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futurs époux se marient en France, leur union a une publicité de fait et de droit indépendante des publications; tandis que s'ils se marient à l'étranger et s'ils ne font pas de publications en France, leur mariage sera le plus souvent clandestin. En ce sens, on peut dire que les publications sont de l'essence des mariages contractés à l'étranger.

22. L'article 170 veut que le mariage soit précédé des publications prescrites par l'article 63. Cette dernière disposition ne dit pas où les publications doivent se faire. Le code règle cette matière dans les articles 166-168. Fautil que les publications soient faites conformément à ces articles? C'est l'opinion générale. Elle se fonde sur le texte et sur l'esprit de la loi. L'article 63, auquel le code renvoie dans l'article 170, dit seulement ce que l'on entend par publications, comment elles se font; après cela viennent. les articles 166-168 qui organisent le principe; renvoyer à l'article 63, c'est donc renvoyer implicitement aux articles 166-168; cela est si vrai que si on ne les appliquait pas aux mariages célébrés à l'étranger, on ne saurait pas où les publications prescrites par l'article 170 doivent se faire. L'esprit de la loi ne laisse aucun doute. Elle veut que le mariage contracté à l'étranger ait de la publicité en France; or, le seul moyen de le rendre public, c'est de faire des publications. Dès lors il faut les multiplier plutôt que d'en restreindre le nombre.

On demande si les publications prescrites par l'article 170 doivent toujours être faites en France? D'après le texte de la loi, la question ne peut pas même être posée, car il est général et ne comporte aucune exception. Il est vrai qu'au conseil d'Etat on a dit que si les futurs époux étaient établis depuis longues années à l'étranger, et s'ils n'avaient conservé aucune habitation en France, ils ne seraient pas tenus d'y faire des publications, à moins qu'ils ne fussent mineurs, auquel cas les publications doivent se faire au domicile de ceux sous la puissance desquels ils se trouvent. Mais ces dires n'ayant pas été consacrés par le code, il n'en faut tenir aucun compte. Les publications doivent donc toujours se faire. Il y a cepen

dant une exception qui résulte de la force des choses. Si les futurs époux n'avaient plus ni résidence de fait, ni domicile de droit en France, et s'ils étaient majeurs quant au mariage, les publications deviendraient impossibles, parce qu'on ne saurait pas à quel lieu elles devraient se faire (1).

23. Le projet de code soumis aux délibérations du conseil d'Etat contenait la disposition suivante : « Néanmoins, le mariage contracté en pays étranger, entre Français, ne sera valable qu'autant qu'avant la célébration l'une des parties contractantes y résiderait depuis six mois. Cette disposition avait été proposée par plusieurs cours, notamment par celle de Bruxelles, dans le but d'empêcher la célébration du mariage à l'étranger, alors que les parties n'y auraient pas même une résidence de quelques jours. Elle fut retranchée, sur la proposition du premier consul, comme inutile; les publications devant toujours se faire en France, si les futurs époux y ont conservé leur résidence et leur domicile. Or, le but du législateur est de donner de la publicité au mariage en France, et ce but est atteint par les publications. Quant au lieu où le mariage peut ou doit se célébrer, lorsqu'il est contracté à l'étranger, c'est évidemment la loi étrangère qui décide cette question; elle n'intéresse pas la publicité du mariage en France, et le législateur français est incompétent pour la décider. Telle est aussi l'opinion générale (2).

24. L'article 170 prescrit encore une autre condition pour les mariages contractés à l'étranger: il dit que le mariage sera valable, pourvu que les futurs époux, s'ils sont Français, n'aient point contrevenu aux dispositions contenues dans le chapitre Ier, lequel prescrit les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage. Parmi ces conditions, il y en a une qui ne constitue qu'un empêchement prohibitif, ce sont les actes respectueux. Les termes de l'article 170 étant généraux, il faut décider que les Français qui contractent mariage à l'étranger doivent demander le conseil de leurs ascendants, alors

(1) Demolombe, Cours de code Napoléon, t. III, p. 336, no 221. (2) Dalloz, Répertoire, au mot Mariage, n° 390.

même que les lois du pays où ils se marient n'exigeraient. pas cette formalité. Cela n'est point douteux, et quand même l'article 170 ne l'exigerait point, cela eût été de droit. En effet, l'article 170 ne fait qu'appliquer au mariage le principe posé par l'article 3: Les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étranger.

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Le chapitre Ier, auquel l'article 170 renvoie, ne parle pas des formalités relatives à la célébration du mariage : c'est l'objet du chapitre II. Quand le mariage entre Français est célébré à l'étranger, c'est naturellement la loi étrangère qui détermine les formalités que l'on doit observer pour la célébration. C'est donc cette loi qui décidera si le mariage doit être célébré publiquement. Mais alors même que la loi étrangère ne prescrirait pas la publicité, les futurs époux doivent rendre leur mariage public en France par la voie des publications.

25. Naît maintenant la question de savoir quelle est la sanction de l'article 170. Quand les futurs époux ont contrevenu à une disposition du chapitre Ier prescrite sous peine de nullité, alors il n'y a pas de doute; le mariage sera nul. C'est une conséquence évidente du principe établi par l'article 3 du code civil sur le statut personnel. Mais parmi ces dispositions il y en a une qui n'est pas prescrite sous peine de nullité. Si les futurs époux se marient en France sans demander le conseil de leurs ascendants par des actes respectueux, le mariage est néanmoins valable; sera-t-il nul s'ils se marient à l'étranger, au mépris de l'article 151?

Une question analogue se présente pour les publications. Quant aux formalités qui doivent être observées à l'étranger pour la célébration du mariage, il n'y a pas de difficulté. Le mariage est-il contracté devant un agent diplomatique, c'est la loi française qui devra être observée; et par suite la question de savoir si le mariage est valable se décidera par le code civil. Si c'est l'officier étranger qui a célébré le mariage, on suivra la loi étrangère. Mais que faut-il dire des publications qui, d'après l'article 170, doivent se faire en France? Si le mariage était célébré en

France, il ne serait pas nul pour défaut de publications (1). Sera-t-il nul si le mariage a été contracté à l'étranger, au mépris des articles 170 et 63? La question est controversée et elle est douteuse.

§ II. Sanction de l'article 170.

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26. Au premier abord, on est tenté de croire que le texte de l'article 170 décide les questions que nous venons de soulever. Il porte en effet : « Le mariage contracté en pays étranger sera valable, pourvu qu'il ait été précédé des publications prescrites par l'article 63, et que le Français n'ait point contrevenu aux dispositions contenues au chapitre précédent. Dire que le mariage est valable pourvu que telles conditions soient remplies, n'est-ce pas dire clairement que ces conditions sont exigées pour la validité du mariage, et que si elles ne sont pas observées, le mariage sera nul? L'expression pourvu que, dit Merlin, a toujours été entendue comme impliquant une condition; et quand c'est une condition prescrite pour la validité d'un acte, n'en faut-il pas conclure que, la condition manquant, l'acte est nul (2)? Cette opinion a effectivement des partisans (3), et elle a été consacrée par plusieurs arrêts de la cour de cassation (4).

Dans toute autre matière que celle du mariage, nous n'hésiterions pas à admettre la nullité, en présence des termes irritants dont se sert l'article 170. Mais rappelonsnous que les termes, quelque irritants qu'ils soient, ne suffisent pas pour entraîner la nullité du mariage; il faut que la nullité soit prononcée par un texte formel, dans le chapitre IV consacré aux demandes en nullité de mariage. Ce principe, admis par la jurisprudence et la doctrine pour les mariages contractés en France, s'applique-t-il

(1) Voyez le tome II de mes Principes, p. 606, no 478.

(2) Merlin, Répertoire, au mot Bans de mariage, no 2 (t. II, p. 439). (3) Marcadé la soutient vivement (t. Ier, p. 427, art. 170, no 2).

(4) Arrêt de rejet du 8 mars 1831 (Dalloz, au mot Mariage, no 393 1o), et arrêt de cassation du 6 mars 1837 (ibid., no 393, 2o).

aux mariages célébrés à l'étranger? C'est en ces termes que la question doit être posée. Si le principe est applicable aux mariages contractés à l'étranger, alors ce n'est pas l'article 170 qui doit décider la difficulté ; ce sont les dispositions du chapitre IV qu'il faudra appliquer. La question présente deux faces d'abord il faut voir si le principe formulé par la cour de cassation est général, s'il concerne tout mariage, sans distinguer le lieu où il a été célébré, ou s'il n'est relatif qu'aux mariages contractés en France. Ensuite, en supposant que le principe soit général, il faut voir si l'article 170 n'y a pas dérogé en établissant un système spécial de nullités pour les mariages célébrés à l'étranger.

27. La première question n'en est réellement pas une. Si la jurisprudence et la doctrine n'admettent d'autres nullités que celles qui sont expressément établies par la loi, c'est qu'à raison de l'importance du mariage, le législateur a pris soin de déterminer lui-même, dans un chapitre spécial, les causes de nullité et les personnes qui peuvent s'en prévaloir. Le principe est donc général de sa nature. Il n'y a pas une ombre de raison pour le limiter aux mariages célébrés en France. Est-ce que par hasard le mariage perd de son importance quand les futurs époux vont se marier à l'étranger? Est-il moins nécessaire de définir avec précision les cas de nullité, les caractères qui les distinguent, les personnes qui peuvent les invoquer? Pourquoi abandonner ces mariages aux incertitudes de la doctrine et de la jurisprudence? Ce sont toujours les mêmes personnes qui se marient, ce sont des Français. Le législateur doit-il veiller avec moins de sollicitude au maintien de leur union, quand, au lieu de se marier en France, elles se marient à l'étranger? Il est inutile d'insister; le lieu où le mariage se célèbre n'a rien de commun avec notre principe; il ne peut donc pas le modifier.

28. Là n'est pas la vraie difficulté. Il s'agit de savoir si le législateur a dérogé au principe, en ce sens qu'il aurait établi un système spécial de nullités pour les mariages contractés à l'étranger. Précisons les cas, la solution sera d'autant plus facile. Le mariage contracté en

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