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possible (1). Le délai de deux mois est fatal; si le demandeur ne fait pas prononcer le divorce dans ce délai, il est déchu du bénéfice du jugement qu'il avait obtenu. Le mariage subsiste donc, et les époux devront reprendre la vie commune. C'est une réconciliation tacite qui a les effets de toute réconciliation. L'époux qui a renoncé au bénéfice du jugement ne pourra reprendre l'action en divorce que pour cause nouvelle; auquel cas il pourra néanmoins faire valoir les anciennes causes (art. 266). Il faut appliquer ici ce que nous avons dit plus haut des nouvelles causes. Seulement il faut remarquer que les causes nouvelles dont parle l'article 265 doivent être postérieures aux deux mois, et non, comme le dit Zachariæ, au jugement. C'est le silence pendant ces deux mois qui équivaut à une réconciliation; et le pardon qui en résulte efface toutes les offenses, même celles qui seraient postérieures au jugement (2).

La déchéance suppose l'inaction complète de l'époux qui a obtenu le divorce. S'il a appelé l'autre époux devant l'officier de l'état civil pour le faire prononcer, et que l'époux ait formé opposition à la prononciation, il ne peut plus être question de déchéance, car il n'y a pas de réconciliation (3).

Toutes les dispositions du code qui concernent l'exécution du jugement parlent du demandeur en divorce, de l'époux qui l'a obtenu. Si le demandeur ne poursuit pas l'exécution du jugement, le défendeur pourrait-il requérir l'officier de l'état civil de prononcer le divorce? La cour de Cologne a décidé avec raison qu'il ne le pouvait pas (4). En effet, le jugement donne un droit au demandeur en divorce, droit auquel il peut renoncer, droit auquel il renonce tacitement par cela seul qu'il garde le silence, et s'il y renonce, le jugement tombe; il n'y a donc plus lieu de faire prononcer le divorce.

251. La loi ne dit rien des formes qui doivent être

(1) Treilhard, Exposé des motifs, no 27 (Locré, t. II, p. 570).

(2) Willequet, du Divorce, p. 228, no 5.

(3) Arrêt de Bruxelles du 17 novembre 1847 (Pasicrisie, 1849, 2, 185). (4) Arrêt du 25 avril 1828 (Belgique judiciaire, t. XVII, p. 1381, art. 264).

observées pour la prononciation du divorce. Elles résultent de la nature même des choses. Au jour fixé par la citation qui doit être faite à l'époux défendeur, l'époux demandeur se présente devant l'officier de l'état civil; il lui remet le jugement qui autorise le divorce avec une copie de l'exploit de signification qui en a été fait, ainsi que de l'assignation donnée au défendeur. Il doit aussi constater, dans les formes prescrites par le code de procédure (art. 548), qu'il n'y a ni opposition ni appel (1). L'officier de l'état civil déclare ensuite, au nom de la loi, que le mariage est dissous. Il dresse acte de cette déclaration. C'est un acte de l'état civil qui doit être reçu dans les formes ordinaires (2). Si l'un des époux est commerçant, le jugement et l'acte de divorce doivent être rendus publics (code de commerce, art. 66; code de procédure, art. 872).

§ V. Des mesures provisoires auxquelles peut donner lieu la demande en divorce pour cause déterminée.

N° 1. PRINCIPES GÉNÉRAUX.

252. Pendant le cours de l'instance et jusqu'à la prononciation du divorce, le mariage subsiste avec toutes ses conséquences légales. Le mari conserve donc la puissance maritale, la femme ne peut faire aucun acte sans son autorisation (3). Il conserve également la puissance paternelle. Il en est de même des effets que le mariage produit quant aux biens des époux. Leurs conventions matrimoniales subsistent. En l'absence d'un contrat de mariage, la communauté légale continue à exister entre les époux; par suite, le mari a toujours l'administration des biens de la femme (4). Il n'y a pas à distinguer si le mari est de

(1) Arrêt de Bruxelles du 17 novembre 1847 (Pasicrisie, 1849, 2, 185). (2) Toullier, le Droit civil français, t. I, 2, p. 35, no 701, édition de Duvergier.

(3) Arrêt de la cour de cassation du 11 juillet 1809 (Dalloz, au mot Séparation de corps, no 446).

(4) Arrêt de La Haye du 14 janvier 1818 (Pasicrisie, 1818, p. 11).

mandeur ou défendeur en divorce. Toutefois la loi prescrit quelques mesures provisoires que la nature de la demande en divorce rend nécessaires. Mais ces mesures ne portent aucune atteinte aux droits du mari, elles les modifient seulement; en dehors de ces modifications, le mari peut exercer tous les droits qui dérivent du mariage et des conventions matrimoniales.

253. Nous trouvons une application de ces principes dans l'article 271. La loi suppose que les époux sont mariés sous le régime de la communauté. Sous ce régime, le mari peut aliéner les biens, meubles ou immeubles, qui composent la communauté, et il a un pouvoir illimité de l'obliger. Conserve-t-il ce pouvoir étendu pendant la durée de l'instance? La loi décide la question affirmativement, car elle donne seulement à la femme une action en nullité, dans le cas où le mari aurait contracté une dette ou consenti une aliénation en fraude des droits de la femme; et c'est à la femme, qui prétend qu'il y a fraude, à la prouver (1). C'est dire que le mari reste maître et seigneur de la communauté. Quant au droit que l'article 271 reconnaît à la femme, c'est l'application d'un principe général posé par l'article 1167, au profit de tous créanciers quand le débiteur fait un acte en fraude de leurs droits. C'est ce qu'on appelle l'action paulienne.

La loi ne parle que de l'aliénation des immeubles. Fautil en conclure que la femme n'aurait pas le droit d'attaquer la vente des meubles, si elle était frauduleuse? Non, certes; le principe posé par l'article 1167 est général et s'applique à tous actes frauduleux. Il va sans dire que la femme doit prouver la fraude non-seulement du mari, mais aussi des tiers qui ont contracté avec lui; toujours par application des principes généraux (2).

La rédaction de l'article 271 soulève encore une autre difficulté. Il parle des actes faits par le mari postérieure

(1) Jugement du tribunal de Lyon du 26 janvier 1867 (Dalloz, 1867, 5, 392, n° 8).

(2) Arrêt de Bruxelles du 9 août 1818 (Pasicrisie, 1818, p. 73). Jugement du tribunal de Bruxelles du 23 janvier 1856 (Belgique judiciaire, t. XIV, p. 188).

III.

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ment à l'ordonnance rendue par le président sur la requête du demandeur en divorce (art. 238). Que faut-il décider, si le mari a fait, antérieurement à cette ordonnance, des actes en fraude des droits de la femme? Il est certain que celle-ci ne pourra pas se prévaloir de l'article 271; mais ne peut-elle pas invoquer l'article 1167? Il y a quelque doute. La question est de savoir si la femme commune en biens peut attaquer les actes de son mari, comme étant faits en fraude de ses droits. Il s'agit, bien entendu, d'actes que le mari fait en sa qualité de chef de la communauté. Or, le mari en est maître et seigneur; il peut la dilapider, la ruiner, sans que la femme ait une action quelconque contre lui. Le pouvoir absolu dont il jouit exclut toute idée d'une action fondée sur le préjudice. Mais ne faut-il pas faire exception en cas de fraude (1)? Nous examinerons la question au titre du Contrat de mariage. Si on la décide affirmativement, il faut dire que l'article 271 n'est que l'application du droit commun.

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Si l'article 271 n'est que l'application du droit commun, on ne voit pas quelle est l'utilité de cette disposition. Elle s'explique par les travaux préparatoires. Le projet adopté par le conseil d'Etat portait (art. 41): A compter du jour de la demande en divorce, le mari ne pourra plus contracter de dettes à la charge de la communauté, ni disposer des immeubles qui en dépendent : toute aliénation qu'il en fera sera nulle de droit. » C'était un moyen énergique de garantir les intérêts de la femme, mais il était injuste puisqu'il présumait la fraude de la part du mari, sans même l'admettre à la preuve contraire. Il se peut cependant qu'il soit de boune foi, et s'il est de bonne foi, pourquoi lui défendre de s'obliger et d'aliéner? C'eût été porter atteinte aux droits du mari, alors que le mariage subsistait avec ses conséquences légales. Le Tribunat critiqua la disposition du projet et proposa un nouveau système qui ne fut pas accueilli par le conseil d'Etat, mais on abandonna aussi celui du projet pour en revenir

(1) Voyez, en ce sens, un arrêt de Bruxelles du 9 avril 1851 (Pasicrisie, 1852, 2, 42).

au droit commun (1). La disposition actuelle n'a donc d'autre objet que de dire que le mari reste chef de la communauté, qu'il peut s'obliger et aliéner les immeubles, sauf à la femme à attaquer les actes frauduleux, à charge par elle de prouver la fraude, la fraude n'étant plus présumée. Tout cela résulte des principes généraux, et il était inutile de le dire.

No 2. DES ENFANTS.

254. Aux termes de l'article 267, l'administration provisoire des enfants reste au mari, sans distinguer s'il est demandeur ou défendeur. Quand le divorce est prononcé, la loi confie, en règle générale, les enfants à celui des époux qui l'a obtenu (art. 302). Pendant l'instance, il n'y a pas encore d'époux coupable; il n'y avait donc pas de raison de dépouiller le mari, fût-il défendeur, de l'exercice de la puissance paternelle, ou de modifier cet exercice. La loi veut, en conséquence, que les enfants restent au mari; elle s'exprime en termes impératifs : « l'administration restera. Toutefois elle admet une exception: A moins, dit l'article 267, qu'il n'en soit autrement ordonné par le tribunal, sur la demande soit de la mère, soit de la famille. ou du procureur impérial, pour le plus grand avantage des enfants. » L'exception s'applique aux deux hypothèses prévues par la règle, c'est-à-dire que le mari soit demandeur ou défendeur. Peu importe, en effet; c'est le plus grand avantage des enfants qui doit seul être pris en considération question que le tribunal décide d'après les circonstances.

"

Nous disons le tribunal. L'article 267 donne ce pouvoir au tribunal et non au président. Du reste, il a été jugé, et avec raison, que le tribunal peut ordonner que les enfants soient remis à la mère aussitôt après que le demandeur a remis sa requête au président (2). Le président n'a pas ce

(1) Observations du Tribunat, no 12 (Locré, t. II, p. 555 et suiv.).

(2) Arrêt de Bruxelles du 27 germinal an XIII (Dalloz, au mot Séparation de corps, no 456, 1o).

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