, dans ce délai, devant l'officier de T'état civil, pour faire prononcer le divorce (art. 264). L'article 265 détermine d'une manière précise le jour à partir duquel le délai commence à courir; nous y renvoyons. Il n'est pas nécessaire que le défendeur soit présent, il suffit qu'il soit dûment appelé. Son refus de se présenter ne peut pas arrêter l'exécution du jugement.

Ces dispositions sur l'exécution forcée du jugement dans un délai fatal dérogent au droit commun. Celui qui a obtenu gain de cause est en général libre d'user de son droit quand il veut. La loi ne laisse pas cette faculté à l'époux qui à obtenu le divorce. Pendant le cours du débat, elle prescrit une sage lenteur. Mais quand le divorce est admis par une sentence définitive, il n'y a plus de raison de retarder l'exécution du jugement; il importe, au contraire, de mettre fin à ces affligeants débats le plus tôt

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