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La cour de cassation a appliqué ce principe avec une rigueur extrême; mais, il faut le dire, cette rigueur est dans le vœu de la loi. Aux termes de l'article 285, la déclaration des époux doit être renouvelée à des époques fixes, dans la première quinzaine de chacun des quatrième, septième et dixième mois. Est-elle faite plus tôt, ne fût-ce qu'un jour, il y a nullité; est-elle faite plus tard, ne fût-ce encore qu'un jour, il y a nullité; de sorte que, lors même que la déclaration est renouvelée, il y a nullité par cela seul que le renouvellement ne s'est pas fait dans les délais prescrits par la loi. La cour de cassation prévoit qu'on lui reprochera d'être formaliste jusqu'à l'absurde; elle répond d'avance à ce reproche en disant qu'il n'est qu'un moyen d'exécuter la loi selon son esprit, dans une matière aussi rigoureuse, c'est de s'attacher strictement et sévèrement à la lettre même de sa disposition. Cela est très-juridique; mais cela ne prouve-t-il pas contre le divorce par consentement mutuel? Quoi! parce que la déclaration est faite demain au lieu de l'être aujourd'hui, il n'y aura pas de cause légitime de divorce! Et il y aura cause légitime si toutes les formes ont été régulièrement observées! Voilà certes des présomptions auxquelles les faits donneront le plus souvent un démenti. Et c'est cependant la seule base sur laquelle repose la loi!

La jurisprudence a suivi, et avec raison, le système rigoureux inauguré par la cour de cassation en 1810. Lors du renouvellement de leur déclaration, les époux doivent chaque fois rapporter la preuve par acte public que leurs ascendants persistent dans leur première détermination (art. 285). Vainement produiraient-ils l'autorisation devant le tribunal, la procédure est nulle par cela seul que la production du consentement des ascendants n'a pas eu lieu aux époques prescrites par la loi. Ainsi jugé par la cour de Bruxelles (1). Dans l'espèce, il était authentiquement constaté que les ascendants avaient toujours persévéré dans leur consentement, et néanmoins la procédure a été annulée, parce que la preuve de leur persévérance

(1) Arrêt de Bruxelles du 2 août 1858 (Pasicrisie, 1860, 2, 405).

n'avait pas été produite alors qu'elle aurait dû l'être. Trèsjuridique, mais aussi souverainement absurde! Les lois sont mauvaises quand elles aboutissent à l'absurdité dans l'application.

Les époux n'ont pas fait d'inventaire comme le veut l'article 279, mais ils ont fait un acte de partage de leur communauté. Quand même cet acte comprendrait tous les meubles et les immeubles de la communauté, il ne tiendrait pas lieu de l'inventaire; par suite, la procédure sera nulle (1). En effet, l'acte de partage lui-même est nul, les époux ne pouvant pas partager la communauté avant la dissolution du mariage.

Nous ne connaissons qu'un arrêt qui se soit écarté de la rigueur de la loi. L'article 283 veut que, lors de la première comparution devant le président, les époux, après avoir déclaré qu'ils persistent dans leur résolution, produisent et déposent à l'instant les actes de décès de leurs ascendants. Il a été jugé que si cette production se fait postérieurement, cela suffit pour satisfaire au vœu de la loi. En raison, oui; en droit, non. La cour de Liége dit que c'est créer une nullité que la loi ne prononce pas (2). Du tout; la loi prononce implicitement la nullité pour inobservation de toutes les formes, ainsi que le dit très-bien la cour de cassation de France, quand même ces formes ne seraient que des délais.

285. La loi admet l'appel du jugement qui a rejeté le divorce. C'est le droit commun. Mais il y a ceci de spécial, que l'appel n'est recevable que s'il est interjeté par les deux époux. Cela est très-logique puisque le divorce ne peut avoir lieu que par concours de consentement. Si donc il y a lieu à appel, les deux parties doivent être d'accord pour demander le divorce. Chacune doit le faire par acte séparé, sans doute pour sauvegarder la liberté des époux. Le délai est plus court que le délai ordinaire; dans les dix jours au plus tôt, dit l'article 291,

(1) Arrêt précité (no 284, p. 325) de la cour de cassation du 3 octobre 1810. (2) Arrêt du 3 octobre 1834 (Jurisprudence du XIXe siècle, 1835, 3, 49) Il y a un arrêt en sens contraire de Turin du 20 septembre 1810 (Arntz, Cours de droit civil, t. Ier, p. 238, no 459).

et dans les vingt jours au plus tard de la date du jugement de première instance. Les actes d'appel doivent être signifiés tant à l'autre époux qu'au procureur du roi (art. 292). Celui-ci communique le dossier au procureur général. Après les conclusions par écrit du ministère public, le président fait son rapport en la chambre du conseil, puis la cour rend son arrêt (art. 293).

Le code civil ne parle pas du recours en cassation; mais comme il est de droit commun, il faut l'admettre par cela seul que la loi ne le prohibe pas. Il est vrai que l'article 263 consacre formellement cette voie de recours, quand le divorce a lieu pour cause déterminée. C'est le Tribunat qui demanda que le recours en cassation fût consacré en termes formels, afin d'éviter le doute qui aurait pu naître du silence de la loi dans une matière toute spéciale. L'observation du Tribunat se rapportait à tout jugement rendu en dernier ressort sur une demande en divorce, sans distinguer entre le divorce par consentement mutuel et le divorce pour cause déterminée (1). En effet, il n'y a aucune raison de distinguer. Le conseil d'Etat fit droit à la proposition du Tribunat; mais on oublia de reproduire, pour le divorce par consentement mutuel, la disposition de l'article 263. Cet oubli ne signifie certes pas que l'on doive rejeter une voie de recours que le législateur a entendu admettre. Par analogie, il faut décider que les deux époux doivent former le recours pour qu'il soit recevable. La loi ne prescrivant pas de délai spécial, on reste sous l'empire du droit commun (2).

286. Ce n'est pas le juge qui prononce le divorce. L'article 290 dit que le tribunal, s'il admet le divorce, renvoie les parties devant l'officier de l'état civil pour le faire prononcer. Cet article ne parle pas du délai dans lequel le jugement doit être exécuté. La loi y revient, après avoir parlé de l'appel. «En vertu de l'arrêt qui admet le divorce, dit l'article 294, et dans les vingt jours de sa date, les parties se présenteront ensemble et en per

(1) Observations du Tribunat, n° 10 (Locré, t. II, p. 555). (2) Willequet, du Divorce, p. 221 et suiv.

sonne devant l'officier de l'état civil, pour faire prononcer le divorce. Ce délai passé, le jugement demeurera comme non avenu. » La loi parle de l'arrêt, mais il faut évidemment y comprendre le jugement de première instance. L'officier de l'état civil dresse acte du divorce. Il est rendu public, si l'un des époux est commerçant (code de procédure, art. 872).

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287. Le divorce est la dissolution du mariage. Donc du moment que le divorce est prononcé, le mariage cesse d'exister avec tous les effets que la loi ou les conventions matrimoniales lui donnent. C'est la loi qui règle les rapports des époux, leurs droits et leurs obligations. Ces droits et ces obligations cessent après le divorce. Il n'y a plus d'époux; donc la femme n'a plus le droit de porter le nom de celui qui fut son mari. Il n'y a plus de puissance maritale; la femme reprend sa pleine et entière capacité juridique. Il ne peut plus être question de devoirs de fidélité, de secours, d'assistance. Si l'un des époux divorcés venait à mourir, l'autre ne lui succéderait pas, car ils ne sont plus époux. Les conventions matrimoniales sont également dissoutes. Si les époux étaient communs en biens, la communauté se partage, comme en cas de mort. Si les époux s'étaient mariés sous un autre régime, ce régime cesse aussi de produire ses effets; la femme reprend ses biens, le mari n'y a plus aucun droit.

Faut-il conclure de là que le mariage est considéré comme s'il n'avait jamais existé? Non. Le mariage est

dissous, il n'est pas annulé. Quand le mariage est annulé, c'est à raison d'un vice radical qui l'infecte, vice à raison duquel il ne pouvait être contracté, vice, par conséquent, qui empêche le mariage de produire aucun effet. Le divorce implique au contraire un mariage valable, et devant produire ses effets, puisque l'un des époux se plaint que les obligations qui en résultent ont été violées à son préjudice. De là suit que le mariage n'est pas dissous rétroactivement. Il a existé valablement jusqu'au moment où l'officier de l'état civil en prononce la dissolution; donc jusqu'à ce moment il produit ses effets, et si ces effets sont de nature à se perpétuer malgré la dissolution du mariage, ils subsisteront après le divorce. Des enfants sont nés du mariage; le fait de leur conception. pendant le mariage leur a donné la légitimité, le divorce ne peut la leur enlever; ils conservent donc tous les droits. des enfants légitimes contre leurs parents divorcés, le droit d'éducation, le droit aux aliments, le droit de succession. Par la même raison, les parents divorcés conservent la puissance paternelle sur leurs enfants, car ils ne cessent pas d'être père et mère; or, la puissance paternelle dérive de la paternité et de la maternité; à vrai dire, c'est un devoir de protection établi en faveur des enfants, plutôt qu'un droit appartenant aux parents, et il n'y a certes pas de raison pour que le divorce dégage les père et mère d'un devoir. Toutefois le divorce modifie, à certains égards, l'exercice de la puissance paternelle et les droits qui en résultent sur les biens des enfants.

De même, le divorce n'abolit pas les empêchements au mariage qui sont résultés du mariage dissous. Pour les empêchements fondés sur la parenté, la chose est évidente, car le divorce ne rompt pas les liens du sang. Il faut appliquer le même principe aux empêchements fondés sur l'alliance les beaux-frères et belles-sœurs ne pourront pas se marier. Vainement dirait-on que le mariage étant dissous, il n'y a plus ni beaux-frères ni belles-sœurs. Il est vrai qu'il n'y a plus d'alliance; mais l'alliance qui a existé a produit un effet qui tient à la moralité publique et qui se perpétue. S'il s'agissait de nouveaux effets que

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