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au procès, puisque le débat porte sur des intérêts pécuniaires (code de procédure, art. 48).

Aux termes de l'article 83 du code de procédure, les causes qui concernent l'état des personnes sont communicables aux ministère public. Cette disposition reçoit son application aux actions où l'enfant figure; elle ne s'applique plus quand les héritiers sont parties au procès, car, à leur égard, la cause rentre dans le droit commun qui régit toutes les contestations d'intérêt pécuniaire.

SECTION II. De l'action en désaveu.

§ Ier. Quand il y a lieu au désaveu.

431. L'article 312 dit que l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari; que néanmoins celui-ci peut désavouer l'enfant s'il prouve qu'à l'époque de la conception, il était dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa femme; l'article 313 ajoute qu'il peut aussi le désavouer pour cause d'impossibilité morale de cohabitation. Quant à l'enfant né pendant le mariage, mais conçu avant la célébration, le mari a, en principe, le droit absolu de le désavouer (art. 314). D'après ces dispositions, il y aurait lieu à l'action en désaveu contre l'enfant conçu ou né pendant le mariage. Mais pour que l'enfant puisse invoquer la présomption de paternité, qui ne peut être combattue que par le désaveu, il faut qu'il prouve qu'il est conçu ou né de la femme mariée qu'il prétend être sa mère. Cette preuve vient modifier les principes du désaveu, tels qu'ils résultent des articles 312, 313 et 314.

La loi admet trois preuves pour établir la filiation des enfants légitimes: l'acte de naissance, la possession d'état et la preuve testimoniale. Quand l'enfant prouve sa filiation maternelle par un acte de naissance, il peut invoquer la présomption de paternité, et le mari n'est admis à la combattre que par le désaveu. Cela résulte de la combinaison de l'article 319 avec les articles 312,313 et 314. En effet, l'acte de naissance, appuyé sur l'acte de célébra

tion du mariage, prouve que l'enfant est né d'une femme mariée, pendant son mariage, qu'il ait été conçu après ou avant, peu importe; dès lors il y a lieu à la présomption de paternité et par suite à l'action en désaveu.

Il n'en est pas de même quand l'enfant prouve sa filiation par la possession d'état. En théorie, comme nous l'avons dit (n° 408), on pourrait soutenir qu'il y a lieu à désaveu; mais en fait, le désaveu n'est pas recevable, puisque la possession d'état se fonde précisément sur l'aveu du mari qui a traité l'enfant comme sien. Quand la possession d'état est constante, il ne peut donc plus être question de désaveu. Tout ce que le père ou, s'il y a lieu, ses héritiers peuvent faire, c'est de combattre les témoignages que l'enfant produit pour prouver la posses

sion d'état.

Lorsque, à défaut de titre et de possession d'état, l'enfant prouve sa filiation par témoins, il peut, à la vérité, invoquer la présomption de paternité de l'article 312, mais cette présomption n'a plus la même force que lorsqu'elle repose sur un acte de naissance. Le mari peut par tous les moyens de droit, dit l'article 325, prouver que l'enfant ne lui appartient pas. Ce n'est plus l'action en désaveu, c'est la preuve contraire qui est régie par le droit commun (n° 421).

Nous ne faisons que résumer les principes que nous avons exposés. Il en résulte que le mari ne doit recourir à l'action en désaveu que lorsque l'enfant établit sa filiation maternelle par l'acte de naissance. Cette règle est admise par la doctrine et par la jurisprudence; elle ne fait l'objet d'aucun doute (1). La cour de cassation a jugé que si l'enfant n'a pas de titre, le mari ne doit pas intenter contre lui l'action en désaveu (2). On ne désavoue que celui qui a pour lui la présomption de paternité résultant du mariage de la mère et prouvée par un acte de naissance. L'enfant qui n'a pas de titre doit former une demande en réclamation d'état; s'il allègue la possession, le

(1) Arrêt de Paris du 11 janvier 1864 (Dalloz, 1864. 2, 19). (2) Arrêt du 11 avril 1854 (Dalloz, 1854, 1, 92).

DE LA FILIATION.

mari peut la combattre en prouvant qu'il n'a jamais avoué cet enfant comme sien; s'il recourt à la preuve testimoniale, le mari peut la repousser par la preuve contraire, sans être assujetti aux règles sur le désaveu. L'action en désaveu doit être intentée dans un délai très-court, dans le mois, en règle générale; ce délai ne peut être opposé au mari que lorsqu'il doit former une action en désaveu pour rejeter l'enfant de la famille, ce qui suppose que l'enfant a un titre; s'il n'en a pas, le mari n'est pas tenu de s'engager dans un procès scandaleux contre l'enfant qui probablement ne réclamera jamais un état auquel il n'a aucun droit; il peut attendre que l'enfant intente son action, alors il le repoussera par tous moyens légaux (1). 432. Quand l'enfant a un acte de naissance, il ne peut être rejeté de la famille que par une action en désaveu. Tel est le principe. Mais que faut-il décider si le titre est irrégulier? Il faut distinguer si l'irrégularité porte sur l'indication de la mère ou si elle porte sur la désignation du père. Si la mère n'est pas indiquée d'une manière certaine, l'enfant ne peut plus se prévaloir de son acte de naissance, sauf à en demander la rectification. En effet, l'acte de naissance doit prouver précisément la filiation maternelle; si donc l'acte ne fait pas connaître la mère d'une manière certaine, il ne peut plus être invoqué par l'enfant. Voici un cas qui s'est présenté. L'acte de naissance n'indiquait pas la mère sous son nom de femme mariée, cette irrégularité à elle seule n'aurait pas empêché que la mère ne fût certaine; mais de plus on donnait à la mère deux prénoms qui appartenaient à sa sœur, et dont l'un seulement lui était propre; l'énonciation du domicile pouvait encore s'appliquer à sa sœur aussi bien qu'à elle. Il y avait donc incertitude sur la maternité. La l'enfant devait, avant tout, faire que cour de Rouen décida rectifier son acte de naissance. Peut-être ne se serait-elle pas arrêtée devant ces irrégularités, si les circonstances de la cause n'avaient éveillé ses soupçons; le mari, lors de

(1) Demolombe, t. V, p. 137, n° 145. Arrêt de Caen du 17 mars 1947 (Dalloz, 1848, 2, 57).

la naissance, était absent depuis plusieurs années pour le service des armées (1). C'est ainsi que les faits déterminent nécessairement la décision du juge.

Quant aux irrégularités qui concernent le nom du père, elles sont indifférentes, parce que l'acte de naissance n'a pas pour objet de constater la filiation paternelle (n° 398). La plus grave de ces irrégularités résulte de l'indication d'un père autre que le mari de la mère. On pourrait objecter que, dans ce cas, le titre constate une filiation adultérine, et que par suite l'enfant ne peut pas l'invoquer. La cour de Paris a répondu, et la réponse est péremptoire, que les énonciations conformes à la loi qui se trouvent dans un acte de naissance ne sont pas infirmées par celles qui seraient erronées, ou contraires à la loi. Il suffit que la mère soit certaine, par l'acte de naissance, pour qu'il soit nécessaire de désavouer l'enfant (2).

433. S'il n'y a pas d'acte de naissance, il ne peut être question de désaveu. La cour de Riom a décidé le contraire dans des circonstances particulières, il est vrai, mais ce n'en est pas moins une erreur évidente. Deux époux s'étaient séparés volontairement; la femme accoucha d'un enfant, dont la naissance ne fut pas déclarée à l'officier de l'état civil. C'est par hasard que le mari apprit l'existence de cet enfant; il le désavoua immédiatement par une déclaration faite par-devant notaire, mais il ne donna pas suite au désaveu dans le mois de cet acte extrajudiciaire, comme semble l'exiger l'article 318. Plus tard, il s'engagea de nouvelles instances sur la paternité; la cour décida que le désaveu n'ayant pas eu lieu dans le délai fixé par la loi, il était non recevable (3). Nous disons que l'erreur est évidente. Avant d'appliquer les dispositions du code sur les délais dans lesquels l'action en désaveu doit être intentée, il fallait voir s'il y avait lieu à désaveu. Il est vrai que le mari avait désavoué l'enfant dans un acte extrajudiciaire, mais cet acte était inutile, car l'enfant n'avait aucune preuve de sa filiation maternelle: pas de

(1) Arrêt du 5 mars 1828 (Dalloz, au mot Paternité, no 45, p. 176).
(2) Arrêt de Paris du 11 janvier 1864 (Dalloz, 1864, 2, 18).
(3) Arrêt de Riom du 7 juin 1844 (Dalloz, au mot Paternité, no 177).

titre, pas de possession d'état. Dès lors le mari n'avait pas besoin de le désavouer. Il n'avait pas même besoin de contester son état, puisque l'enfant n'avait pas d'état. Que s'il intentait une action, ce ne pouvait, en aucun cas, être l'action en désaveu. Donc il n'y avait pas lieu d'appliquer les brefs délais que la loi ne prescrit que pour le désaveu. Il fallait appliquer le principe élémentaire : pas d'acte de naissance, pas de désaveu.

434. L'enfant est inscrit sous de faux noms, ou comme né de père et mère inconnus. Il ne réclame pas sa filiation, il n'a pas de possession d'état d'enfant légitime. On demande si le père peut le désavouer. Il ne peut pas être question de l'action en désaveu proprement dite, car cette action suppose que la maternité est prouvée par un acte de naissance; et, dans l'espèce, l'enfant n'a aucu: e filiation maternelle. Il ne pourrait donc invoquer la presomption de paternité établie par l'article 312. Or, conçoit-on que le mari désavoue un enfant dont la maternité mêine est incertaine?

Cependant une jurisprudence presque unanime admet, en ce cas, le désaveu. Il faut voir avant tout en quel sens et par quelles voies. Un enfant est inscrit sans indication. du père, et le nom de la mère, déclaré à l'officier de l'état civil, est faux. Le mari de la femme que l'on prétend être la vraie mère sera-t-il reçu à faire la preuve que cet enfant est né de sa femme, pour le désavouer ensuite? La cour de Paris a décidé l'affirmative, sur les conclusions contraires du ministère public, et l'arrêt a été confirmé par la cour de cassation (1). Un premier point est certain, c'est qu'en supposant que le père puisse agir contre l'enfant, l'action qu'il intenterait ne serait pas une action en désaveu. Si l'enfant réclamait son état, il ne le pourrait qu'en prouvant par témoins sa filiation maternelle; et la maternité prouvée, le mari serait admis par tous moyens à éta

(1) Arrêt de Paris du 6 janvier 1849 (Dalloz, 1849, 2, 203); arrêt de la cour de cassation du 4 février 1851 (Dalloz, 1851, 1, 117). Voyez, dans le méme sens, arrêts de Paris du 4 juillet 1853 (Dalloz, 1853, 2, 202), de la cour de cassation du 24 février 1854 (Dalloz, 1854, 1, 89), de Paris du 21 février 1863 (Dalloz, 1863, 2, 37), confirmé par arrêt de la cour de cassation du 9 mai 1864 (Dalloz, 1864, 1, 409).

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